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05/02/2025

ROGEL ALPHER
L’histoire de Yocheved Lifshitz fait éclater la bulle de la fausse image d’Israël

Voilà une parfaite farce israélienne. Cette fausse image de soi, entretenue par les mythes diffusés par les médias israéliens, télévision en tête, s’est retournée et s’est défaite de l’intérieur

Rogel Alpher, Haaretz 28/1/2025
Traduit de l’hébreu par Keren Rubinstein et de l’anglais 
par Fausto GiudiceTlaxcala

Rogel Alpher (9 juin 1967) est un journaliste et écrivain israélien. Fils d’un agent de Mossad, il a fait son service militaire dans les renseignements avant d’étudier la philosophie. Musicien, critique de cinéma et télévision, auteur de 5 romans, de BD et de scénarios, il se définit comme “gauchiste radical” antisioniste.

Keren Rubinstein est une traductrice israélo-australienne

 


Voici un scénario de satire sociale poignante. Imaginez deux femmes âgées prises en otage à Gaza. Nous les appellerons Yocheved Lifshitz (85 ans, interprétée par Tiki Dayan) et Nurit Cooper (80 ans, interprétée par Sandra Sade). Mais leurs ravisseurs ne tardent pas à découvrir que les deux femmes souffrent énormément. Cooper est à l’agonie après s’être cassé l’épaule, tandis que les vomissements et la diarrhée de Lifshitz n’en finissent pas.

Yocheved (à g.) et Nurit

Le médecin gazaoui (Eli Yatzpan) annonce la couleur : dysenterie. Les ravisseurs, incapables de supporter les nausées et les diarrhées, lui ordonnent de la soigner. Lifshitz prend des pilules - en vain. Lorsque le médecin mentionne que la maladie est contagieuse, les ravisseurs paniquent et décident que ces deux-là n’en valent pas la peine. Si elles meurent, ils n’obtiendront rien pour elles, et ils risquent de contracter la dysenterie et de mourir. « Je n’ai pas signé pour ça, mec », dit l’un d’eux en anglais. (Par ailleurs, une version usaméricaine réalisée par Spielberg, scénarisée par Aaron Sorkin, avec Bette Midler et Dolly Parton dans le rôle des otages détenues par les clandestins mexicains qui avaient traversé le Rio Grande sous le commandement d’Alon Abutbul, est également en cours de tournage).

Les ravisseurs appellent Israël et disent : prenez-les. Israël répond : pas question, nous ne paierons pas un centime pour elles. Les ravisseurs mettent au courant les otages, qui sont choquées et humiliées. Les ravisseurs ont pitié d’elles, appellent Israël et disent : nous les laissons à la frontière. Vous les voulez, prenez-les. Vous ne les voulez pas, ne les prenez pas.

En fin de compte, c’est ce qu’ils font. Lifshitz se dit : mon pays ne voulait pas de ma libération. Il ne voulait pas de moi. Elle tient une conférence de presse au cours de laquelle elle souligne le traitement humain réservé par ses ravisseurs. L’État l’accuse de saboter la Hasbara qui vise à maintenir l’image morale d’Israël à l’étranger. Ce même Israël qui a fait éclater la bulle d’auto-illusion sur l’importance vitale de la solidarité interne pour son identité. En prime, tout ceci est basé sur une histoire vraie. Chers téléspectateurs. Tous les droits sont réservés à Yochevd Lifshitz. Il y a environ deux semaines, elle l’a diffusée sur Ynet, mais elle n’a pas reçu l’attention qu’elle méritait. Le grand reporter Shlomi Eldar a raconté son histoire dans le cadre de la discussion sur ce qui est arrivé à son mari, Oded, et l’a qualifiée à juste titre d’« incroyable ». C’est bien plus que cela. Elle est exceptionnellement subversive. Elle est explosive. C’est un cocktail Molotov lancé directement dans le dépotoir de la fausse autosatisfaction israélienne.

Et voilà, une parfaite farce israélienne. Cette fausse image de soi, entretenue par les mythes diffusés par les médias israéliens, télévision en tête, s’est retournée et s’est défaite de l’intérieur. Tous les mensonges suintent comme du pus. Chacun agit à l’inverse de ce qu’on attendait de lui. Les « nouveaux nazis » tentent de sauver une vieille femme juive dont l’État, fondé pour sauver les vieilles femmes juives sans défense comme elle, ne veut pas. Une lumière pour les nations à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste.