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09/09/2025

CAROLINE DUPUY
« Tout le monde a perdu » : comment un programme de migration sioniste a privé le Maroc de sa florissante communauté juive

Caroline DupuyMiddle East Eye, 3/8/2025
Traduit par SOLIDMAR

Dans les années 1960, plus de la moitié des Juifs marocains ont quitté le pays avec la promesse d’un avenir meilleur en Israël. Middle East Eye a parlé à ceux qui ont choisi de rester dans le royaume d’Afrique du Nord.


18 mai 2022 : un membre de la communauté juive prie lors de la Hiloula des Tsadikim, le pèlerinage sur les tombes des saints et des rabbins célèbres, au cimetière juif de Meknès, Maroc, érigé en 1682 et restauré récemment dans le cadre d'un programme de réhabilitation de plus de 160 cimetières juifs du Maroc  voulu par le roi Mohammed VI en 2010. Photo Fadel Senna/AFP

Ce n’est pas un secret : de nombreux Juifs ont quitté le Maroc pour Israël dans les années 1960, dans le cadre d’un programme sioniste officiellement connu sous le nom d’Opération Yakhin.

Conçue par le Mossad et menée par l’Agence juive, cette opération clandestine visait à accroître la population juive de l’État récemment proclamé en y transférant des Juifs depuis le Maroc. D’autres opérations similaires ont eu lieu aux quatre coins du monde à la même époque.

Entre 1961 et 1964, près de 97 000 Juifs, soit 54,6 % de la communauté du royaume, auraient quitté le Maroc. Avant l’opération, environ 225 000 Juifs vivaient dans ce pays d’Afrique du Nord.

Aujourd’hui, quelque 160 000 Juifs d’origine marocaine vivraient en Israël, formant le deuxième plus grand groupe d’immigrés après les Juifs issus des ex-républiques soviétiques.

L’aspect le plus méconnu de cette période est incarné par la communauté juive marocaine qui est restée — ou qui est revenue d’Israël après y avoir migré et vécu quelques années. Ils constituent les quelque 2 000 Juifs qui vivent encore aujourd’hui dans le pays — la plus grande communauté juive subsistante en Afrique du Nord.

L’écrivain juif marocain Jacob Cohen décrit cette communauté jadis florissante comme « une espèce rare ».

Né en 1944 à Meknès, Cohen fait partie du petit groupe qui est resté au Maroc pendant l’exode massif. Il a vu sa communauté disparaître sous ses yeux.

« J’étais convaincu que nous devions partir, que les Juifs marocains n’avaient pas d’avenir au Maroc. C’est le grand succès des organisations sionistes présentes au Maroc », a-t-il confié à Middle East Eye.

Une chose était claire, dit-il : « Il n’y avait pas d’antisémitisme manifeste ; les quelques Juifs qui vivaient au Maroc n’avaient pas de problèmes. Mais il y avait ce sentiment généralisé que l’avenir n’était plus là, sinon pour eux-mêmes, du moins pour leurs enfants. »

« Ce fut une tragédie »

Selon diverses sources universitaires, l’Opération Yakhin s’appuyait sur un accord entre le Premier ministre israélien David Ben Gourion et le défunt roi du Maroc Hassan II.

Pour compenser le Maroc de la perte de membres de sa communauté, Israël aurait accepté de verser 500 000 dollars, plus 100 dollars par émigrant pour les 50 000 premiers Juifs marocains partis, et 250 dollars pour chaque émigrant supplémentaire. La société new-yorkaise Hebrew Immigrant Aid Society aurait contribué à hauteur de 50 millions de dollars à Yakhin.

Fanny Mergui, 80 ans, de Casablanca, faisait partie des milliers de personnes parties en 1961. Elle se souvient de la façon dont les mouvements de jeunesse israéliens sont venus au Maroc pour convaincre les Juifs de partir et, pour ceux comme elle qui avaient le « bon profil », de rejoindre le mouvement.

« [Ils disaient que] le Maroc était indépendant [de la colonisation française depuis 1956], et que nous avions notre propre pays [Israël], que nous n’avions plus aucune raison de rester au Maroc », dit-elle à MEE.

Elle a commencé à fréquenter les clubs de jeunesse créés par l’Agence juive, branche opérationnelle de l’Organisation sioniste mondiale chargée de promouvoir l’immigration juive vers Israël, dès l’âge de 10 ans. Ces clubs diffusaient la propagande sioniste auprès des jeunes.

« Je vivais au rythme de la culture israélienne — la patrie, les chants des pionniers, le socialisme, la liberté, l’émancipation, la fraternité », dit-elle.

La propagande fonctionnait, et depuis sa maison dans le quartier historique, Mergui était aux premières loges pour voir l’opération se dérouler.

« Ils envoyaient des bus entiers de villages vers Casablanca, et j’ai passé mon enfance à regarder ces gens partir. Il suffisait de traverser la rue et on se retrouvait là où les bateaux accostaient, juste sous nos yeux. »

Mergui décrit l’état d’esprit des départs comme une « sorte de psychose du départ ».

« J’ai vu toutes ces personnes quitter la médina — grands-mères, grands-pères, jeunes et vieux, avec leurs marmites à couscous, paniers, épices, tous en larmes. C’était une tragédie. Les gens ne partaient pas le cœur joyeux », se souvient-elle.

Les Juifs étaient parfaitement intégrés à la société marocaine majoritairement musulmane, à laquelle ils appartenaient depuis plus de 2 000 ans.

« Les Marocains musulmans ne nous attaquaient pas, ils ne nous disaient pas de partir, bien au contraire », confie-t-elle.

Mais à l’époque, dit Mergui, le mouvement sioniste et le projet migratoire promettaient la « modernité » et l’accès à un nouveau monde.

« Quand je suis partie, dans mon esprit, et pour beaucoup de Juifs marocains, Israël avait toujours existé. Nous ne pensions pas aller dans un pays qui venait juste de naître. Pour nous, c’était la Terre sainte. C’était notre pays. C’était la terre de la Bible », dit-elle.

« Nous rentrions chez nous, tout simplement. Nous ne comprenions pas ce qui se passait réellement. Il m’a fallu toute une vie pour comprendre ce qui était arrivé à ma communauté », ajoute-t-elle.

Retour au Maroc

Une source anonyme bien informée a confié à MEE qu’en plus du voyage gratuit vers Israël, les migrants se voyaient offrir un logement permanent.

Cependant, une fois en Israël, les Juifs marocains, comme d’autres immigrés venus des pays arabes, ont découvert une réalité bien différente de ce que le mouvement sioniste leur avait décrit.

En Israël, les Marocains furent les premiers à former ce qu’on appelait les « quartiers arabes », explique Mergui, qu’elle décrit comme « des zones complètement désolées ».

« Si vous vouliez un toit, il fallait le construire vous-même », ajoute-t-elle, précisant que les Juifs arabes étaient les plus pauvres parmi les communautés arrivantes.


Les bâtiments restants du quartier Moghrabi (maghrébin/marocain) dans la vieille ville de Jérusalem, le 12 juin 1967, après leur démolition par Israël afin d'agrandir l'espace devant le Mur occidental. Photo Ilan Bruner/Bureau de presse du gouvernement israélien/AFP

Le racisme entre communautés et les inégalités étaient aussi un problème.

« C’était une idéologie coloniale. Les Juifs européens, qui furent les premiers à s’installer en Palestine depuis la Russie dans les années 1880, se considéraient comme supérieurs à nous et nous ne pouvions jamais être que des citoyens de seconde zone. »

Il n’a pas fallu longtemps aux nouveaux immigrés pour contester cette situation.

« Les Juifs marocains sont descendus dans la rue avec des portraits du roi Mohammed V, en disant : “Nous voulons rentrer chez nous”, mais ce n’était pas possible ; c’était un voyage sans retour », explique Mergui. Bien que Mohammed V soit décédé en 1961, les manifestants brandissaient son image car le défunt roi était connu pour avoir protégé les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il avait refusé de livrer les Juifs marocains au régime nazi.

Le retour au Maroc n’était pas une option facilement accessible pour la plupart des Juifs marocains. L’opération étant clandestine, ils n’avaient pas de documents de voyage légitimes et leur situation de passeport dépendait des accords conclus avec le Maroc, explique-t-elle.

Après la guerre israélo-arabe de 1967, Mergui elle-même souhaita revenir au Maroc et en eut l’occasion en devenant responsable du club de jeunesse sioniste qui recrutait des membres pour le mouvement.

« J’étais folle de joie, non pas parce que j’allais travailler pour le mouvement sioniste, mais parce qu’ils me donnaient la possibilité de remettre en question ce départ précipité du Maroc. »

Israël n’était pas son foyer. « J’étais immergée dans une culture étrangère, que j’appréciais bien sûr — j’ai beaucoup appris, je ne le nie pas. Je me suis politisée. J’ai rencontré des jeunes venus du monde entier », dit-elle.

Alors qu’elle considérait autrefois le sionisme « comme tout autre mouvement colonial ayant besoin de s’implanter », tout a changé pour elle après 1967 et l’occupation par Israël des territoires palestiniens.

« J’ai commencé à réaliser que c’était ça le véritable problème et à comprendre ce qui se passait réellement. J’ai complètement renoncé à vivre en Israël. »

Avant de retourner au Maroc, Mergui étudia à l’Université de Vincennes, à Paris, où elle se familiarisa avec l’histoire de la Palestine.

« Cela a façonné mon parcours académique et politique, et ma conscience s’est éveillée. »

Durant son séjour en France, Mergui s’engagea en politique, militant à la fois pour les Black Panthers israéliens, un groupe réclamant la justice sociale pour les Juifs séfarades et mizrahim en Israël, et pour la cause palestinienne.

« Au bord de l’extinction »

L’opinion publique marocaine soutient ouvertement la cause palestinienne et s’oppose à l’accord de normalisation signé avec Israël en 2020 — et les Juifs du royaume semblent partager une perspective similaire.

La plupart des Juifs marocains gardent un profil politique discret ; cependant, de nombreux membres de la communauté condamnent les actions israéliennes. Rabat est la ville natale de figures propalestiniennes renommées d’origine juive marocaine, comme Sion Assidon, membre fondateur du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) au Maroc.

Cependant, la politique moyen-orientale n’est pas la seule raison pour laquelle les Juifs du pays ont décidé de rester — ou de revenir.

Haim Crespin, né dans la ville septentrionale de Ksar el-Kébir en 1957, décrit sa décision de rester dans le royaume comme « non motivée politiquement ».

Il était enfant lors de l’exode massif.

« Mon père était commerçant, et nous avions une bonne vie ici. J’ai aussi ouvert mon restaurant il y a 25 ans. La raison pour laquelle chaque Juif reste au Maroc n’est pas toujours liée à des aspects politiques », a-t-il dit à MEE.

Le restaurateur, qui vit aujourd’hui à Rabat, défend le choix de sa famille de rester malgré certaines difficultés qu’il ne considère pas comme propres au Maroc.

Alors que certains Juifs interrogés par MEE disent percevoir une hausse de l’antisémitisme dans le royaume, il n’existe pas de données fiables sur la question. En tout cas, ce n’est pas suffisant pour pousser les gens à partir, estime Crespin. « Les gens bougent à cause de la peur, mais cela arrive partout dans le monde, alors pourquoi partir ? »

Cohen, en revanche, se montre pessimiste quant au destin de la communauté juive du Maroc, que l’écrivain dit être « au bord de l’extinction ».

Lui-même a décidé de partir pour la France après avoir rencontré, dit-il, « certains problèmes personnels » lorsqu’il travaillait comme maître-assistant à Casablanca, ce qui l’a amené à penser que « les Juifs marocains avaient généralement raison de ne pas considérer la société marocaine comme suffisamment tolérante et égalitaire pour offrir aux Juifs les postes qu’ils méritaient ».

Cependant, il reconnaît que le royaume a fait des efforts pour préserver l’identité juive historique du pays.

En 1997, la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain a créé à Casablanca le premier musée juif du monde arabe, encore actif aujourd’hui. La fondation a également préservé plus de 167 cimetières et sanctuaires juifs à travers le royaume.

En 2011, la nouvelle constitution marocaine a reconnu l’identité hébraïque comme partie intégrante de l’identité marocaine, et en 2020, le roi Mohammed VI a approuvé l’introduction de l’enseignement de l’histoire et de la culture juives dans les écoles primaires. Un conseiller juif marocain influent du roi, André Azoulay, a joué un rôle clé pour souligner l’importance de cette reconnaissance officielle.

« Tout est fait pour la protéger, la soutenir et la préserver. Mais sa fin semble inévitable, et même si elle survit, ce sera sous une forme réduite à sa plus simple expression », estime Cohen.

« Rien ne peut s’opposer à ce verdict de l’histoire », ajoute-t-il, soulignant les pertes majeures entraînées par l’Opération Yakhin.

« Du côté marocain, tout le monde a perdu. Le pays a perdu une communauté potentielle d’un à deux millions de personnes qui auraient pu contribuer à son développement, sa diversité et son harmonie.

Du côté juif, ce fut l’éradication irréversible d’une civilisation qui avait mis 15 siècles à se former et à s’épanouir. »

En décrivant la période migratoire, Mergui aime utiliser la métaphore des gens fuyant un bâtiment en flammes.

« La communauté juive marocaine était complètement perdue. Elle ne savait pas ce qu’il allait advenir d’elle, c’était comme être dans une maison en feu, et les gens s’enfuyaient », dit-elle.

« Alors, que faire ? Eh bien, on court, comme tout le monde. »

07/09/2025

CAROLINE DUPUY
“Todos perdieron”: cómo un programa de migración sionista privó a Marruecos de su floreciente comunidad judía

Caroline DupuyMiddle East Eye, 3-8-2025
Traducido por Tlaxcala

En la década de 1960, más de la mitad de los judíos marroquíes abandonaron el país con la promesa de un futuro mejor en Israel. Middle East Eye habló con quienes decidieron quedarse en el reino norteafricano.


18 de mayo de 2022: un miembro de la comunidad judía reza durante la Hilula de los Tsadikim, la peregrinación a las tumbas de santos y rabinos famosos, en el cementerio judío de Mequínez, Marruecos, construido en 1682 y restaurado recientemente en el marco de un programa de rehabilitación de más de 160 cementerios judíos de Marruecos  impulsado por el rey Mohammed VI en 2010. Foto: Fadel Senna/AFP

No es ningún secreto que muchos judíos dejaron Marruecos rumbo a Israel en la década de 1960, dentro de un programa sionista conocido oficialmente como Operación Yajín.

Una misión encubierta, diseñada por el Mossad y dirigida por la Agencia Judía, la Operación Yajín buscaba aumentar la población judía del recién proclamado Estado llevándolos desde Marruecos. En esa época se desarrollaban operaciones similares en distintas partes del mundo.

Entre 1961 y 1964, se calcula que 97.000 judíos —el 54,6 % de la comunidad del reino— dejaron Marruecos. Antes de la operación, unos 225.000 judíos vivían en este país del norte de África.

Hoy en día, se estima que unos 160.000 judíos de origen marroquí viven en Israel, constituyendo el segundo grupo migrante más numeroso después de los judíos procedentes de las ex repúblicas soviéticas.

El aspecto menos conocido de este periodo lo encarna la comunidad judía marroquí que permaneció —o que regresó de Israel después de haber emigrado y vivido allí unos años. Ellos conforman los aproximadamente 2.000 judíos que viven actualmente en el país, la comunidad judía más grande que queda en el norte de África.

El escritor judío marroquí Jacob Cohen describe a esta comunidad, antes floreciente, como «una especie rara».

Nacido en 1944 en Mequínez, Cohen forma parte del pequeño grupo que permaneció en Marruecos durante la migración masiva. Vio cómo su comunidad se evaporaba ante sus propios ojos.

«Estaba convencido de que debíamos irnos, de que los judíos marroquíes no teníamos futuro en Marruecos. Ese fue el gran éxito de las organizaciones sionistas presentes en Marruecos», declaró a Middle East Eye.

Una cosa estaba clara, dijo: «No había antisemitismo abierto; los pocos judíos que vivían en Marruecos no tenían problemas. Pero existía este sentimiento generalizado de que el futuro ya no estaba allí, si no para ellos mismos, al menos para sus hijos».

“Fue una tragedia”

Según diversas fuentes académicas, la Operación Yajín se sustentó en un entendimiento entre el primer ministro israelí David Ben-Gurión y el difunto rey de Marruecos Hasán II.

Para compensar a Marruecos por la pérdida de miembros valiosos de su comunidad, Israel habría aceptado pagar 500.000 dólares, más 100 dólares por emigrante para los primeros 50.000 judíos marroquíes que partieron, y 250 dólares por cada emigrante adicional. La organización con sede en Nueva York Hebrew Immigrant Aid Society habría contribuido con 50 millones de dólares a Yajín.

Fanny Mergui, de 80 años, originaria de Casablanca, fue una de los miles que partieron en 1961. Recuerda cómo los movimientos juveniles israelíes llegaron a Marruecos para convencer a los judíos de emigrar y, a quienes como ella tenían el «perfil adecuado», a unirse al movimiento.

«[Decían que] Marruecos era independiente [del dominio colonial francés desde 1956], y que nosotros teníamos nuestro propio país [Israel], que ya no teníamos razón para permanecer en Marruecos», contó a MEE.

Comenzó a asistir a los clubes juveniles creados por la Agencia Judía, el brazo operativo de la Organización Sionista Mundial encargado de fomentar la inmigración judía a Israel, cuando tenía 10 años. Estos clubes eran una forma de difundir propaganda sionista entre la juventud.

«Vivía al ritmo de la cultura israelí: la patria, los cantos de los pioneros, el socialismo, la libertad, la emancipación, la fraternidad», relató.

La propaganda fue eficaz, y desde su casa en el barrio histórico, Mergui estaba en el lugar perfecto para observar cómo se desplegaba la operación.

«Mandaban autobuses enteros de aldeas a Casablanca, y pasé mi infancia viendo a esa gente marcharse. Bastaba cruzar la calle y estabas justo allí, donde atracaban los barcos, frente a nuestros ojos.»

Mergui describe el estado en que la gente se marchaba como una «especie de psicosis de partida».

«Vi a toda esa gente salir de la medina —abuelas, abuelos, jóvenes y mayores, con sus ollas de cuscús, cestas, especias, todos llorando. Fue una tragedia. La gente no se marchaba con alegría en el corazón», recordó.

Los judíos estaban perfectamente integrados en la sociedad marroquí mayoritariamente musulmana, a la cual habían pertenecido durante más de 2.000 años.

«Los musulmanes marroquíes no nos atacaban, no nos decían que nos fuéramos, al contrario», afirmó.

Sin embargo, en aquel momento, dijo Mergui, el movimiento sionista y el proyecto migratorio prometían «modernidad» y acceso a un nuevo mundo.

«Cuando me fui, en mi mente, y en la de muchos judíos marroquíes, Israel siempre había existido. No pensábamos que íbamos a un país que acababa de surgir. Para nosotros, era la Tierra Santa. Era nuestro país. Era la tierra de la Biblia», dijo.

«Regresábamos a casa, punto. No entendíamos lo que realmente estaba pasando. Me tomó toda una vida comprender lo que le ocurrió a mi comunidad», añadió.

Regreso a Marruecos

Una fuente anónima bien informada dijo a MEE que, además de viajar gratis a Israel, a los migrantes se les ofrecía un lugar permanente donde vivir.

Sin embargo, una vez en Israel, los judíos marroquíes, al igual que otros inmigrantes de países árabes, descubrieron que la realidad no era la que el movimiento sionista les había descrito.

En Israel, los marroquíes fueron los primeros en formar lo que se llamó los “barrios árabes”, según Mergui, quien los describió como “zonas completamente desoladas”.

“Si querías un techo, tenías que construirlo tú misma”, dijo, añadiendo que los judíos árabes eran los más pobres entre las comunidades que llegaban.


Los edificios que quedaban en el barrio Moghrabi (marroquí) de la Ciudad Vieja de Jerusalén el 12 de junio de 1967, tras su demolición por parte de Israel para ampliar el espacio frente al Muro Occidental. Foto Ilan Bruner/Oficina de Prensa del Gobierno de Israel/AFP

El racismo entre comunidades y la desigualdad también fueron un problema.

“Era una ideología colonial. Los judíos europeos, que fueron los primeros en asentarse en Palestina desde Rusia en la década de 1880, se consideraban superiores a nosotros y nosotros sólo podíamos ser ciudadanos de segunda clase”.

No tardó en surgir la protesta entre los nuevos inmigrantes.

“Los judíos marroquíes salieron a las calles con retratos del rey Mohamed V, diciendo: “Queremos volver a casa”, pero eso no era posible; era un viaje de ida”, explicó Mergui. Aunque Mohamed V murió en 1961, los manifestantes usaban su imagen porque el difunto rey era conocido por haber protegido a los judíos durante la Segunda Guerra Mundial, cuando se negó a entregar a la población judía marroquí al régimen nazi.

Regresar a casa no era una opción fácilmente disponible para la mayoría de los judíos marroquíes. Como la operación era clandestina, no tenían documentos de viaje legítimos y su situación de pasaportes estaba ligada a los acuerdos concluidos con Marruecos, explicó.

Después de la guerra árabe-israelí de 1967, la propia Mergui deseó regresar a Marruecos y tuvo la oportunidad al convertirse en dirigente de un club juvenil sionista que ayudaba a reclutar gente para el movimiento.

“Estaba feliz, no porque fuera a trabajar para el movimiento sionista, sino porque me dieron la oportunidad de cuestionar aquella partida apresurada de Marruecos”.

Israel no era su hogar. “Estaba inmersa en una cultura extranjera, que apreciaba, por supuesto —aprendí mucho, no lo niego. Me politicé. Conocí jóvenes de todo el mundo”, contó.

Aunque antes veía el sionismo “como cualquier otro movimiento colonial que necesitaba asentarse”, todo cambió para ella después de 1967 y de la ocupación por parte de Israel de los territorios palestinos.

“Empecé a darme cuenta de que ese era el verdadero problema y a comprender lo que realmente estaba ocurriendo. Renuncié por completo a vivir en Israel”.

Antes de regresar a Marruecos, Mergui estudió en la Universidad de Vincennes, en París, donde conoció la historia de Palestina.

“Eso marcó mi trayectoria académica y política, y mi conciencia se despertó”.

Durante su estancia en Francia, Mergui se involucró en política, militando tanto en los Panteras Negras israelíes, un grupo que buscaba justicia social para los judíos sefardíes y mizrajíes en Israel, como en la causa palestina.

“Al borde de la extinción”

La opinión pública marroquí apoya abiertamente la causa palestina y se opone al acuerdo de normalización firmado con Israel en 2020 —y los judíos del reino parecen compartir una perspectiva similar.

La mayoría de los judíos marroquíes mantienen un perfil político discreto; sin embargo, muchos miembros de la comunidad condenan las acciones israelíes. Rabat es la ciudad natal de conocidos activistas propalestinos de origen judío marroquí, como Sion Assidon, miembro fundador del movimiento Boicot, Desinversión y Sanciones (BDS) en Marruecos.

No obstante, la política de Oriente Medio no es la única razón por la que los judíos del país decidieron quedarse —o regresar.

Haim Crespin, nacido en la ciudad norteña de Ksar el-Kebir en 1957, explicó que su decisión de permanecer en el reino “no estuvo motivada políticamente”.

Era niño cuando ocurrió la migración masiva.

“Mi padre era comerciante, y teníamos una buena vida aquí. Yo también abrí mi restaurante hace 25 años. No todos los motivos por los que un judío decide quedarse en Marruecos se fundan en aspectos políticos”, dijo a MEE.

El restaurador, que ahora vive en Rabat, defiende la elección de su familia de permanecer en el país a pesar de algunas dificultades que no considera exclusivas de Marruecos.

Mientras que algunos judíos entrevistados por MEE dijeron percibir un aumento del antisemitismo en el reino, no existen datos fiables al respecto. En cualquier caso, eso no es suficiente para obligar a la gente a irse, señaló Crespin. “La gente se mueve por miedo, pero eso ocurre en todo el mundo, entonces, ¿por qué marcharse?”

Cohen, en cambio, es pesimista sobre el destino de la comunidad judía en Marruecos, que el escritor dice estar “al borde de la extinción”.

Él mismo decidió irse a Francia tras haber encontrado, según dijo, “ciertos problemas personales” cuando trabajaba como profesor adjunto en Casablanca, lo que lo llevó a pensar que “los judíos marroquíes tenían en general razón al no considerar que la sociedad marroquí fuera lo suficientemente tolerante e igualitaria como para dar a los judíos los puestos que merecían”.

Sin embargo, reconoce que el reino ha hecho esfuerzos por salvaguardar la identidad judía histórica del país.

En 1997, la Fundación del patrimonio cultural judeo-marroquí estableció en Casablanca el primer museo judío del mundo árabe, que aún funciona hoy en día. La fundación ha preservado más de 167 cementerios y santuarios judíos en todo el reino.

En 2011, la nueva constitución marroquí reconoció la identidad hebrea como parte integral de la identidad marroquí, y en 2020, el rey Mohamed VI aprobó la introducción de la enseñanza de la historia y la cultura judías en las escuelas primarias. Un influyente consejero judío marroquí del rey, André Azoulay, desempeñó un papel clave en resaltar la importancia de este reconocimiento oficial.

“Se está haciendo todo para protegerla, apoyarla y preservarla. Pero su final parece inevitable, y aunque sobreviva, será reducida a su forma más simple”, afirmó Cohen.

“Nada puede hacerse contra este veredicto de la historia”, añadió, destacando las grandes pérdidas que supuso la Operación Yajín.

“Del lado marroquí, todos perdieron. El país perdió una comunidad potencial de uno a dos millones de personas que podrían haber contribuido a su desarrollo, diversidad y armonía.

Del lado judío, fue la erradicación irreversible de una civilización que tardó 15 siglos en formarse y florecer”.

Al describir el periodo migratorio, a Mergui le gusta usar la metáfora de la gente que huye de un edificio en llamas.

“La comunidad judía marroquí estaba completamente perdida. No tenía idea de lo que iba a ser de ella, era como estar en una casa en llamas, y la gente huía”, dijo.

“Entonces, ¿qué haces? Pues corres como todos los demás”.

06/07/2025

CAROLINE DUPUY
Comment le Maroc alimente la machine génocidaire israélienne

Caroline Dupuy à Tanger, Maroc
Middle East Eye, 1/7/2025
Traduit par SOLIDMAR

Malgré les protestations publiques, les expéditions de matériel militaire à destination d’Israël via les ports marocains se poursuivent, facilitant les attaques contre les Palestiniens. 

Une femme brandit les drapeaux palestinien, marocain et libanais alors que des manifestants marchent vers le port de Tanger Med pour protester contre l’arrivée prévue d’un navire censé transporter des pièces de chasseurs à réaction à destination d’Israël, à Tanger, Maroc, le 20 avril Photo Abdel Majid Bziouat/AFP

Il est impossible de passer à côté de l’omniprésence de Maersk dans les ports marocains, tant la société danoise domine les conteneurs maritimes. Cette forte présence ne serait pas si intrigante en soi, si ce géant mondial de la logistique n’était pas connu pour le transport de matériel militaire vers Israël en pleine guerre contre Gaza.

Le Maroc est devenu un maillon essentiel dans la route des armes facilitant les expéditions de matériel militaire vers Israël, notamment via Maersk. Cela inclut des composants de jets F-35, qui alimentent les attaques israéliennes contre les Palestiniens.

Un rapport récent de Declassified UK et du média d’enquête irlandais The Ditch a examiné le rôle du Maroc dans le transfert de pièces des avions de chasse F-35 via Maersk.

Le rapport évoque en particulier une expédition en avril: le matériel pour jets a quitté le port de Houston, aux USA. Deux semaines plus tard, le Maersk Detroit battant pavillon usaméricain arrivait à Tanger, Maroc, où la cargaison était transférée sur un autre navire, le Nexoe Maersk [battant pavillon de Hong Kong].


L’expédition a traversé la Méditerranée avant d’arriver au port israélien de Haïfa. La cargaison militaire a ensuite été acheminée vers la base aérienne de Nevatim, point clé de décollage de l’armée de l’air israélienne pour bombarder Gaza.

Lorsque ces révélations ont été faites en avril, l’indignation publique a éclaté au Maroc. Des milliers de manifestants se sont mobilisés dans les ports de Casablanca et Tanger Med, tandis qu’au moins huit dockers ont démissionné en protestation contre les expéditions controversées de Maersk.

Les rapports divergent quant au début de l’accostage de telles cargaisons dans le royaume, mais les ports marocains sont devenus une option attrayante sur la route de transfert après qu’en novembre, deux cargos Maersk ont été empêchés d’accoster en Espagne, soupçonnés de transporter des armes vers Israël.

Ils se sont donc arrêtés à Tanger Med, déclenchant de nouvelles protestations locales.

Alejandro Pozo, spécialiste des conflits armés et du désarmement au Centre Delas, a déclaré à MEE que les transferts d’armes via la route Espagne–Maroc sont considérés comme «un trafic régulier et nont pas cessé», daprès les bases de données que le centre de recherche catalan a pu consulter.

Face à la polémique, Maersk a publié en mars un communiqué affirmant qu’elle «observe une politique stricte de non-acheminement darmes ou de munitions vers les zones de conflit actif, dans le respect des réglementations internationales».

Un représentant a également affirmé à Declassified UK que le Maersk Detroit et le Nexoe Maersk «transportent des conteneurs contenant des pièces de F-35. Cependant, ces cargaisons sont destinées à dautres pays participants au programme F-35». Le programme des F-35 «dépend dun réseau complexe de partenaires et fournisseurs à travers plusieurs pays», a précisé le groupe danois en juin.

Se cacher derrière les mots

L’entreprise reconnaît cependant ses contrats avec le gouvernement usaméricain via sa filiale usaméricaine, Maersk Line Limited (MLL), engagée dans le Maritime Security Programme (MSP).

Ce programme, auquel Maersk participe depuis 1996, impose de mettre des navires à disposition des autorités usaméricaines moyennant des sommes importantes pour transporter du matériel destiné à la guerre. Ainsi, la société devient un acteur clé de la facilitation des transferts d’armes.

De par ce soutien à la politique usaméricaine, Maersk expédie des cargaisons vers plus de 180 pays «dans le cadre de programmes de coopération en matière de sécurité, incluant le transport de marchandises civiles et à usage militaire vers Israël», selon le communiqué de mars.

Maersk a assuré au site ouèbe Danwatch que les trajets de ses bateaux vers Israël «ne font pas partie du MSP», mais sont liés à un autre programme militaire usaméricain.

Pourtant, un rapport du Centre Delas a repéré que des navires de la route faisaient partie du MSP. L’annexe liste ces expéditions pour permettre d’identifier les navires susceptibles de transporter des armes vers Israël.

Selon le centre, les transports MSP qui passent fréquemment par le Maroc et l’Espagne du Sud signalent un trajet vers Israël. Pour Pozo, les protestations ont eu lieu sur certains transports parce que l’information était publique, pas parce qu’elles étaient les seules occasions.

Le Maroc reste muet sur sa participation à ces transferts d’armes. Ce silence est suspect pour nombre d’observateurs.

«Évidemment, un gouvernement peut savoir ce quil y a dans un conteneur sil le veut vraiment», dit Pozo à MEE.

Les acteurs impliqués «se cachent derrière le vocabulaire», ajoute-t-il, parlant par exemple «d’équipement militaire ou de composants». Ce vocabulaire est semblable à celui employé par Maersk dans ses communications.

Pozo souligne aussi qu’alors que le gouvernement espagnol a bloqué trois cargaisons sous la pression populaire, «lEspagne na pas appliqué dautre mesure administrative, y compris des sanctions contre les transferts darmes à Israël».

MEE a contacté Maersk, l’Agence nationale des ports du Maroc et le ministère marocain des Affaires étrangères pour connaître leur position morale, compte tenu des conséquences dévastatrices de ces armes à Gaza.

MEE voulait aussi savoir la quantité exacte d’armes transportées via le Maroc, pourquoi le royaume est devenu un maillon clé, et depuis quand Maersk passe par cette route.

Aucune réponse n’avait été donnée au moment de la publication.

Interdépendance maroco-israélienne

Le Mouvement de la jeunesse palestinienne a affirmé, en novembre 2024, que Maersk a «expédié des millions de livres (lb) d’équipements militaires vers larmée israélienne depuis les USA, à travers plus de 2000 expéditions» sur 12 mois à partir de septembre 2023.

La capacité militaire israélienne découle en majorité des importations, notamment des USA, selon Zain Hussain, chercheur au SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute).

Depuis son arrivée au pouvoir, l’administration Trump a approuvé près de 12milliards de $US de ventes militaires majeures à Israël.

«Israël dépend largement des importations darmes pour sa guerre à Gaza et ses opérations militaires ailleurs dans la région», explique Hussain à MEE.

«Disposer de routes dacheminement fiables et sûres pour le transfert de ces armes et composants est crucial pour Israël, et le soutien de certains États est essentiel pour le permettre», ajoute-t-il.

Pozo avance qu’une des raisons pour lesquelles le Maroc est devenu une plateforme stable sur la route des transferts, via le détroit de Gibraltar, est avant tout géographique.

«Jimagine que la proximité permet une logistique efficace et des économies en coût énergétique», indique-t-il.

Sinon, il faudrait passer par l’Afrique et la mer Rouge, une route plus longue, coûteuse et dangereuse, rappelle le Centre Delas.

Autre facteur: la dépendance du Maroc vis-à-vis dIsraël pour son équipement militaire, comme en témoigne le choix récent du royaume de faire dElbit Systems lun de ses principaux fournisseurs darmes.

Le Maroc a normalisé ses relations avec Israël en décembre 2020, rejoignant les Accords d’Abraham du président Trump, en échange d’une reconnaissance par les USA et Israël de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Depuis, la coopération entre les deux pays n’a fait que se renforcer, y compris militairement. Le Maroc est accusé d’utiliser des armes pour soutenir son conflit contre le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l’Algérie voisine.

«Israël et les USA savent que le Maroc collaborera; il y a aussi la dimension politique: les USA ont reconnu le Sahara occidental comme marocain, ce qui ajoute une autre dimension à cette coopération», analyse Pozo.

«Trahison»

Contrairement à l’Espagne, le Maroc n’a pas stoppé certaines livraisons malgré les manifestations publiques.

Une militante marocaine d’Amnesty International, qui souhaite garder l’anonymat, confie à MEE combien il lui est «douloureux» de «voir [son] pays connecté à la machine du génocide en Palestine».

Pour elle, la résistance dépasse la politique: «Il sagit de notre humanité et de notre responsabilité morale Chaque bombe larguée, chaque enfant enterré sous les décombres, devrait nous bouleverser au plus profond de nous-mêmes».

«La population veut que le Maroc rompe ses liens avec Israël et adopte une position ferme et sans concessions contre loccupation et lapartheid», poursuit-elle.

«À Amnesty, nous travaillons à exposer ces violations et exiger des comptes. Je dis cela par amour pour mon pays mais aussi avec le courage de le critiquer. Nous devons demander la transparence. Nous devons parler. Car le silence face au génocide nest pas de la neutralité, cest de la trahison.»

Elle souligne également qu’il existe une «menace constante de répression» contre le militantisme propalestinien au Maroc, bien que le royaume publie régulièrement des déclarations de soutien à la cause palestinienne.

Selon le Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, qui rassemble une vingtaine d’associations, syndicats et partis politiques, 20 militants ont été arrêtés et emprisonnés depuis 2021, un phénomène qui s’accélère depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza en octobre 2023.

Un expert du Carnegie, sous couvert d’anonymat, déclare à MEE que «malgré lampleur et la visibilité des protestations, elles nont pas encore abouti à un changement politique significatif».

Cependant, citant une récente déclaration du parti d’opposition Justice et Développement (PJD), qui réaffirme «sa critique de la normalisation» et la nécessité dun «réalignement» du royaume sur la position massivement propalestinienne des Marocains, lexpert envisage la possibilité dun changement.

«Le sentiment populaire peut avoir un effet contraignant ou cumulatif, surtout lorsquil rejoint des questions de légitimité intérieure, alimente le discours dopposition et la mobilisation», conclut-il.

 


 Le siège de Maersk à Tunis après une manifestation le 18 mars 2025