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17/09/2025

YANIV KUBOVICH
Eyal Zamir, le chef d’état-major de Tsahal, a ordonné l’évacuation totale de la ville de Gaza en ignorant l’avis de l’avocate militaire en chef

Yaniv Kubovich, Haaretz, 10/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La principale juriste de l’armée israélienne avait averti que le transfert de population était juridiquement indéfendable sans une analyse complète des conditions humanitaires pour un million de personnes dans le sud de Gaza. Cependant, le chef d’état-major Eyal Zamir a ignoré son avis et a donné l’ordre. Des sources militaires ont déclaré que les dirigeants de l’armée « ont créé un scénario qui n’existe pas, alors que tout le monde savait que l’évacuation ne pouvait pas avoir lieu ».


Le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, plus tôt cette semaine. Photo Unité du porte-parole de Tsahal


Lundi 8 septembre, le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, a ordonné l’évacuation de l’ensemble de la population de la ville de Gaza, contrairement à la position de l’avocate générale de l’armée, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi.

La semaine précédente, Tomer-Yerushalmi avait averti Zamir qu’il n’était pas possible d’affirmer que les opérations d’évacuation prévues vers le sud de Gaza étaient légales et avait exigé que les avis d’évacuation soient reportés tant que les conditions nécessaires pour accueillir la population n’étaient pas réunies. Mais Zamir a ignoré sa position.

Quelques jours plus tard, il a convoqué une réunion avec le chef du Commandement Sud de Tsahal, Yaniv Asor, et le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), Ghassan Alian, en excluant l’avocate générale. Tous trois ont décidé d’ordonner à l’ensemble des habitants de la ville de Gaza de se déplacer vers le sud, sans informer Tomer-Yerushalmi de cette décision.

L’avocate générale militaire est l’autorité de Tsahal chargée d’interpréter le droit international. Des responsables militaires de haut rang ont indiqué ne pas se souvenir d’un cas où un chef d’état-major avait ignoré la position de la principale juriste sur une question aussi importante.

Zamir souligne souvent publiquement son engagement à agir conformément au droit international, tant dans ses déclarations publiques que dans ses discussions avec les réservistes préoccupés par des violations possibles du droit de la guerre. « Tsahal agit toujours conformément au droit israélien et international », avait-il déclaré en mai. « Toute affirmation mettant en doute l’intégrité de nos actions ou la moralité de nos soldats est infondée. »

La semaine dernière, Zamir a tenu plusieurs réunions avec des hauts responsables juridiques et militaires concernant l’évacuation des habitants de Gaza-ville et leur transfert vers le sud de Gaza. Au cours de ces discussions, le chef d’état-major, le chef du Commandement Sud et le commandant du COGAT ont été priés de fournir à l’avocate générale militaire un rapport complet détaillant la situation humanitaire dans le sud de Gaza et l’état des infrastructures exigées par le droit international dans les zones désignées pour accueillir la population de la ville.

Les estimations indiquent qu’environ 1,2 million de personnes à Gaza-ville devraient se déplacer vers le sud, comprenant 700 000 habitants d’avant-guerre et environ 500 000 déplacés internes qui s’étaient réfugiés dans la ville.


Des Palestiniens déplacés, fuyant le nord de Gaza en raison d’une opération militaire israélienne, se déplacent vers le sud après l’ordre d’évacuation de Tsahal, dans le centre de la bande de Gaza, mercredi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Des sources militaires israéliennes familières des discussions de la semaine dernière – auxquelles participaient le chef de Tsahal, de hauts responsables militaires et l’avocate générale – ont affirmé que les dirigeants militaires ont présenté une image irréaliste des conditions humanitaires dans le sud de Gaza. « Ils ont créé un scénario qui n’existe pas, sans aucun travail de fond sérieux, alors que tout le monde savait que ce n’était pas la réalité et que l’évacuation ne pouvait pas avoir lieu », a déclaré un responsable de la sécurité au courant du dossier.

Selon ces sources, les informations partielles et superficielles présentées pendant les discussions étaient accompagnées de cartes imprécises, où des zones déjà entièrement occupées étaient indiquées comme disponibles pour accueillir de nouveaux habitants. Les calculs du Commandement Sud et du COGAT montraient que, dans les zones désignées comme sûres et destinées à loger la population, seulement sept mètres carrés par personne étaient prévus – bien en dessous des standards du droit international.

Tsahal avait annoncé un plan visant à introduire 100 000 tentes dans le territoire pour héberger les habitants pendant l’hiver, mais des sources militaires ont affirmé qu’en pratique, seules de simples bâches, et non des tentes fermées, étaient fournies.

Ces sources ont également noté que, contrairement aux affirmations de l’armée, les hôpitaux du sud de Gaza étaient au bord de l’effondrement et incapables d’accueillir de nouveaux blessés en raison d’une surpopulation extrême. Déplacer un million de personnes vers des zones dépourvues de services médicaux adéquats pourrait provoquer une catastrophe humanitaire, susciter des critiques internationales et potentiellement entraîner des sanctions de la part des pays soutenant Israël.


La générale Yifat Tomer-Yerushalmi, avocate générale militaire, à la Cour suprême en 2024. Photo Oren Ben Hakoon

Jeudi, l’avocate générale a contacté le chef de Tsahal et a précisé qu’il n’était pas possible d’affirmer que l’armée était prête à évacuer Gaza-ville, opération qui devait commencer dimanche. Tomer-Yerushalmi a expliqué que des organisations internationales, dont la Croix-Rouge, l’ONU et d’autres agences d’aide en coordination avec Tsahal à Gaza, avaient déjà exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux conditions difficiles dans le sud de Gaza.

Elle a souligné que ces organisations avaient répété à plusieurs reprises, lors de réunions et forums avec de hauts responsables de Tsahal, que l’évacuation de la population du nord de Gaza constituerait une violation du droit international et du droit de la guerre, en raison des conditions déjà désastreuses dans le sud. L’avocate générale a indiqué à Zamir qu’elle acceptait l’évaluation de la Division de recherche du renseignement militaire israélien, qui confirmait qu’il existait un fondement aux préoccupations des organisations internationales – en contradiction avec l’image présentée par certains hauts responsables de l’armée. Les responsables du renseignement ont souligné qu’Israël devait être en mesure de fournir une réponse crédible à ces préoccupations.


Des Palestiniens transportent des sacs de farine déchargés d’un convoi d’aide humanitaire arrivé à Gaza-ville depuis le nord de la bande de Gaza, dimanche 24 août 2025. Photo Abdel Kareem Hana/AP

L’avocate militaire en chef a donc déclaré que les avis et tracts d’évacuation destinés aux habitants de Gaza-ville devaient être reportés. Elle a rappelé que, bien que le chef de l’armée ait demandé à recevoir un rapport détaillé du COGAT sur les conditions humanitaires nécessaires à l’opération, aucun rapport de ce type n’avait été livré avant le transfert prévu de population. Selon elle, aucun autre document complet sur le sujet n’avait été présenté non plus. Elle a souligné que sans cette préparation, il serait impossible de « répondre aux défis juridiques attendus » concernant la légalité de l’évacuation.

Un haut responsable de Tsahal a critiqué Tomer-Yerushalmi, affirmant qu’elle cherchait à retarder les ordres d’évacuation à la dernière minute. Il l’a accusée de n’avoir rien fait, depuis le début de la guerre, pour empêcher les tirs indiscriminés contre les civils et de ne pas avoir enquêté sur des incidents graves, comme la mort de travailleurs humanitaires à Rafah ou les attaques contre des hôpitaux. Il a également affirmé qu’elle craignait les critiques de la droite politique et d’autres éléments au sein de Tsahal, ce qui influençait parfois ses décisions.

Une autre source militaire a noté que, lors des discussions précédant l’ordre d’évacuation, l’avocate générale avait interrogé des représentants du COGAT sur les conditions sanitaires dans le sud de Gaza. Bien qu’elle ait reconnu que celles-ci ne répondaient pas aux standards du droit international, elle avait finalement accepté de ne pas en faire une condition préalable au lancement de l’évacuation.


Des habitants regardent les tracts largués par l’armée israélienne appelant à évacuer vers Muwasi, tombant sur Gaza-ville, mardi. Photo Omar al-Qattaa/AFP

Lundi, une autre réunion s’est tenue avec le chef de Tsahal, le chef du Commandement Sud, le chef du COGAT et d’autres hauts responsables pour planifier le transfert de population. L’avocate militaire en chef n’était pas présente, et la décision a été prise de commencer l’évacuation de Gaza-ville et de distribuer les tracts aux habitants. Après la réunion, Tomer-Yerushalmi a réaffirmé à de hauts responsables de Tsahal que son interprétation juridique – selon laquelle les avis d’évacuation devaient être reportés tant qu’une réponse détaillée aux préoccupations internationales n’était pas apportée – restait inchangée.

Elle a insisté sur le fait que répondre à ces préoccupations était nécessaire à la fois pour maintenir la légalité des opérations militaires à Gaza et pour protéger les hauts responsables de Tsahal contre d’éventuelles poursuites devant les tribunaux internationaux.





Mardi, le porte-parole de Tsahal, Avichay Adraee, a publié en arabe un avis d’évacuation à tous les habitants de Gaza-ville.

À la suite de cette publication, de hauts juristes militaires ont précisé que l’ordre n’avait pas reçu d’approbation légale et que, dans les circonstances actuelles, sa légalité ne pouvait pas être défendue.

En réponse, le porte-parole de Tsahal a déclaré que l’armée « agit conformément à toutes les lois, et toute autre affirmation est incorrecte ». Il a ajouté que « l’avocate générale militaire participe à toutes les évaluations opérationnelles concernant Gaza, y compris les mouvements de population, et a défini pour le personnel concerné les conditions nécessaires à cela ».

Selon Tsahal, les ordres d’évacuation avaient été approuvés par des responsables professionnels du COGAT « après avoir vérifié que les conditions requises étaient remplies et que la situation humanitaire dans le sud de Gaza permettait l’opération ».
La réponse de Tsahal n’a pas mentionné la position de l’avocate générale militaire concernant l’ordre d’évacuation.



24/05/2025

GIDEON LEVY
Les chefs militaires israéliens ne font pas qu’“obéir aux ordres”. Ils auraient pu empêcher le massacre de Gaza

Gideon Levy Haaretz, 22/5/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les forces de défense israéliennes ont tué des milliers d’enfants et de bébés dans la bande de Gaza. Que ce soit par hobby ou à dessein, en tant que profession, ou que ce soit intentionnellement ou par erreur, les FDI sont une armée responsable de massacres d’enfants, de femmes et de personnes âgées, et personne dans le monde ne peut le nier.


Il faut donc être reconnaissant à Yair Golan, le chef du parti israélien Les Démocrates, pour la vérité qu’il a exprimée, alors que cette vérité aurait dû être évidente. Les protestations qu’il a suscitées, du chef de l’opposition Yair Lapid au ministre des finances d’extrême droite Bezalel Smotrich, n’ont fait qu’attester du fait que la vérité elle-même est devenue un sujet de controverse en Israël.

Cependant, dans le sillage de cette agitation, l’ancien général de Tsahal Golan, un homme censément courageux et honnête, s’est empressé de convoquer une conférence de presse pour « expliquer » sa déclaration évidente, enterrant ainsi une partie de la vérité qu’il avait exposée et enterrant le courage dont il avait fait preuve. Golan s’est empressé d’absoudre l’armée de toute faute. Général un jour, général toujours ; sioniste de gauche un jour, sioniste de gauche toujours : le cœur et l’intégrité de Golan ne vont pas au-delà de blâmer la responsabilité du gouvernement. Blâmer l’armée pour avoir tué des enfants est au-delà de ses capacités. Il n’est pas un vrai leader de gauche. Tout espoir en ce sens, s’il a jamais existé, a été dissipé.

« Je tiens à être clair. Ma critique ne s’adresse en aucun cas à l’armée. Je le répète : mes critiques s’adressaient au gouvernement, pas à Tsahal », a déclaré Golan lors de la conférence de presse, et la vache sacrée n’a pas été souillée. Contrairement à la droite, qui a depuis longtemps le courage d’attaquer l’armée et de souiller sa répugnante sainteté, la gauche n’en est pas là. Elle croit encore aux généraux. La gauche regorge de généraux et est imprégnée du caractère sacré de l’armée.

Les milliers d’enfants de Gaza qui sont morts ont été tués par le gouvernement. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou avec son « canon sacré », le ministre de la défense Israel Katz dans le cockpit d’un F-35I, la ministre des transports Miri Regev pilotant un drone suicide, le ministre des affaires étrangères Gideon Sa’ar dans un hélicoptère d’attaque et le ministre des communications Shlomo Karhi dans un véhicule d’artillerie mobile. Ils ont bombardé ces enfants sans pitié. Selon Golan, ils sont les seuls à blâmer. Les mains des pilotes sont propres, tout comme celles des artilleurs. Même les mains de l’état-major sont aussi pures que la neige vierge. Il s’agit d’une tromperie lâche. Elle témoigne également d’une attitude autoritaire à l’égard de Tsahal, qui se transforme en une armée de soldats robotisés et zombies, qui ne font qu’exécuter automatiquement les ordres du gouvernement.

Non, Yair Golan. Les enfants de Gaza ont été tués par tes collègues et amis, les soldats et les pilotes. Ce sont eux qui commettent ces crimes. Ils le font depuis 19 mois sans aucune insubordination, certains avec un enthousiasme évident, d’autres avec une obéissance aveugle. Ils ne sont peut-être que des sous-traitants qui exécutent la mission - et il est douteux que ce soit le cas - mais ils ont les mains couvertes de sang. Ils ne peuvent être exonérés de toute responsabilité.

Sans les FDI, le massacre de Gaza n’aurait pas eu lieu, même si le gouvernement l’avait voulu. Les ordres de combat pour cette opération incluent des crimes de guerre, formulés par l’armée comme faisant partie de ses objectifs. Ce n’est pas la ministre des missions nationales, Orit Strock, qui a déterminé que « concentrer et déplacer la population » était l’une des missions de l’opération. Le ministre de la coopération régionale, David Amsalem, n’est pas le chef d’état-major Eyal Zamir, qui s’est vanté que « nous continuerons jusqu’à ce que nous ayons brisé les capacités de combat du Hamas », alors que les capacités de combat de l’ennemi ont été vaincues depuis longtemps. Les forces de défense israéliennes opèrent contre des squelettes ambulants qui se déplacent parmi les ruines.

Le gouvernement porte la responsabilité et la faute, qui sont impardonnables. Mais absoudre les militaires uniquement parce qu’ils n’ont pas le courage de dire la vérité ? Seulement parce que tes amis tuent des enfants ? Seulement parce que l’objectif de renverser Netanyahou éclipse tout à tes yeux ?

On ne peut pas prétendre que l’armée ne fait qu’obéir aux ordres et que le chef d’état-major n’est qu’un rouage de la machine. Le chef d’état-major et le commandant de l’armée de l’air ne sont pas des rouages. Pas plus que les personnes placées sous leur commandement.

Ce sont eux qui mènent la campagne visant à détruire la bande de Gaza et ils pourraient l’arrêter s’ils pensaient qu’un drapeau noir flottait sur cette campagne. Ils mènent une guerre criminelle et sans but contre les restes de la population de Gaza, qui n’a aucun endroit sûr vers lequel se tourner. Les exonérer de toute culpabilité relève de la lâcheté ou du mensonge, voire des deux.


14/08/2024

Shawishim, le néologisme génocidaire pour désigner les chaouchs, les Palestiniens utilisés à la place de chiens pour détecter les tunnels à Gaza

Chaque jour qui passe apporte son lot d’horreur. L’armée la plus morale du monde se surpasse dans l’ingéniosité. Quelques trop rares Israéliens ont le courage de dénoncer le crime contre l’humanité commis par les sionihilistes.Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À Gaza, la déshumanisation des Palestiniens par Israël atteint un nouveau sommet

Gideon Levy, Haaretz, 14/8/2024

Les Forces de défense israéliennes ont décidé de réduire les effectifs de l’unité Oketz, l’unité 7142, avant sa dissolution. L’unité canine et ses dresseurs a souffert d’une pénurie ces derniers temps. Un grand nombre de chiens ont été tués dans la bande de Gaza, et il a donc été décidé d’utiliser des moyens moins coûteux et plus efficaces. Il s’avère que la nouvelle unité, à laquelle l’ordinateur de l’IDF n’a pas encore donné de nom, donne les mêmes résultats opérationnels. Il n’est pas nécessaire de dresser les chiens pendant des mois, ni d’utiliser les muselières en fer qui ferment leurs mâchoires effrayantes, et leur nourriture sera également moins chère : au lieu de la coûteuse nourriture pour chiens Bonzo, les restes des rations de combat.

 

Les frais d’inhumation et de commémoration seront également annulés : les chiens Oketz étaient généralement enterrés dans le cadre de cérémonies militaires, avec des soldats en pleurs et des articles à faire pleurer en première page du bulletin d’information des FDI, Yedioth Ahronoth. Les chiens de remplacement n’ont pas besoin d’être enterrés, leurs corps peuvent simplement être jetés. Les cérémonies commémoratives annuelles du 30 août pour les chiens peuvent également être supprimées. Les nouveaux chiens n’auront pas de monument. Les âmes sensibles des soldats qui les manipulent ne seront plus endommagées lorsqu’ils mourront.

Le projet pilote est en cours et il y a déjà eu un mort dans la nouvelle unité. Bientôt, l’armée israélienne exportera les connaissances qu’elle a acquises à d’autres armées dans le monde. En Ukraine, au Soudan, au Yémen et peut-être même au Niger, elles seront heureuses de s’en servir.

Selon la page Wikipédia consacrée à l’Oketz : « L’unité active un matériel de guerre unique, le chien, qui offre des avantages opérationnels uniques qui n’ont pas de substitut humain ou technologique ». Oups, une erreur. Il n’y a peut-être pas de substitut technologique, mais un substitut humain a été trouvé. Le terme « humain » est bien sûr exagéré, mais l’armée israélienne dispose d’un nouveau type de chien, bon marché, obéissant et bien mieux entraîné, dont les vies valent moins.

Les nouveaux chiens de Tsahal sont les habitants de la bande de Gaza. Pas tous bien sûr, seulement ceux que l’éclaireur de l’armée choisit avec soin, parmi 2 millions de candidats ; les auditions ont lieu dans les camps de déplacés. Il n’y a pas de restriction d’âge.

Les chasseurs de têtes de l’armée ont déjà trouvé des enfants et des personnes âgées, et il n’y a aucune restriction à l’activation de la nouvelle main-d’œuvre. Ils les utilisent et les jettent ensuite. Entre-temps, ils n’ont pas été formés aux missions d’attaque et à l’identification olfactive des explosifs, mais l’armée y travaille. Au moins, ils ne mordront pas les enfants palestiniens dans leur sommeil comme les anciens chiens de Baskerville.

Mardi, Haaretz a publié en première page la photo d’un des nouveaux chiens : un jeune habitant de Gaza menotté, vêtu de haillons qui étaient autrefois des uniformes, les yeux couverts d’un chiffon, le regard baissé, des soldats armés à ses côtés. Yaniv Kubovich, le correspondant militaire le plus courageux d’Israël, et Michael Hauser Tov ont révélé que Tsahal utilise des civils palestiniens pour vérifier les tunnels à Gaza. « Nos vies sont plus importantes que les leurs », ont dit les commandants aux soldats, répétant ce qui est une évidence.

Ces nouveaux « chiens » sont envoyés menottés dans les tunnels. Des caméras sont fixées sur leur corps, et l’on peut y entendre le bruit de leur respiration effrayée.

Ils « nettoient » les puits, sont détenus dans des conditions pires que les chiens Oketz et leur activité s’est généralisée, systématisée. Al-Jazeera, boycottée en Israël pour « atteinte à la sécurité », a révélé le phénomène. L’armée l’a nié, comme d’habitude, avec ses mensonges. Deux reporters de Haaretz ont rapporté l’histoire complète mardi, et elle est terrifiante.

Certains soldats ont protesté à la vue des nouveaux « chiens », plusieurs courageux ont même témoigné auprès de Breaking the Silence. Mais la procédure, qui avait été expressément interdite par la Haute Cour de justice, a été adoptée à grande échelle dans l’armée. La prochaine fois que le public protestera contre le fait que Benjamin Netanyahou ignore les décisions de la Haute Cour, nous devrions nous rappeler que l’armée ignore aussi effrontément les décisions de celle-ci.

Le processus de déshumanisation des Palestiniens a atteint un nouveau sommet. Haaretz a rapporté que le haut commandement de l’IDF était au courant de l’existence de la nouvelle unité. Pour l’armée, la vie d’un chien vaut plus que celle d’un Palestinien. Nous disposons à présent de la version officielle.

Enquête du Haaretz sur les “chaouchs” : l’armée israélienne utilise des civils palestiniens pour inspecter des tunnels potentiellement piégés à Gaza

“Nos vies sont plus importantes que les leurs” : des Gazaouis non soupçonnés de terrorisme sont détenus et envoyés comme boucliers humains pour fouiller les tunnels et les maisons avant que les soldats de Tsahal n’y pénètrent, au vu et au su d’officiers supérieurs israéliens, affirment plusieurs sources ; Tsahal prétend que cette pratique est interdite.

Yaniv Kubovich & Michael Hauser Tov, Haaretz ,  13/8/2024

 

Un Gazaoui vêtu d’un uniforme des FDI à côté de soldats israéliens dans une maison à Rafah le mois dernier. La photo a été floutée afin de supprimer les éléments d’identification. Photo David Bachar

Au début, il est difficile de les reconnaître. Ils portent généralement des uniformes de l’armée israélienne, beaucoup d’entre eux ont une vingtaine d’années et ils sont toujours en compagnie de soldats israéliens de différents grades.

Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que la plupart d’entre eux portent des baskets, et non des bottes de l’armée. Leurs mains sont menottées dans le dos et leurs visages sont empreints de peur. Les soldats les appellent tous « shawish », un mot arabe obscur [sic] d’origine turque [çavuş] qui signifie « sergent » [= chaouch en arabe maghrébin et en français, NdT], et par extension, gardien, surveillant, concierge, homme à tout faire.

Des Palestiniens pris au hasard ont été utilisés par les unités de l’armée israélienne dans la bande de Gaza dans un seul but : servir de boucliers humains aux soldats pendant les opérations.

« Nos vies sont plus importantes que les leurs », a-t-on dit aux soldats. L’idée est qu’il vaut mieux que les soldats israéliens restent en vie et que les shawishim soient victimes d’un engin explosif.

Cette description est l’une des nombreuses obtenues par Haaretz, certaines provenant de soldats de combat, d’autres de commandants. L’image qui en ressort : ces derniers mois, les soldats israéliens ont utilisé des boucliers humains de cette manière dans toute la bande de Gaza ; même le bureau du chef d’état-major est au courant.

30/01/2024

DAWN
Premiers suspects : Enquête sur les crimes de guerre israéliens à Gaza

DAWN, 20/12/2023

Traduit par Tlaxcala

DAWN [Democracy for the Arab World Now/ AURORE, Démocratie pour le monde arabe maintenant] est une organisation à but non lucratif qui promeut la démocratie, l'État de droit et les droits humains pour tous les peuples du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA en anglais). Elle regroupe des analystes, des chercheurs, des juristes et des militants dédiés à la réalisation de la vision de son fondateur Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné le 2 octobre 2018, 5 mois après l’avoir créée.

Le procureur de la Cour pénale internationale enquête sur des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Voici la liste des premiers suspects de crimes de guerre - officiers et  commandants responsables de la [première phase de la] guerre déclenchée par Israël contre Gaza - que nous lui avons soumise.

Les premiers suspects

DAWN a soumis au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) une liste de plus de 40 officiers militaires israéliens qui ont été impliqués dans les cinq premières semaines de la guerre déclarée par Israël à la suite des attaques du Hamas du 7 octobre 2023. Chaque officier avait la responsabilité du commandement des unités impliquées dans les combats ou le bombardement de Gaza entre le 8 octobre 2023 et le 13 novembre 2023, ou était impliqué dans l'imposition du siège de Gaza pendant cette période.

Chaque fiche « Prime Suspect » comprend le nom, le grade, la photo et le rôle d'un commandant israélien. DAWN a dressé la liste des officiers exclusivement à partir des publications militaires israéliennes officielles qui ont confirmé la présence d'unités militaires spécifiques dans des lieux spécifiques à des moments spécifiques. (Une seule entrée a été vérifiée par le biais d'une interview télévisée avec un commandant de l'unité en question). La liste comprend des officiers à partir du grade de lieutenant-général (général 3 étoiles) qui commandent des unités dont la taille n'est pas inférieure à celle d'un bataillon. Elle couvre presque toutes les branches de l'armée israélienne, ainsi que le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), l'unité qui administre le siège de Gaza.

DAWN publie régulièrement sur cette page des fiches individuelles « Prime Suspect » identifiant chaque officier.



Liste nominative

1.            Yoav Gallant, ministre de la Défense

2.           Général de brigade Gilad Keinan

3.           Général de division Ghassan Alian

4.           Lieutenant-colonel Katy Perry

5.           Lieutenant-colonel Adoniram Sharabi

6.           Colonel Edo Kass

7.            Général de corps d'armée Herzi Halevi

8.           Lieutenant-colonel Dvir Edri

9.           Col. Ehud Bibi

10.       Contre-amiral Daniel Hagari

11.        Colonel Elad Tzuri

12.       Général de brigade Avi Rosenfeld

13.       Lieutenant-colonel Daniel Ella

14.       Lieutenant-colonel Or Klasser

15.       Lieutenant-colonel David Cohen

16.       Général de division Aharon Haliva

17.        Général de division Tomer Bar

18.       Général de brigade Dan Goldfuss

19.       Général de division Oded Basyuk

20.      Lieutenant-colonel Almog Rotem

21.       Général de brigade Edo Mizrahi

22.      Lieutenant-colonel Gilad Mills

23.      Général de brigade Dado Bar Kalifa

24.      Lieutenant-colonel Oz Meshulam

25.      Colonel Benny Aharon

26.      Colonel Ami Biton

27.       Colonel Moshe Tetro

28.      Lieutenant-colonel Amit Madlasi

29.      Lieutenant-colonel Ziv Baunish

30.      Général de division Yaron Finkleman

31.       Colonel Yair Plai

32.      Général de brigade Itzik Cohen

33.      Général de division David Sa'ar Salame

34.      Lieutenant-colonel Tomer Sayeg

08/01/2024

GIDEON LEVY
Bonne chance à la Cour internationale de Justice, les Israéliens devraient espérer qu’elle décidera d’arrêter l’opération à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 7/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Israël n’est pas entré en guerre pour commettre un génocide - cela ne fait aucun doute - mais il le commet dans la pratique, même s’il n’en a pas l’intention [?]. Chaque jour qui passe dans cette guerre, avec ses centaines de morts, renforce les soupçons qui pèsent sur Israël.

Emad Hajjaj

Quiconque voit la poursuite inutile de la guerre et l’ampleur du massacre et de la destruction dans la bande de Gaza, quiconque veut mettre fin à la souffrance inhumaine de plus de deux millions d’êtres humains doit espérer, ne serait-ce qu’au fond de son cœur, que la Cour internationale de Justice de La Haye prononcera une mesure provisoire ordonnant la suspension des opérations militaires d’Israël dans la bande de Gaza.

Il n’est pas facile pour un Israélien de souhaiter une décision de justice contre son pays qui pourrait également conduire à des mesures punitives à son encontre, mais y a-t-il un autre moyen d’arrêter la guerre ?

Il n’est pas facile de savoir que son État est poursuivi par un État qui en sait long sur les régimes injustes et le mal, et dont le dirigeant fondateur était un modèle moral pour le monde entier. Il n’est pas facile d’être traduit devant le tribunal mondial par l’Afrique du Sud ; il n’est pas facile d’être accusé d’un génocide qui aurait été commis par un État fondé sur les cendres du plus vaste génocide de l’histoire.

Il n’est plus possible d’ignorer que des soupçons des pires crimes contre l’humanité et le droit international planent sur la tête d’Israël. On ne parle plus d’occupation, mais d’apartheid, de transfert involontaire de population, de nettoyage ethnique et de génocide. Qu’y a-t-il de plus grave que cela ? Il semble qu’aujourd’hui, aucun autre État ne puisse être accusé de toutes ces infractions.

Ces accusations ne peuvent être ni écartées d’un revers de main, ni mises sur le compte de l’antisémitisme. Même si certaines d’entre elles sont exagérées et même sans fondement [ ?], l’indifférence avec laquelle elles sont accueillies ici - et, comme toujours, retournées contre l’accusateur - pourrait être une bonne voie vers le déni et la répression, mais pas pour laver le nom d’Israël, et encore moins pour la réparation et la guérison du pays.

Plus de 20 000 morts en trois mois, dont des milliers d’enfants, et la destruction totale de quartiers entiers, ne peuvent que faire naître des soupçons de génocide. Les propos invraisemblables tenus par d’importantes personnalités israéliennes sur la nécessité de nettoyer la bande de Gaza de ses habitants, voire de les détruire, font peser le soupçon d’une volonté d’épuration ethnique. Israël mérite d’être jugé pour les deux.

Israël n’est pas entré en guerre pour commettre un génocide - cela ne fait aucun doute - mais il le commet dans la pratique, même s’il n’en a pas l’intention [ ?]. Chaque jour qui passe dans cette guerre, avec ses centaines de morts, renforce le soupçon. À La Haye, il faudra prouver l’intention, et il est possible qu’elle ne soit pas prouvée. Cela disculpera-t-il Israël ?

Les soupçons de projets de nettoyage ethnique, qui ne seront pas discutés à La Haye pour l’instant, sont plus fondés. Ici, l’intention est ouverte et déclarée. La ligne de défense d’Israël, selon laquelle ses ministres les plus importants ne représentent pas le gouvernement, est ridicule. Il est douteux que quelqu’un la prenne au sérieux.

Si le partisan du transfert Bezalel Smotrich ne représente pas le gouvernement, que fait-il en son sein ? Si Benjamin Netanyahou n’a pas licencié Itamar Ben-Gvir, en quoi le premier ministre est-il irréprochable ?

Mais c’est l’atmosphère générale en Israël qui devrait nous inquiéter encore plus que ce qui se passe à La Haye. L’air du temps indique qu’il est largement légitime de commettre des crimes de guerre. Le nettoyage ethnique de Gaza, puis de la Cisjordanie, fait déjà l’objet d’un débat. Le massacre des habitants de Gaza n’est même pas un thème dans le discours israélien.

Le problème de Gaza a été créé par Israël en 1948, lorsqu’il a expulsé des centaines de milliers de personnes vers ce territoire dans le cadre de ce qui était certainement un nettoyage ethnique complet du sud d’Israël : demandez à Yigal Allon. Israël n’en a jamais accepté la responsabilité.

Aujourd’hui, des membres du cabinet demandent que le travail soit terminé dans la bande de Gaza également. La manière écœurante dont la question du “jour d’après” est abordée - l’essentiel étant qu’Israël décide de quoi et qui se trouve à Gaza - montre seulement que l’esprit de 1948 n’est pas mort. C’est ce qu’Israël a fait à l’époque et c’est ce qu’il veut refaire.

La Cour internationale de justice décidera si cela suffit pour une condamnation pour génocide ou autres crimes de guerre. Du point de vue de la conscience, la réponse a déjà été donnée.

 

Le Palais de la Paix, siège de la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye, 2013. Photo AP