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16/05/2023

GIANFRANCO LACCONE
Qui sème le vent récolte la tempête
Les catastrophes agricoles ne tombent pas du ciel

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


Depuis quelque temps, on évoque à grands cris le danger de disparition de la production agricole italienne : de ceux lancés lors de la journée nationale des fruits et légumes (Adieu aux 100 millions de plantes fruitières ! ), à l'appel au soutien de la production nationale de blé dur lancé par une organisation d'agriculteurs des Pouilles, jusqu'aux déclarations faites il y a quelques jours à Macfrut (une importante foire des fruits et légumes qui se tient à Rimini), devant le président Mattarella auquel, paradoxalement, on a exposé les problèmes causés par la sécheresse qui a frappé l'agriculture de la région ces derniers mois, au moment même où se produisaient des pluies diliuviennes qui auraient fait tomber en deux jours la quantité de pluie qui aurait du tomber au cours des mois précédents.


Au cours des 15 dernières années, 100 000 hectares de cultures fruitières auraient disparu. Mais quelle en est la cause ? On ne parle pas de l'utilisation des terres agricoles à d'autres fins, de l'urbanisation effrénée et, à la base, du système économique du marché libre qui, en visant le profit maximum, concentre la production là où elle est la plus rentable, souvent en dehors de l'Italie.

 

C'est cette même concurrence effrénée qui amène du blé bon marché (et de moins bonne qualité) dans les produits de grande consommation (pâtes, boulangerie et biscuits), qui met les agriculteurs (italiens et polonais) en crise, mais pas l'industrie alimentaire - dominée par les marques italiennes - qui, hier, exploitait les produits d'autres parties du monde et qui, aujourd'hui, exploite les lots importés d'Ukraine. Vous souvenez-vous de la campagne visant à libérer les céréales bloquées dans le port d'Odessa ? Elles étaient censées être envoyées aux populations nécessiteuses d'Afrique, mais il est presque certain qu'elles ont fini par devenir un produit d'exportation pour le monde entier, y compris pour nous, bien sûr.

 

Certaines questions telles que la disparition des cultures ou la crise de certains secteurs sont dangereusement utilisées pour protéger un système de marché (la véritable cause de la crise), même avec des motifs “écologiques”, craignant une dégradation de l'environnement en raison de la réduction de la capacité d'absorption du CO2 : une plante adulte capte 100/250 g de poussière et de smog par an, et moins de plantes signifie moins de dépollution. Un discours valable s'il s'agissait de plantes sans intervention humaine ; mais un verger ne naît pas avec un impact nul, car la quantité de smog créée pour obtenir une production agricole (entre celle nécessaire aux intrants productifs et celle nécessaire à leur distribution) réduit fortement la capacité d'absorption : les agriculteurs et les populations vivant dans les zones à plus forte concentration productive le savent bien.  C'est pourquoi il est essentiel de développer un discours agroécologique, dans lequel la réduction des intrants (et donc la réduction des polluants) est combinée à une présence accrue des plantes sur le territoire.

 

Motivées par de nobles objectifs “écologiques”, il y a aussi les demandes très pressantes, aujourd'hui, de soutien aux zones touchées par des “catastrophes environnementales”, de création de réservoirs qui serviraient à collecter et à régimenter l'eau, et de subventions visant à protéger l'agriculture, considérée comme la gardienne de la terre. Là aussi, il y a des incohérences et des non-dits qu'il convient de clarifier, en démystifiant certains clichés.


 

Les inondations d'il y a quelques jours ont touché la région de l'Émilie-Romagne, à la pointe de la production agricole italienne. Le fait que cette région ait été touchée en dit long sur la faiblesse du système mis en place. De même que le Covid a frappé de plein fouet la région de Lombardie, dotée du système de santé le plus “avancé”, montrant ainsi l'incapacité à protéger la masse des populations avec un tel système, aujourd'hui les dégâts causés par un événement qui n'était en rien imprévisible, montrent l'incapacité des systèmes hautement productifs à protéger le territoire et, avec lui, les populations qui y habitent. Il s'agit de repenser l'ensemble du système de production, en éliminant de la perspective la présence de territoires avec des zones cultivées avec un seul type de culture, voire avec une seule variété, pire, avec des plantes toutes dérivées d'un seul clone.  La solution proposée par les partisans de cette planification consiste, en se déchargeant de toute responsabilité, à augmenter les investissements et la dépendance vis-à-vis de mécanismes gérés par d'autres (comme dans le cas de la gestion de l'eau et des réservoirs) en augmentant leur présence sur le territoire : c'est comme si, face à un plafond troué, on augmentait le nombre de bassins sous les trous.

 

Il serait nécessaire de réduire la pression de la production, de différencier la production et les cultures, en insérant dans la même zone des plantes aux systèmes racinaires plus ou moins profonds, aux comportements différents face aux précipitations et aux températures, capables d'atteindre concrètement la résilience ; au lieu de cela, nous sommes toujours à la recherche de quelque chose qui représente la solution finale, à vendre aux agriculteurs par le biais d'une marque brevetée.

 

Le discours économique est encore plus déformé. Une région, un secteur productif, entre en crise : on en cherche alors les raisons parmi les causes “naturelles” (une maladie, une sécheresse, une inondation) et il est inutile d'ajouter que dans ces cas-là, on classe la région comme “touchée par une catastrophe naturelle”, ce qui est suivi par la déclaration de l'état d'urgence et le décompte des dommages, sans aucune autre mesure qui tende à supprimer les causes profondes. Pour les situations de crise qui ne peuvent être attribuées à des causes “naturelles”, on cherche frénétiquement le coupable, presque toujours un agent extérieur, un ennemi de nos productions qui, il va sans dire, sont les meilleures ; enfin, tout cela est une attaque contre notre façon d'être, contre le label “Made in Ital”, fleuron de nos exportations, et contre la culture italienne.

 

Même si le discours semble paradoxal et peut faire sourire, il est proposé dans des termes similaires par des représentants autorisés du monde agroalimentaire qui, face au changement climatique, ne savent pas comment mieux manifester leur surprise face à ce soi-disant “événement tragique” auquel, de temps en temps, même les animaux contribueraient, expression de cette “nature sauvage” que notre civilisation cherche à dominer.

 

Sans la moindre ironie, certains ont attribué ces derniers jours l'effondrement des digues en Émilie-Romagne aux ragondins et aux porcs-épics qui, par leurs tunnels, auraient sapé les travaux de remise en état. Les entreprises, le système de la chaîne d'approvisionnement, la recherche frénétique de l'exportation de la production sont les outils proposés au lieu de garantir une meilleure qualité et une sécurité des revenus pour la vente locale des produits. Quant à la propension écologique des entreprises, elle se réduit souvent à la recherche de compensations adéquates par des contributions extraordinaires ou des “titres” pour pouvoir nettoyer ou polluer ailleurs.

 

L'agriculture italienne n'a pas d'ennemis extérieurs qui la mettent en danger, elle est elle-même, conduite de manière hyper-productive et exportatrice, la cause des dangers qui la minent. C'est ce type d'agriculture qui est le danger, et pour en éliminer les causes, il faut au moins avoir l'humilité d'admettre les erreurs du passé, les sous-estimations, le manque de prévision et de planification et, enfin, le manque d'entretien, principal élément de conservation de ce qui existe. La situation d'alternance de périodes de sécheresse et d'épisodes nuageux est une manifestation du changement climatique, et il est nécessaire de pouvoir vivre avec de telles situations, qui devraient se succéder au cours des prochaines décennies.

Les seuls qui semblent s'en préoccuper sont les jeunes de Fridays For Future ou Ultima Generazione [Last Generation] dont les actions, même si on ne les partage pas entièrement, sont les seules à signaler l'absence, sur ce terrain, des institutions et des organisations sociales (syndicats de travailleurs et de patrons).


 

 

19/04/2023

GIANFRANCO LACCONE
De la “bonification intégrale” à l’économie circulaire intégrale
Réflexions après la 3e Conférence nationale sur l’agroécologie en Italie

 Gianfranco Laccone, climateaid.it, 13/4/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Pousser l’accélérateur de la transition agroécologique en Italie » : tel était l’objectif de la troisième conférence nationale sur l’agroécologie, organisée par l’Association italienne d’agroécologie et la coalition Cambiamo Agricoltura.

La conférence s’est conclue par un appel aux décideurs politiques, aux associations agricoles et aux autres acteurs sociaux et économiques des systèmes agroalimentaires italiens à ne pas ralentir le processus initié par la Commission européenne pour relever les défis d’une véritable transition agroécologique et maintenir les objectifs des stratégies européennes "De la ferme à la table" et "Biodiversité 2030".

Paolo Calleri

Alors qu’à Vinitaly (la foire italienne du vin à Vérone), la présidente du Conseil, soutenue par plusieurs associations sectorielles, a lancé la proposition d’un lycée futuriste (et improbable), appelé “du made in Italy” (traduction : lycée du produit en Italie), à Rome, soixante expert·es des secteurs les plus divers se sont succédé pour parler de l’agroécologie, un sujet proposé comme un outil clé pour permettre la transition écologique de l’agriculture, elle-même un élément clé dans la lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’un changement de paradigme tant au niveau des outils à appliquer pour réaliser la “proposition agroécologique” qu’au niveau de la place de l’agriculture dans les activités humaines, puisque l’un des nœuds clés de ce sujet est la valorisation des processus sociaux dans la conception et la gestion de systèmes agroalimentaires durables et la recherche de modèles qui mettent en œuvre les capacités collectives des agriculteurs et les approches communautaires. Fini le dualisme ville/campagne, fini le rôle auxiliaire de l’agriculture, parent pauvre qu’il faut soutenir avec des fonds et des soins forcés pour qu’il ne soit pas à la traîne des autres secteurs dans les processus de “développement”. Au contraire, l’agriculture est le pivot qui permet d’initier des processus de réhabilitation agro-environnementale et de permettre la transition vers une société écologiquement démocratique.

Ce n’est pas la première fois que les sociétés humaines changent de paradigme pour s’organiser ; le changement le plus récent, admirablement décrit par Karl Polanyi dans son livre “La grande transformation”, concerne le passage à la société industrielle, dans laquelle la production de biens et l’économie, en tant que science de la gestion de cette production, prennent un rôle stratégique et entraînent la transformation des cycles de production, de systèmes circulaires en systèmes linéaires. Les effets sont aujourd’hui visibles pour tout le monde : exploitation accélérée des ressources de la planète, accroissement des inégalités sociales, modification des conditions environnementales et propagation de la pollution au point que les variations climatiques peuvent remettre en cause le système biologique actuel de la planète.  

L’agriculture a été au cœur de ce changement, perdant le rôle central qu’elle avait joué pendant des siècles dans la construction sociale pour devenir le réservoir matériel et social dans lequel on puise les ressources nécessaires à la croissance du système urbain-industriel, dont la production est basée sur l’extraction des ressources de la planète. Ce changement s’est produit, comme pour la Renaissance, sur plusieurs siècles et de manière spécifique dans différents pays.  En Italie, le changement a commencé en même temps que la formation du Royaume, dans la seconde moitié du 19e siècle, par le biais de ce que l’on appelle les “chaires ambulantes”. Ces “cattedre ambulanti”  étaient un instrument de vulgarisation et de formation professionnelle en agriculture et se sont avérées fondamentales pour la transformation du système primaire et l’organisation de l’administration du secteur. L’enquête agraire de Jacini décrit en même temps les conditions de l’agriculture, de loin le secteur le plus important pour les citoyens du nouveau Royaume d’Italie, un secteur qui, dans la logique libérale des gouvernements de l’époque, est regroupé avec toutes les autres activités productives dans un seul département : le ministère de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie. Ces chaires furent appelées à combler un vide technique que l’enquête Jacini mettrait en évidence dans le cours de sa réalisation et, en substance, à jouer un rôle institutionnel dans la transformation du système économique du pays.

Elles étaient dirigées par un directeur (avec le titre de professeur) et un ou deux assistants, tous titulaires d’un diplôme en sciences agricoles et assistés de diverses manières par des aides ayant des qualifications différentes. Les activités étaient menées selon un concept moderne de vulgarisation : conférences données dans des lieux publics, visites de fermes, consultations données les jours de marché à ceux qui en faisaient la demande et, dans de nombreux cas, publication de brochures et de journaux. Parmi les nombreux noms de professionnels qui se sont engagés dans cette activité (avec des résultats et une qualité d’enseignement plus ou moins efficaces), il convient de mentionner Nazareno Strampelli, agronome et généticien, défini comme un précurseur de la “révolution verte” en raison de l’activité de recherche menée, visant à la transformation productive des plantes, à qui l’on doit le nom encore utilisé aujourd’hui de semences sélectionnées, utilisé pour définir les variétés sélectionnées et certifiées, ainsi qu’une importante variété de blé qui porte son nom, sélectionnée par lui parmi les nombreuses variétés identifiées au cours de son activité. Les chaires ambulantes ont joué un rôle fondamental dans la diffusion de nouvelles techniques et de nouvelles semences pendant la “bataille du blé” de la période fasciste et ce n’est pas un hasard si Strampelli a été nommé sénateur par le régime. Leur rôle est si important qu’elles sont réglementées en 1928, puis transformées en 1935 en “inspections agricoles provinciales”, fonctionnant comme des bureaux exécutifs de l’administration centrale.


“La guerre que nous préférons”, carte postale fasciste de la Bataille du blé, 1933). Musée Piana delle Orme, Latina, Photo EDOARDO DELILLE/Le Monde

Cette transformation institutionnelle a été possible parce qu’elle s’est accompagnée d’une transformation socioculturelle qui a conduit l’agriculture à devenir le bras opérationnel du système industriel, en lui prenant les moyens techniques (moyens mécaniques, engrais et ensuite pesticides) comme matière première indispensable à l’augmentation de la production.  Cette conception s’est manifestée pleinement dans la bataille du blé, lorsque la monoculture céréalière s’est imposée aux autres cultures (et a provoqué la réduction du secteur de l’élevage), comme conséquence des politiques gouvernementales, formulées dans le but de réduire le déficit de la balance import/export et de stabiliser les prix dans le secteur.  Si, d’une part, la campagne d’augmentation de la production, qui s’est déroulée avec le développement de la monoculture et d’un nombre toujours plus réduit de variétés, a permis de résoudre certains aspects du budget de l’État, d’autre part, le processus de modernisation industrielle déclenché a produit des effets d’entraînement, tels que les premières migrations de salariés entre les secteurs de production (le passage de l’agriculture à l’industrie, un phénomène qui caractérisera les années postérieures à 1945).  Les campagnes ont stabilisé le régime et ont aussi eu, bien sûr, des effets secondaires négatifs qui ont manifesté leur importance au fil du temps, comme la poursuite de la déforestation au détriment de la stabilité des sols et l’appauvrissement de l’alimentation des populations, plus exposées aux maladies et aux épidémies.  

Le triomphe de cette conception technique, qui a transformé le secteur agricole en un secteur agro-industriel, a été rendu possible par la théorisation économique de type productiviste, dont Arrigo Serpieri a été le plus grand représentant. Sa théorisation du système de valorisation des terres, conçu comme une “bonification intégrale”, a permis d’offrir un rôle au système agricole en l’ancrant dans la conception productiviste de l’ensemble du système économique, une conception qui marquera le20e siècle. Alors qu’à une certaine époque la mise en valeur des terres signifiait la transformation des terres marécageuses, la discipline de la bonification intégrale avait pour objet non seulement celle-ci, mais aussi les opérations effectuées en vue de l’amélioration des terres cultivables ou d’une transformation radicale de l’usage productif. Ces transformations présupposaient une compréhension sociale qui permettait le transfert des rôles, le déplacement de la population, la création de “voies de modernisation”. Le fascisme a réalisé tout cela en agissant de manière préventive avec les moyens que tout le monde connaît malheureusement : la destruction (par des actions criminelles et meurtrières) des organisations paysannes et ouvrières autonomes et de la structure sociale préexistante, ce qui était la condition préalable pour entamer ensuite le processus de modernisation italien avec quelques interventions modèles : par exemple, le transfert des paysans de Vénétie vers les marais Pontins pour leur mise en valeur. En particulier, dans des conditions modifiées et avec des objectifs radicalement différents des conditions actuelles des systèmes agricoles et de la société dans son ensemble, l’agroécologie se rattache à la voie qui, dans la seconde moitié du19e  siècle, a caractérisé la transformation industrielle de l’agriculture italienne par la création des chaires ambulantes d’agriculture et pousse les nouvelles idées de gestion agricole à se répandre dans la société et à permettre aux communautés locales de trouver des moyens de sortir de la crise socio-économique en préservant les ressources locales et en réduisant la pollution et la dissipation de l’énergie.

Il est essentiel d’expliquer les aspects qui ont façonné le visage de l’agriculture italienne pour clarifier le chemin ardu que l’agroécologie doit parcourir et les difficultés à éliminer les hypothèses idéologiques qui ancrent aujourd’hui l’agriculture dans le système industriel de type fordiste. Couper le cordon qui ligote l’agriculture dans une position subordonnée à l’industrie et à la finance est une entreprise complexe qui prend du temps. Comme l’indique le communiqué de la conférence sur l’agroécologie, « il est nécessaire d’établir un pacte éthique et social entre tous les acteurs du secteur agroalimentaire pour accompagner les agriculteurs sur les chemins de la transition écologique au niveau de l’assistance technique et au niveau de la durabilité économique ». C’est pourquoi il est nécessaire de se souvenir des parcours passés, en comprenant comment s’est créée la subalternité qui oblige l’agriculture à avoir un bilan énergétique négatif, ce qui incite les autres secteurs productifs à toujours injecter de l’énergie nouvelle et en plus grande quantité, en l’extrayant des réserves de la planète.

La création de l’agriculture moderne, aujourd’hui appelée “agriculture conventionnelle”, a fait perdre le rôle d’“accumulateur d’énergie” qu’elle avait conservé grâce aux plantes et à leur capacité à capter l’énergie solaire. L’agroécologie promet de le restaurer, agissant ainsi comme un pivot pour le développement d’une économie circulaire basée sur des sources d’énergie renouvelables et des activités de production “respectueuses de la planète” qui minimisent la dissipation d’énergie. Si l’on regarde les groupes de discussion initiés lors de la conférence, on retrouve tous les thèmes qui lient l’agriculture non seulement aux activités humaines, mais aussi aux cycles planétaires dans leur ensemble.   

La préservation de la biodiversité à toutes les échelles, la réduction de tous les intrants chimiques de synthèse, sont les fondements sur lesquels s’appuient la formation, l’information et l’assistance technique adéquates aux exploitations agricoles.

 Les modèles agroécologiques permettent d’atténuer le changement climatique et de s’y adapter grâce à des pratiques respectueuses de l’écologie des sols, ainsi qu’à un changement de modèle, passant d’un élevage intensif à un élevage spécialisé, à un système d’agro-élevage qui maintient une autosuffisance alimentaire maximale et un retour approprié des nutriments dans le sol.

Enfin, le problème au cœur du changement : comment répondre aux aspects critiques et aux vulnérabilités du système agroalimentaire mondial par la reconstruction de systèmes agroalimentaires à l’échelle locale, des systèmes qui combinent le changement nécessaire des pratiques de production, de distribution et de consommation, avec la construction et le partage de nouveaux systèmes de connaissances. Si toutes les conditions sont réunies, il manque encore, pour que le projet de changement devienne central, une théorie générale, capable de transformer l’agroécologie d’une mosaïque de compétences en un système intégré, capable de s’appliquer localement et de construire un système en réseau dans lequel tous les autres secteurs "productifs" peuvent s’insérer. Pour ce faire, nous avons également besoin d’un nouveau langage, car nous ne pouvons pas parler de “matières premières” lorsque nous devons réutiliser ce que nous avons déjà, nous ne pouvons pas parler de déchets lorsque nous devons les envoyer au recyclage, nous ne pouvons pas parler de filières alors que nous devrions développer des circuits auto-renouvelables.

Nous devons systématiser et diffuser le langage de l’agroécologie, créer et diffuser des procédures d’intervention dans les nouvelles normes de production, créer des méthodes de transformation qui tiennent compte non seulement du produit, mais aussi du producteur et du consommateur, afin de permettre à chacun de savoir ce qu’il mange, qui le produit et comment. Jusqu’à présent, ceux qui se sont préoccupés de ces questions étaient divisés en de nombreuses organisations, de nombreuses réalités, parfois sans langage commun. Il s’agit de recréer localement la toile d’araignée qui peut nous soutenir et nous relier au monde.

Ils ont eu beau jeu, ceux qui, jusqu’à présent, ont proposé à la manière du Guépard que “tout change pour que rien ne change”, par le biais de nouvelles “inventions” qui résoudraient nos problèmes, et nous nous en sommes toujours rendu compte très tard. Le développement a toujours été ainsi, proposant de nouveaux objectifs plus lointains dès qu’un objectif était atteint et que l’on découvrait que ce n’était pas le paradis promis, comme ce fut le cas avec la soi-disant révolution verte en Inde ou les 100 quintaux/ha de production de blé tendre en France.

Plantu

L’agroécologie nous invite à accepter la réalité, à vivre avec le changement climatique en essayant d’en réduire les effets négatifs mais surtout en découvrant qu’il est possible d’améliorer notre vie en repartant de l’énergie qui nous entoure et que nous dissipons généralement sans même nous en rendre compte, à partir de la production agricole et du développement d’une économie circulaire intégrale qui remplace le concept obsolète de “bonification intégrale”.