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07/11/2025

Un nouveau “bateau de la mort” israélien accoste en Espagne, en dépit de l’interdiction décrétée par Madrid

Un navire-citerne appartenant à l’armateur néerlandais Chemship BV, battant pavillon de complaisance maltais et affrété par ICL, entreprise israélienne accusée d’extraire des minéraux de territoires occupés et de complicité avec le génocide et l’occupation, déchargera le 7 novembre 1 500 tonnes d’acide phosphorique dans le port de Carthagène.

Martín Cúneo, El Salto, 5/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Les mesures approuvées par le gouvernement en septembre et ratifiées le 8 octobre par le Congrès ne remplissent pas leur objectif : stopper le flux de biens et services qui rendent possible le génocide et l’occupation de territoires palestiniens. Selon le mouvement Boycott, Sanctions et Désinvestissement (BDS) de Murcie, un nouveau navire affrété par l’entreprise israélienne ICL, en provenance d’Ashdod (Israël), déchargera dans le port de Carthagène le vendredi 7 novembre. Le navire fait une escale préalable à Barcelone le 5 novembre.

Cette entreprise est depuis longtemps dénoncée par le mouvement BDS pour l’extraction de minéraux dans le bassin de la mer Morte situé en Cisjordanie occupée, pour son soutien public au génocide à travers le programme « Parrainer un soldat », et pour la vente et le transport d’armes utilisées contre la population palestinienne.

Ce nouveau navire d’ICL s’appelle Chemical Master, bat pavillon maltais et prévoit de décharger 1 500 tonnes d’acide phosphorique au quai E0003 “Príncipe Felipe” du port d’Escombreras, à Carthagène. Ce composant chimique est utilisé dans l’industrie des engrais et de l’alimentation — raison invoquée par le gouvernement espagnol pour autoriser l’accostage et le déchargement du navire Trans Tind [armateur norvégien Seatrans, pavillon des Bahamas] de la même compagnie, en septembre dernier. [voir article de septembre, ci-dessous]

Avec le Chemical Master, ce sont déjà onze navires affrétés par cette entreprise qui, depuis le début de l’année, ont accosté dans des ports espagnols avec des cargaisons de milliers de tonnes de nitrate de potasse, de chlorure potassique et d’acide phosphorique.


La société israélienne ICL est l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde. Elle est contrôlée par Israel Corporation, l’un des plus grands conglomérats du pays, qui contrôle également la compagnie maritime ZIM, transportant des armes des USA vers Israël. La filiale usaméricaine d’ICL, rappelle BDS Murcie, fournit du phosphore blanc à l’armée israélienne, utilisé pour fabriquer des bombes larguées sur la population de Gaza, selon Amnesty International.

Depuis des années, la campagne Boicot ICL dénonce les activités de cette entreprise dont la filiale Dead Sea Works Ltd. (DSW), détenue à 100 % par le groupe ICL, extrait des minéraux de la mer Morte, y compris dans le bassin nord situé en Cisjordanie occupée. Selon le centre de recherche Who Profits, l’entreprise détient une concession pour exploiter les ressources de la mer Morte jusqu’en 2030, y compris le sel, la potasse et le bromure, avec des stations de pompage et un canal d’alimentation situés en Cisjordanie occupée.

En juin 2019, ce centre a documenté des produits fabriqués par la filiale ICL Haifa dans plusieurs colonies agricoles de la vallée du Jourdain, notamment Naama, Mehola et Na’aran.

Le décret-loi royal (RDL) d’embargo du gouvernement espagnol prévoit d’interdire l’importation de produits fabriqués dans des colonies illégales, bien qu'il n'ait pas encore commencé à être appliqué : pour ce faire, le ministère des Finances doit d'abord définir les codes postaux des colonies israéliennes interdites, ce qu'il n'a toujours pas fait deux mois plus tard. Le décret ne précise pas non plus ce qu'il advient de l'importation de matières premières provenant des territoires occupés, comme c'est le cas pour ICL, mais qui n'appartiennent pas à une colonie spécifique.

“Aucun port pour le génocide” : Appel à rassemblements dans les ports pour demander l’embargo intégral sur les armes et les carburants

Un nouveau navire d’ICL, entreprise israélienne qui extrait des minéraux de territoires occupés, accoste à Carthagène

Martín Cúneo, El Salto, 12/9/2025

Malgré les annonces du gouvernement espagnol, les affaires de la société israélienne ICL, qui extrait des minéraux des territoires palestiniens occupés, contribue au génocide et vend des engrais en Espagne, se poursuivent.


Installations d’ICL sur la mer Morte, d’où elle extrait la majeure partie des minéraux qu’elle exporte. Cette société israélienne opère également dans le bassin nord, en Cisjordanie occupée.

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement le 9 septembre figure l’interdiction d’importer des produits provenant des territoires occupés. Quelques jours plus tard, cette disposition connaît déjà sa première épreuve, alors que son application reste floue. Selon le mouvement BDS Murcie, un navire de l’entreprise israélienne ICL devait décharger 2 500 tonnes d’acide phosphorique le 14 septembre dans le port de Carthagène. La plateforme Vessel Finder confirme que le navire Trans Tind vient directement d’Israël vers le port murcien.

Il s’agit du dixième navire arrivé cette année à Carthagène avec des produits d’ICL, l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde.

Selon l’Observatori de Drets Humans i Empreses a la Mediterrània (ODHE), cette société est fortement implantée en Catalogne, Murcie, Valence et Majorque sous les noms ICL-Iberia ou Iberpotash. Elle exploite notamment les mines de Súria et Sallent (comarque du Bages) depuis 1998, causant de graves impacts environnementaux. L’ODHE l’accuse d’avoir vendu pendant des années du phosphore blanc pour des projectiles aux USA, fournisseurs de l’armée israélienne, devenant ainsi « complice de l’usage de ce type de projectiles contre les zones densément peuplées de Gaza ».

Pour BDS Murcie, l’accostage du Trans Tind révèle les limites des mesures gouvernementales. « Malgré les annonces du gouvernement concernant l’arrêt du commerce avec les territoires occupés, l’arrivée de navires comme le Trans Tind montre qu’il n’existe pour l’instant aucun contrôle sur le commerce qui alimente la machine de guerre israélienne, ni sur les entreprises qui profitent de l’occupation et du génocide en cours dans la bande de Gaza », déclare le mouvement.

Le mouvement rappelle enfin que cet accostage viole non seulement les mesures annoncées, mais aussi le droit international, notamment l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2014, adopté par l’ONU avec le vote favorable de l’Espagne, appelant les États à empêcher toute relation commerciale ou d’investissement contribuant à l’occupation israélienne.

26/10/2025

“Complicité de génocide”: enquête judiciaire sur l’entreprise espagnole Sidenor pour vente d’acier à une entreprise militaire israélienne

 NAIZ, 24/10/2025
Traduit par Tlaxcala

L’Audience nationale espagnole a mis en cause l’un des principaux chefs d’entreprise basques dans le cadre d’une enquête sur la vente d’armes à Israël : José Antonio Jainaga, président de Sidenor. Il est accusé d’avoir vendu de l’acier destiné à la fabrication d’armement à Israël, sans autorisation du gouvernement espagnol ni enregistrement officiel.


Jainaga entre le lehendakari (président du gouvernement basque) Imanol Pradales (à g.) et le conseiller à l’Industrie, à la Transition énergétique et à la Durabilité, Mikel Jauregi Letemendia, lors d’un récent événement (Irekia).

L’enquête judiciaire

Le juge Francisco de Jorge, de l’Audience nationale, enquête sur le président de Sidenor, José Antonio Jainaga Gómez, et deux autres dirigeants pour “contrebande” et “complicité dans un crime contre l’humanité” ou “génocide”, en lien avec la vente d’acier à la société d'abord appelée Israel Military Industries puis IMI Systems, avant de devenir Elbit Systems Land suite à son rachat par Elbit Systems.

Selon le tribunal, le juge considère que les personnes mises en cause savaient parfaitement que le matériel serait utilisé pour la production d’armement.

Ce vendredi, le juge a levé le secret de l’instruction et a indiqué que la vente d’acier aurait été réalisée sans autorisation du gouvernement espagnol et sans inscription au registre correspondant, selon un rapport de la Commissariat général de l’Information daté du 10 septembre.

Les trois personnes poursuivies – à la suite d’une plainte de l’Association Comunitat Palestina de Catalunya et de la Campagne Fin al comercio de armas con Israel– ont été convoquées pour être interrogées le 12 novembre.

Jainaga est une figure majeure du patronat basque, étroitement liée au gouvernement de Lakua* (Vitoria-Gasteiz). Son influence s’est illustrée dans l’opération visant à consolider la propriété du constructeur ferroviaire Talgo, où il a dirigé le “consortium basque”.

Les arguments du juge

Pour le magistrat Francisco de Jorge, les faits commis à Gaza sont de notoriété publique, tant par la couverture médiatique quotidienne que par les qualifications provisoires de crimes émises par la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que par les dénonciations de la Rapporteure spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, et par l’UNRWA, entre autres.

Selon lui, ces faits pourraient constituer à la fois un délit de contrebande, au sens de la Loi organique de répression du commerce illicite, et un délit de complicité dans un crime contre l’humanité (articles 29 et 607 bis du Code pénal), ou, à titre subsidiaire, un délit de complicité dans un génocide (article 607).

Le juge estime que ces faits sont également imputables à la société Clerbil S.L., administratrice unique de Sidenor Holdings Europa.

En revanche, il considère qu’il n’est pas approprié, à ce stade, de poursuivre Sidenor Aceros Especiales S.L.U. en tant que personne morale, “en raison du rôle actif de ses salariés, de leur contribution à la dénonciation publique et de leurs efforts pour empêcher la poursuite de l’activité présumée illégale”.

Le tribunal précise que cette décision se fonde sur la Directive européenne (UE) 2019/1937 et sur la loi espagnole 2/2023 du 20 février, qui protège les lanceurs d’alerte et la lutte contre la corruption.

Le juge souligne que cette protection peut s’appliquer à des personnes morales considérées comme informatrices, puisqu’il s’agit ici de protéger les intérêts des travailleurs par le biais de la société concernée, laquelle ne sera pas affectée par les mesures conservatoires ni par d’éventuelles sanctions pénales contre d’autres entités ».

Manifestation contre la présence du ZIM Luanda dans le port de Barcelone

Méga-graffiti à l’entrée sud du port de Barcelone, où sont stockés les containers transportés par la compagnie israélienne ZIM Integrated Shipping Services (créée en 1945 par l’Agence Juive et l'Histadrout)

La plainte pour contrebande et génocide

La plainte à l’origine de l’enquête a été déposée le 1er juillet par la Comunitat Palestina de Catalunya, accusant Sidenor de “possible délit de contrebande” et réclamant des “mesures urgentes”, notamment l’inspection et la saisie d’un conteneur du navire ZIM Luanda au port de Barcelone, où se trouverait le matériel.

Selon l’organisation Prou Complicitat Amb Israel [Assez de complicité avec Israël], le ZIM Luanda était amarré à Barcelone pour charger 40 blocs de barres d’acier produits par Sidenor et destinés au port israélien de Haïfa.

La plainte mentionnait également “un possible crime de génocide et des crimes contre l’humanité.”

Suspension des ventes de Sidenor après des pressions basques

Ce même jour, Sidenor annonçait la suspension de ses ventes d’acier à Israël, justifiant sa décision par la suspension, en avril, des autorisations d’exportation décidée par le gouvernement espagnol.

L’entreprise précisait alors que ses ventes à des entreprises israéliennes représentaient moins de 0,5 % de son chiffre d’affaires total en 2024.

Ce vendredi, Sidenor a publié un communiqué bref, indiquant qu’elle avait confié l’affaire à ses avocats et qu’elle suivrait leurs instructions “pour répondre au juge et lui fournir toutes les informations disponibles”.

Ces événements coïncidaient, le 1er juillet, avec une conférence de presse des syndicats ELA, LAB et ESK**, aux côtés de la plateforme BDZ, qui exigeaient de Sidenor l’arrêt immédiat de toute relation commerciale avec Israël et la suspension de l’envoi prévu d’acier depuis Barcelone ce jour-là.

Le mouvement BDZ Euskal Herria (Boycott, Désinvestissement, Sanctions Pays Basque) dénonçait déjà le fait que que, comme d’autres entreprises basques telles que CAF ou Metro Bilbao, Sidenor entretenait des liens économiques avec Israël.

Après l’annonce de Sidenor, le syndicat LAB a salué une “victoire de la solidarité basque envers la Palestine” et déclaré qu’il resterait “vigilant pour s’assurer de l’application réelle de cette décision.”

BDZ : “Le cas Sidenor n’est pas une exception”

Dans un communiqué, BDZ Euskal Herria a affirmé que cette enquête “confirme ce que nous dénonçons depuis des années : l’implication d’entreprises basques dans le soutien économique, technologique et industriel du système d’occupation et d’apartheid imposé par Israël au peuple palestinien.”

L’organisation ajoute que “le cas Sidenor n’est pas isolé. Des entreprises telles que CAF, impliquée dans la construction et l’entretien du tramway de Jérusalem traversant les territoires palestiniens occupés ; AMC Mecanocaucho, qui fournit des composants destinés à des projets du complexe militaro-industriel israélien ; Metro Bilbao et Osakidetza, ayant sous-traité des services de sécurité à l’entreprise israélienne I-Sec, font partie d’un réseau de coopération économique contraire aux principes fondamentaux d’éthique et de respect des droits humains.”

“Il faut rompre tout lien avec le système colonial et d’apartheid de l’entité sioniste. La bonne nouvelle, c’est que c’est possible. Les gouvernements doivent agir concrètement, la justice doit faire son travail, et le mouvement populaire doit poursuivre son engagement”, conclut BDZ.

NdT

*Lakua : localité où siège le gouvernement basque

**ELA : Eusko Langileen Alkartasuna (Solidarité des travailleurs basques). Il s'agit du syndicat majoritaire au Pays basque et l'un des plus importants d'Espagne.

LAB : Langile Abertzaleen Batzordeak (Commissions ouvrières abertzales), syndicat nationaliste basque de gauche.

ESK : Ezker Sindikalaren Konbergentzia (Convergence de la gauche syndicale). Syndicat de base non lié à des partis politiques, qui défend en particulier les travailleurs les plus précaires.