Gideon
Levy, Haaretz, 7/9/2025
Traduit par Tlaxcala
Alerte dans le camp libéral : le général de division David Zini est sur le point d’être nommé à la tête du service de sécurité intérieure, le Shin Bet. Un portrait exemplaire et digne d’éloges de Zini vient d’être publié dans le supplément week-end de Haaretz par Hilo Glazer [lire en français].
Les
descriptions qu’on y trouve sont véritablement glaçantes : un fils messianique
délirant d’un père messianique, à la tête du service secret. À ses yeux, les
Palestiniens sont « les ennemis du Saint béni soit-Il », la guerre contre eux
est éternelle, et son éducation va de la doctrine de Baruch Goldstein [l’auteur
du massacre des fidèles musulmans à Hébron en 1994] à celle du rabbin
ultra-nationaliste et homophobe Zvi Thau. Terrifiant !
La
personnalité, les positions et tout le parcours de Zini sont effectivement
inquiétants. Quand une religion obscurantiste sert de moteur, et que l’armée et
le Shin Bet en sont les instruments, le résultat est alarmant. Le mélange d’une
foi religieuse brûlante et d’une arrogance ultranationaliste délirante engendre
un fascisme débridé ; des gens comme Zini sont prêts à tout au nom de ces deux
forces.
Mais
l’effroi provient surtout des craintes quant à ce que Zini fera à la «
démocratie » israélienne. En d’autres termes, et de façon moins politiquement
correcte : ce qu’il fera à nous, les Juifs de ce pays.
Il est
possible que ceux qui s’alarment aient raison et que Zini dépasse effectivement
les limites du Shin Bet dans ses opérations contre la population juive. Pour
lui, la loyauté envers le Premier ministre prime sur la loyauté envers la loi,
et le système judiciaire est une dictature.
Peut-être
assisterons-nous au retour des jours sombres du jeune État, quand le Shin Bet
posait des micros dans les sièges des partis. Mais n’est-il pas logique que
précisément quelqu’un comme Zini prenne la tête d’un organisme aussi corrompu
moralement — même si, pour l’instant, les seules victimes de cette pourriture
sont les Palestiniens ?
Ce que le
Shin Bet inflige aux Palestiniens ne préoccupe pas vraiment les libéraux. Même
sans le terrible Zini, le Shin Bet a agi avec cruauté. Avec des dizaines de
détenus palestiniens morts rien que ces deux dernières années, certains lors
d’interrogatoires brutaux, il est difficile d’imaginer ce que Zini pourrait
faire de pire. Extorquer encore plus de malades palestiniens atteints de cancer
ou d’homosexuels ? Arracher des ongles plutôt que de battre à mort ?
Le camp
libéral voudrait qu’un végane dirige l’abattoir, et voilà qu’on leur impose un
boucher sous stéroïdes. Ce n’est vraiment pas « gentil ». Mais la mission même
du Shin Bet est de consolider l’occupation, l’apartheid, l’expulsion et la «
judaïsation », par les interrogatoires, les enlèvements de masse (qu’on appelle
ici des « détentions »), l’extorsion et les assassinats. Qui mieux que Zini
pourrait remplir cette mission ?
Il est
désagréable pour les libéraux de voir le Shin Bet d’une démocratie dirigé par
un fasciste déclaré. Zini ternit leur image de « nos meilleurs garçons ». Cela
pourrait éveiller chez eux le soupçon que le Shin Bet est en réalité une
organisation antidémocratique. Zini empêchera le camp libéral de se complaire
dans l’image de la seule démocratie de la région.
Un colon
religieux extrémiste à la tête de la Securitate éclairée ? Nadav Argaman et
Ronen Bar étaient tellement plus « beaux ». Ils étaient libéraux, comme nous.
Mais ils ont infligé aux Palestiniens exactement ce que Zini fera. Peut-être
que c’est Zini, enfin, qui suscitera une protestation publique contre le mode
d’action du Shin Bet ?
Nos beaux et
bons enfants et frères détruisent actuellement Gaza. Bezalel, le frère animé de
valeurs de Zini, contribue de ses propres mains et de ses bulldozers à cette
démolition massive. L’épouse de Zini, Naomi, pense que détruire des maisons à
Gaza est une mitsva, un devoir religieux, et que la guerre à Gaza est
une « renaissance nationale ». Cela paraît horrible, mais aucun véritable choc
devant la destruction n’a été documenté en Israël ; il ne faut simplement pas
le faire comme une mitsva, comme si cela changeait quoi que ce soit.
Le frère du
conducteur de bulldozer à Gaza va être nommé chef du Shin Bet, avec pour
objectif de poursuivre le nettoyage ethnique et le génocide en Cisjordanie
également. Personne n’est plus qualifié.
Mais la
dystopie de Zini est déjà parmi nous depuis longtemps. Quand elle se manifeste
sans kippa, sans récitation de phrases religieuses ou sans accomplissement de mitsvot
bizarres, elle est accueillie avec indifférence en Israël. Le ministre de la
Défense se vante de la démolition d’un immeuble de grande hauteur à Gaza et
menace d’ouvrir les portes de l’enfer ; au mieux, il apparaît comme un
personnage pathétique dans une émission satirique télévisée. Peut-être que
lorsque ce sera fait au nom de Dieu, nous finirons par nous réveiller et nous y
opposer.
En attendant,
nous sommes tous des Zini, avec ou sans la composante messianique.