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28/02/2025

JOY METZLER
Je cherche à obtenir une dispense de l’armée usaméricaine comme objectrice de conscience à cause du génocide de Gaza. J’ai été inspirée par Aaron Bushnell

Joy Metzler, Mondoweiss, 27/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Je suis une lieutenante de l’armée de l’air en service actif qui cherche à obtenir une dispense d’objectrice de conscience en raison de l’horreur que m’inspire le rôle des USA dans le génocide de Gaza. L’auto-immolation d’Aaron Bushnell, il y a un an, a été le déclencheur de ma démarche.



L'auteure, à droite, lors d'une manifestation devant une base de la Garde nationale en 2024. 

Je m’appelle Joy Metzler et je suis lieutenante de l’armée de l’air en service actif, cherchant à obtenir une dispense d’objectrice de conscience. Cette décision est en grande partie due à l’horreur que m’inspire le soutien continu des USA au génocide de Gaza, en violation directe d’un grand nombre de lois et de valeurs qui m’ont été enseignées à l’Académie de l’armée de l’air.

J’attends que mon dossier soit approuvé, mais je n’ai jamais caché mon opposition à la politique usaméricaine à Gaza. L’auto-immolation d’Aaron Bushnell il y a un an m’a mis sur la voie, et en ce jour anniversaire de sa mort (25 février), je ressens plus que jamais le poids des crimes de notre pays.

L’une des pages que je suis et avec laquelle j’interagis, About Face : Veterans Against the War, a publié un message sur Instagram pour honorer sa mémoire. Les actions d’Aaron Bushnell ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de ma pensée, et je lui attribue, ainsi qu’à Dieu, tout le bien que je fais. J’aimerais pouvoir dire que le fait de se souvenir de lui a été un baume pour mon âme, mais j’ai dû m’attendre aux inévitables commentaires condamnant ses actions.

Ayant moi-même lutté contre des idées de suicide, je comprends que l’on veuille éviter les imitateurs, et j’espère que beaucoup de ces commentaires partent d’une bonne intention, mais il y a peu ou pas de reconnaissance du fait que l’auto-immolation n’est pas un suicide. Au contraire, l’auto-immolation d’Aaron Bushnell a eu lieu pour une raison très explicite : Aaron refusait d’être complice d’un génocide plus longtemps. « C’est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal ».


Le 25 février 2025, des vétérans de tout le pays ont brûlé leur uniforme en souvenir d’Aaron Bushnell et de son appel à l’action.

Pourtant, la peur demeure chaque fois que quelqu’un essaie de se souvenir de lui, mais ce n’est pas la bonne façon d’empêcher d’autres auto-immolations. La réponse n’est pas de supprimer ou d’effacer ce qui s’est déjà produit, mais de supprimer le catalyseur ! Je suis convaincue que si le gouvernement usaméricain avait mis un terme à la crise humanitaire persistante en Palestine, Aaron Bushnell serait aujourd’hui en vie et en bonne santé. Il a expliqué très clairement la raison de sa protestation. Rappelons qu’Aaron est mort en criant “Palestine libre”. Il n’est donc pas difficile d’imaginer que s’il avait vu une Palestine libre avant de mourir, il serait encore là.

Il est important de noter que de nombreuses personnes ne peuvent tout simplement pas comprendre des sentiments aussi extrêmes. J’oserais dire que beaucoup de gens ressemblent à ceux de Fahrenheit 451 ; non, pas Guy Montag, mais plutôt sa femme et ses amis. Ils regardent un écran pendant que le monde brûle et rejettent violemment toute mention de la vérité lorsqu’elle menace de briser leur réalité. Pour le reste d’entre nous, qu’est-ce que cela fait d’être témoin de la souffrance humaine à un niveau aussi calamiteux ? En ce qui me concerne, je décrirais ce sentiment comme quelque chose de semblable à une blessure morale. Il s’agit d’une anxiété discrète mais qui s’accroît rapidement chaque fois que je mets mon uniforme. C’est un sentiment de dissonance lorsque je me rends au travail tous les jours après avoir parlé avec un habitant de Gaza qui a tout perdu. C’est la dépression qui me suit alors que je prétends que le monde va bien, riant de choses insignifiantes, comme Guy essayant de trouver de la compagnie auprès de sa femme alors que sa fausse réalité s’effondre. À l’intersection de mon désir d’être une bonne aviatrice (qui fait honneur à ceux avec qui je travaille) et de ma foi - imbriquée dans mon être même ! - exigeant que je ne contribue pas à un système destiné à apporter la mort et la destruction, se trouve une question simple : jusqu’à quel point puis-je supporter cela ?

Lorsque je pense au dernier message d’Aaron Bushnell, je me demande s’il ressentait la même chose.

À l’heure où j’écris ces lignes, j’imagine que de nombreuses personnes sont déjà en train de formuler leur réponse sur les raisons pour lesquelles l’auto-immolation est une mauvaise chose, et je vous couperai la parole en vous disant que je suis d’accord ! Je n’encouragerais jamais quelqu’un à s’immoler, pas plus que je n’encouragerais quelqu’un à s’ôter la vie, mais notre refus persistant de nous engager dans la réalité de ce que nous faisons ne fera que permettre la poursuite des atrocités contre lesquelles les gens protestent en premier lieu. Il est difficile de regarder une tragédie, qui implique souvent des violations graves et continues des droits humains, qui peut pousser quelqu’un à protester de manière aussi extrême - mais nous devons regarder. Nous devons ressentir la douleur de nos semblables, puis agir.

Le manque d’empathie qui imprègne notre monde aujourd’hui me préoccupe beaucoup. Même après la mort d’Aaron, de nombreuses personnes sont apathiques ou, pire encore, disent à d’autres qu’elles devraient faire de même. Certains disent qu’il « n’allait pas bien dans sa tête » ou tentent de détourner la conversation du sujet même de sa protestation. J’aimerais autant qu’une autre personne qu’Aaron soit encore en vie aujourd’hui pour prêter sa voix au mouvement, et j’aimerais qu’il puisse voir ce que ses actions ont déclenché. À défaut, la meilleure chose à faire - peut-être la seule - est de veiller à transmettre son message pour lui.