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03/03/2024

La Vierge rouge & les Cannibales
Louise Michel et les Kanak

Sur les 4253 Communard·es (dont 23 femmes) déporté·es en Nouvelle-Calédonie suite à l’écrasement sanglant de la Commune de Paris, Louise Michel fut pratiquement la seule à ne pas entrer dans la logique de la « colonisation pénitentiaire », dont le but sera résumé par Victor Hugo dans son célèbre discours sur l’Afrique de 1879 : « Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires » . 

Louise prend fait et cause pour les « Canaques », lorsque ceux-ci se soulèvent en 1878 contre le génocide en cours. «[…]  Cette écharpe rouge de la Commune a été divisée, là-bas, en deux morceaux, une nuit où deux Canaques, avant d’aller rejoindre les leurs, insurgés contre les blancs, avaient voulu me dire adieu. » Au cours des sept années de déportation, Louise fraternisa avec les Kanak et tira deux livres de ses échanges. Alors que la plupart des déportés se rangeaient du côté des forces de répression coloniales, Louise Michel est l’exception lumineuse, pionnière d’un anticolonialisme qui a trop souvent fait défaut à la gauche française, toutes tendances confondues. Des textes à découvrir, d’une femme puisant dans sa condition féminine la force de s’opposer au racisme, au patriarcat et au spécisme. « Quel est l’être supérieur, de celui qui s’assimile à travers mille difficultés des connaissances étrangères à sa race, ou de celui qui, bien armé, anéantit ceux qui ne le sont pas ? »

La Vierge Rouge, la Pétroleuse, l’institutrice, l’infirmière, la combattante Louise Michel est condamnée à la déportation après l’écrasement de la Commune de Paris. Elle arrive en Nouvelle-Calédonie en décembre 1873 et y restera jusqu’en juillet 1880, après quoi, bénéficiant d’une amnistie, elle rentrera en France. Elle établit très rapidement un rapport fraternel avec les Kanak, échangeant, conversant avec eux, apprenant leurs langues, écoutant leurs récits, enseignant à leurs enfants. Quand des insurgés viennent une nuit l’avertir de leur soulèvement imminent, elle leur montre comment sectionner les fils du télégraphe pour saboter les communications des occupants et leur donne son écharpe rouge, relique de la Commune (elle adoptera dans la dernière partie de sa vie tumultueuse le drapeau noir). Cette relique, pieusement conservée, donnera l’idée aux militants indépendantistes kanak des années 1960 d’appeler leur mouvement Les Foulards Rouges.

Louise Michel a écrit deux textes issus de sa rencontre du deuxième type. Ce sont ces documents historiques précieux que nous republions pour les rendre accessibles à toute personne ne fréquentant pas les temples du savoir et leurs rayonnages. L’ouvrage est complété par des analyses sur les déportés de 1848, 1855 et 1871, et couronné par l’incroyable discours de Victor Hugo sur l’Afrique.

Table des matières

·        Légendes et chansons de gestes canaques
par Louise Michel, Nouméa 1875…………….8

·        Légendes et chants de gestes canaques
par Louise Michel,  Paris 1885………………….44

·        Louise Michel et les Kanak : amorce d’une réflexion anti-impérialiste
par Lucie Delaporte, 2018………………………235

·        Déportés en Nouvelle-Calédonie : l’improbable rencontre des communards et des insurgés algériens
par Lucie Delaporte, 2018………………………248

·        Les déportés de 1848
par Marcel Émerit, 1948…………………………257

·        Les communards contre les Canaques
par Jean Bruhat, 1981………………………….....266

·        Commune(s), communards, question coloniale
par Alain Ruscio, 2022……………………………..275

·        Discours sur l’Afrique
 par Victor Hugo, 1879……………………………299

 

 

 

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26/02/2024

ROSA LLORENS
La Ferme des Bertrand : entre émotion et perplexité

Rosa Llorens, 26/2/2024 

La sortie de La ferme des Bertrand, de Gilles Perret, semble arriver au moment le plus opportun : elle constitue un hommage à un groupe d’agriculteurs et à leur travail à l’heure où les paysans sont obligés de défendre leur outil de travail contre Macron, Bruxelles et l’Empire US. Mais, malgré la force d’émotion du film, on peut se demander s’il éclaire vraiment la situation actuelle.

Le film reprend des images d’un premier documentaire, en noir et blanc, de Marcel Trillat, en 1972, d’un premier documentaire de G. Perret, de 1997, « Trois frères pour une vie », dont La ferme des Bertrand prend la suite. On suit donc, sur 50 ans, une famille d’éleveurs de Quincy, en Haute-Savoie (près de Genève), remarquable en ce qu’elle a réussi à préserver son exploitation à travers trois transmissions : trois frères ont d’abord repris la ferme de leurs parents, puis un de leurs neveux, avec sa femme Hélène, et maintenant un fils et un gendre d’Hélène. Le héros du film, c’est André, seul survivant de la fratrie originelle : au fil des trois films (et sur la belle affiche du film), on le voit vieillir et se recroqueviller (dans le troisième film, il a dû abandonner l’étable et limiter ses activités au poulailler). On suit d’abord les trois frères, puis André seul et ses descendants, dans leur vie quotidienne, dans l’étable, au pré, dans leur cuisine, en train de préparer leur soupe, ou de prendre un café arrosé, versé jusqu’à ras bord, dans des verres duralex (à cette occasion, on voit même le patriarche, leur père, la toute première génération). C’est donc le bilan de toute une vie que fait André, une vie de sacrifices (tous trois sont restés célibataires), et de dur travail, puisque, faute de capitaux, les trois frères ont dû tout faire à la force des bras (on les découvre même au départ dans une activité de casseurs de cailloux). 

 

 Tous les critiques relèvent la force des paroles d’André, leur impact sur le spectateur : la plupart d’entre nous ont encore des souvenirs de grands-parents paysans, souvenirs d’enfance qui imprègnent toute notre vie, aussi chacun peut-il voir en André un grand-père ou un père. Voilà un film qui montre la vraie vie, loin de tous ces films adultérés, idéologisés, dont les héroïnes bovaryennes n’ont d’autre problème que de « s’émanciper » du « patriarcat » et les héros de savoir si leur sexe leur convient ou non. C’est donc avec une profonde empathie qu’on voit le film : la vie des Bertrand, c’est la nôtre, telle qu’elle s’écoule, d’une saison à l’autre, d’une génération à l’autre, et on sort du cinéma la gorge un peu serrée.

Mais André n’a rien d’un nostalgique : il a toujours pris le parti de la modernité, c’est-à-dire de la mécanisation, au point que maintenant ses petits-neveux ne descendent de leur tracteur que pour suivre la gestion des bêtes sur l’ordinateur, et ne pensent plus à fignoler à la main le travail de la machine. Et sa nièce Hélène, qui va prendre sa retraite à plus de 65 ans, va être remplacée par une lourde machine à traire.

Cependant, ce parti-pris de modernité suscite moins d’empathie, pour diverses raisons.

D’abord, une raison qu’on peut taxer de sentimentale : on souffre de voir les bêtes soumises à un protocole imposé par les machines (tels des Palestiniens à un check-point) et défiler une par une sur des espèces de potences où elles sont traites. La mise bas d’une vache est encore plus pénible : l’éleveur tire sur les pattes avant du nouveau-né avec une corde pour accélérer la naissance (j’avais vu pire dans un film danois où le petit veau était attaché avec une chaîne sur laquelle l’éleveuse tirait comme une malade) ; la suite est encore pire : on écarte brutalement les pattes du veau : « Celui-là, c’est un mâle, il ira à la boucherie ». Puis on voit Hélène le nourrir au biberon en disant : « Il tète le lait de sa mère ». Peut-être, mais il ne connaîtra jamais sa mère, ni elle son petit, puisque les veaux sont élevés dans des boxes à part.

Il y a quelque chose de fondamentalement pervers dans l’élevage (et je ne parle même pas des poussins mâles jetés dans la broyeuse – pratique à laquelle on a théoriquement mis fin). Mais la solution n’est certainement pas de nous gaver d’insectes, et il faudrait en tout cas commencer par interdire l’importation de poulets ukrainiens produits dans d’abominables méga-usines [comme celles du groupe MHP, de l’oligarque Yuriy Kosyuk, plus gros producteur de poulets d’Europe, récemment épinglé par Macron].

Notre Ryaba [poule aux œufs d’or) : sans antibiotiques, sans hormones de croissance, existe aussi en version halal

Autre chose laisse perplexe dans ce film : oui, il est d’actualité parce qu’il y est question d’agriculteurs ; mais les Bertrand sont-ils représentatifs de leur profession ? On a parlé à propos du film de « conte de fées », et, effectivement, ils sont contents de leur sort, et la nouvelle génération peut même s’octroyer des vacances. Mais ils sont protégés par l’AOP Reblochon, qui leur garantit des prix convenables. Les agriculteurs qui manifestent aujourd’hui un peu partout en Europe de l’Ouest, ceux qui ont investi le Salon de l’Agriculture où paradait Macron (comme je ne regarde pas la télévision, je l’imagine en habit et culotte à rubans et perruque poudrée), luttent pour leur survie, et l’investissement en machines sophistiquées les endette irrémédiablement ; parmi eux, on compte, selon une statistique, un suicide tous les deux jours, selon une autre, deux suicides par jour.

La ferme des Bertrand est un film réussi (sans doute ce qu’on peut voir de mieux actuellement sur les écrans) et émouvant ; mais on peut s’étonner que le militant Gilles Perret, auteur en 2007 de Ma Mondialisation, produise un film aussi irénique. André conclut : « Notre vie est une réussite économique, mais un échec humain » (dans le domaine affectif) : si, sur le plan humain, il faudrait aussi parler de la satisfaction d’avoir mené à bien leur projet, sur le plan économique, il faudrait nuancer, tant leur prospérité (relative, bien sûr) paraît marginale dans la situation actuelle.

 

19/02/2024

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante » : la nouvelle panthéonnade de Macron

Ainsi donc, deux nouveaux métèques vont faire leur entrée au Panthéon ce 21 février : Missak et Mélinée Manouchian, Arméniens, apatrides, communistes, résistants, vont rejoindre Joséphine Baker, Simone Veil et 80 autres « grands hommes » (dont 8 femmes) dans ce « temple républicain » dont la coupole est surmontée par une croix chrétienne, dans le plus pur esprit de la laïcité à la française.

Une croix dont les apparitions et les disparitions ont suivi les changements de régime depuis 244 ans. La Convention de 1791 avait fait de l’Église Sainte-Geneviève construite avant la Révolution ce « Panthéon » inspiré du Panthéon de Rome pour y enterrer Mirabeau, puis Voltaire, Rousseau, Descartes et autres, Napoléon Ier en avait refait une église, puis Louis Philippe l’avait de nouveau laïcisé en 1830, avant que Napoléon III en refasse un lieu de culte chrétien, puis la Commune de Paris avait scié les bras de la croix, y accrochant un drapeau rouge. L’Ordre moral instauré par Les Versaillais massacreurs des Communards -l’un d’eux, le journaliste Jean-Baptiste Millière, fut fusillé à genoux sur les marches du Panthéon - avait restauré la croix et la République y enterra en grands pompes Victor Hugo en 1885, lui qui avait écrit en 1852 dans son pamphlet Napoléon le petit : « Il [Napoléon III] a enfoncé un clou sacré dans le mur du Panthéon et il a accroché à ce clou son coup d'État. »

Et aucune des républiques qui se sont succédé depuis lors ne s’est souciée de la présence de cette croix au sommet du « Temple ». Laquelle croix ne gêne pas non plus les francs-maçons qui ont convaincu Macron d’honorer ces deux terroristes apatrides que furent Missak et Mélinée.

Nos deux Arméniens seront donc honorés mercredi en présence de Madame Le Pen [lire ci-dessous], qui vient d’accueillir dans les rangs de son parti Fabrice Leggeri, qui démissionna de son poste de directeur de l’agence Frontex en 2022, pour éviter les désagréments d’une enquête sur ses pratiques illégales de renvois de demandeur d’asile vers leurs pays et se prépare à une confortable fin de carrière comme député européen.

Si les Manouchian et leurs camarades polonais, italiens, espagnols, hongrois et roumains avaient vécu dans l’Europe du XXIème siècle, ils n’auraient sans doute pas été fusillés, mais seulement mis dans des centres de rétention et réexpédiés en charters vers les enfers qu’ils avaient fui. Si Macron avait vraiment voulu honorer les métèques FTP-MOI morts pour la France, ce sont tous les 23 martyrs du 21 février 1944 qu’il aurait du faire entrer au Panthéon, comme le lui demandaient les signataires de l’appel ci-dessous. Mais c’était quand même trop lui demander-FG

« Missak Manouchian doit entrer au Panthéon avec tous ses camarades »

Collectif, Le Monde,  23/11/2023

Si les résistants Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon le 21 février 2024, leurs 22 camarades du groupe FTP-MOI méritent eux aussi cet honneur, rappelle, dans une tribune au « Monde », un collectif constitué de descendants de ces martyrs et d’intellectuels, parmi lesquels Costa-Gavras, Delphine Horvilleur, Patrick Modiano, Edgar Morin ou encore Annette Wieviorka.

Fresque murale du peintre Popof en hommage au groupe Manouchian, angle rue du Surmelin et rue Darcy, Ménilmontant, Paris 20e (Photo Marie-José PL)

Monsieur le Président de la République, nous vous écrivons cette lettre dans l’espoir d’empêcher une injustice. Vous avez annoncé le 18 juin votre choix de faire entrer au Panthéon les dépouilles de Missak Manouchian et de son épouse, Mélinée, en février 2024, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du martyre du groupe de résistance à l’occupation nazie et à ses collaborateurs français. Le 21 février 1944, vingt-deux hommes furent fusillés au Mont-Valérien. La seule femme de leur réseau fut décapitée à Stuttgart, le 10 mai 1944.

Portrait de Manouchian dans  la maison d’arrêt de Fresnes, par Christian Guémy alias C215

Votre décision est une heureuse nouvelle qui nous a réjouis. Mettant fin à un trop long oubli, elle marque la reconnaissance de la contribution décisive des résistants internationalistes à la libération de la France et au rétablissement de la République. Manouchian et ses camarades appartenaient en effet aux Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), une unité de la Résistance communiste composée en grande part d’étrangers, de réfugiés et d’immigrés.  « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant », rappelait Louis Aragon en les célébrant dans son poème « L’Affiche rouge », où il évoquait leurs noms « difficiles à prononcer ».

Place Henri-Krasucki, Paris 20e

En nos temps ô combien incertains où de nouvelles ombres gagnent, où xénophobie, racisme, antisémitisme et toutes les formes de rejet de l’autre, de l’étranger et du différent menacent, cet hommage patriotique et républicain est un message de fraternité qui rappelle que la France a toujours été faite du monde, de la diversité de son peuple et de la pluralité de ses cultures grâce à l’apport de toutes ses communautés d’origine étrangère. C’est surtout un message universel qui souligne combien les idéaux d’égalité des droits, sans distinction de naissance, de croyance ou d’apparence, initialement proclamés par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, pour lesquels Manouchian et ses camarades ont donné leurs vies, peuvent soulever le monde entier.



Sans en oublier un seul

Or, Monsieur le Président, c’est ce message que contredit le choix de faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian, et eux seuls. Eux-mêmes ne l’auraient sans doute ni compris ni souhaité. Isoler un seul nom, c’est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser l’internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes ne se résume pas à Manouchian qui, certes, en fut le responsable militaire avant que la propagande allemande ne le promeuve chef d’une bande criminelle. Et le symbole qu’il représente, à juste titre, pour nos compatriotes de la communauté arménienne est indissociable de toutes les autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son sacrifice.

Monsieur le Président, nous espérons vous avoir convaincu que Missak Manouchian ne saurait entrer seul au Panthéon, fût-ce en compagnie de son épouse. Ce sont les vingt-trois, tous ensemble, qui font l’épaisseur de cette histoire, la leur devenue la nôtre, celle de la France, hier comme aujourd’hui. Les vingt-trois, sans en oublier un seul : juifs polonais, républicains espagnols, antifascistes italiens, et bien d’autres encore.

Nous vous demandons donc de faire en sorte qu’il soit accompagné par ses vingt-deux camarades : l’Arménien Armenak Arpen Manoukian, l’Espagnol Celestino Alfonso, les Italiens Rino Della Negra, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarni, Antoine Salvadori et Amedeo Usseglio, les Français Georges Cloarec, Roger Rouxel et Robert Witchitz, les Hongrois Joseph Boczov, Thomas Elek et Emeric Glasz, les Polonais Maurice Füngercwaig, Jonas Geduldig, Léon Goldberg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Marcel Rajman, Willy Schapiro et Wolf Wajsbrot, et la Roumaine Olga Bancic.

Ils étaient vingt-trois, « vingt et trois qui criaient la France en s’abattant » – Aragon toujours –, vingt et trois qui disent notre patrie commune, sa richesse et sa force. Vingt et trois qui, à l’heure de la reconnaissance nationale, sont indissociables.

Signataires : Juana Alfonso, petite fille de Celestino Alfonso ; Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France ; Michel Broué, mathématicien ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Costa-Gavras, cinéaste, président de La Cinémathèque française ; Elise Couzens et Fabienne Meyer, cousines germaines de Marcel Rajman ; Michel, Patrice et Yves Della Negra, neveux de Rino Della Negra ; René Dzagoyan, écrivain ; Jean Estivil, neveu de Celestino Alfonso ; André Grimaldi, professeur émérite de médecine ; Anouk Grinberg, comédienne et artiste ; Jean-Claude Grumberg, écrivain et homme de théâtre ; Yannick Haenel, écrivain ; Delphine Horvilleur, rabbine et écrivaine ; Serge et Beate Klarsfeld, historiens ; Mosco Levi Boucault, réalisateur ; Patrick Modiano, écrivain, prix Nobel de littérature ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Edwy Plenel, journaliste ; Anne Sinclair, journaliste ; Thomas Stern, neveu de Thomas Elek ; Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherche au CNRS ; Ruth Zylberman, écrivaine et réalisatrice.

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Hommage à Missak et Mélinée Manouchian : non à la présence du RN au Panthéon

Nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement national à l'hommage rendu mercredi, au Panthéon. L'histoire et les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI, étrangers, juifs, communistes.

Descendants des membres du « groupe Manouchian », nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement national à l'hommage rendu mercredi, au Panthéon.

L'histoire et les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI, étrangers, juifs, communistes.

A l'heure où le Rassemblement national remet en cause le droit du sol, la présence des représentants de ce parti serait une insulte à la mémoire de ceux qui ont versé leur sang sur le sol français.

Nous ne voulons pas participer à la stratégie de dédiabolisation d'un parti xénophobe et raciste. Missak Manouchian et ses camarades ne l'auraient pas supporté. 

Signataires :

Familles de Celestino Alfonso, Joseph Epstein, Marcel Rajman, Wolf Wajsbrot, Missak Manouchian et Amedeo Usseglio

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Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Armeniens engagés dans la Résistance française

Manouchian
Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française
Astrig Atamian Claire Mouradian Denis Peschanski

Editions Textuel, novembre 2023
ISBN : 978-2-84597-961-1
192 pages
250 images
39 €
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Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Armeniens engagés dans la Résistance française

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➤Antoine Perraud
Retour sur l’éclairante « affaire Manouchian » de 1985
En 1985, un documentaire de Mosco Levi Boucault, « Des “terroristes” à la retraite », retraçait l’action des FTP-MOI, avant l’arrestation du groupe. Ce fut « l’affaire Manouchian ». Revoyons ce film aussi capital que discutable.


➤Mosco revisite l’ouverture de son documentaire « Des ‘terroristes’ à laretraite »

18/07/2023

ALAIN MARSHAL
14 juillet : ni apaisés, ni résignés, ni intimidés, mais plus déterminés que jamais!

 Alain Marshal, 14/7/2023

Le 17 avril, trois jours après la promulgation à la schlague de l’infâme réforme des retraites, via le recours antidémocratique au 47.1, au 49.3 puis à l’article 40, autant de signes d’un véritable « ensauvagement » des institutions françaises, le Président le plus impopulaire de la Ve République tentait de calmer le vent de révolte que ses deux mandats avaient soulevé dans le pays. La mobilisation nationale contre la réforme des retraites, qui faisait suite au mouvement mémorable des Gilets Jaunes, a en effet rassemblé des millions de personnes durant plusieurs mois, dans un mouvement sans précédent en France depuis plus d’un demi-siècle, et qui a suscité l’admiration bien au-delà de nos frontières.

Pour faire taire le son des casserolades qui martelaient régulièrement le rejet massif de ses politiques régressives, le Méprisant de la République s’est lancé dans une manœuvre de diversion. Dans une allocution solennelle, Emmanuel Macron annonçait le « grand projet » de « reconstruire et retrouver l’élan de notre nation » à travers « trois grands chantiers » : « le chantier du travail »,  le chantier « de la justice et de l’ordre républicain et démocratique » et le chantier « du progrès, progrès pour mieux vivre » afin que chaque Française et Français « retrouve la certitude que nos enfants pourront bâtir une vie meilleure. » Il concluait sa déclaration en fanfare : « Le 14 juillet prochain doit nous permettre de faire un premier bilan. Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambitions et d’actions au service de la France. ».

27/06/2023

JEAN-FRANÇOIS BAYART
Où va la France ?

Jean-François Bayart, Le Temps, 8/5/2023

Jean-François Bayart (Boulogne-Billancourt, 1950) spécialiste de sociologie historique et comparée du politique, est professeur à l'IHEID de Genève, où il est titulaire de la chaire Yves Oltramare “Religion et politique dans le monde contemporain”. Il dirige également la chaire d'Études africaines comparées de l'Université Mohamed VI Polytechniques (Rabat). Il est l'auteur de plusieurs essais, dont L'Illusion identitaire (Fayard, 1996) et Le Gouvernement du monde (Fayard, 2004). Il a publié aux éditions La Découverte L'impasse national-libérale, Globalisation et repli identitaire en 2017 et L'énergie de l'État, Pour une sociologie historique et comparée du politique en 2022. Publications

OPINION. La France est bel et bien en train de rejoindre le camp des démocraties «illibérales» juge Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID, pour qui Emmanuel Macron vit dans une réalité parallèle et joue avec le feu

Des policiers armés gardent le Conseil constitutionnel, peu avant sa décision de rejeter un référendum sur la réforme des retraites. Paris, 3 mai 2023 — © YOAN VALAT / keystone-sda.ch

Où va la France? se demande la Suisse. La mauvaise réponse serait de s’arrêter à la raillerie culturaliste des Gaulois éternels mécontents. La crise est politique. Emmanuel Macron se réclame de l’ «extrême centre» qu’incarnèrent successivement, dans l’Histoire, le Directoire, le Premier et le Second Empire, et différents courants technocratiques saint-simoniens. Il est le dernier avatar en date de ce que l’historien Pierre Serna nomme le «poison français» : la propension au réformisme étatique et anti-démocratique par la voie de l’exercice caméral et centralisé du pouvoir.

Le conflit des retraites est le symptôme de l’épuisement de ce gouvernement de l’extrême centre. Depuis trente ans, les avertissements n’ont pas manqué, que les majorités successives ont balayés d’un revers de main en criant aux corporatismes, à la paresse, à l’infantilisme du peuple. Administrée de manière autoritaire et souvent grotesque, la pandémie de Covid-19 a servi de crash test auquel n’ont pas résisté les services publics dont s’enorgueillissait le pays et qui lui fournissaient, au-delà de leurs prestations, une part de ses repères.

Emmanuel Macron, tout à son style «jupitérien», aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France. Il n’a jamais rien eu de «nouveau», et sa posture d’homme «providentiel» est une figure éculée du répertoire bonapartiste. Il n’imagine pas autre chose que le modèle néolibéral dont il est le pur produit, quitte à le combiner avec une conception ringarde du roman national, quelque part entre le culte de Jeanne d’Arc et la fantaisie réactionnaire du Puy-du-Fou. Son exercice du pouvoir est celui d’un enfant immature, narcissique, arrogant, sourd à autrui, plutôt incompétent, notamment sur le plan diplomatique, dont les caprices ont force de loi au mépris de la Loi ou des réalités internationales.

Ce pourrait être drôle si ce n’était pas dangereux. L’interdiction de l’ «usage de dispositifs sonores portatifs» pour éviter les casserolades des opposants, le bouclage policier des lieux où se rend le chef de l’État, le lancement de campagnes de rectification idéologique contre le «wokisme», la «théorie du genre», l’ «islamo-gauchisme», l’ «écoterrorisme» ou l’«ultra-gauche» sont autant de petits indices, parmi beaucoup d’autres, qui ne trompent pas le spécialiste des régimes autoritaires que je suis. La France est bel et bien en train de rejoindre le camp des démocraties «illibérales».

Un arsenal répressif à disposition des pouvoirs suivants

D’aucuns crieront à l’exagération polémique. Je leur demande d’y regarder à deux fois en ayant à l’esprit, d’une part, l’érosion des libertés publiques, au nom de la lutte contre le terrorisme et l’immigration, depuis au moins trois décennies, d’autre part, les dangers que revêtent de ce point de vue les innovations technologiques en matière de contrôle politique et l’imminence de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national auquel les gouvernements précédents auront fourbi un arsenal répressif rendant superflues de nouvelles lois liberticides.

Il n’est pas question, ici, de «bonnes» ou de «mauvaises» intentions de la part du chef de l’État, mais d’une logique de situation à laquelle il se prête et qu’il favorise sans nécessairement la comprendre. Macron n’est ni Poutine ni Modi. Mais il prépare l’avènement de leur clone hexagonal. Au mieux sa politique est celle de Viktor Orban : appliquer le programme de l’extrême droite pour éviter son accession au pouvoir.

Sur fond d’évidement des partis de gouvernement, un «flibustier» – pour reprendre le qualificatif de Marx à propos du futur Napoléon III – s’est emparé du butin électoral à la faveur de la sortie de route de Nicolas Sarkozy, François Hollande, Alain Juppé, François Fillon, Manuel Valls. Il a cru «astucieux», pour continuer à citer Marx, de détruire «en même temps» la gauche et la droite pour s’installer dans le confort d’un face-à-face avec Marine Le Pen. Mais Emmanuel Macron n’a été élu et réélu que grâce au concours des voix de la gauche, soucieuse de conjurer la victoire du Rassemblement national. Son programme, libéral et pro-européen, n’a jamais correspondu aux préférences idéologiques que du quart du corps électoral, hormis même la part croissante des non-inscrits et des abstentionnistes qui sape la légitimité des institutions.

Un président aveugle et méprisant

Nonobstant cette évidence, Emmanuel Macron, ignorant de par son éducation et son itinéraire professionnel les réalités du pays profond, primo-élu à la magistrature suprême sans jamais avoir exercé le moindre mandat local ou national, a entendu faire prévaloir la combinaison schmittienne d’un «État fort» et d’une «économie saine» en promulguant ses réformes néolibérales par voie d’ordonnances, en court-circuitant les corps intermédiaires et ce qu’il nomme l’«État profond» de la fonction publique, en s’en remettant à des cabinets privés de conseil ou à des conseils a-constitutionnels tels que le Conseil de défense, en réduisant la France au statut de «start-up nation» et en la gérant comme un patron méprisant ses employés, «Gaulois réfractaires».

Le résultat ne se fit pas attendre. Lui qui voulait apaiser la France provoqua le plus grave mouvement social depuis Mai 68, celui des Gilets jaunes dont le spectre continue de hanter la Macronie. La main sur le cœur, Emmanuel Macron assura, au début de la pandémie de Covid-19, avoir compris que tout ne pouvait être remis aux lois du marché. A plusieurs reprises, il promit avoir changé pour désamorcer l’indignation que provoquait sa morgue. De nouvelles petites phrases assassines prouvèrent aussitôt qu’il en était incapable. Il maintint son cap néolibéral et fit alliance avec Nicolas Sarkozy en 2022 pour imposer une réforme financière de la retraite en dépit de l’opposition persistante de l’opinion et de l’ensemble des forces syndicales, non sans faire fi de leurs contre-propositions.

Face au nouveau mouvement social massif qui s’est ensuivi, Emmanuel Macron s’est enfermé dans le déni et le sarcasme. Il argue de la légitimité démocratique en répétant que la réforme figurait dans son programme et qu’elle a été adoptée selon une voie institutionnelle validée par le Conseil constitutionnel.

Une réalité parallèle

Sauf que: 1) Emmanuel Macron n’a été réélu que grâce aux voix de la gauche, hostile au report de l’âge de la retraite; 2) le peuple ne lui a pas donné de majorité parlementaire lors des législatives qui ont suivi le scrutin présidentiel; 3) le projet portait sur les «principes fondamentaux de la Sécurité sociale», lesquels relèvent de la loi ordinaire, et non d’une loi de «financement de la Sécurité sociale» (article 34 de la Constitution), cavalier législatif qui a rendu possible le recours à l’article 49.3 pour imposer le texte; 4) le gouvernement s’est résigné à cette procédure parce qu’il ne disposait pas de majorité positive, mais de l’absence de majorité pour le renverser au terme d’une motion de censure; 5) le Conseil constitutionnel est composé de personnalités politiques et de hauts fonctionnaires, non de juristes, et se préoccupe moins du respect de l’État de droit que de la stabilité du système comme l’avait déjà démontré son approbation des comptes frauduleux de la campagne électorale de Jacques Chirac, en 1995; 6) le détournement de la procédure parlementaire a suscité la désapprobation de nombre de constitutionnalistes et s’est accompagné du refus de toute négociation sociale.

Comme en 2018, Emmanuel Macron répond à la colère populaire par la violence policière. Atteintes à la liberté constitutionnelle de manifester, utilisation de techniques conflictuelles de maintien de l’ordre, usage d’un armement de catégorie militaire qui cause des blessures irréversibles telles que des éborgnages ou des mutilations ont entraîné la condamnation de la France par les organisations de défense des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe, la Cour européenne de justice, les Nations unies.

Face à ces accusations, Emmanuel Macron s’enfonce dans une réalité parallèle et radicalise son discours politique. A peine réélu grâce aux voix de la gauche, dont celles de La France insoumise, il place celle-ci hors de l’ «arc républicain» dont il s’arroge le monopole de la délimitation. Il voit la main de l’ «ultragauche» dans la contestation de sa réforme. Il justifie les violences policières par la nécessité de lutter contre celles de certains manifestants.

Sauf que, à nouveau: 1) le refus, récurrent depuis l’apport des suffrages de la gauche à Jacques Chirac en 2002 et le contournement parlementaire du non au référendum de 2005, de prendre en considération le vote des électeurs quand celui-ci déplaît ou provient d’une autre famille politique que la sienne discrédite la démocratie représentative, nourrit un abstentionnisme délétère et pousse à l’action directe pour faire valoir ses vues, non sans succès pour ce qui fut des Gilets jaunes et des jeunes émeutiers nationalistes corses auxquels il fut accordé ce qui avait été refusé aux syndicats et aux élus; 2) le non-respect des décisions de justice par l’État lorsque des intérêts agro-industriels sont en jeu amène les écologistes à occuper les sites des projets litigieux, au risque d’affrontements; 3) la stigmatisation d’une ultragauche dont l’importance reste à démontrer va de pair avec le silence du gouvernement à propos des voies de fait de l’ultra-droite identitariste et des agriculteurs productivistes qui multiplient les agressions contre les écologistes.

«Ce n’est pas être un black bloc que de dénoncer les excès structurels de la police»

Ce n’est pas être un «amish» et vouloir retourner «à la bougie» que de s’interroger sur la 5G ou sur l’inconsistance du gouvernement quand il défend à grand renfort de grenades les méga-bassines alors que se tarissent les nappes phréatiques du pays. Ce n’est pas être un black bloc que de dénoncer les excès structurels de la police. Ce n’est pas être un gauchiste que de diagnostiquer la surexploitation croissante des travailleurs au fil de la précarisation des emplois et au nom de logiques financières, de repérer le siphonnage du bien public au profit d’intérêts privés, ou de déplorer le «pognon de dingue» distribué aux entreprises et aux contribuables les plus riches. Point besoin non plus d’être grand clerc pour comprendre que la Macronie n’aime pas les pauvres. Elle n’a plus d’autre réponse que la criminalisation des protestations. Elle souhaite maintenant dissoudre la nébuleuse des Soulèvements de la terre que parrainent l’anthropologue Philippe Descola, le philosophe Baptiste Morizot, le romancier Alain Damasio! Quand Gérald Darmanin entend le mot culture il sort son LBD.

Dans cette fuite en avant, un pas décisif a été franchi lorsque le gouvernement s’en est pris à la Ligue des droits de l’homme. Ce faisant, la Macronie s’est de son propre chef placée en dehors de l’ «arc républicain». Cette association, née, faut-il le rappeler, de l’affaire Dreyfus, est indissociable de l’idée républicaine. Seul le régime de Pétain avait osé l’attaquer. Sur la planète, ce sont bien les Poutine et les Orban, les Erdogan et les Modi, les Kaïs Saïed ou les Xi Jinping qui tiennent de tels propos. Oui, la France bascule.

09/06/2023

FAUSTO GIUDICE
Annecy : un amok “au nom de Jésus-Christ”

Fausto Giudice, Tlaxcala, 9/6/2023

Amok, ce mot venant du terme malais amuk signifiant “rage incontrôlable”, désigne des actes commis par des personnes -généralement des hommes - prises soudainement de folie meurtrière et se livrant à des attaques à l’arme blanche contre des individus pris au hasard d’une course finissant généralement par la mise à mort ou le suicide du meurtrier. Cette forme extrême de décompensation suicidaire, observée en Malaisie et dans d’autres pays, a fait l’objet d’innombrables études ethnologiques et psychiatriques, d’œuvres littéraires – de Rudyard Kipling à Romain Gary en passant par Stefan Zweig – et de films (au moins 9 depuis 1927).


Ce qui s’est passé au bord du lac d’Annecy le jeudi 8 juin 2023 est un cas typique d’amok : Abdelmasih Hannoun, un Syrien de 31 ans, a poignardé 4 petits enfants sous les yeux de leurs mères horrifiées puis deux personnes âgées. Un jeune homme de 24 ans, Henri, qui passait par là, a tenté de l’arrêter avec son sac à dos mais n’y est pas parvenu. Il n’en fallait pas plus pour que cet étudiant en marketing, qui est en train de faire un tour de France des cathédrales, devienne « le héros au sac à dos » des réseaux dits sociaux. La police, alertée, est intervenue, mettant fin à la course folle, sans tuer l’agresseur, mais en lui tirant dans les jambes.

« En l’état on n’a pas d’éléments qui pourraient nous laisser entendre qu’il y a une motivation terroriste », a déclaré la procureure d’Annecy Line Bonnet-Mathis au cours d’un point de presse sur place, 6 heures plus tard. L’agresseur n’étant sous l’effet ni d’alcool ni de stupéfiants, l’enquête s’oriente donc sur ses antécédents psychiatriques et son état psychologique. Les enquêteurs n’ayant sans doute lu ni Stefan Zweig ni Émile Durkheim, auront fort à faire pour expliquer l’amok.

Au fil des heures, des détails ont émergé sur Abdelmasih Hannoun [traduction littérale : Esclave miséricordieux du Messie] : réfugié en Suède où il s’est marié avec une femme de nationalité suédoise de Trollhättan connue en Turquie, ce chrétien syriaque (“assyrien”) originaire de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, a passé une dizaine d’années en Suède avant de divorcer et de quitter le pays. Il a déposé des demandes d’asile en France, en Italie et en Suisse avant de voir sa première demande d’asile en Suède finalement acceptée le 26 avril 2023, ce qui a entraîné le rejet de sa demande en France, notifié le 4 juin. Ayant obtenu un titre de séjour permanent en Suède en 2013, il avait fait une demande de naturalisation suédoise à partir de 2017, qui a été rejetée trois fois, bien qu’il ait un enfant, aujourd’hui âgé de 3 ans, et qu’il étudie pour devenir infirmier.

Lors de son amok, ce serviteur du messie a crié deux fois : « In the name of Jesus Christ ». Il arborait une croix et avait sur lui, à part son couteau, un livre de prières. Les policiers ne lui donc pas tiré dans la tête, ce qui aurait très certainement été le cas s’il avait crié « Allahou Akhbar ». Ce qui aurait évité à Monsieur Darmanin de se casser la tête sur les “coïncidences troublantes” et calmé “l’effroi qui submerge notre pays” (Aurore Bergé, cheffe du groupe de députés macroniens Renaissance, qui a profité de l’amok savoyard pour dénoncer la “bataille de chiffoniers“ à l’Assemblée nationale autour de la réforme des retraites).

On pourrait donc ajouter cette définition au Dictionnaire des idées reçues :

« Amok : forme de terrorisme quand l’auteur est musulman, acte simplement effrayant et troublant quand l’auteur est chrétien, même s’il est arabe et barbu ».


 

06/06/2023

Walter et les Tutsis (applicable à l’Ukraine…)

Luis Casado, 28/3/2021-6/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Cet article a été publié en 2021. Il se trouve que mon frère m’a envoyé une vidéo dans laquelle un spécialiste militaire démontre à la télévision française à quel point TOUTES les guerres sont préparées et déclenchées pour des raisons cachées au commun des mortels. C’est le cas de la guerre en Ukraine qui curieusement ne mobilise toujours (presque) aucun pacifiste. C’est une horreur tolérée par l’opinion publique, une horreur planifiée, préparée et ordonnée depuis Washington. Tandis que la propagande quotidienne raconte des histoires pour imbéciles. Ce qui s’est passé au Rwanda en 1994… était du même acabit. Bonne lecture.

 

L’hypocrisie en matière de droits de l’homme réclame une Coupe du monde. Les candidats au podium sont légion, de préférence parmi ceux qui s’autodésignent comme démocrates et progressistes. Une diatribe de Luis Casado.

Je ne peux pas vous dire ni qui ni comment était Walter, car cela nécessiterait deux ou trois livres. Walter m’a sauvé d’un boulot de merde en 1986, et dans une manœuvre du genre « mercato du ballon rond », il a réussi à me sortir de la multinationale dans laquelle je m’ennuyais pour m’ouvrir les portes d’une activité bouillonnante, incessante, planétaire, créative, divertissante, raisonnablement bien payée et dans laquelle on s’eSt bien fendu la poire. Ensemble, ou séparément mais toujours en contact, nous avons fait plusieurs fois le tour du monde.

Belge, de la variante flamande, né dans la ville de Mechelen que nous, francophones, appelons Malines (allez savoir pourquoi Den Haag s’appelle La Haye en français), Walter avait eu un père « collaborateur », ce qui à l’époque voulait dire qu’il avait été un homme de main de l’occupation nazie, une horreur que Walter a condamnée toute sa vie avec une attitude permanente d’une énorme qualité humaine.

Walter était l’optimisme fait homme. Toujours souriant et sur le point d’éclater de rire, il semblait à chaque instant finaliser le début d’un long voyage, une synthèse belge – en une seule personne – de Fernão de Magalhães (« Magellan ») et de Juan Sebastián Elcano, son successeur basque. Plus d’une fois, il m’a appelé pour me demander si j’avais quelques minutes à perdre et, quelques heures plus tard, j’étais à bord d’un vol intercontinental qui allait nous permettre de boire une caiperinha à Recife, un vin rouge français à Singapour ou à Bangkok, ou un vin blanc sec à Ayers Rock, un endroit qui se trouve, comme le disent les Australiens eux-mêmes, in the middle of nowhere (au milieu de nulle part). Mais vous savez, le boulot c’est le boulot et je suis un émule à la distance et dans le temps du célèbre Alexeï Stakhanov.

Divorcé, comme tout homme qui se respecte, Walter manquait d’une ancre, d’un hub comme disent les connards globe-trotters, d’une racine capable de lui offrir un foyer et le nécessaire repos du guerrier lorsqu’il revenait de ses pérégrinations sans fin autour de la planète. C’est alors qu’il a rencontré Catherine et l’a épousée. Catherine est une belle Rwandaise, Tutsi pour ne rien vous cacher, porteuse des caractéristiques innées de son ethnie : finesse, élégance, beauté, prestance et distinction [ heu, bon, enfin, Louis, là tu dérapes un peu, NdT]. C’est à ce moment-là que tout est parti en couille…

On était dans les années 1990, lorsque nous avons appris qu’un terrible drame se déroulait au Rwanda. Ce drame peut se résumer ainsi : un génocide – c’est-à-dire à l’extermination – de la population tutsie par le gouvernement hutu hégémonique. Entre le 7 avril et le 15 juillet 1994, ils ont tué environ 70 % des Tutsis, principalement à coups de machettes, mais pas seulement. Selon les chiffres disponibles, on estime qu’environ 700 000 Tutsis, hommes, femmes et enfants, ont été tués.

Curieusement,  l’armée française était présente au Rwanda, sous couvert d’une mission humanitaire.

Comme vous pouvez l’imaginer, il a été difficile de reconstruire le Rwanda, et encore plus la coexistence des Hutus et des Tutsis, les deux principaux groupes ethniques, afin de préserver le pays et son intégrité territoriale. Walter a participé à la modernisation du système de transport public de Kigali, et il s’est lancé dans des investissements hasardeux destinés à la promotion de la production agricole.

Dans le même temps, Walter m’a sévèrement réprimandé, accusant les Français d’être responsables de ce qui s’était passé. Votre serviteur, un homme de culture bigarrée, peut assumer tout ce que vous voulez, des massacres de la Guerre de Pacification de l’Araucanie aux horreurs de la Commune de Paris et à la torture industrielle perpétrée par l’armée française pendant la bataille d’Alger, mais, franchement, je n’ai eu aucune part dans le génocide rwandais, je ne suis jamais allé à Kigali, et à part Catherine, je  ne connaissais aucun citoyen de ce si beau pays.

Ce matin, j’écoutais la radio, France Info pour être précis, une radio du secteur public, qui a consacré un long reportage à un rapport demandé par le gouvernement français sur ce qui s’est passé au Rwanda en 1994.

Un groupe de spécialistes – dirigé par l’historien Vincent Duclert, maître de conférences à l’École nationale d’administration – a analysé toutes les données disponibles, y compris les archives diplomatiques, militaires et de renseignement, et a conclu que la France était coresponsable du génocide. Très précisément ceux qui ont donné des ordres et pris des décisions qui se sont révélées criminelles : François Mitterrand, le président, et Hubert Védrine, son ministre des Affaires étrangères.

Duclert lui-même a déclaré hier : « L’échec de la politique française au Rwanda a effectivement contribué à créer les conditions du génocide ».

Guillaume Ancel, lieutenant-colonel de l’armée française, qui se trouvait à l’époque au Rwanda dans le cadre de la « mission humanitaire » et a été témoin des massacres, a déclaré en direct : « Nous, militaires, sommes aussi responsables, car nous ne pouvons pas nous cacher derrière l’argument selon lequel nous avons obéi aux ordres ». L’armée française a notamment armé les Hutus, leur a fourni les armes dont ils avaient besoin pour commettre le génocide, les a protégés et a laissé les Tutsis sans défense.

Je dois déclarer, messieurs les jurés, que j’ai personnellement connu François Mitterrand, qui nous a reçus quelques fois à l’Elysée, et qu’Hubert Védrine est à mes yeux le seul ministre français des Affaires étrangères du dernier quart de siècle qui ait fait preuve d’un brin d’intelligence. Personne ne prétend que l’un ou l’autre voulait perpétrer un génocide. L’officier susmentionné ne le prétend pas non plus, mais il souligne la responsabilité inéluctable de ceux qui ont imposé leur volonté et pris les décisions politiques. A César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu.

Walter n’est plus de ce monde pour le savoir, ni pour que moi, m’appuyant sur la solide amitié franco-belge que nous avons construite, je puisse présenter mes excuses à la chilienne : « Pardonnez la mort de l’enfant, c’était une erreur, je ne savais pas, les coupables seront punis dans la mesure du possible, il suffit d’attendre encore 40 ans… ». Walter est mort dans un taxi picaresque à Jakarta, capitale de l’Indonésie, dévoré par un cancer de la gorge qui ne lui a pas permis de terminer le dernier voyage de sa vie, celui qui devait le conduire à l’hôpital.

Là où il se trouve, il a échappé à la deuxième info du jour : « La France proteste vivement contre les conditions d’emprisonnement d’Alexeï Navalny », un escroc néo-nazi condamné pour divers trafics et autres crimes, mais recruté par les services de renseignement occidentaux en tant qu’« opposant » au régime russe.

« Au nom des droits de l’homme », donc, « la France élève sa voix indignée », et appelle Vladimir Poutine de noms d’oiseaux.

Si vous ne saviez pas ce que signifie la phrase bien connue « Il y a des coups de pied au cul qui se perdent », maintenant vous le savez.


17/04/2023

Charleville-Mézières, Ardennes, Douce France en Macronie : Madame la procureure ouvre une enquête pour outrage au Roi
On se croirait en 1788...

L'info


Réforme des retraites : après l’incendie de la marionnette à l’effigie d’un roi à Charleville-Mézières, la procureure ouvre une enquête

Ce jeudi, près de 200 manifestants avaient quitté le cortège pour rallier la place Ducale où une marionnette avait été brûlée.

Jeudi soir, Magali Josse, la procureure de la République de Charleville-Mézières annonçait l’ouverture d’une enquête : « À l’occasion des manifestations de ce jour, un mannequin à l’effigie d’un Roi de France représentant symboliquement le président de la République a été incendié. Une enquête judiciaire est ouverte du chef d’outrages à personne dépositaire de l’autorité publique. » La magistrate a rappelé les peines encourues : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

La réponse 

Tout allait si bien !
Communiqué au sujet d’un pantin brûlé

Tout allait si bien, et c’est avec effroi que nous avons appris les tragiques événements qui ont eu lieu ce jeudi 6 avril 2023 en notre belle et sainte ville de Charleville-Mézières. Par voie de presse, nous avons pu lire que lors de la manifestation contre la Réforme des retraites, des individus (cents, deux cents ?) avaient eu l’incroyable toupet de quitter le parcours décidé par les directions syndicales et validé par Monseigneur le Préfet. Un si beau parcours, répété pour la troisième fois, qui avait permis jusqu’ici aux manifestant·es de se promener gaiement au milieu des champs et sur l’autoroute : là où personne ne les entend ni ne les voit protester. La fin du parcours était rêvée : nos valeureuses forces de l’ordre les accueillaient comme on attend des sangliers d’élevage lors d’une battue de chasse. La police pouvait ainsi gazer indistinctement jeunes et enfants, vieux et vieilles, chiens et chats ; et arrêter arbitrairement qui bon lui semblait. Soit-elle bénie, et rebénie.

À ce jour, en France, 76% des arrestations liées au mouvement social contre la Réforme des retraites ont été classées sans suite. L’Immaculée République peut enfin se passer de justifier trois-quarts des privations de liberté qu’elle décerne. À titre d’exemple : ce jeudi 6 avril, à Charleville-Mézières, 3 des 4 personnes arrêtées seront même jugées pour « attroupement » en septembre ! Rendez-vous compte ! Qui sont ces barbares qui osent s’attrouper lors d’une manifestation ? On vous le demande !!! Mais rassurons-nous, ce jour-là, la police a également réussi à estropier quelques manifestant·es, qui ont donné en offrande leur corps vulnérable à la force virile de nos agents de la paix. Des éclats de grenades désencerclantes ont joué leur rôle dissuasif en venant se loger dans la chair de personnes qui n’avaient rien fait de mal. Une victoire !

Nous répétons donc la question : qui sont ces individus qui ont osé quitter le parcours syndical au lieu d’aller rencontrer amoureusement nos illustres CRS ? Nous louons l’intelligence tactique de la procureure, qui a eu la sagesse d’ouvrir une enquête pour « Outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ». Car non contents de s’égayer dans ce qu’ils appellent une « manifestation spontanée », ces voyous de la pire espèce ont eu l’affront de mettre le feu à un pantin, coiffé d’une couronne de galette des rois. En outre, une fanfare les accompagnait, et on a même pu entendre des chants comme « La Semaine sanglante », écrite par un certain « Jean-Baptiste Clément » (qui renvoie, on le sait, à un nom de rue de notre belle et sainte ville, et non à un personnage central de la Commune de Paris).

D’après le Sacro-Ministère Public, le personnage de papier mis au bûcher était censé représenter « symboliquement » Monsieur le Président de la République (nous insistons sur la gravité de ce point : « symboliquement »). L’acte infâme a été réalisé devant la mairie de la grande et grandiose Place Ducale, avec une banderole qui titrait « La violence, c’est eux ». Qui est ce « eux » ? La Police ? L’État ? La Justice ? Nous n’osons y croire, mais l’enquête le dira. De surcroît, cette action a été menée en pleine période de carnaval, une fête traditionnelle et sacrée qui, rappelons-le, consiste à défiler avec des masques de Mickey Mouse en mangeant de la barbe à papa. Brûler symboliquement un dépositaire, jamais de mémoire d’humain une telle mascarade n’avait été observée, un tel renversement des valeurs ! Charleville-Mézières, fief des arts de la marionnettes au rayonnement international ne peut tolérer de tels agissements. Les marionnettes, on le sait, c’est pour rapporter de l’argent à nos commerçant·es, pas pour faire de la politique !

Le pouvoir en place ne tient que par sa brutalité, et on s’en félicite ! Nous espérons que la justice achèvera son éternelle mission en jugeant sévèrement toutes celles et ceux qui s’attroupent ou se moquent de notre Bon Président, jusqu’ici si bienveillant, et défendant si férocement les besoins du peuple. On peut en juger par le ruissellement des richesses qu’il a permis dans nos chères Ardennes, où tout le monde met la clim’ en plus du chauffage tellement l’argent coule à flots. Nous renouvelons notre fidélité à son mandat : d’un côté, moins de profs, moins de soignant·es, moins de services publics, et de l’autre côté plus de police, plus de police, et plus de police.
Si on ne peut plus manifester sans se faire mutiler ou asphyxier, si on ne peut plus déambuler pacifiquement en cramant des pantins de papier, si on ne peut plus bloquer son lieu de travail ou d’études, nous savons, chères autorités, que vous gardez sauve notre liberté fondamentale de nous exprimer, de manifester notre désaccord et de nous opposer à la tyrannie. Pour la suite du mouvement, nous vous demandons donc, s’il vous plaît, la distribution gratuite d’un violon par foyer, pour que nous puissions pisser rageusement dedans en pensant tendrement à votre infinie bonté. Peut-être jugerez-vous que cela offensera les luthier·es et leurs familles. Nous vous serions alors gré de nous communiquer les modalités par lesquelles les opposant·es au gouvernement peuvent exprimer leurs colères, dans le respect de l’ordre républicain, de nos gentils patrons et de la divine Droite – et donc sans gêner personne.

 AD/HOK– Collectif Interluttes des Ardennes