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26/11/2023

GIDEON LEVY
Est-il permis de se réjouir de la joie des Palestinien·nes libérés des prisons israéliennes ?

 Gideon Levy, Haaretz, 26/11/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Ce week-end a été marqué par des montagnes russes qui n’ont laissé personne indifférent. Les images des otages libérés, des vieilles femmes et des petits enfants, étaient dignes d’un millier de telenovelas à la fin heureuse.

Emad Hajjaj, Jordanie

Voir Emilia, six ans, pleurer ; voir Ohad, neuf ans, frissonner ; voir la libération d’Hannah Katzir, déclarée morte par le Djihad islamique palestinien, et de Yaffa Adar, qui a survécu à la captivité à l’âge de 85 ans, et avoir la gorge nouée.

Le fait que tous soient en bon état de santé est un motif de soulagement et de bonheur. C’est à cela que ressemble la joie nationale, mélangée au chagrin, à l’anxiété et à la déconfiture qui ont prévalu en Israël depuis le 7 octobre. Qu’ils reviennent tous, tout simplement.

Israël dans sa joie mitigée, et les Palestiniens dans leur joie mitigée. Est-il permis de se réjouir de leur joie ? Qui a même le droit de se réjouir dans ce pays ? La police des émotions a fixé des limites : Les Palestiniens ne peuvent pas se réjouir.

Des représentants de la police israélienne ont visité les maisons des personnes libérées à Jérusalem-Est, avertissant les occupants de s’abstenir de toute manifestation de joie. Nous avons le droit de nous réjouir du retour de nos enfants ; ils n’ont pas le droit de se réjouir du retour des leurs. Mais l’interdiction ne s’arrête pas là. Nous n’avons pas non plus le droit de les regarder se réjouir.

Le lendemain du retour des otages, le soleil s’est levé sur Gaza. C’était le premier matin depuis 50 jours consécutifs que le ciel de Gaza n’était pas couvert de panaches de fumée et de poussière dus aux bombardements. Les gens ne fuyaient pas pour sauver leur vie, tentant impuissants d’échapper aux bombes qui pouvaient tomber à tout moment sans avertissement. Les enfants, inquiets la nuit, mouillent encore leur lit (pour ceux qui en ont un), mais moins qu’avant. Est-il permis de se réjouir de cela en Israël ?

Enterrement de personnes tuées lors du bombardement israélien de l'hôpital Al Shifa, dans une fosse commune dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, mercredi 22 novembre 2023. Mohammed Dahman/AP Photo

À une heure de route des hôpitaux où les familles ont été réunies, suscitant une joie nationale, des scènes similaires ont été observées à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Un père qui n’avait pas vu sa fille depuis huit ans l’a retrouvée dans une étreinte déchirante. Une femme a couru hystériquement vers sa fille, incarcérée depuis sept ans.

J’ai vu la mère de Malek Salman, de Beit Safafa, étreindre sa fille en pleurant et en criant. “Mama, mama”, a crié Malek, et j’ai ressenti de la joie. Est-ce une transgression ? Un défaut psychologique ? Un défaut moral ?

Trente-neuf femmes et mineurs palestiniens ont également quitté la prison pour retrouver leur famille et la liberté. Certains ont été condamnés pour des attaques à l’arme blanche, la possession d’un couteau ou une tentative de meurtre, d’autres pour des jets de pierres ou des peccadilles mineures. Aucun n’est innocent du crime de résistance violente contre l’occupation, et l’État était en droit de les juger et de les punir [sic]. Mais ce sont aussi des êtres humains.

Les enfants sont certainement des enfants, même lorsqu’il s’agit de jeunes lanceurs de pierres, condamnés en Israël à des peines de prison disproportionnées et à des conditions bien pires que les accusés juifs de leur âge. J’ai également été heureux de les voir sortir libres. Je sais que ce n’est pas permis.

Dans l’un des moments exceptionnels de la couverture télévisée péniblement unilatérale en Israël, Channel 13 News a montré un très bref moment de joie palestinienne au retour d’une fille. Almog Boker, journaliste de terrain dans l’âme, qui, de guerre en guerre, devient de plus en plus nationaliste et ne peut prononcer le mot Hamas sans y adjoindre le mot “nazis”, s’est écrié, indigné : “Nous ne devons pas montrer çà !”

Le journaliste Raviv Drucker a tenté de le convaincre qu’il est important de montrer que les Palestiniens sont heureux afin de révéler leur vrai visage - après avoir échoué à le persuader que tout doit être rapporté, tout simplement parce que c’est la raison d’être du journalisme.

Boker pense qu’en temps de guerre, les seules choses qui doivent être montrées sont celles qui servent les intérêts d’Israël. Et en effet, dans les médias israéliens, non seulement la souffrance de Gaza est bannie de l’écran, mais la joie des parents au retour de leur fille de prison l’est aussi, de peur que nous ne soyons tentés de penser qu’ils sont aussi des êtres humains, avec des sentiments et tout le reste.

C’est l’époque des grandes fluctuations émotionnelles. Les montagnes russes montent et descendent, et il est normal d’y laisser une petite place pour la petite joie des Palestiniens. La guerre, nous répète le gouvernement, n’est que contre le Hamas.

 

Kenny Tosh, Nigeria 

25/11/2023

Les femmes soldates qui ont averti de l’imminence d’une attaque du Hamas le 7 octobre, et qui ont été ignorées
Le blues des tatzpitanit de l’armée israélienne rescapées du Samedi noir

NdT
Les deux articles ci-dessous, du correspondant militaire du quotidien israélien Haaretz, jettent une lumière aveuglante sur le merdier qu’est devenue “l’armée la plus morale du monde”, actuellement occupée à commettre un génocide pour exercer “le droit à la défense” de “la seule démocratie du Moyen-Orient”. L’’état de l’’armée israélienne évoque de plus en plus celui de l’armée US au Vietnam à partir de l’Offensive du Têt du FNL au Sud-Vietnam en février 1968 : une armée-patchwork traversée par des clivages et des incompatibilités de toutes sortes : ethniques, idéologiques, culturels, de genre, en un mot anthropologiques. Aujourd’hui, la galère des petites guetteuses, véritables cyber-esclaves .-FG

Yaniv Kubovich, Haaretz, 20/11/2023

Tout au long de l’année écoulée, les guetteuses des Forces de défense israéliennes (FDI) stationnées à la frontière avec Gaza, toutes des femmes, ont averti que quelque chose d’inhabituel était en train de se produire. Celles qui ont survécu au massacre du 7 octobre sont convaincues que si des hommes avaient tiré la sonnette d’alarme, la situation serait différente aujourd’hui

 

Photo : Ariel Shalit / Animation : Aron Ehrlich

Trois jours après le massacre du 7 octobre dans le sud d’Israël, Mai - une guetteuse qui sert dans la division de Gaza des FDI et qui a survécu à l’assaut meurtrier du Hamas contre sa base militaire près de la frontière - a reçu un appel téléphonique à son domicile.

Au bout du fil, une personne de la division des ressources humaines de l’armée. « Si tu ne reviens pas à ton poste, l’a-t-elle prévenue, c’est de l’absentéisme en temps de guerre et ça peut te valoir jusqu’à dix ans de prison ». Des messages identiques ont également été envoyés à des collègues de la base militaire qui, comme elle, s’étaient retrouvées le Samedi noir enfermées dans une salle d’opérations, “armées” uniquement de leurs téléphones cellulaires, alors que les terroristes du Hamas se déchaînaient.

« Nous avons essayé d’expliquer que nous ne pouvions pas revenir au boulot », raconte Mai. « Nous avons perdu nos camarades. Nous avons passé des heures à nous cacher, au milieu des cadavres, dans cette salle d’opérations ».

01/11/2023

“Intensifier toutes les formes de résistance et de lutte”
Déclaration commune de la résistance palestinienne sur le déroulement de la bataille Déluge d’Al Aqsa


Déclaration commune du Front démocratique pour la libération de la Palestine, du Hamas (Mouvement de résistance islamique), du Jihad islamique palestinien, du Front populaire pour la libération de la Palestine et du Front populaire pour la libération de la Palestine - Commandement général, 28 octobre 2023

Traduit par Tlaxcala

Les cinq forces palestiniennes ont tenu une réunion de dirigeants à Beyrouth le 28 octobre 2023 pour discuter du déroulement de la bataille Déluge d’Al Aqsa contre l’ennemi sioniste et son agression brutale contre la bande de Gaza.
Dans leur déclaration, les cinq forces ont salué les martyrs de notre peuple palestinien et notre peuple inébranlable et fier de la bande de Gaza qui fait face à une campagne organisée d’extermination, soulignant qu’ils sont le peuple de la fierté, de la dignité et de la fermeté et qu’ils sont le peuple de la victoire qui est loyal à sa cause et à sa patrie, et [les forces palestiniennes] se sont engagées à continuer sur la voie de la résistance jusqu’à ce que la victoire soit obtenue sur l’ennemi sioniste.
Les participants ont affirmé ce qui suit :
  • Cette épopée héroïque est la bataille du peuple palestinien tout entier, qu’il mène pour défendre sa terre, ses valeurs sacrées, son existence et son droit à la liberté contre un ennemi barbare qui n’épargne aucun de nos concitoyens dans ses crimes. Il prend pour cible les hôpitaux, les mosquées, les églises, les universités et les ambulances, et coupe l’électricité, l’eau, le carburant, l’Internet et les communications cellulaires de notre peuple assiégé.
  •  L’adhésion à l’unité nationale est un pilier essentiel pour faire face à la guerre sioniste de génocide contre notre peuple, ainsi que pour rejeter les tentatives de l’ennemi de diviser notre peuple ou d’en accaparer une partie. Nous insistons sur l’unification des efforts et le resserrement des rangs dans cette bataille fatidique.
  •  Nous appelons les masses de notre nation arabe et islamique et les peuples libres du monde à poursuivre leurs mouvements pour arrêter l’agression usaméricano-sioniste, ouvrir les passages frontaliers, acheminer l’aide humanitaire et le carburant, et évacuer les blessés de la bande de Gaza.
  •  Nous saluons les forces de résistance de notre nation, en particulier au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen et en Iran, et nous affirmons que notre peuple palestinien n’est pas seul dans cette bataille.
  •  Nous tenons les États-Unis d’Amérique pour pleinement responsables de la guerre de génocide contre notre peuple, car ils ont choisi de la soutenir, de l’intensifier et d’y participer, ce qui exige une réponse forte des pays arabes et islamiques, ainsi que des pays amis de notre peuple, pour mettre fin au massacre en cours de notre peuple palestinien.
  •  Nous exigeons l’ouverture du point de passage de Rafah et l’entrée de l’aide, des besoins humanitaires, du carburant et des équipes médicales et de secours à notre peuple sans délai, permettant aux blessés d’être transportés en Égypte et dans les pays arabes et islamiques, sans interférence de l’occupation ou de l’un des pays agresseurs.
  •  Nous appelons les masses de notre peuple dans toute la Palestine occupée à intensifier toutes les formes de résistance et de lutte contre l’ennemi sioniste, en ciblant ses soldats et ses colons, et en renforçant les initiatives populaires de lutte face aux attaques des colons et à l’empiétement des forces ennemies.
  •  En coupant tout accès à Gaza, en l’assiégeant et en coupant complètement les communications et l’Internet, l’ennemi couvre un crime majeur de génocide dont il ne veut pas de témoins, et nous insistons sur la nécessité de briser ce siège par une position arabe “officielle et populaire”.
  •  Nous adhérons au droit de notre peuple à résister et à sa confiance dans notre victoire dans cette bataille, que nous menons pour défendre notre terre, notre peuple et nos valeurs sacrées, et dans l’intérêt de la libération, du retour, de l’autodétermination et de l’établissement de l’État palestinien avec Jérusalem comme capitale.

Gloire aux martyrs.

Guérison pour les blessés.

Liberté pour les prisonniers.

Victoire de notre peuple et de sa vaillante résistance.

 

25/10/2023

AZMI BISHARA
Briser la cage de Gaza : pourquoi l’attaque du 7 octobre n’est pas le 11 septembre d’Israël et sa victoire n’est pas garantie

Azmi Bishara, The New Arab, 12/10/2023

Alors qu’Israël affiche ouvertement son intention d’intensifier ses bombardements brutaux sur Gaza et d’affamer la population pour se venger de l’opération militaire du Hamas, le Dr Azmi Bishara insiste sur la nécessité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’empêcher de se livrer à un véritable génocide.


Gaza est assiégée depuis près de vingt ans. Dessin d’Emad Hajjaj

La diffusion par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, relayé par le président usaméricain Joe Biden, d’affabulations et de désinformations sur les événements du 7 octobre à Gaza n’est pas une bavure mais un acte délibéré de propagande. Elle vise à justifier une guerre israélienne barbare et totale, sans retenue, pour faire payer un prix insupportable à la population palestinienne de Gaza, l’objectif principal de cette guerre.

En d’autres termes, justifier l’usage illégal de la violence et de l’intimidation contre les civils palestiniens dans la poursuite d’objectifs politiques. N’est-ce pas là la définition même du terrorisme ?

Le contre-objectif devrait donc être de limiter leur capacité à bombarder Gaza sans retenue, en dénonçant et en protestant contre les crimes de la guerre israélienne et en soutenant la solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Pendant deux décennies, les Gazaouis n’ont pas connu de quartier, vivant sous un siège paralysant et de fréquents assauts israéliens ; et aujourd’hui, ils sont soumis à une cruauté qu’aucun humain n’est capable de tolérer.

La stupeur et l’émotion combinées depuis les événements chocs du 7 octobre, qui ont remis en question l’arrogance israélienne et les frustrations arabes, font qu’il est difficile d’écrire sans passion sur l’opération “Déluge d’Al-Aqsa” et l’assaut qui s’en est suivi contre Gaza. Il ne fait aucun doute que la jeune génération se souviendra de cette journée et qu’elle modifiera sa perception de la suprématie de l’occupant et de la dignité des victimes de l’occupation, ainsi que des possibilités de résistance à l’occupation.

Quelques jours plus tard, alors même que l’occupation peine à se remettre de cette attaque choc, les responsables israéliens se sont empressés d’annoncer les crimes de guerre qu’ils ont perpétrés à Gaza, déclarant ouvertement leur intention d’en commettre d’autres. L’administration israélienne a ignoré de manière flagrante la déclaration du secrétaire général des Nations unies selon laquelle l’imposition d’un siège total, y compris la coupure de l’eau et de l’électricité, constituerait une violation du droit humanitaire international. Empêcher l’accès à l’eau, aux médicaments et à la nourriture est reconnu comme une arme de guerre inacceptable depuis le Moyen-Âge, mais Israël a pris l’habitude et le droit d’agir au-dessus de la loi.

L’attaque menée par les Brigades Al-Qassam le 7 octobre contre les bases militaires et les villes situées dans ce que l’on appelle “l’enveloppe de Gaza” représente un tournant dans les relations entre la résistance palestinienne et Israël. La planification, la mise en œuvre et la puissance (réelle et projetée) qui la sous-tendent occuperont les analystes pendant des années. Ce matin-là, non seulement les fortifications en béton le long de la frontière ont été détruites, mais aussi les forteresses mentales construites sur des idées fausses et des stéréotypes.

Les Israéliens se sont laissé aller à la complaisance, malgré les souffrances qu’ils ont infligées à un peuple indigène qui étouffe sous deux décennies d’un blocus inhumain et illégal et malgré la complicité croissante du gouvernement d’extrême droite dans les attaques contre la mosquée Al-Aqsa, au point que des plans ont été élaborés pour diviser le site d’Al-Aqsa et attribuer des heures de prière distinctes aux musulmans et aux juifs. Ils se sont reposés sur leurs lauriers alors même qu’ils permettaient l’escalade des attaques de colons contre les Palestiniens et leurs biens et que le gouvernement annonçait son intention d’annexer de vastes pans de la Cisjordanie.

Que l’on soit israélien ou non, personne ne devrait être choqué par la réaction palestinienne. L’autocensure israélienne a commencé et sera un processus continu, mais elle ne conduira pas à des conclusions correctes sur la relation de l’occupant avec la réalité vécue par ceux qui vivent sous l’occupation. Au lieu de cela, il cherchera des réponses internes et incomplètes aux questions relatives au maintien de l’occupation, telles que : « Qui est responsable de l’échec des services de renseignement ? Pourquoi n’y avait-il pas assez de soldats ? Pourquoi ont-ils réagi si tardivement ? »

La véritable surprise pour les Israéliens, les Palestiniens et les Arabes est venue de la capacité de la résistance gazaouie à produire et à faire entrer en contrebande l’équipement militaire nécessaire malgré un siège étouffant dans une bande de terre exposée et plate, sans montagnes ni vallées. Les seules personnes qui n’ont pas été prises au dépourvu sont celles qui sont au courant. La plupart des gens qui ont dépassé l’image romantique des parapentes survolant les frontières ont commencé à s’interroger sur la manière dont la fabrication et l’entraînement nécessaires ont été réalisés et sur le nombre de tunnels existants.

Indépendamment des différences d’attitudes et d’origines, voire des hostilités entre eux, les Palestiniens, et les Arabes en général, ont le droit de ressentir un certain regain de confiance face à la persévérance, l’assiduité, la détermination et l’imagination dont la résistance a fait preuve dans des conditions impossibles.

Israël a maintenant lancé une guerre contre Gaza, il ne s’agit donc plus d’une opération militaire isolée. Israël a déclaré publiquement qu’il continuerait à commettre des crimes contre l’humanité, dont l’ampleur et la gravité ne feront que croître. Il rase des quartiers entiers de la bande de Gaza, la zone la plus densément peuplée du monde, le plus grand camp de réfugiés et la plus grande prison à ciel ouvert. Il tente d’effacer le souvenir des images vidéo diffusées à grande échelle par la résistance et, en semant la mort et la destruction à Gaza, de restaurer son prestige aux yeux de son peuple et son image intimidante aux yeux des Arabes, à la fois ses ennemis et les régimes qui poursuivent la normalisation.

Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte dans ses actions. L’acharnement et la poursuite des bombardements après l’épuisement de toutes les cibles sont l’expression de la confusion et de l’hésitation quant à la marche à suivre, et constituent une tactique qui masque l’absence d’un plan et d’une stratégie. En outre, le feu vert de Washington et des gouvernements européens a encouragé Israël à agir sans calcul sérieux.

Les bombardements intensifs visent à creuser un fossé entre l’idée de résistance et la population en augmentant de manière prohibitive le coût de la résistance et les sacrifices consentis par les habitants de Gaza, dans l’espoir que les souffrances continues qui leur sont imposées les mobiliseront non pas contre l’occupation, mais contre le Hamas.

20/10/2023

ANDREW MITROVICA
Joe Biden est responsable de la deuxième Nakba

Andrew Mitrovica,Aljazeera, 19/10/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Andrew Mitrovica est un chroniqueur d’ Al Jazeera vivant à Toronto.

Le président usaméricain est responsable de tous les aspects méprisables de la calamité qui s’abat sur Gaza et qui est perpétrée par le mandataire toujours fiable et obéissant de son pays, Israël.

   Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou salue le président usaméricain Joe Biden à son arrivée à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, le 18 octobre 2023 [Brendan Smislowski/AFP]

Le président usaméricain Joe Biden est descendu d'un gros avion à Tel-Aviv mercredi et a donné l’accolade à un criminel de guerre dont l'armée accro au crime de guerre avait, quelques heures auparavant, commis un autre crime de guerre d'une nature et d'une ampleur si horribles qu'il est destiné à se répercuter dans la mémoire et dans l'histoire.

Ce sera l'image malsaine et déterminante de la présidence de Biden : une accolade sur le tarmac d'un aéroport avec un premier ministre israélien qui s'est toujours délecté à tuer des Palestiniens, même des enfants, des femmes et des hommes désespérés qui pensaient être hors de portée de la malveillance de Benjamin Netanyaohu, dans l'enceinte d'un hôpital de la bande de Gaza assiégée qui, petit à petit, s'efface dans des actes flagrants de génocide.

Il convient de rappeler, au milieu de toutes ces scènes touchantes de fraternité, que Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken ont passé la majeure partie des trois dernières années à prendre leurs distances - pour le dire charitablement - avec un homme politique dont beaucoup d'Israéliens pensent qu'il n'est pas seulement un escroc de carrière, mais aussi un autoritaire de haut vol.

Plutôt que de serrer Netanyahou contre leur poitrine aimante, à l'instar de Biden soudainement épris, des centaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue, semaine après semaine, pour exiger sa condamnation et sa démission en utilisant un langage brutal et difficile à oublier.

Il n'y a pas si longtemps, Biden et Blinken étaient si désireux de ne pas être vus avec l'escroc accusé devenu despote machiavélique qu'ils n'ont pas invité Netanyahou à la Maison Blanche, de peur, je suppose, d'être souillés par la puanteur de sa présence et de son caractère toxiques.

Mais les temps et les attitudes inconstantes ont bien sûr changé.

Biden a sauté dans Air Force 1 pour un rendez-vous présidentiel rapide en Israël afin de dire à sa belle de ne pas s'inquiéter, que tout est pardonné, tout en renforçant ses références de “dur à cuire” et son soutien auprès d'un électorat puissant dont il a besoin pour se faire réélire - au diable les milliers de Palestiniens mutilés, estropiés et tués.

Fidèle à sa forme indécente, il revient à un président uSaméricain sans tact d'invoquer une grotesque analogie sportive pour tenter, comme on pouvait s'y attendre, de détourner la responsabilité d'une atrocité qui s'ajoute à toutes les indignités mortelles, aux privations et à la violence gratuite déjà infligées à un peuple emprisonné par son occupant - non pas depuis des jours, des semaines, des mois ou des années, mais depuis des décennies.

Biden a déclaré que “l'autre «équipe” était responsable du massacre de centaines de Palestiniens sans défense enfermés dans l'hôpital Al Ahli Al Arabi mardi.

Apparemment, le commandant en chef octogénaire oublieux a besoin qu'on lui rappelle que son «équipe”a concocté des “preuves” à décharge et a menti encore et encore - je sais que cela doit le choquer - pour dissimuler sa complicité dans le meurtre d'innombrables Palestiniens, y compris le meurtre en 2022 d'Omar Abdulmajeed Asaad, âgé de 78 ans, dont lui et son acolyte diplomatique, Blinken, n'auraient pas pu se soucier moins, en dépit du fait que l'épicier à la retraite était porteur d’ un passeport usaméricain.

Je dois rappeler à Biden et Blinken ces autres faits flagrants :

Son “équipe” prive des millions de Palestiniens de Gaza des nécessités de la vie - nourriture, eau, carburant et électricité.

Son “équipe” est déterminée, en fait, à affamer et à déshydrater les Palestiniens de Gaza jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Son “équipe” bombarde les Palestiniens de Gaza avec des armes fournies par les USA afin de tuer le plus grand nombre possible d'entre eux, dans les plus brefs délais, en prévision d'une invasion terrestre qui entraînera inévitablement d'autres massacres effroyables.

Son “équipe” attaque des écoles abritant des Palestiniens qui n'ont nulle part où aller puisqu'il est impossible de s'enfuir.

Son“équipe” a arrosé Gaza de phosphore blanc destiné à défigurer et à brûler à vie des enfants, des femmes et des hommes jusqu'à l'os.

Son  “équipe” peut permettre à l'aide humanitaire d'atteindre les Palestiniens qui, même s'ils reçoivent un jour cette aide bloquée, seront probablement tués par son “équipe” de toute façon.

Son “équipe” retient des millions de Palestiniens en “otageS” à Gaza, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est occupée depuis la création d'Israël.

Son“ équipe” tire à vue sur les Palestiniens de Cisjordanie qui osent résister à l'occupation et dénoncent le meurtre de leurs frères et sœurs de Gaza qui se sont réfugiés dans un hôpital.

Son “équipe” a décrit les Palestiniens comme des “animaux”, des “sauvages” et de la “vermine” qui doivent être éradiqués afin de les dépouiller de leur humanité et de justifier son nettoyage ethnique et ses plans visant à établir un “tampon” fortifié entre Gaza et Israël.

Résultat : Son “équipe”- dans une répétition de la funeste Nakba de 1948 - force des millions de Palestiniens à abandonner les ruines de leurs maisons et de leurs entreprises avec le canon d'un fusil de grande puissance pressé contre leur cœur et leur tête.

Joe Biden est responsable de tout cela, de chaque aspect méprisable de la calamité s’abat sur Gaza et qui est perpétrée par le mandataire toujours fiable et obéissant de l'USAmérique, Israël.

Le cataclysme dont le monde est témoin est le sous-produit du mantra, désormais familier, qui est au cœur de la soi-disant “politique étrangère” au Moyen-Orient de tous les présidents usaméricains modernes : Tuer d'abord, réfléchir ensuite.

Au lendemain de l'assaut impitoyable du Hamas, l'urgence exigeait un mélange tempéré d'indignation et de calme. Au lieu de cela, Biden a opté, comme il se doit, pour l'esbroufe et l'autosatisfaction.

Au lieu de comprendre que la poursuite d'une vengeance aveugle et l'utilisation d'une rhétorique incendiaire n'atténueraient pas la soif de sang ambiante, mais ne feraient qu'alimenter les pertes à couper le souffle et les scènes horribles de chagrin et de désespoir, Biden a choisi l'hystérie plutôt que les qualités d'homme d'État.

Au lieu d'être prudent dans ses paroles et ses actes, Biden s'est livré à d'affreuses fabrications lors de conférences de presse organisées à la hâte, qu'il a dû par la suite “retirer”.

Il n'en reste pas moins que les dommages profonds et sinistres ont été causés. Les Palestiniens - chacun d'entre eux - ont été déshumanisés une fois de plus afin d'excuser le fait de les tuer sans discernement et en masse.

Comme je l'ai dit : tuer d'abord, réfléchir ensuite.

Mais telle est la méthode usaméricaine : en Asie du Sud-Est, en Amérique centrale et du Sud, en Afrique, en Irak et en Afghanistan - autant de cimetières regorgeant de victimes innocentes de l'arrogance et de l'ignorance d'une succession de présidents arrogants qui se sont lancés dans la guerre sans prendre le temps d'en mesurer les conséquences désastreuses et, en fin de compte, humiliantes.

Faut-il s'étonner que Biden soit encensé par la même cavalerie évangélique impénitente du clavier qui a applaudi à la destruction massive de l'Irak et de l'Afghanistan hier, et qui applaudit à la destruction massive de Gaza aujourd'hui ?

Ils ne tireront jamais les leçons du passé parce qu'ils sont accaparés par l'instant présent.

Il est trop tard pour se retirer de l'abîme. L'orgueil démesuré, l'aveuglement et l'obstination de Biden ne le permettront pas. Le cap cruel a été fixé. Le ciment est posé. Les horreurs ne font que commencer.

Tel sera le legs infâme de Joe Biden.

GIDEON LEVY
La guerre contre Gaza doit cesser immédiatement

Gideon Levy, Haaretz, 19/10/2023
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Ce bain de sang doit être arrêté immédiatement ; il ne mène à rien de bon. On peut répondre aux massacres par des massacres, mais même un terrible massacre comme celui perpétré dans le sud d’Israël ne peut justifier ce qui le suit, sans aucune limite.

 Des personnes fouillent les débris à l’extérieur du site de l’hôpital Al Ahli Al Arabi dans le centre de Gaza le 18 octobre 2023. Photo : Mahmud Hams / AFP

 Un terrible massacre pourrait même justifier un autre terrible massacre s’il a un but autre que la punition et la vengeance, et si ce but est à la fois légitime et réalisable. Mais ce n’est pas le cas de la guerre dans la bande de Gaza, qui n’a pas d’objectif clair et réaliste et qui n’a certainement pas de réponse à la question de savoir ce qui se passera le lendemain.

Mais même si elle avait un objectif clair, il faudrait limiter la dévastation. Le bain de sang qui se déroule actuellement à Gaza, et qui ne fait que commencer, montre qu’il n’y a pas de limites. Face à cela, il est impossible de rester silencieux. Cela ne peut être justifié.

Il est impossible de rester silencieux face aux terribles images de l’hôpital Al Ahli de Gaza Ville - des dizaines de corps alignés les uns après les autres, dont beaucoup d’enfants aux corps lacérés et aux membres manquants - tout comme il est impossible de rester silencieux face aux images de mort et de destruction qui se sont produites ici. Des centaines de Palestiniens désespérés ont été tués lundi après avoir tenté de s’abriter en plein air près de l’hôpital, croyant à tort qu’ils y seraient en sécurité même pendant cette guerre maudite.

Il n’est pas encore possible de déterminer qui est responsable de ce désastre, mais pour les victimes, cela n’a plus d’importance. L’identité du coupable ne doit pas non plus changer la suite de la campagne - elle doit cesser immédiatement. Le désastre de l’hôpital doit devenir le tournant de la guerre, tout comme le désastre de Kafr Kana lors de l’opération “Raisins de la colère” au Liban en 1996 est devenu le tournant qui a mis fin à cette opération.

Israël est actuellement poussé par une tempête d’émotions justifiée et compréhensible, et il est encouragé par la sympathie du monde. Mais celle-ci sera rapidement remplacée par une demande d’arrêt des tirs compte tenu des désastres causés par la guerre. La tragédie de l’hôpital a déjà changé l’état d’esprit de certains membres de la grande bande de pom-pom girls d’Israël.

Même avant ce désastre, les rapports en provenance de Gaza, dont la grande majorité ne parvient jamais aux Israéliens, menaçaient de faire basculer le monde contre la poursuite de la guerre. Environ 1 000 enfants morts, avant même de compter les enfants morts à l’hôpital - c’est une statistique qu’il est impossible d’ignorer, et il n’y a aucun moyen de la justifier. Un siège total sur 2 millions d’êtres humains et l’évacuation d’un million de personnes de leurs maisons en l’espace d’une journée sont également inacceptables, quelles que soient les circonstances.

Cette semaine, j’ai visité le kibboutz Be’eri, qui a été détruit, et je répète ce que j’ai dit alors : je n’ai jamais vu de ma vie des images aussi difficiles. Il est impossible de les laisser passer sans régler les comptes avec tous les responsables. Aucun pays ne se priverait de le faire. Mais il y a un vaste espace intermédiaire entre l’inaction et un bain de sang massif qui n’a ni raison d’être ni but.

Les images de Gaza sont bouleversantes et devraient briser le cœur de chacun : un convoi ininterrompu d’ambulances aux sirènes hurlantes et des parents terrifiés portant leurs enfants blessés ; des pères pleurant sur les corps de leurs enfants, placés à même le sol de l’hôpital faute de lits. J’ai également vu cinq enfants blessés dans un seul lit et des patients gémissant sans personne pour les soigner.

Tuer des milliers de personnes, en mutiler des dizaines de milliers et les laisser sans rien ne fera avancer aucun intérêt israélien, même si l’on met de côté les questions de droit et de morale. Cela ne fera qu’engendrer une haine et une vengeance que même Satan n’aurait pas pu inventer, avec ou sans le Hamas.

Alors que les enfants de Gaza sont tués, les Israéliens se plaignent que l’armée “fait du surplace”. Le sentiment israélien dominant veut une opération terrestre et la fin du Hamas. Cette demande est justifiable, mais probablement irréaliste. En tout cas, elle ne peut se faire à n’importe quel prix, y compris celui de la destruction de la bande de Gaza.

Ce qui s’est passé le 7 octobre a ébranlé Israël au-delà de toute reconnaissance, en particulier la gauche et le centre. Mais même dans le feu de notre colère et de notre frustration, nous ne devons pas perdre ce qui reste de notre conscience et de notre sens moral. Nous ne devons pas laisser tout Israël devenir le Hamas.

15/10/2023

GIDEON LEVY
L’invasion terrestre de Gaza : un désastre annoncé

Gideon Levy, Haaretz, 15/10/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Israël est sur le point de lancer une invasion terrestre catastrophique de la bande de Gaza - ou l’aura déjà lancée au moment où cette chronique paraîtra. L’invasion risque de se terminer par un fiasco comme Israël et Gaza n’en ont jamais connu. Les images en provenance de Gaza ces derniers jours pourraient ressembler à une pub. Nous pourrions assister à un massacre de masse.

Des chars et des véhicules militaires israéliens près de la frontière de Gaza, samedi. Photo : Violeta Santos Moura/Reuters

Un grand nombre de soldats israéliens seraient tués inutilement. Les habitants de Gaza seraient confrontés à une seconde Nakba, dont les premiers signes sont déjà visibles sur le terrain. Personne ne sortirait grandi de ces horreurs.

D’heure en heure, les images de Gaza deviennent de plus en plus terrifiantes. Les médias israéliens, enrôlés dans le combat, trahissent leur rôle et empêchent leur public de voir les scènes. Ils se contentent des discours ennuyeux des généraux.

Mais le fait qu’Israël ne montre pas ce qui se passe à Gaza ne signifie pas que la catastrophe ne s’y déroule pas. Samedi, plus d’un million de personnes, dont la moitié sont des enfants, fuyaient pour sauver leur vie ou restaient dans leurs maisons détruites dans un acte suicidaire.

Les personnes âgées, les femmes, les enfants, les handicapés, les malades ont fui vers le sud, à pied, sur le capot des voitures, à dos d’âne ou sur des motos, avec seulement quelques maigres biens. Les gens se dirigent vers leur destruction, et ils le savent.

Dans l’immense cortège qui se dirige vers le sud, personne ne croit qu’il aura une maison où retourner. Il n’y a personne qui ne se rappelle pas les scènes de la Nakba que la génération précédente de leurs familles a vécues il y a 75 ans. Samedi, Gaza ressemblait au Nagorno-Karabakh.

Où iront les Palestiniens de Gaza ? Où se cacheront-ils ? Où trouveront-ils refuge ? Dans la mer, peut-être. Il n’y a ni électricité, ni eau, ni médicaments, ni Internet.

Cette expulsion est une punition collective de masse qui laisse présager ce qui va suivre. Israël affirme que le nord de la bande de Gaza doit être débarrassé du Hamas et qu’il se dirigera ensuite vers le sud. Deux millions de personnes, ou celles qui sont encore en vie, recevront alors l’ordre de fuir vers le nord pour nettoyer le sud.

La mission sera accomplie. Les forces de défense israéliennes prendront note des nombreux décès qu’elles auront causés et affirmeront que la plupart d’entre eux provenaient du Hamas. Chaque adolescent sera qualifié de membre du Hamas. Plus de 600 enfants palestiniens ont déjà été tués jusqu’à samedi après-midi, avant toute invasion terrestre. Ils n’appartenaient pas au Hamas.

Israël sera victorieux. Gaza sera rasée. Le réseau de tunnels souterrains du Hamas sera détruit. Les animaux humains seront assassinés. La puanteur de la mort qui s’élèvera de la bande de Gaza se mêlera aux scènes de ceux qui meurent de faim et de ceux qui sont au bord de la mort dans les hôpitaux débordés.

Et le monde continuera à soutenir Israël. Israël a été attaqué de façon barbare et n’avait pas d’autre choix. Les otages israéliens risquent de payer le prix de leur vie.

Et le matin se lèvera sur une Gaza en ruines. Et après ? Qui prendra les rênes du gouvernement ? Les représentants de l’Agence juive ? Les collaborateurs de Gaza ? Et qu’en retirera Israël ? Sans parler d’une guerre sur plusieurs fronts qui pourrait également éclater et changer complètement la donne.

Israël se lance dans une opération militaire dangereuse et sans perspective de gain. Il peut demander à son allié à Washington ce qu’ont donné les guerres insensées menées par l’USAmérique pour changer de régimes à travers le monde. Combien de personnes ont été tuées inutilement et qui a pris le pouvoir par l’épée usaméricaine. Mais nous n’avons pas besoin de l’USAmérique ni même de penser à la catastrophe des Palestiniens pour comprendre que nous sommes au seuil d’un désastre historique pour Israël également.

Si cette mission est effectivement menée à bien et qu’Israël met sens dessus-dessous la bande de Gaza sur ses dirigeants et ses habitants, elle sera gravée pendant des générations dans la conscience du monde arabe, du monde musulman et du tiers-monde. Une deuxième Nakba empêcherait des centaines de millions de personnes dans le monde d’accepter Israël. Certains régimes arabes pourraient, dans un premier temps, faire preuve de retenue, mais l’opinion publique de leur pays ne permettrait pas que cette retenue se poursuive.

Le prix à payer le serait par  Israël, et il sera plus élevé qu’il ne le pense actuellement. Israël est sur le point de s’engager dans une guerre catastrophique - ou l’a peut-être déjà fait.

 

 

 

 

 

13/10/2023

AMOS HAREL
Guerra Israel-Gaza: un fiasco catastrófico que provocará una conmoción política

Amos Harel, Haaretz, 8/10/2023
Traducido por CMBL, Tlaxcala

El fallo de los servicios de inteligencia y la mala preparación israelíes no fueron los únicos problemas: parece que el concepto defensivo operativo de Israel frente a Gaza se ha hecho añicos Netanyahu tendrá que pagar un precio político por su política hacia Hamás tras la guerra.



Un soldado de Tsahal observa un coche en llamas en la ciudad de Ashkelon, en el sur de Israel, el sábado. Foto: Ilan Assayag

El viernes a mediodía, un alto funcionario del Estado Mayor conversaba con un invitado en su despacho de Tel Aviv. Pocos minutos después de que el reloj electrónico del despacho marcara las 14.00 horas, ambos observaron que no se habían percatado de la hora exacta en que estalló la Guerra de Yom Kippur hace 50 años. La conversación derivó naturalmente hacia las lecciones de 1973.

“En los territorios ocupados”, dijo el oficial, “estamos a cinco minutos de una intifada”. Lo dijo sin saber que estaba profetizando. El anfitrión, como el resto de las FDI, estaba preocupado sobre todo por lo que pudiera ocurrir en Cisjordania. Pero delante de las narices del establishment de defensa, un ataque sin precedentes de Hamás estaba tomando forma al mismo tiempo, a lo largo de la frontera de Gaza.

Deberíamos desconfiar de la histeria excesiva. Pero no debemos minimizar la gravedad de la calamidad que se ha producido. Israel está en guerra desde el sábado por la mañana. El ataque de Hamás, que cogió por sorpresa a los servicios de inteligencia israelíes, derrumbó completamente el concepto defensivo operativo en la frontera de la Franja de Gaza. Más de 250 personas han muerto en el lado israelí y más de 1.590 han resultado heridas, cifra que podría aumentar considerablemente una vez que se hayan registrado todos los lugares atacados.

Según informes procedentes de Gaza, decenas de prisioneros y de cadáveres han sido trasladados de Israel a Gaza. Incluso en términos de rehenes [sic] y de desaparecidos, esta situación no es comparable al secuestro de Gilad Shalit en 2006. Es poco probable que el gobierno modere sus ataques aéreos sobre Gaza por proteger la vida de los prisioneros israelíes. Es probable que en el fragor del momento no se tengan en cuenta tales consideraciones.

Israel se ha referido a la “doctrina Dahiya”, que implica la destrucción sistemática de las infraestructuras en zonas densamente pobladas, como una lección aprendida de la segunda guerra del Líbano en 2006. Es lo que está ocurriendo actualmente en Gaza, con gran intensidad.

Las FDI, el Shin Bet y la policía se enzarzaron en combates casa por casa durante diez horas en comunidades y bases militares donde se habían atrincherado palestinos armados. En algunos lugares, como la ciudad de Ofakim y el kibutz Be'eri, los terroristas se atrincheraron con rehenes [sic].

El ejército está movilizando fuerzas de reserva a escala de una movilización de guerra. En algunas comunidades y bases del ejército se han producido terribles masacres. Aunque se dispararon miles de cohetes y misiles contra el frente interno israelí desde el sur hasta Jerusalén y a la aglomeración de Tel Aviv, se trataba principalmente de una táctica de distracción. Los esfuerzos de Hamás se concentraron en las comunidades situadas a lo largo de la frontera. Trágicamente, tuvieron éxito.



Humo y llamas tras el impacto por las fuerzas israelíes a una torre en la ciudad de Gaza, el sábado. Foto: Mohammed Salem/ Reuters

La reacción de Israel ha costado caro, tanto para los atacantes como por los ataques aéreos dentro de la Franja de Gaza. Se han perdido cientos de vidas palestinas y se espera que los ataques se intensifiquen durante la noche y en los próximos días. Pero ése no es el único escenario que podría estallar.

Aunque las FDI están concentrando sus fuerzas y esfuerzos en el sur, deben tener en cuenta la posibilidad de una guerra en varios escenarios que incluiría Cisjordania, Jerusalén Este y posiblemente Hezbolá y elementos extremistas entre los árabes israelíes. Hezbolá está esperando a ver cómo se desarrollan los acontecimientos y está considerando sus acciones. Podemos suponer que el líder de Hezbolá, Nasralá, tiene el dedo en el gatillo.

La situación exige una dolorosa comparación histórica. La concepción israelí de Gaza se ha derrumbado. Ha fracasado en su política, en el despliegue de sus fuerzas defensivas, en su preparación ante sorpresas y en la ausencia total de avisos de los servicios de inteligencia. En la noche del viernes al sábado, los dirigentes políticos y militares de Israel dormían tranquilos en casa. No se reforzaron las fuerzas porque no hubo alerta temprana. Lo normal era pensar que Hamás se estaba preparando para nuevos juegos de guerra.

La inteligencia militar y el estado mayor del ejército fueron incluso más lejos: durante el último año, afirmaron a menudo que Hamás había sido disuadida por Israel tras los resultados de campañas anteriores y que no pretendía iniciar una nueva guerra. En realidad, cientos, si no miles, de combatientes de Hamás llevaban meses preparándose para un ataque sorpresa, sin que nada de esto se hubiera filtrado. Mientras tanto, Israel debatía si debía aumentar el número de trabajadores autorizados a entrar en el país desde Gaza por motivos laborales.



Trabajadores palestinos esperan para cruzar el puesto de control de Al-Jalama, controlado por Israel, cerca de Yenín, de camino a su trabajo en Israel. Foto: Raneen Sawafta / REUTERS

El catastrófico resultado se produjo 50 años y un día después del estallido de la Guerra de Yom Kippur. Se trata de un enorme fracaso, compartido por todos los dirigentes políticos y militares, pero esta cuestión solo deberá tratarse en profundidad una vez finalizada la guerra. El problema es que Israel entra en esta guerra en un estado de crisis sin precedentes, en el que el comportamiento extremista y demencial del gobierno ha dictado una agenda centrada en todo lo malo.

Esto no absuelve a los escalones profesionales, pero sin duda obstaculizará el funcionamiento del Estado en los difíciles días que se avecinan. Hamás aprendió las lecciones de la Operación Borde Protector en 2014 y se preparó en consonancia. Durante esa campaña, aunque intentó llevar a cabo ataques utilizando túneles, la organización fracasó en gran medida en sus esfuerzos por introducir combatientes en Israel, siendo frustrados la mayoría de estos intentos por las fuerzas de las FDI.

Esta vez, Hamás atacó posiciones del ejército donde el estado de alerta parece haber sido bajo y las fuerzas limitadas. También se produjeron enfrentamientos en el cuartel general de la división de Gaza y en otras bases militares. Los daños sufridos por el cuartel general de la división han perturbado gravemente la cadena de mando y de control a lo largo de toda la valla fronteriza.

Soldados, policías y otros miembros de las fuerzas de seguridad, así como residentes voluntarios [los famosos “civiles”, NdlT], lucharon heroicamente para bloquear a los combatientes que ya se hallaban dentro de las comunidades. Dicho esto, hay que decir que también hubo ejemplos terribles de disposición problemática para el combate y falta de competencia por parte de algunas de las fuerzas tomadas por sorpresa. Altos oficiales de la reserva, veteranos de muchas guerras, que vieron vídeos grabados por Hamás, quedaron totalmente conmocionados por lo que vieron.



Palestinos atraviesan la valla de seguridad entre Gaza e Israel el sábado. Foto: Stringer/Reuters

Pero el problema no radica solo en eso o en la falta de inteligencia. Parece que todo el sistema, simplemente, se ha derrumbado. Esto no ocurrió cuando Israel se enfrentó al ejército egipcio o a Hezbolá. Esta vez, ha sido un grupo mucho más pequeño quien asestó a Israel su golpe más doloroso desde 1973 (con un número de bajas en los primeros días que alcanzó los niveles del primer día de esta guerra), en escenas que recuerdan los horrores de 1948. No obstante, cabe señalar que ambas guerras terminaron con la victoria de Israel.

El muro resultó inútil

Tras la inmovilización temporal de los pasos fronterizos, las fuerzas especiales de Hamás (Nujba) dirigieron su atención a un gran número de comunidades a lo largo de la frontera, que no contaban con defensas significativas. El resultado es que, incluso después de varias horas desde que comenzó el ataque a las 6,30 h. de la mañana, algunas comunidades siguen sitiadas, con combatientes deambulando en busca de víctimas. Por desgracia, estos planes son exactamente para lo que Hamás se ha entrenado durante años. Sin previo aviso, con un frágil despliegue defensivo, los muros fueron traspasados.

El obstáculo construido por Israel, un enorme muro diseñado para impedir la excavación de túneles ofensivos, no ha servido de nada. Simplemente ha sido burlado. Las puertas operativas de la valla fronteriza utilizadas por las FDI fueron atravesadas por Hamás, que arrasó la zona con hombres armados en camionetas. El coronel retirado Yossi Langotsky, veterano de la inteligencia militar y de los paracaidistas, advirtió en un artículo en Haaretz en 2018 que las FDI estaban construyendo una Línea Maginot inútil en la Franja de Gaza, que sería traspasada en caso de crisis. Ayer resultó que tenía razón.

A lo largo de todo el día se alzaron las voces de los residentes de estas comunidades, algunas de ellas ocupadas por Hamás. Fueron desgarradoras. Esta tragedia se desarrolló en directo por televisión, y toda la nación pudo oírla y verla. Las consecuencias a largo plazo para los israelíes que viven a lo largo de la frontera, para las relaciones entre Israel y los palestinos y para la situación regional serán enormes. La confianza y el respeto entre el público y las fuerzas de seguridad, y las FDI en particular, se han roto de una forma que se dejará sentir aquí durante años.



Palestinos celebran la destrucción de un tanque israelí en la barrera de la Franja de Gaza, al este de Khan Younis, el sábado. Foto: Yusef Masud/AP

En la primera fase de esta guerra, Hamás ya ha producido sus escenas de victoria, que celebrará en las redes sociales y en los canales de televisión. Al mismo tiempo, la organización y sus dirigentes se enfrentarán al desastre, al igual que los habitantes de la Franja de Gaza. Hamás ha obtenido una enorme victoria operativa, pero su éxito puede haber ido demasiado lejos.

Israel responderá con una fuerza inmensa, con pocas restricciones al uso de fuego real en zonas urbanas densamente pobladas. Cuando los palestinos difunden fotos de cadáveres mutilados y prisioneros maltratados, de saqueos y bárbaras celebraciones de la victoria, a los israelíes les hierve la sangre. Entre los objetivos ya alcanzados en Gaza se encuentran rascacielos utilizados por Hamás y la Yihad Islámica, pero también viviendas familiares. Hoy, con el telón de fondo de un cruel ataque perpetrado con el objetivo de matar civiles, Israel cree que cuenta con amplia legitimidad internacional para actuar. Los resultados se dejarán sentir en Gaza.

No se puede descartar la posibilidad de maniobras terrestres y la ocupación de la Franja de Gaza. Los líderes de Hamás, Yahya Sinwar y Mohammed Deif, que se jactaron de la derrota que infligieron a las FDI el sábado por la mañana, aún podrían conseguir su deseada muerte como mártires. Los líderes de otras organizaciones de la región tampoco están a salvo.

Es posible que el escenario de pesadilla que se está desarrollando en Gaza no termine ahí. Es probable que se extienda a otras zonas. Todo esto sorprende a Israel, como se ha dicho, en un mal momento. Quizá forme parte del cálculo de Hamás de que puede explotar la debilidad de Israel.

Dadas las graves lagunas en materia de inteligencia, no podemos descartar la hipótesis de que no sepamos lo que está ocurriendo en otras zonas. ¿Estaba coordinada esta acción con Hezbolá e Irán? ¿Está Hezbolá esperando a que Israel utilice un gran número de sus misiles interceptores de la Cúpula de Hierro antes de entrar en la refriega? Presumiblemente, Israel estará enviando ahora serias advertencias a través de diversos canales a Teherán, Damasco y Beirut.

Un error de concepto

En vísperas de Yom Kippur, el general de división Eran Niv, jefe de inteligencia de transmisiones del Estado Mayor de las FDI, concedió una entrevista a Haaretz. Está detrás de la reedición de un viejo libro [1962] titulado "Pearl Harbor: Advertencia y Decisión", de Roberta Wohlstetter. Su análisis del fracaso operativo y de inteligencia que sufrió Estados Unidos en 1941 podría, en su opinión, ayudarnos a prevenir el próximo fracaso. Los editores de esta entrevista se mostraron menos optimistas. “La próxima sorpresa llegará - la cuestión está en saber cómo se prepara Israel para ella“, decía el pie de foto.

Los acontecimientos del sábado demostraron que la respuesta era: muy insatisfactoria. En los 26 años que llevo cubriendo la defensa israelí para Haaretz, no recuerdo un día más horrible. Es tanto más incómodo cuanto que la sorpresa se produjo en una zona en la que Israel gasta miles de millones de shekels con fines de vigilancia. A la hora de la verdad, no sabíamos nada.

Pero el fallo no fue sólo de recopilación de información, sino también operativo e incluso conceptual. “Llevamos años viviendo en una realidad imaginaria”, dijo el sábado un alto oficial de la reserva refiriéndose a los combates en la Franja de Gaza, mientras se dirigía a toda prisa hacia el frente norte y trataba de escuchar noticias de su casa.



Civiles israelíes evacuados del kibutz Holit, cerca de Gaza, el sábado. Foto: Eliyahu Hershkovitz

“Nos hicimos demasiado dependientes de la sofisticada barrera subterránea, de la tecnología. Nos convencimos de que Hamás estaba desanimada y asustada, y de que siempre tendríamos alertas a tiempo. Pensábamos que sabíamos analizar sus intenciones y pensamientos. Será difícil desengañarse”.

Una nueva realidad política

La guerra que se está librando en Gaza está cambiando completamente las cartas en términos de acontecimientos diplomáticos y políticos. Los soldados de reserva que habían anunciado que ya no se presentarían a filas debido al golpe de estado judicial han regresado a sus unidades y cuarteles generales. Es probable que algunos de ellos participen ahora en los vuelos que lanzan enormes cantidades de bombas sobre Gaza. Los principales partidos de la oposición, Yesh Atid y Unidad Nacional, ya han expresado su voluntad de discutir la creación de un gobierno de unidad.

En las actuales circunstancias de emergencia, cuando la alternativa es ir a la guerra con Bezalel Smotrich e Itamar Ben-Gvir ocupando puestos clave en el gabinete, no parece haber más remedio que formar un gobierno así.

Como ocurrió hace 50 años, la sorpresa llegó en Sabbat. Al final del Sabbat, los portavoces [de Netanyahu] comenzaron su asalto. Es culpa del Shin Bet, es culpa de la inteligencia militar, es culpa del Jefe del Estado Mayor, es culpa del movimiento de protesta. La protesta se suspenderá por el momento, y con razón, hasta que termine la guerra. Pero no podemos renunciar a una investigación exhaustiva en su punto culminante: ¿qué nos ha pasado y cómo hemos caído en semejante trampa asesina?

Aparentemente no hubo avisos de inteligencia, pero sí señales de advertencia, desde Gaza hasta Cisjordania. Todos los dirigentes las ignoraron. Podemos esperar una enorme repercusión política, como en 1973. El primer ministro, Benjamin Netanyahu, no debemos olvidarlo, es responsable de un fracaso político y de seguridad sin precedentes.

El autoproclamado Sr. Seguridad, epíteto adoptado por sus partidarios, lanzó advertencias a Irán y a Hezbolá, pero se burló de la necesidad de tomar medidas diplomáticas en el ámbito palestino, dejándose ganar por la calma en el frente de Hamás, sin vigilar el estado de preparación del ejército. Cuando termine esta guerra, tiene que pagarse el precio de este error, como pasó con Golda Meir hace 50 años.