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21/07/2024

HANNO HAUENSTEIN
“Se débarrasser de Netanyahou ne suffit pas : le monde doit mettre fin à l’apartheid d’Israël”
Entretien avec Gideon Levy

Hanno Hauenstein, jacobin.de, 16/7/2024
English original: Gideon Levy: Getting Rid of Netanyahu Is Not Enough
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Hanno Hauenstein (*1986) est journaliste indépendant qui vit à Berlin. Ses articles ont été publiés entre autres par le Guardian, the Intercept, Zeit Online, Haaretz et la taz. Il a été pendant plusieurs années rédacteur et chef de rubrique au service culturel de la Berliner Zeitung. En octobre 2022, il a été démis de ses fonctions pour avoir critiqué l’invitation de Viktor Orban à un débat avec l’éditeur de la BZ, Holger Friedrich. Il a également été le fondateur et l’éditeur de la revue artistique et littéraire germano- hébraïque aviv Magazine.
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Gideon Levy est l’un des critiques les plus en vue de la politique d’occupation et de guerre israélienne. Dans un entretien avec JACOBIN, il illustre les effets dévastateurs de la guerre de Gaza, l’escalade de l’annexion de la Cisjordanie et la stagnation du discours public en Israël.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Israël se trouve dans un état d’urgence absolu. Le pays est gouverné par un cabinet de guerre, les censures militaires noircissent des articles sélectionnés et expulsent certains médias étrangers, tandis que la guerre dévastatrice continue de faire rage à Gaza.

On entend souvent dire que tout ce qui se passe en Israël et en Palestine depuis le 7 octobre est de la seule faute du Hamas. Mais le conflit au Proche-Orient n’est pas né de l’attaque terroriste du Hamas. Ce conflit a une histoire longue et sanglante, au cours de laquelle la Palestine a été occupée pendant des décennies par Israël et la population arabe entre la Méditerranée et le Jourdain privée de ses droits.

Peu d’Israéliens le savent mieux que le journaliste Gideon Levy, qui couvre depuis des décennies la politique de colonisation et d’exclusion qu’Israël mène à l’égard des Palestinien·nes. Dans un entretien avec JACOBIN, il a évoqué l’histoire du conflit, la possible annexion de la Cisjordanie et ses espoirs pour la région.

 


Le 13 juillet, des dizaines de Palestinien·nes [92] ont été tué·es lors d’une attaque aérienne israélienne à Gaza, qui visait apparemment le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif. Des images de l’attaque ont montré de grands cratères et d’énormes nuages de fumée à des endroits qu’Israël avait déclarés comme “zone sûre”. 279 Gazaouis ont été tués lors de l’opération de libération de quatre otages à Nuseirat il y a quelques semaines. La plupart étaient des civils. Le fait que le prix de cette guerre soit si élevé fait-il l’objet d’un débat au sein de l’opinion publique israélienne ?

Non, pas du tout. Je peux te garantir que s’il n’y avait pas eu 200 morts à Nuseirat, mais 2.000, cela aurait quand même été justifié pour la plupart des gens en Israël. À leurs yeux, Israël a le droit de faire ce qu’il veut après le 7 octobre. Et ce n’est pas au monde de nous imposer des limites. C’est la façon de penser. Bien sûr, il y a des gens qui voient les choses différemment. Mais ils sont une petite minorité et ont peur d’élever la voix. La plupart des Israéliens justifieraient en ce moment toute agression contre la population palestinienne. Dans n’importe quelle proportion.



Maternité
, par Malak Mattar

De nombreux objectifs déclarés de la guerre - comme la libération des otages ou la destruction du Hamas - ont à peine été atteints après neuf mois. L’opinion publique israélienne ne doute-t-elle pas de la poursuite de l’effusion de sang à Gaza ?

C’est là qu’Israël est divisé. On ne peut pas dire que les objectifs ont été atteints alors que le Hamas continue de tirer des roquettes et que la plupart des otages n’ont pas été libérés. Au niveau international, Israël devient un paria. Mais l’aile droite argumente que tout cela est dû au fait que nous ne nous sommes pas battus assez fort et que nous n’avons pas tué assez de gens. Ils pensent que l’armée israélienne n’est pas assez déterminée.

D’un autre côté, nombreux sont ceux qui commencent à comprendre, avec neuf mois de retard, que cette guerre ne peut pas atteindre ses objectifs, car ils sont par définition inatteignables. Des gens comme moi le disent depuis le premier jour. Mais malgré cela, personne ne tire la conséquence de mettre fin à la guerre aujourd’hui. Si elle n’a rien donné après neuf mois, elle ne donnera rien non plus après neuf autres mois, si ce n’est plus de tueries et plus de destructions. Alors pourquoi continuer ? 

La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était juste avant les dernières élections en Israël, qui ont porté au pouvoir le gouvernement actuel, dirigé par des extrémistes. Tu avais alors exprimé de très faibles attentes vis-à-vis de l’opposition. La guerre contre Gaza dure maintenant depuis neuf mois. Des dizaines de milliers de civils ont été tués. Vois-tu aujourd’hui une opposition significative en Israël ?

Il y a une opposition engagée, ils manifestent chaque semaine et bloquent même parfois la circulation. Mais ils ne se concentrent que sur deux choses : se débarrasser de Netanyahu et ramener les otages à la maison. Il n’y a pas de véritable opposition à la guerre. Pas d’opposition aux crimes d’Israël. Pas d’opposition à la tuerie de masse à Gaza. Pas du tout. C’est pourquoi, même si Netanyahou est remplacé, aucun des autres candidats ne s’attaquera aux questions fondamentales : la guerre, l’occupation, l’apartheid. Aucun d’entre eux n’est prêt à un véritable changement. Pour ce qui est des questions essentielles, Israël restera le même.

Avant le 7 octobre, il y avait eu des manifestations en Israël contre la soi-disant réforme de la justice. Un petit bloc constant dans ces manifestations, le bloc anti-occupation, a toujours abordé les thèmes que tu as mentionnés. Ils ont tenté d’établir un lien entre l’oppression d’Israël contre les Palestiniens et la réforme judiciaire. Est-ce que cela n’était que marginal ?

Définitivement. Premièrement, lors de ces manifestations également, la majorité des manifestants ne voulaient pas de ce groupe. Ils n’ont pas toléré les drapeaux palestiniens. Ils ne voulaient pas être impliqués dans cette question, car ils craignaient que cela irrite la plupart des Israéliens. Et ce bloc se rétrécit encore plus aujourd’hui. Les gens qui sont vraiment contre la guerre et l’occupation forment un camp beaucoup plus petit après le 7 octobre.


Depuis des années, tu ne cesses de soulever toi-même des questions qui restent souvent taboues en Israël. Tu as toutefois assez souvent défendu le Premier ministre Benjamin Netanyahu et remis à leur place ses critiques libéraux. Pourquoi ça ?

Le front uni contre Netanyahu était exclusivement focalisé sur l'idée de se débarrasser de lui, tout en faisant l’impasse sur tous les autres problèmes. Comme si Israël allait se transformer en une sorte de paradis dès que nous serions débarrassés de Netanyahou. Comme si tout était de sa seule faute. L’occupation et les colonies - tout cela est dû au Parti travailliste israélien, pas à Netanyahou. Shimon Peres, qui a reçu le prix Nobel de la paix, est responsable de plus de colonies que Netanyahou. Être contre Netanyahu est très confortable. Il n’y a pas besoin de courage pour cela. Mais si l’on n’a pas d’alternative, ni personnelle, ni programmatique, ni idéologique, cet argument est creux. En outre, je suis également d’avis que Netanyahou a personnellement un niveau bien plus élevé en tant qu’homme politique que tous les autres candidats.

Ta position a-t-elle changé ?

Aujourd’hui, je ne dirais plus un seul bon mot sur Netanyahou. Il doit dégager. Il n’y a aucun doute à ce sujet.