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16/07/2025

GIDEON LEVY
Israël a autrefois sauvé des enfants des décombres. Aujourd’hui, il tue ceux qui tentent de les sauver

Gideon LevyHaaretz, 17/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Hala Arafat est morte dans d’atroces souffrances, avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison. Quiconque tentait de s’approcher d’eux était attaqué par des drones.


Hossam Azzam porte le corps de son fils Ameer, un enfant palestinien tué lors d’une frappe israélienne nocturne sur une maison, selon les médecins, à l’hôpital Al-Shifa de Gaza, mardi. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Un œil est fermé, l’autre ouvert. Une main agrippe le mur qui s’est effondré sur elle. Elle est coincée dans les décombres, la tête et le corps immobilisés. Elle est dans cette position depuis toute la nuit. Une ampoule est jetée près d’elle, elle tente de l’attraper, peut-être que cela la sauvera. Elle la lâche.

Puis elle lève la main, signe qu’elle est en vie. Elle lutte pour prononcer ces mots : « Sauvez-moi, je suis fatiguée. Je ne peux pas [continuer]. » Avec ses dernières forces, elle dit : « S’il vous plaît, s’il vous plaît, sauvez-moi. » Ce sont ses derniers mots. « Parle, Hala, parle », tente son beau-frère, Anas, mais en vain. Ses yeux se ferment.


On ne sait pas exactement combien de temps elle a survécu après cette photo. Mardi, Nir Hasson a écrit sur X : « Cette femme s’appelle Hala Arafat. Elle a 35 ans. Depuis 2 heures du matin, elle et 14 autres membres de sa famille, principalement des enfants, se trouvent sous les décombres de leur maison de la rue Zarqa, dans le quartier d’Al-Tuffah. J’ai parlé avec son beau-frère, qui m’a dit que toute personne qui tentait de s’approcher d’elle était attaquée par des drones. Si quelqu’un a une idée pour aider, c’est le moment. »

Le bureau du porte-parole de l’armée israélienne n’a pas pris la peine de répondre à Hasson pendant 12 heures. Pourquoi tant de précipitation ? Plus tard, le porte-parole a marmonné quelque chose à propos d’un « manque de coordonnées ».

Hala est morte dans d’atroces souffrances avec son mari et ses quatre enfants. Quatorze membres de leur famille, dont sept enfants, ont été tués dans le bombardement de leur maison.

Ils ne sont pas la seule famille qui a été massacrée mardi. La famille Azzam – Amir, Rateb, Karim et quatre bébés – a également été anéantie. Les images des quatre nourrissons morts, allongés sur le dos dans des linceuls blancs, le visage découvert, sont parmi les plus difficiles à supporter. Le visage de l’un des nourrissons est lacéré.

Certains comptes sur les réseaux sociaux sont devenus des journaux intimes d’un abattoir. Tous les Israéliens doivent désormais les regarder en face. Que les sentiments soient blessés, que les âmes sensibles soient choquées ; aucune image de la bande de Gaza ne doit être censurée. Ce n’est pas un film snuff, c’est la réalité qui doit être vue.

Les derniers mots de Hala et l’impuissance à la sauver sont impardonnables. Une femme piégée dans les décombres de sa maison devrait susciter un fort désir de la sauver. Mais la situation a incité l’armée israélienne à lancer des drones tueurs pour liquider les sauveteurs, comme cela s’est produit mercredi dans la rue Zarqa à Gaza.

Selon les informations disponibles, l’armée israélienne a tiré sur toute personne qui s’approchait. Des femmes soldats audacieuses étaient aux commandes, ou s’agissait-il de soldats jouant à un jeu mortel contre quiconque tentait de porter secours ?

Ce sont les mêmes soldats de l’armée israélienne qu’Israël continue d’embrasser comme s’ils étaient les victimes de cette guerre et ses héros. Ils ne sont ni des victimes ni des héros lorsqu’ils tirent avec des drones sur des personnes sans défense. Ils sont comme les tireurs qui ont attaqué les centres d’aide humanitaire. Mercredi, vingt personnes ont été écrasées à mort après avoir été aspergées de gaz par des soldats.

C’est cette même IDF qui, en 1999, avait sauvé une fillette turque, Shiran Franco, des décombres. Elle avait neuf ans lorsque le tremblement de terre a frappé son pays, et les soldats des FDI l’ont non seulement sauvée, mais aussi emmenée en Israël pour y être soignée. Sa photo, prise par un colonel israélien, est devenue emblématique. Comme nous étions gentils.

L’armée israélienne ne sauve plus personne. Aujourd’hui, elle tire sur quiconque tente de secourir une femme coincée entre les murs de sa maison. Y a-t-il quelque chose de plus monstrueux ?

Une fois de plus, les mots me manquent. Lors du prochain tremblement de terre, en Turquie ou dans n’importe quel autre pays du monde, il faut espérer que les unités de secours de l’armée israélienne qui oseront se montrer pour faire semblant de sauver des vies seront expulsées dans la honte.

Cette armée a perdu le droit d’être hypocrite. Une armée qui tire sur les sauveteurs et les affamés a perdu le droit moral d’offrir son aide.

Non merci, dira le monde. Nous n’accepterons pas l’aide de vos mains trempées du sang des innocents.

OMER BARTOV
Je suis un spécialiste du génocide. Quand j’en vois un, je le reconnais

 Omer Bartov, The New York Times, 15/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  


Un mois après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, je croyais qu’il existait des preuves que l’armée israélienne avait commis des crimes de guerre et potentiellement des crimes contre l’humanité lors de sa contre-attaque contre Gaza. Mais contrairement aux cris des critiques les plus virulents d’Israël, ces preuves ne me semblaient pas constituer un crime de génocide.

En mai 2024, les Forces de défense israéliennes avaient ordonné à environ un million de Palestiniens réfugiés à Rafah – la ville la plus au sud et la dernière relativement intacte de la bande de Gaza – de se déplacer vers la zone côtière de Mawasi, où il n’y avait que peu ou pas d’abris. L’armée a ensuite procédé à la destruction d’une grande partie de Rafah, un exploit pratiquement accompli en août.

À ce stade, il semblait impossible de nier que le modèle des opérations de Tsahal était cohérent avec les déclarations dénotant une intention génocidaire faites par les dirigeants israéliens dans les jours qui ont suivi l’attaque du Hamas.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait promis que l’ennemi paierait un « prix énorme » pour l’attaque et que l’armée israélienne réduirait en ruines certaines parties de Gaza, où opérait le Hamas, et il avait appelé les « habitants de Gaza » à « partir maintenant, car nous interviendrons avec force partout ». Netanyahou avait exhorté ses citoyens à se souvenir de « ce qu’Amalek vous a fait », une citation que beaucoup ont interprétée comme une référence à l’exigence, contenue dans un passage biblique, appelant les Israélites à « tuer sans distinction hommes et femmes, enfants et nourrissons » de leur ancien ennemi. Les responsables gouvernementaux et militaires ont déclaré qu’ils combattaient des « animaux humains » et ont, plus tard, appelé à « l’annihilation totale ». Nissim Vaturi, vice-président du Parlement, a déclaré sur X que la tâche d’Israël devait être « d’effacer la bande de Gaza de la surface de la terre ». Les actions d’Israël ne peuvent être comprises que comme la mise en œuvre de l’intention exprimée de rendre la bande de Gaza inhabitable pour sa population palestinienne. Je crois que l’objectif était – et demeure aujourd’hui – de forcer la population à quitter la bande de Gaza ou, considérant qu’elle n’a nulle part où aller, de l’affaiblir par des bombardements et de graves privations de nourriture, d’eau potable, d’assainissement et d’aide médicale, à tel point qu’il est impossible pour les Palestiniens de Gaza de maintenir ou de reconstituer leur existence en tant que groupe.

Ma conclusion inévitable est qu’Israël commet un génocide contre le peuple palestinien. Ayant grandi dans un foyer sioniste, vécu la première moitié de ma vie en Israël, servi dans l’armée israélienne comme soldat et officier et consacré la majeure partie de ma carrière à la recherche et à l’écriture sur les crimes de guerre et l’Holocauste, cette conclusion a été douloureuse et j’y ai résisté aussi longtemps que possible. Mais j’enseigne le génocide depuis un quart de siècle. Je sais reconnaître un génocide quand j’en vois un. Ce n’est pas seulement ma conclusion. Un nombre croissant d’experts en études sur le génocide et en droit international concluent que les actions d’Israël à Gaza ne peuvent être qualifiées que de génocide. Il en va de même pour Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations Unies pour la Cisjordanie et Gaza, et Amnesty International. L’Afrique du Sud a porté plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice.

Le refus persistant des États, des organisations internationales et des experts juridiques et universitaires d’accorder cette qualification causera des dommages considérables non seulement aux populations de Gaza et d’Israël, mais aussi au système de droit international établi au lendemain des horreurs de l’Holocauste, conçu pour empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent. Il s’agit d’une menace pour les fondements mêmes de l’ordre moral dont nous dépendons tous.

Le crime de génocide a été défini en 1948 par les Nations Unies comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel ». Pour déterminer ce qui constitue un génocide, il faut donc à la fois établir l’intention et démontrer qu’elle est mise à exécution. Dans le cas d’Israël, cette intention a été publiquement exprimée par de nombreux responsables et dirigeants. Mais l’intention peut également découler d’un schéma d’opérations sur le terrain, et ce schéma est devenu clair en mai 2024 – et l’est devenu encore plus depuis – lorsque Tsahal systématiquement détruit la bande de Gaza.

La plupart des spécialistes du génocide sont prudents quant à l’application de ce terme aux événements contemporains, précisément en raison de la tendance, depuis son invention par l’avocat juif polonais Raphael Lemkin en 1944, à l’attribuer à tout cas de massacre ou d’inhumanité. Certains soutiennent même que cette catégorisation devrait être totalement abandonnée, car elle sert souvent davantage à exprimer l’indignation qu’à identifier un crime particulier. Pourtant, comme l’a reconnu Lemkin, et comme l’ont ultérieurement reconnu les Nations Unies, il est crucial de pouvoir distinguer la tentative de destruction d’un groupe particulier d’autres crimes de droit international, tels que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

En effet, alors que d’autres crimes impliquent le meurtre aveugle ou délibéré de civils en tant qu’individus, le génocide désigne le meurtre de personnes en tant que membres d’un groupe, visant à détruire irrémédiablement ce groupe lui-même afin qu’il ne puisse jamais se reconstituer en tant qu’entité politique, sociale ou culturelle. Et, comme l’a signalé la communauté internationale en adoptant la convention, il incombe à tous les États signataires de prévenir une telle tentative, de tout mettre en œuvre pour l’arrêter pendant qu’elle se produit et de punir ensuite ceux qui ont commis ce crime des crimes, même s’il a eu lieu à l’intérieur des frontières d’un État souverain.

Cette désignation a des ramifications politiques, juridiques et morales majeures. Les pays, les hommes politiques et les militaires soupçonnés, inculpés ou reconnus coupables de génocide sont considérés comme inhumains et peuvent compromettre, voire perdre, leur droit à rester membres de la communauté internationale. Une constatation de la Cour internationale de Justice selon laquelle un État est impliqué dans un génocide, surtout si elle est appliquée par le Conseil de sécurité de l’ONU, peut entraîner de lourdes sanctions. Les hommes politiques ou les généraux inculpés ou reconnus coupables de génocide ou d’autres violations du droit international humanitaire par la Cour pénale internationale peuvent être arrêtés hors de leur pays. Et une société qui tolère et se rend complice du génocide, quelle que soit la position de ses citoyens, portera cette marque de Caïn longtemps après que les feux de la haine et de la violence auront été éteints.

Israël a nié toutes les allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. L’armée israélienne affirme enquêter sur les signalements de crimes, bien qu’elle ait rarement rendu publiques ses conclusions. Lorsque des manquements à la discipline ou au protocole sont constatés, elle inflige généralement de légères réprimandes à son personnel. Les dirigeants militaires et politiques israéliens affirment à maintes reprises que l’armée israélienne agit dans le respect de la légalité, affirment qu’elle lance des avertissements aux populations civiles pour qu’elles évacuent les sites sur le point d’être attaqués et accusent le Hamas d’utiliser des civils comme boucliers humains. En réalité, la destruction systématique à Gaza, non seulement de logements, mais aussi d’autres infrastructures – bâtiments gouvernementaux, hôpitaux, universités, écoles, mosquées, sites du patrimoine culturel, usines de traitement des eaux, zones agricoles et parcs – reflète une politique visant à rendre hautement improbable la renaissance de la vie palestinienne sur le territoire. Selon une enquête récente de Haaretz, environ 174 000 bâtiments ont été détruits ou endommagés, soit jusqu’à 70 % de l’ensemble des structures de la bande de Gaza.

À ce jour, plus de 58 000 personnes ont été tuées, selon les autorités sanitaires de Gaza, dont plus de 17 000 enfants, qui représentent près d’un tiers du nombre total de victimes. Plus de 870 de ces enfants avaient moins d’un an. Plus de 2 000 familles ont été décimées, selon les autorités sanitaires. De plus, 5 600 familles ne comptent plus qu’un seul survivant. Au moins 10 000 personnes seraient encore ensevelies sous les décombres de leurs maisons. Plus de 138 000 ont été blessées et mutilées.

Gaza a désormais le triste privilège d’avoir le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde. Toute une génération d’enfants, victimes d’attaques militaires incessantes, de la perte de leurs parents et d’une malnutrition chronique, souffrira de graves répercussions physiques et mentales pour le restant de ses jours.

Des milliers d’autres personnes atteintes de maladies chroniques n’ont eu qu’un accès limité aux soins hospitaliers. L’horreur de ce qui se passe à Gaza est encore qualifiée de guerre par la plupart des observateurs. Mais c’est une appellation erronée. Depuis un an, Tsahal ne combat plus aucune force militaire organisée. La version du Hamas qui a planifié et mené les attaques du 7 octobre a été détruite, même si le groupe affaibli continue de combattre les forces israéliennes et conserve le contrôle de la population dans les zones non contrôlées par l’armée israélienne.

Aujourd’hui, Tsahal est principalement engagé dans une opération de démolition et de nettoyage ethnique. C’est ainsi que l’ancien chef d’état-major et ministre de la Défense de Netanyahou, le partisan de la ligne dure Moshe Yaalon, a décrit en novembre sur la chaîne de télévision israélienne Democrat TV et dans des articles et interviews ultérieurs la tentative de vider le nord de Gaza de sa population.

Le 19 janvier, sous la pression de Donald Trump, à la veille de son retour à la présidence, un cessez-le-feu est entré en vigueur, facilitant l’échange d’otages à Gaza contre des prisonniers palestiniens en Israël. Mais après la rupture du cessez-le-feu par Israël le 18 mars, l’armée israélienne a mis en œuvre un plan largement médiatisé visant à concentrer l’ensemble de la population gazaouie sur un quart du territoire, réparti en trois zones : la ville de Gaza, les camps de réfugiés du centre et le littoral de Mawasi, à l’extrémité sud-ouest de la bande de Gaza.

Utilisant un grand nombre de bulldozers et d’énormes bombes aériennes fournies par les USA, l’armée semble vouloir démolir toutes les structures restantes et prendre le contrôle des trois quarts restants du territoire. Ce projet est également facilité par un plan qui fournit – par intermittence – une aide alimentaire limitée à quelques points de distribution gardés par l’armée israélienne, attirant ainsi la population vers le sud. De nombreux Gazaouis sont tués dans une tentative désespérée de se procurer de la nourriture, et la famine s’aggrave.

Le 7 juillet, le ministre de la Défense, Israel Katz, a déclaré que l’armée israélienne construirait une « ville humanitaire » sur les ruines de Rafah pour accueillir initialement 600 000 Palestiniens de la région de Mawasi, qui seraient approvisionnés par des organismes internationaux et interdits de quitter la zone.

Certains pourraient qualifier cette campagne de nettoyage ethnique, et non de génocide. Mais il existe un lien entre les crimes. Lorsqu’un groupe ethnique n’a nulle part où aller et est constamment déplacé d’une zone dite sûre à une autre, bombardé et affamé sans relâche, le nettoyage ethnique peut se transformer en génocide. Ce fut le cas lors de plusieurs génocides célèbres du XXe siècle, comme celui des Hereros et des Namas dans le Sud-Ouest africain allemand, aujourd’hui la Namibie, qui a débuté en 1904 ; celui des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale ; et même pendant l’Holocauste, qui a commencé avec la tentative allemande d’expulser les Juifs et s’est terminé par leur assassinat.

À ce jour, seuls quelques spécialistes de l’Holocauste, et aucune institution dédiée à sa recherche et à sa commémoration, ont émis un avertissement selon lequel Israël pourrait être accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique ou de génocide. Ce silence a tourné en dérision le slogan « Plus jamais ça », transformant son sens d’affirmation de résistance à l’inhumanité, où qu’elle soit perpétrée, en excuse, voire en carte blanche pour détruire autrui en invoquant sa propre victimisation passée.

C’est là un autre des nombreux coûts incalculables de la catastrophe actuelle. Alors qu’Israël tente littéralement d’anéantir l’existence palestinienne à Gaza et exerce une violence croissante contre les Palestiniens en Cisjordanie, le crédit moral et historique dont l’État juif s’est jusqu’à présent servi s’épuise. Israël, créé au lendemain de l’Holocauste comme réponse au génocide nazi des Juifs, a toujours insisté sur le fait que toute menace à sa sécurité devait être considérée comme la menace potentielle d’un nouvel Auschwitz. Cela donne à Israël le droit de présenter ceux qu’il perçoit comme ses ennemis comme des nazis – un terme utilisé à maintes reprises par les personnalités des médias israéliens pour décrire le Hamas et, par extension, tous les Gazaouis, sur la base de l’affirmation populaire selon laquelle aucun d’entre eux n’est « non impliqué », pas même les nourrissons, qui grandiront pour devenir des militants.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Dès l’invasion du Liban par Israël en 1982, le Premier ministre Menahem Begin comparait Yasser Arafat, alors retranché à Beyrouth, à Adolf Hitler dans son bunker berlinois. Cette fois, l’analogie est utilisée en lien avec une politique visant à déraciner et à expulser toute la population de Gaza. Les scènes d’horreur quotidiennes à Gaza, dont l’opinion publique israélienne est protégée par l’autocensure de ses propres médias, révèlent les mensonges de la propagande israélienne selon lesquels il s’agirait d’une guerre défensive contre un ennemi de type nazi. On frémit lorsque des porte-parole israéliens prononcent sans vergogne le slogan creux selon lequel Tsahal serait « l’armée la plus morale du monde ».

Certains pays européens, comme la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que le Canada, ont faiblement protesté contre les actions israéliennes, notamment depuis la rupture du cessez-le-feu en mars. Mais ils n’ont ni suspendu leurs livraisons d’armes ni pris de mesures économiques ou politiques concrètes et significatives susceptibles de dissuader le gouvernement de Netanyahou.

Pendant un temps, le gouvernement usaméricain a semblé se désintéresser de Gaza. Le président Trump avait initialement annoncé en février que les USA prendraient le contrôle de Gaza, promettant d’en faire la « Riviera du Moyen-Orient », avant de laisser Israël poursuivre la destruction de la bande de Gaza et de se tourner contre l’Iran.

Pour l’instant, on ne peut qu’espérer que Trump fera à nouveau pression sur un Netanyahou réticent pour qu’il parvienne au moins à un nouveau cessez-le-feu et mette fin aux massacres incessants.

Comment l’avenir d’Israël sera-t-il affecté par l’inévitable démolition de sa moralité incontestable, issue de sa naissance sur les cendres de l’Holocauste ? Les dirigeants politiques et les citoyens israéliens devront trancher. Il semble y avoir peu de pression intérieure en faveur du changement de paradigme urgent : la reconnaissance qu’il n’existe pas d’autre solution à ce conflit qu’un accord israélo-palestinien de partage du territoire selon les paramètres convenus par les deux parties, qu’il s’agisse de deux États, d’un seul État ou d’une confédération. Une forte pression extérieure de la part des alliés du pays semble également improbable.

Je suis profondément inquiet qu’Israël persiste dans sa voie désastreuse, se transformant, peut-être de manière irréversible, en un véritable État d’apartheid autoritaire. L’histoire nous l’a enseigné, de tels États ne durent pas. Une autre question se pose : quelles conséquences le revirement moral d’Israël aura-t-il sur la culture de la commémoration de l’Holocauste et sur les politiques de mémoire, d’éducation et de recherche, alors que tant de ses dirigeants intellectuels et administratifs ont jusqu’à présent refusé d’assumer leur responsabilité de dénoncer l’inhumanité et le génocide où qu’ils se produisent ?

Ceux qui participent à la culture mondiale de commémoration et de souvenir construite autour de l’Holocauste devront faire face à un jugement moral. La communauté plus large des spécialistes du génocide – ceux qui étudient le génocide comparé ou tout autre génocide ayant marqué l’histoire humaine – se rapproche de plus en plus d’un consensus pour qualifier les événements de Gaza de génocide.

En novembre, un peu plus d’un an après le début de la guerre, le spécialiste israélien du génocide Shmuel Lederman a rejoint le courant croissant d’opinion selon lequel Israël était impliqué dans des actes génocidaires. L’avocat international canadien William Schabas est arrivé à la même conclusion l’année dernière et a récemment qualifié la campagne militaire israélienne à Gaza de « génocide absolu ».

D’autres experts du génocide, comme Melanie O’Brien, présidente de l’Association internationale des spécialistes du génocide, et le spécialiste britannique Martin Shaw (qui a également déclaré que l’attaque du Hamas était génocidaire), sont parvenus à la même conclusion, tandis que le chercheur australien A. Dirk Moses, de la City University de New York, a décrit ces événements dans la publication néerlandaise NRC comme un « mélange de logique génocidaire et militaire ». Dans le même article, Uğur Ümit Üngör, professeur à l’Institut NIOD d’études sur la guerre, l’Holocauste et le génocide, basé à Amsterdam, a déclaré qu’il existe probablement des chercheurs qui ne pensent toujours pas qu’il s’agisse d’un génocide, mais « je ne les connais pas ».

La plupart des spécialistes de l’Holocauste que je connais ne partagent pas, ou du moins n’expriment pas publiquement, ce point de vue. À quelques exceptions notables près, comme l’Israélien Raz Segal, directeur du programme d’études sur l’Holocauste et le génocide à l’Université Stockton dans le New Jersey, et les historiens Amos Goldberg et Daniel Blatman de l’Université hébraïque de Jérusalem, la majorité des universitaires qui se sont penchés sur l’histoire du génocide nazi des Juifs sont restés remarquablement silencieux, tandis que certains ont ouvertement nié les crimes d’Israël à Gaza ou accusé leurs collègues les plus critiques de discours incendiaires, d’exagérations démesurées, d’empoisonnement des puits et d’antisémitisme.

En décembre, le spécialiste de l’Holocauste Norman J.W. Goda a estimé que « des accusations de génocide comme celle-ci ont longtemps servi de cache-misère à des contestations plus larges de la légitimité d’Israël », exprimant son inquiétude quant au fait qu’elles « ont atténué la gravité du mot génocide lui-même ». Cette « diffamation génocidaire », comme l’a qualifiée le Dr Goda dans un essai, « déploie toute une série de clichés antisémites », notamment « l’association de l’accusation de génocide avec le meurtre délibéré d’enfants, dont les images sont omniprésentes sur les ONG, les réseaux sociaux et autres plateformes qui accusent Israël de génocide ».

En d’autres termes, montrer des images d’enfants palestiniens déchiquetés par des bombes de fabrication américaine lancées par des pilotes israéliens constitue, selon cette vision, un acte antisémite.

Plus récemment, le Dr Goda et un historien européen respecté, Jeffrey Herf, ont écrit dans le Washington Post que « l’accusation de génocide lancée contre Israël puise dans de profonds puits de peur et de haine » présents dans « des interprétations radicales du christianisme et de l’islam ». Elle « a déplacé l’opprobre des Juifs en tant que groupe religieux/ethnique vers l’État d’Israël, qu’elle dépeint comme intrinsèquement mauvais ».

Quelles sont les ramifications de ce clivage entre spécialistes du génocide et historiens de l’Holocauste ? Il ne s’agit pas seulement d’une querelle universitaire. La culture mémorielle créée ces dernières décennies autour de l’Holocauste englobe bien plus que le génocide des Juifs. Elle joue désormais un rôle crucial dans la politique, l’éducation et l’identité. Les musées consacrés à l’Holocauste ont servi de modèles pour la représentation d’autres génocides à travers le monde. L’insistance sur le fait que les leçons de l’Holocauste exigent la promotion de la tolérance, de la diversité, de l’antiracisme et du soutien aux migrants et aux réfugiés, sans parler des droits humains et du droit international humanitaire, s’enracine dans une compréhension des implications universelles de ce crime au cœur de la civilisation occidentale à l’apogée de la modernité. Discréditer comme antisémites les spécialistes du génocide qui pointent le génocide israélien à Gaza menace d’éroder le fondement des études sur le génocide : la nécessité constante de définir, prévenir, punir et reconstruire l’histoire du génocide. Prétendre que cette démarche est motivée par des intérêts et des sentiments malveillants – qu’elle est mue par la haine et les préjugés mêmes qui sont à l’origine de l’Holocauste – est non seulement moralement scandaleux, mais ouvre également la voie à une politique de négationnisme et d’impunité. De même, lorsque ceux qui ont consacré leur carrière à l’enseignement et à la commémoration de l’Holocauste persistent à ignorer ou à nier les actes génocidaires d’Israël à Gaza, ils menacent de saper tout ce que l’étude et la commémoration de l’Holocauste ont défendu au cours des dernières décennies. À savoir la dignité de chaque être humain, le respect de l’État de droit et l’impérieuse nécessité de ne jamais laisser l’inhumanité s’emparer du cœur des peuples et orienter les actions des nations au nom de la sécurité, de l’intérêt national et de la vengeance pure et simple.

Ce que je crains, c’est qu’au lendemain du génocide de Gaza, il ne soit plus possible de poursuivre l’enseignement et la recherche sur la Shoah comme auparavant. L’État d’Israël et ses défenseurs ayant invoqué sans relâche la Shoah pour dissimuler les crimes de Tsahal, l’étude et la mémoire de la Shoah pourraient perdre leur prétention à la justice universelle et se replier sur le même ghetto ethnique où elles ont commencé à la fin de la Seconde Guerre mondiale : une préoccupation marginalisée des survivants d’un peuple marginalisé, un événement ethniquement spécifique, avant de réussir, des décennies plus tard, à trouver sa juste place comme leçon et avertissement pour l’humanité tout entière. Tout aussi inquiétante est la perspective que l’étude du génocide dans son ensemble ne survive pas aux accusations d’antisémitisme, nous privant ainsi de la communauté cruciale d’universitaires et de juristes internationaux pour prendre le relais, à une époque où la montée de l’intolérance, de la haine raciale, du populisme et de l’autoritarisme menace les valeurs qui étaient au cœur des efforts scientifiques, culturels et politiques du XXe siècle. La seule lumière au bout de ce tunnel si sombre est peut-être la possibilité qu’une nouvelle génération d’Israéliens affronte son avenir sans se réfugier dans l’ombre de l’Holocauste, même si elle devra porter la tâche du génocide de Gaza perpétré en son nom.

Israël devra apprendre à vivre sans recourir à l’Holocauste pour justifier son inhumanité. Malgré toutes les souffrances atroces que nous observons actuellement, cela est précieux et pourrait, à long terme, aider Israël à envisager l’avenir de manière plus saine, plus rationnelle et moins craintive et violente. Cela ne compensera en rien le nombre effarant de morts et de souffrances des Palestiniens. Mais un Israël libéré du fardeau écrasant de l’Holocauste pourrait enfin accepter l’inévitable nécessité pour ses sept millions de citoyens juifs de partager leur terre avec les sept millions de Palestiniens vivant en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, dans la paix, l’égalité et la dignité. Ce sera la seule possibilité de rédemption par la justice.

15/07/2025

HAARETZ
Le mode de paiement par l’armée israélienne des conducteurs civils de bulldozers révèle le véritable objectif des démolitions systématiques à Gaza
Crimes de guerre, vous avez dit crimes de guerre ?

Éditorial, Haaretz, 13/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahou négocie un cessez-le-feu avec le Hamas, des centaines de bulldozers, d’excavatrices et de bulldozers blindés Caterpillar D9 israéliens poursuivent leurs efforts pour rendre Gaza inhabitable pendant des années.

La position officielle des Forces de défense israéliennes concernant les démolitions de maisons dans la bande de Gaza est que les travaux menés par des centaines d’engins lourds sont nécessaires pour des raisons opérationnelles.

En d’autres termes, l’armée israélienne ne donne l’ordre de raser des bâtiments résidentiels ou autres que lorsqu’ils constituent, par exemple, un danger pour les soldats ou entravent la circulation des véhicules militaires.

Cependant, le modèle selon lequel l’armée israélienne indemnise les opérateurs d’engins lourds à Gaza semble contredire cette affirmation. Selon un article publié la semaine dernière dans l’édition hébreue de Haaretz, l’armée propose de payer 2 500 shekels (environ 640 €) aux conducteurs de bulldozers et d’excavatrices pour raser un bâtiment de trois étages maximum et 5 000 shekels (1280 €) pour des structures plus hautes.

Cette structure tarifaire incite clairement les entrepreneurs à démolir autant de bâtiments que possible, aussi rapidement que possible. Si ces opérations étaient véritablement motivées par des besoins militaires, il serait difficile de justifier une telle indemnisation.

Le fait que le paiement soit effectué quotidiennement ou mensuellement renforce ce point. Même ainsi, cela représente beaucoup plus que ce que les opérateurs gagneraient pour un travail similaire en Israël, certains gagnant jusqu’à 30 000 shekels [7 700€] par mois selon certaines sources. Ces salaires élevés visent à compenser les risques mortels qui dissuadent de nombreux professionnels du secteur de se rendre à Gaza.

Dans la pratique, cependant, pour de nombreux opérateurs, ce travail reflète également un engagement idéologique. Parmi eux figure un groupe important de colons, tandis que les Arabes israéliens [=Palestiniens de 48], qui constituent une part importante du secteur des engins lourds en Israël, sont notablement absents.

Les conversations avec les personnes sur le terrain, qu’il s’agisse d’employés civils de l’armée israélienne ou de réservistes, révèlent que beaucoup abordent leur travail avec un sentiment de vengeance lorsqu’ils conduisent leurs bulldozers à travers les ruines des villes de Gaza.

Le résultat est que, tandis que le Premier ministre Benjamin Netanyahou négocie un cessez-le-feu avec le Hamas, des centaines de bulldozers, d’excavatrices et de bulldozers blindés Caterpillar D9 israéliens poursuivent le processus qu’ils ont entamé ces derniers mois : intensifier leurs efforts pour rendre Gaza inhabitable pendant des années.

Cette destruction n’est pas un effet secondaire des besoins militaires, mais un objectif en soi.

Il est profondément troublant de constater la destruction de biens civils sans objectif militaire impératif, une destruction disproportionnée par rapport à tout avantage militaire obtenu et le ciblage de sites religieux, d’hôpitaux et d’autres bâtiments à vocation humanitaire ou éducative est défini comme un crime de guerre, en particulier si cette destruction vise à garantir que les Palestiniens de Gaza n’aient nulle part où retourner, dans le cadre d’un plan de transfert ou d’expulsion de population.

Israël doit mettre fin immédiatement à ces activités.



13/07/2025

GIDEON LEVY
Le Guernica de la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza

 Gideon LevyHaaretz , 13/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Guernica. Guernica à Deir al-Balah, jeudi dernier. 


Omar Meshmesh porte le corps de sa nièce Aya, âgée de 3 ans, qui fait partie des 10 personnes, dont deux femmes et cinq enfants, tuées jeudi lors d’une frappe israélienne alors qu’elles attendaient de recevoir des compléments alimentaires dans une clinique médicale gérée par Project Hope à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza. Photo Abdel Kareem Hana/AP

Tout d’abord, vous entendez les cris, ceux qui vous glacent le sang. La caméra se rapproche alors que la rue est envahie par la poussière et les débris du bombardement. La première image montre un petit groupe de mères et de bébés blottis les uns contre les autres. L’une des mères est allongée sur le dos, apparemment déjà morte. Une autre est accroupie près de son bébé sans vie, étendu sur le trottoir. Une troisième serre son bébé dans ses bras – impossible de dire s’il est vivant ou mort – tandis qu’une femme plus âgée est assise à côté d’elle, hébétée et silencieuse.

Un homme interpelle la femme en deuil : « Ça suffit, ça suffit ! » Mais elle lui répond par un cri de pure angoisse.

La caméra glisse lentement à travers la rue, s’arrêtant sur les corps prostrés de deux jeunes hommes. Serait-ce les pères ? Elle dérive ensuite vers deux autres tas de cadavres, puis s’éloigne brusquement, comme incapable de supporter cette vue. Un adolescent est allongé sur le ventre, deux autres sont couchés sur le dos ; tous trois semblent morts. Un vélo est abandonné sur le bord de la route. Un père se penche sur le corps de son nourrisson.

Quelqu’un se fraye un chemin entre les corps. « Al-Tayara », dit-il, en référence à l’avion qui a largué les bombes. Un garçon est allongé, le visage pressé contre l’asphalte, du sang coulant de sa tête. Sa main tremble dans un dernier spasme de vie. La mare rouge sous lui s’étend progressivement. Deux femmes sont recroquevillées l’une contre l’autre sur le trottoir, presque comme des cuillères. Entre elles repose le corps d’une petite fille.

On entend la voix de l’homme qui filme. Il s’adresse à une femme qui berce sa petite fille : « Ça va, ça va, tout va bien. » Il essaie de calmer la mère qui tient dans ses bras son bébé, qui vient d’être assassiné. La femme regarde fixement sa fille qui ne réagit pas, puis lève les yeux vers lui et lui demande, impuissante : « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »

En arrière-plan, la voix d’un autre homme s’élève : « Y a-t-il une voiture pour les emmener ? » tandis qu’un autre homme appelle à l’aide en criant : « Regardez par ici ! » Une femme serrant son enfant dans ses bras hurle : « Il a besoin d’une ambulance ! Emmenez-le, s’il vous plaît, sa main a été sectionnée. » L’homme qui filme la scène lui dit : « Allonge-le par terre. »

De l’autre côté de la rue, les corps de deux jeunes hommes gisent sur le dos. Vêtus de haillons, leurs chaussures déchirées, l’un d’eux a une jambe mutilée. Leurs bras sont tendus, leur bouche grande ouverte – peut-être ont-ils eu le temps d’appeler à l’aide.

Non loin de là, une adolescente gît prostrée, son corps étendu sur le trottoir, ses jambes débordant sur la chaussée. Elle est morte. Un enfant terrifié enfouit son visage dans les genoux de sa mère. À proximité, une autre mère est assise, serrant contre elle le corps sans vie de son bébé. Elle pleure de douleur, les yeux suppliants, le corps secoué de sanglots, chaque mouvement faisant sursauter le petit cadavre. La tête du bébé tombe comme celle d’une poupée. Peut-être essaie-t-elle de le ramener à la vie en le secouant, mais c’est en vain.

Une femme est allongée sur la route, la tête appuyée sur le trottoir. Son enfant gît à côté d’elle, le sang coulant encore de sa tête. Quelques instants auparavant, son corps a fait un dernier mouvement faible. La mère presse son visage contre le sien, comme si elle essayait d’inspirer son dernier souffle. L’air est chargé de cris incessants et effrayants – des femmes et des enfants qui hurlent dans un chœur obsédant de douleur et de terreur.

Personne ne s’occupe des blessés : il n’y a plus personne pour les aider. Bientôt, les morts et les blessés seront chargés sur des charrettes tirées par des ânes et emmenés vers les ruines de l’hôpital le plus proche, l’hôpital Shuhada al-Aqsa à Deir al-Balah.

Guernica, Guernica à Deir al-Balah, jeudi dernier. Quinze personnes tuées, dont dix nourrissons et enfants et trois mères. Le lieu : un centre de distribution de lait maternisé, la clinique locale de suivi pédiatrique.

Pablo Picasso a peint son célèbre tableau en réponse au bombardement de la ville basque de Guernica le 26 avril 1937, pendant la guerre civile espagnole.

Ces vidéos, que CNN et d’autres médias ont déclaré avoir reçues, sont le Guernica de la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza. Tous les Israéliens doivent voir ce Guernica. Pourtant, presque aucun Israélien ne l’a vu, et presque aucun Israélien ne le verra jamais.

12/07/2025

LYNA AL TABAL
I stand with Francesca Albanese/Je soutiens Francesca Albanese

Dr. Lyna Al-Tabal, Rai Al Youm, 11/7/2025
Original arabe
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

Lyna Al Tabal  est Libanaise, docteure en sciences politiques, avocate de formation et professeure en relations internationales et en droits humains.

 Oui, j’ai choisi de titrer cet article en anglais. Non pas parce que j’aime me mettre en avant, ni parce que je crois davantage à la mondialisation de la langue qu’à son équité. Mais parce que cette phrase est devenue, sans l’autorisation de quiconque, une déclaration de solidarité mondiale.

I stand with Francesca Albanese. Je soutiens Francesca Albanese.

Une phrase courte, mais chargée... seulement cinq mots. Prononcée calmement, mais classée comme dangereuse pour la sécurité nationale... Comment ?

Il y a une femme italienne qui est aujourd’hui poursuivie à cause de Gaza. Elle n’a pas les gènes de la résistance, elle n’a aucun lien de parenté avec Gaza, aucun passé marqué par la Nakba, pas même une photo. Elle n’est pas arabe, elle n’est pas née dans un camp, elle n’a pas été élevée dans le discours de la libération. Elle n’est pas une rêveuse de gauche, elle n’a peut-être pas lu Marx dans les cafés. Elle n’a pas jeté une seule pierre sur un soldat israélien... Tout ce qu’elle a fait, c’est accomplir son devoir professionnel.

« Folle », a déclaré Trump. Lui qui monopolise ce qualificatif et le distribue comme le font les narcissiques lorsqu’ils s’effondrent devant une femme qui n’a pas gardé le silence face à l’injustice.

Elle s’appelle Francesca Albanese. Avocate et universitaire italienne, elle occupe le poste de rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Fonctionnaire internationale, assise derrière un bureau blanc, elle rédige des rapports dans un langage précis et une formulation juridique impartiale. Elle n’est pas douée pour l’art oratoire, mais elle l’a dit clairement et sans ambiguïté : ce qui se passe à Gaza est un génocide.

Elle l’a écrit noir sur blanc dans un rapport officiel publié dans le cadre de ses fonctions, dans un langage compréhensible par le droit international : ce que fait Israël à Gaza est un génocide.

Du jour au lendemain, son nom est devenu dangereux et devait être annihilé tout comme l’armée israélienne annihile les maisons à Rafah. Son nom a été détruit par un seul missile politique, et elle a été inscrite sur la liste des sanctions, aux côtés des trafiquants et des financeurs du terrorisme.

Maintenant, je le sais : dans ce monde, il suffit de ne pas mentir pour être interdit de voyage, voir ses comptes gelés et être exclu du système international.

Francesca n’a pas enfreint la loi, elle l’a appliquée. Et c’est là son véritable crime.

Elle n’a pas commis d’erreur de définition, elle n’a pas exagéré dans son langage, elle n’a pas outrepassé ses fonctions. Tout ce qu’elle a fait, c’est appeler le crime par son nom.

Non, ce rapport ne traite pas du génocide des Indiens d’Amérique. Ni du Vietnam, ni du phosphore blanc, ni de Bagdad, ni de Tripoli... Ce rapport ne remue pas le passé américain, il traite d’un présent impudent. Et du droit qui se perd lorsque nous le revendiquons... Ce rapport traite de la justice internationale qui est étouffée sous nos yeux et de la charte des droits de l’homme qui s’évapore également sous nos yeux. Alors que le coupable siège au Conseil de sécurité.

Ce rapport parle d’un monde qui ne punit pas les menteurs. Un monde qui vous tue lorsque vous aimez sincèrement, lorsque vous donnez sans compter, lorsque vous parlez avec courage, lorsque vous essayez de réparer les dégâts.

Ce rapport parle tout simplement du monde des ténèbres.

Ce monde qui étrangle tous ceux qui ne veulent pas lui ressembler.

Francesca n’était pas la première.

Lorsque le Statut de Rome a vu le jour, les USA ont traité la Cour pénale internationale comme un « virus juridique », car ils ne pouvaient pas la contrôler... Bill Clinton l’a signé (sans le ratifier). Puis George W. Bush est arrivé, a retiré sa signature et a légiféré ce qu’on a appelé la « loi d’invasion de La Haye », qui autorise l’invasion militaire des Pays-Bas si la Cour pénale ose juger ne serait-ce qu’un seul soldat américain... Barack Obama, le sage, n’a pas abrogé la loi... Puis vint Trump, le cow-boy blond, avec deux pistolets à la ceinture, qui porta le coup de grâce à la justice... Il punit Fatou Bensouda, l’ancienne procureure générale de la Cour, pour avoir ouvert les dossiers de l’Afghanistan et de la Palestine. Il lui retira son visa, gela ses avoirs et la pendit à la corde de ses tweets sarcastiques.

Puis est arrivé Karim Khan, l’actuel procureur général, chargé du dossier lourd de Gaza et d’une liste de noms tout aussi lourds : Netanyahou, Galant... Une fois de plus, le sabre de la vengeance politique est revenu et a menacé l’épée de la justice.

Karim Khan a été submergé de menaces provenant du Congrès, de la Maison Blanche et de Tel-Aviv.

 Le premier jour de son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a signé la loi sur les sanctions contre la Cour pénale internationale. Un homme d’origine pakistanaise qui ose toucher à des noms intouchables ? Fini de jouer.

C’est ainsi qu’une institution internationale, avec tout son personnel et son équipement, a été placée sous le coup des sanctions américaines, comme s’il s’agissait d’une milice armée... Ses employés ont été frappés d’une interdiction de voyager, de travailler, voire de respirer librement... Qui a dit que l’Amérique empêchait la justice ? Tant que celle-ci ne s’approche pas de Tel-Aviv ou du Pentagone.

Et dans un moment de sincérité, Joe Biden l’a dit avec sa formulation alambiquée : ces lois n’ont pas été rédigées pour s’appliquer à « l’homme blanc », mais aux Africains... et à Poutine, lorsque cela s’avère nécessaire.

Et voilà que le paradoxe est complet : 85 % des poursuites et des procès devant la Cour pénale internationale visent des Africains.

 Et lorsque des dossiers s’ouvrent sur des Occidentaux, la justice devient une menace... et la Cour une cible.

Et maintenant, vous le savez aussi : si vous franchissez la ligne rouge,

c’est la Cour qui est jugée,
le juge qui est jugé,
et le témoin qui est jugé.

Il ne reste plus que le meurtrier... assis au premier rang, souriant aux caméras, recevant des invitations à assister à une conférence sur les droits de l’homme. Pourquoi pas ?

Trump a porté un coup fatal au droit international, un coup de poignard au cœur de la Cour pénale, puis il a enterré ce qui restait du système des droits de l’homme et nous a jeté le cadavre : « Voilà, enterrez-le », a-t-il dit sur le même ton que celui utilisé pour donner des ordres lors des massacres sur la côte syrienne, lorsque les Alaouites sont enterrés sous les décombres, sans témoins, sans enquête, parfois sans nom, avec seulement un numéro... Un trou, et tout est fini.

Trump a agi comme un cow-boy : il a tiré, puis déclaré que la cible menaçait la sécurité. Tout cela sous les yeux des nations. Et sous nos yeux aussi... Sous les yeux de l’Europe, plus précisément.

L’Europe qui a rédigé ces lois à partir des cendres de ses guerres, de ses complexes psychologiques jamais résolus, de sa peur d’elle-même.

Et aujourd’hui, elle regarde, silencieuse... Avec tous ses complexes psychologiques, l’Europe se tait aujourd’hui. Elle enterre son enfant juridique de sang-froid, comme les mères de Gaza enterrent leurs enfants...

Avec une seule larme, car le temps ne permet pas de pleurer longtemps.

Comprenez-vous maintenant ? Toutes les lois sur les droits de l’homme, du Statut de Rome à la Charte internationale, sont bonnes pour les séances académiques et les formations qui se terminent par la remise de diplômes et la prise de photos après la remise des diplômes aux experts heureux.

Et tout se décide à Washington.

C’est ainsi que la justice internationale est administrée à l’ère de l’hégémonie : une liste de sanctions... et un tapis rouge déroulé devant le bourreau.

Avez-vous bien suivi l’histoire...

Une Italienne sur la liste américaine du terrorisme politique... Elle s’appelle Francesca Albanese. Elle n’est pas originaire de Gaza, elle n’est pas sortie d’une guerre, elle n’est pas née sous le blocus. Elle ne cache pas d’arme ou de bombe dans son sac, elle n’appartient pas à une organisation secrète... Elle vient du monde du droit, des institutions des Nations unies, d’une bureaucratie neutre... Tout ce qu’elle a fait, c’est rédiger un rapport officiel sur ce qui s’est passé à Gaza...

Elle a écrit ce qu’elle a vu : du sang, des décombres, un crime à part entière... Elle a écrit que ce qui s’est passé là-bas n’était pas une opération de sécurité, ni de légitime défense, mais un génocide... Elle a fait son travail dans le langage des rapports, sans slogan, sans cri de ralliement, sans même mettre une demi-pastèque rouge dans la marge... Francesca Albanese a bouleversé l’ordre mondial parce qu’elle n’a pas menti...

Elle n’a pas enfreint les règles diplomatiques... Elle a simplement appliqué la loi...

 ➤Signez la pétition

Prix Nobel de la paix pour Francesca Albanese et les médecins de Gaza

11/07/2025

Les sanctions obscènes et illégales de Washington contre Francesca Albanese : un aveu de culpabilité

« On dirait que j’ai touché un point sensible » : tel a été le commentaire de Francesca Albanese aux sanctions annoncées par Marco Rubio pour la punir d’avoir « déclaré la guerre » aux entreprises usaméricaines accusées par son dernier rapport de complicité active dans le génocide en cours en Palestine. Ces sanctions qu’elle a qualifiées d’obscènes, mais aussi d’aveu de culpabilité, sont tout simplement illégales et suscitent une vague de protestations, à commencer par celles de responsables passés et présents de l’ONU. Ci-dessous quelques-unes des réactions, traduites par Fausto GiudiceTlaxcala

 Les sanctions imposées par Trump à la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese sont illégales et constituent une nouvelle complicité des USA dans le génocide

Les sanctions prises par l'administration Trump à l'encontre de la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese montrent jusqu'où USA sont prêts à aller pour garantir l'impunité d'Israël alors qu'il commet un génocide.

Craig  Mokhiber, Mondoweiss, 10/7/2025

Craig Gerard Mokhiber (* 1960) est un ancien fonctionnaire usaméricain des Nations Unies  spécialisé dans les droits humains. Le 28 octobre 2023, il a démissionné de son poste de directeur du bureau new-yorkais du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), quatre jours avant la date prévue de son départ à la retraite. Dans sa dernière lettre au Haut-Commissaire Volker Türk, il a sévèrement critiqué la réponse de l'organisation à la guerre à Gaza, qualifiant l'intervention militaire d'Israël de « cas d’école de génocide » et accusant l'ONU de ne pas avoir agi.

Tout juste sorti des  réunions face-à-face à Washington, avec le fugitif Benjamin Netanyahou, inculpé par la CPI pour crimes contre l'humanité, le secrétaire d'État usaméricain Marco Rubio a pris la décision extraordinaire de déclarer des sanctions contre la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, Francesca Albanese.

L'annonce a été accompagnée d'une vague de fausses informations et de déclarations diffamatoires de Rubio attaquant Albanese, démontrant une fois de plus jusqu'où l'administration Trump (et les mandataires d'Israël qui y ont toute latitude) est prête à aller pour soutenir l'impunité du régime israélien.

L'action illégale de Rubio a été condamnée et rejetée par des organisations internationales, experts et défenseurs des droits humains à travers le monde comme un scandale moral.

En effet, en dehors de Washington (et des groupes de pression pro-israéliens qui y exercent une influence dangereuse), les calomnies de Rubio et son imposition illégale de sanctions ne feront que susciter la condamnation de Rubio et de l'administration Trump. La rapporteure spéciale Francesca Albanese est une experte et défenseure des droits humains très respectée, connue dans le monde entier pour avoir consacré sa vie à lutter contre toutes les formes de sectarisme et d'oppression et à promouvoir la cause des droits humains universels.

Elle a été largement saluée pour avoir mené à bien son mandat des Nations Unies avec honneur et avec le plus haut degré de compétence et d'intégrité, en particulier pendant les vingt mois de génocide perpétré par le régime israélien en Palestine.

Mais cette action du gouvernement usaméricain n'est pas seulement un scandale moral. Elle est également totalement illégale.

La décision de sanctions et les déclarations qui l'accompagnent constituent une violation directe de la Charte des Nations Unies, de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies et de l'Accord relatif au siège des Nations Unies (Accord avec le pays hôte).

Ils constituent une obstruction délibérée à la mission des Nations Unies en matière de droits humains. Et étant donné que cette mesure vise à soustraire Israël et d'autres auteurs (y compris les entreprises citées dans le dernier rapport de la Rapporteure spéciale) à toute responsabilité pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, elle constitue également une violation des obligations qui incombent aux USA en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide (en vertu de laquelle Israël est actuellement jugé devant la Cour internationale de justice), et en vertu de l’Article commun 1 des Conventions de Genève de 1949 (obligeant les USA à veiller à ce qu'Israël et les autres parties respectent les Conventions).

En outre, comme cet acte du gouvernement des USA a été explicitement lié par le secrétaire d'État à ses sanctions (également illégales) contre la Cour pénale internationale, il constitue également une atteinte à l'administration de la justice telle que codifiée à l'article 70, paragraphe 1, point c), du Statut de Rome, pour lequel la compétence territoriale peut être établie par le lieu où siège la Cour (les Pays-Bas, État partie au Statut de Rome), et par lesquels la Rapporteure spéciale Albanese peut prétendre à des réparations en tant que victime d'un comportement illicite.

En outre, la rapporteure spéciale Albanese pourrait avoir droit à une indemnisation pour préjudice civil (délit civil) pour préjudice économique et atteinte à la réputation, compte tenu du caractère diffamatoire des déclarations du secrétaire Rubio et de leur fondement manifeste dans une « intention malveillante » et un « mépris flagrant de la vérité », reconnus par les tribunaux usaméricains comme exceptions à l'immunité souveraine.

Bien sûr, comme l'ont démontré ces dernières années, les USA se soucient peu de la légalité internationale (voire nationale). Mais la pression et l'action extérieures sont inévitables.

En dehors des USA, des démarches sont en cours pour exiger que les USA lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale Albanese pour tous les préjudices économiques, réputationnels ou émotionnels causés à elle-même ou à sa famille, et indemnisent les Nations Unies pour tout préjudice causé à son mandat essentiel.

Les Nations Unies et tous les États membres de l'ONU ainsi que les organisations régionales (telles que l'UE) peuvent et doivent rejeter publiquement les sanctions, utiliser tous les mécanismes à leur disposition (qui sont nombreux – juridiques, financiers, politiques et diplomatiques) pour protéger la Rapporteure spéciale de leurs effets, prendre clairement sa défense et utiliser les voies diplomatiques pour faire pression sur les USA afin qu'ils lèvent les sanctions et indemnisent la Rapporteure spéciale.

Si l'on en croit les nombreuses déclarations déjà faites par des membres influents de la communauté internationale, le gouvernement usaméricain, qui agit en toute impunité, pourrait bientôt se rendre compte qu'en s'en prenant ainsi à Francesca Albanese, il est allé trop loin dans sa campagne visant à garantir l'impunité d'Israël.

Et indépendamment des dommages à court terme causés par cet acte honteux de l'administration Trump, nous pouvons être certains que les USA ne parviendront pas à atteindre leurs objectifs ultimes, qui sont de réduire au silence Albanese et l'ensemble de l'ONU, d'intimider d'autres défenseurs des droits humains et de garantir l'impunité du régime israélien pour ses crimes de guerre, ses crimes contre l'humanité, son apartheid et son génocide. Au contraire, ces actes flagrants de non-respect des lois et de complicité dans le génocide ne feront qu'attiser la flamme de la résistance contre ces crimes historiques et contre leurs coauteurs à Washington et à Tel-Aviv.

Le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine prend de l'ampleur. Et, comme le montre clairement le dernier acte éhonté de Rubio, ce mouvement soutient sans réserve Francesca Albanese. Tout comme moi.

 

L’ONU appelle à l’annulation des sanctions usaméricaines contre la rapporteure spéciale Francesca Albanese


Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967.  Photo ONU/Mark Garten

UN News, 10/7/2025

De hauts responsables des droits humains de l’ONU ont exprimé leur vive inquiétude face à l’imposition de sanctions par les USA contre Francesca Albanese, experte indépendante nommée par l’ONU sur le territoire palestinien occupé.

Ils demandent que cette décision soit annulée, avertissant qu’elle pourrait porter atteinte au système international des droits humains dans son ensemble.

Les sanctions ont été annoncées mercredi par le secrétaire d’État usaméricain Marco Rubio dans le cadre d’un décret présidentiel.

M. Rubio a allégué que Mme Albanese avait « directement collaboré avec la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre d’efforts visant à enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de ces deux pays », ce qu’il a qualifié de « violation flagrante » de la souveraineté nationale.

Les USA et Israël ne sont pas parties au Statut de Rome, le traité international qui a établi la CPI.

Un précédent dangereux et inacceptable

Réagissant à cette annonce, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré que l’imposition de sanctions aux rapporteurs spéciaux constituait un « précédent dangereux ».

« L’utilisation de sanctions unilatérales contre les rapporteurs spéciaux ou tout autre expert ou fonctionnaire de l’ONU est inacceptable », a-t-il déclaré aux journalistes jeudi lors de son point de presse habituel à New York.

Il a également souligné le mandat et le rôle indépendants des rapporteurs spéciaux, notant que les États membres « ont parfaitement le droit d’avoir leur point de vue et de ne pas être d’accord » avec les rapports des experts.

« Mais nous les encourageons à s’engager dans l’architecture des droits humains de l’ONU », a-t-il ajouté.

Appel à l’annulation

Dans une déclaration publiée jeudi, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé à « l’annulation rapide » des sanctions contre la Rapporteure spéciale nommée par le Conseil des droits de l’homme « en réponse au travail qu’elle a entrepris dans le cadre du mandat » dont elle est chargée.

« Même face à de profonds désaccords, les États membres de l’ONU devraient s’engager de manière substantielle et constructive, plutôt que de recourir à des mesures punitives », a-t-il déclaré.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU a également appelé à la fin des attaques et des menaces contre les titulaires de mandat nommés par le Conseil, ainsi que contre des institutions clés comme la CPI.

« La solution n’est pas moins, mais plus de débat et de dialogue sur les préoccupations très réelles en matière de droits humains auxquelles ils s’attaquent », a insisté M. Türk.

Coopération, pas représailles

Jürg Lauber, président du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a également exprimé ses regrets face à la mesure punitive des USA.

Dans une déclaration , il a souligné que les rapporteurs spéciaux « sont un instrument essentiel » pour remplir le mandat du Conseil et a exhorté toutes les nations à « coopérer pleinement » avec eux.

« J’appelle tous les États membres de l’ONU… à s’abstenir de tout acte d’intimidation ou de représailles à leur encontre », a-t-il déclaré.

Rapporteurs spéciaux indépendants

Les rapporteurs spéciaux sont nommés dans le cadre de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

Il s’agit d’experts indépendants nommés pour surveiller et rendre compte des questions relatives aux droits humains dans le monde. Ces experts siègent à titre personnel, ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne perçoivent aucune rémunération pour leur travail.

Ils rendent régulièrement compte au Conseil basé à Genève ainsi qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Outre le mandat sur le territoire palestinien occupé, des mandats existent pour surveiller la situation des droits humains dans des pays comme l’Iran, la République populaire démocratique de Corée et l’Afghanistan. Au total, il existe 46 mandats thématiques et 14 mandats par pays .