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09/09/2025

GIDEON LEVY
Les libéraux israéliens horrifiés à l’idée que le prochain chef du Shin Bet puisse les traiter comme des Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 7/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Alerte dans le camp libéral : le général de division David Zini est sur le point d’être nommé à la tête du service de sécurité intérieure, le Shin Bet. Un portrait exemplaire et digne d’éloges de Zini vient d’être publié dans le supplément week-end de Haaretz par Hilo Glazer [lire en français].


Le général David Zini à Jérusalem en 2023. Photo : Sraya Diamant

Les descriptions qu’on y trouve sont véritablement glaçantes : un fils messianique délirant d’un père messianique, à la tête du service secret. À ses yeux, les Palestiniens sont « les ennemis du Saint béni soit-Il », la guerre contre eux est éternelle, et son éducation va de la doctrine de Baruch Goldstein [l’auteur du massacre des fidèles musulmans à Hébron en 1994] à celle du rabbin ultra-nationaliste et homophobe Zvi Thau. Terrifiant !

La personnalité, les positions et tout le parcours de Zini sont effectivement inquiétants. Quand une religion obscurantiste sert de moteur, et que l’armée et le Shin Bet en sont les instruments, le résultat est alarmant. Le mélange d’une foi religieuse brûlante et d’une arrogance ultranationaliste délirante engendre un fascisme débridé ; des gens comme Zini sont prêts à tout au nom de ces deux forces.

Mais l’effroi provient surtout des craintes quant à ce que Zini fera à la « démocratie » israélienne. En d’autres termes, et de façon moins politiquement correcte : ce qu’il fera à nous, les Juifs de ce pays.

Il est possible que ceux qui s’alarment aient raison et que Zini dépasse effectivement les limites du Shin Bet dans ses opérations contre la population juive. Pour lui, la loyauté envers le Premier ministre prime sur la loyauté envers la loi, et le système judiciaire est une dictature.

Peut-être assisterons-nous au retour des jours sombres du jeune État, quand le Shin Bet posait des micros dans les sièges des partis. Mais n’est-il pas logique que précisément quelqu’un comme Zini prenne la tête d’un organisme aussi corrompu moralement — même si, pour l’instant, les seules victimes de cette pourriture sont les Palestiniens ?

Ce que le Shin Bet inflige aux Palestiniens ne préoccupe pas vraiment les libéraux. Même sans le terrible Zini, le Shin Bet a agi avec cruauté. Avec des dizaines de détenus palestiniens morts rien que ces deux dernières années, certains lors d’interrogatoires brutaux, il est difficile d’imaginer ce que Zini pourrait faire de pire. Extorquer encore plus de malades palestiniens atteints de cancer ou d’homosexuels ? Arracher des ongles plutôt que de battre à mort ?

Le camp libéral voudrait qu’un végane dirige l’abattoir, et voilà qu’on leur impose un boucher sous stéroïdes. Ce n’est vraiment pas « gentil ». Mais la mission même du Shin Bet est de consolider l’occupation, l’apartheid, l’expulsion et la « judaïsation », par les interrogatoires, les enlèvements de masse (qu’on appelle ici des « détentions »), l’extorsion et les assassinats. Qui mieux que Zini pourrait remplir cette mission ?

Il est désagréable pour les libéraux de voir le Shin Bet d’une démocratie dirigé par un fasciste déclaré. Zini ternit leur image de « nos meilleurs garçons ». Cela pourrait éveiller chez eux le soupçon que le Shin Bet est en réalité une organisation antidémocratique. Zini empêchera le camp libéral de se complaire dans l’image de la seule démocratie de la région.

Un colon religieux extrémiste à la tête de la Securitate éclairée ? Nadav Argaman et Ronen Bar étaient tellement plus « beaux ». Ils étaient libéraux, comme nous. Mais ils ont infligé aux Palestiniens exactement ce que Zini fera. Peut-être que c’est Zini, enfin, qui suscitera une protestation publique contre le mode d’action du Shin Bet ?

Nos beaux et bons enfants et frères détruisent actuellement Gaza. Bezalel, le frère animé de valeurs de Zini, contribue de ses propres mains et de ses bulldozers à cette démolition massive. L’épouse de Zini, Naomi, pense que détruire des maisons à Gaza est une mitsva, un devoir religieux, et que la guerre à Gaza est une « renaissance nationale ». Cela paraît horrible, mais aucun véritable choc devant la destruction n’a été documenté en Israël ; il ne faut simplement pas le faire comme une mitsva, comme si cela changeait quoi que ce soit.

Le frère du conducteur de bulldozer à Gaza va être nommé chef du Shin Bet, avec pour objectif de poursuivre le nettoyage ethnique et le génocide en Cisjordanie également. Personne n’est plus qualifié.

Mais la dystopie de Zini est déjà parmi nous depuis longtemps. Quand elle se manifeste sans kippa, sans récitation de phrases religieuses ou sans accomplissement de mitsvot bizarres, elle est accueillie avec indifférence en Israël. Le ministre de la Défense se vante de la démolition d’un immeuble de grande hauteur à Gaza et menace d’ouvrir les portes de l’enfer ; au mieux, il apparaît comme un personnage pathétique dans une émission satirique télévisée. Peut-être que lorsque ce sera fait au nom de Dieu, nous finirons par nous réveiller et nous y opposer.

En attendant, nous sommes tous des Zini, avec ou sans la composante messianique.