Deux ans après le déclenchement du génocide à Gaza, l’État s’efface, mais le peuple demeure. Partout dans le monde, la diaspora palestinienne incarne une conscience qui refuse l’effacement.
François Vadrot, 7/10/2025
Et pourtant, au-delà des ruines,
la Palestine demeure à travers sa diaspora : un peuple sans carte, mais non
sans mémoire. C’est cette reconnaissance, celle du Peuple palestinien au
même rang que le Peuple juif, qui dessine désormais la ligne de
fracture morale du siècle.
Gaza, la destruction et le retour
du réel
Deux ans après le 7 octobre 2023,
la réalité ne peut plus être contournée : Gaza n’a pas connu une guerre, mais
un génocide. Le rapport de la Commission internationale d’enquête
indépendante des Nations unies, publié le 16 septembre 2025, conclut
formellement qu’Israël a commis et continue de commettre des actes constitutifs
de génocide au sens de la Convention de 1948. Les experts y documentent,
preuves à l’appui, les quatre critères légaux : « tuer les membres du groupe,
infliger des atteintes graves physiques ou mentales, infliger des conditions de
vie destinées à entraîner sa destruction, empêcher les naissances », avec
l’intention de détruire, en tout ou en partie, le peuple palestinien de Gaza.
Le rapport balaie la fiction
d’une « guerre » : il ne s’agit pas d’« opérations disproportionnées », mais
d’une entreprise de destruction systématique. La population civile fut la cible
: bombardements sur les zones d’évacuation, exécutions dans les abris, hôpitaux
et écoles rasés, infrastructures hydrauliques et électriques anéanties, usage
de la faim comme arme (blocus du lait pour nourrissons, coupures de carburant
et d’eau). Le document détaille aussi le ciblage d’enfants (« y compris des
tout-petits, atteints à la tête et à la poitrine »), la destruction du seul
centre de fécondation in vitro et l’usage répété de la violence sexuelle comme
instrument de domination. Même les symboles de continuité, mosquées, églises,
cimetières, universités, ont été délibérément pulvérisés.
Les chiffres dépassent tout ce
que le langage peut contenir : plus de 50 000 morts, dont 83 % de civils, 200
000 logements détruits, un million et demi de personnes déplacées dans une
enclave rendue inhabitable. Un expert militaire cité par l’ONU note qu’Israël «
a largué en une semaine plus de bombes que les États-Unis en une année en
Afghanistan ». Le rapport conclut : « Il n’y avait aucune nécessité militaire
pour justifier ce schéma de conduite. Le peuple de Gaza, dans son ensemble,
était la cible. »
Ce n’est donc pas seulement la
mort, mais la condition de vie elle-même qui a été détruite. Ce qui s’effondre
sous les ruines n’est pas une entité politique : c’est la possibilité d’habiter
le monde.
Mais c’est justement dans cette
négation absolue qu’apparaît la trace d’une survie : là où la terre est
détruite, la mémoire s’étend.
Une diaspora mondiale, miroir de
l’effacement
Depuis la Nakba de
1948, la Palestine se disperse et se recompose dans l’exil. Sur près de quinze
millions de Palestiniens, plus de la moitié vivent hors de la terre d’origine.
Six millions sont enregistrés comme réfugiés auprès de l’UNRWA : un peuple
déraciné dont la condition d’exilé est devenue héréditaire.
