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27/02/2025

RAMZY BAROUD
L’“arabe” perdu : Gaza et l’évolution du langage de la lutte palestinienne


Ramzy Baroud, Middle East Monitor, 26/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

La langue a son importance. Outre son impact immédiat sur notre perception des grands événements politiques, y compris la guerre, la langue définit également notre compréhension de ces événements à travers l’histoire, façonnant ainsi notre relation avec le passé, le présent et l’avenir.


Mohammad Sabaaneh, 2018

Alors que les dirigeants arabes se mobilisent pour empêcher toute tentative de déplacer la population palestinienne de Gaza, frappée par la guerre - et aussi de la Cisjordanie occupée d’ailleurs-, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à la langue : quand avons-nous cessé de parler de « conflit israélo-arabe » pour commencer à utiliser l’expression « conflit israélo-palestinien » ?

Outre le problème évident que les occupations militaires illégales ne devraient pas être décrites comme des « conflits » – un terme neutre qui crée une équivalence morale – le fait de retirer les « Arabes » du « conflit » a considérablement aggravé la situation, non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour les Arabes eux-mêmes.

Avant de parler de ces répercussions, de l’échange de mots et de la modification de phrases, il est important d’approfondir la question : quand exactement le terme « arabe » a-t-il été supprimé ? Et tout aussi important, pourquoi avait-t-il été ajouté en premier lieu ?

La Ligue des États arabes a été créée en mars 1945, plus de trois ans avant la création d’Israël. La Palestine, alors sous « mandat » colonial britannique, a été l’une des principales causes de cette nouvelle unité arabe. Non seulement les quelques États arabes indépendants comprenaient le rôle central de la Palestine dans leur sécurité collective et leur identité politique, mais ils percevaient également la Palestine comme la question la plus cruciale pour toutes les nations arabes, indépendantes ou non.

Cette affinité s’est renforcée avec le temps.

Les sommets de la Ligue arabe ont toujours reflété le fait que les peuples et les gouvernements arabes, malgré les rébellions, les bouleversements et les divisions, étaient toujours unis par une valeur singulière : la libération de la Palestine.

La signification spirituelle de la Palestine s’est développée parallèlement à son importance politique et stratégique pour les Arabes, ce qui a permis d’ajouter une composante religieuse à cette relation.

L’attaque à la bombe incendiaire perpétrée en août 1969 contre la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem occupée a été le principal catalyseur de la création de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) plus tard dans l’année. En 2011, elle a été rebaptisée Organisation de la coopération islamique, bien que la Palestine soit restée le sujet central du dialogue musulman.

Pourtant, le « conflit » restait « arabe », car ce sont les pays arabes qui en ont supporté le poids, qui ont participé à ses guerres et subi ses défaites, mais qui ont aussi partagé ses moments de triomphe.

La défaite militaire arabe de juin 1967 face à l’armée israélienne, soutenue par les USA et d’autres puissances occidentales, a marqué un tournant. Humiliées et en colère, les nations arabes ont déclaré leurs fameux « trois non » lors du sommet de Khartoum en août-septembre de la même année : pas de paix, pas de négociations et pas de reconnaissance d’Israël tant que les Palestiniens seront retenus captifs.

Cette position ferme n’a cependant pas résisté à l’épreuve du temps. La désunion entre les nations arabes est apparue au grand jour, et des termes tels qu’Al-’Am al-Qawmi al-’Arabi (la sécurité nationale arabe), souvent axés sur la Palestine, se sont fragmentés en de nouvelles conceptions autour des intérêts des États-nations.

Les accords de Camp David signés entre l’Égypte et Israël en 1979 ont approfondi les divisions arabes - et marginalisé davantage la Palestine – même s’ils ne les avaient pas créées.

C’est à cette époque que les médias occidentaux, puis le monde universitaire, ont commencé à inventer de nouveaux termes concernant la Palestine.

Le terme « arabe » a été abandonné au profit de « palestinien ». Ce simple changement a été bouleversant, car les Arabes, les Palestiniens et les peuples du monde entier ont commencé à établir de nouvelles associations avec le discours politique relatif à la Palestine. L’isolement de la Palestine a ainsi dépassé celui des sièges physiques et de l’occupation militaire pour entrer dans le domaine du langage.

Les Palestiniens se sont battus avec acharnement pour obtenir la position légitime et méritée de gardiens de leur propre combat. Bien que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ait été créée à la demande de l’Égypte lors du premier sommet arabe au Caire en 1964, les Palestiniens, sous la direction de Yasser Arafat du Fatah, n’en ont pris la tête qu’en 1969.

Cinq ans plus tard, lors du sommet arabe de Rabat (1974), l’OLP était collectivement considérée comme le « seul représentant légitime du peuple palestinien », et devait plus tard se voir accorder le statut d’observateur aux Nations unies.

Idéalement, un leadership palestinien véritablement indépendant devait être soutenu par une position arabe collective et unifiée, l’aidant dans le processus difficile et souvent sanglant de la libération. Les événements qui ont suivi ont toutefois témoigné d’une trajectoire bien moins idéale : Les divisions arabes et palestiniennes ont affaibli la position des deux camps, dispersant leurs énergies, leurs ressources et leurs décisions politiques.

Mais l’histoire n’est pas destinée à suivre le même schéma. Bien que les expériences historiques puissent sembler se répéter, la roue de l’histoire peut être canalisée pour aller dans la bonne direction.

Gaza, et la grande injustice résultant de la destruction causée par le génocide israélien dans la bande de Gaza, est une fois de plus un catalyseur pour le dialogue arabe et, s’il y a assez de volonté, pour l’unité.

Les Palestiniens ont démontré que leur soumoud (résilience) suffit à repousser toutes les stratagèmes visant à leur destruction, mais les nations arabes doivent reprendre leur position de première ligne de solidarité et de soutien au peuple palestinien, non seulement pour le bien de la Palestine elle-même, mais aussi pour celui de toutes les nations arabes.

L’unité est désormais essentielle pour recentrer la juste cause de la Palestine, afin que le langage puisse, une fois de plus, évoluer, en insérant la composante « arabe » comme un mot essentiel dans une lutte pour la liberté qui devrait concerner toutes les nations arabes et musulmanes, et, en fait, le monde entier.