Des sources
militaires avertissent que l’évacuation des civils de la ville de Gaza pourrait
piéger Israël dans un rôle de gouvernance militaire indésirable, tandis que le
Hamas pourrait utiliser la population comme bouclier humain dans son dernier
bastion.
Itay Ilnai, Israel
Hayom, 21/8/2025
Traduit par Tlaxcala
Itay Ilnai (1981) est un
journaliste israélien spécialisé dans les questions militaires et de
renseignement qui écrit pour le quotidien gratuit de droite Israel Hayom,
propriété des héritiers du milliardaire Sheldon Adelson.
La première
fois, ça n’a pas fonctionné parfaitement.
Le 13
octobre 2023, une semaine seulement après l’attaque surprise du Hamas, l’armée
israélienne a dispersé des tracts dans le nord de la bande de Gaza. « Habitants
de Gaza, dirigez-vous vers le sud pour votre sécurité et celle de vos familles.
Éloignez-vous des terroristes du Hamas qui vous utilisent comme boucliers
humains », pouvait-on y lire. Le Hamas a tenté d’empêcher la population d’évacuer
les zones déclarées par l’armée israélienne, notamment certaines parties de la
ville de Gaza, mais en vain. Des centaines de milliers d’habitants paniqués ont
rapidement rassemblé leurs affaires et ont fui vers une zone qui est depuis
devenue synonyme d’espace humanitaire : al-Mawassi.

Des images
de convois palestiniens marchant avec leurs biens le long de la côte et sur l’axe
Salah al-Din ont été publiées dans le monde entier et ont fait la une des
médias palestiniens sous le titre « deuxième Nakba », mais l’armée israélienne
était satisfaite. Il semblait que l’opération d’évacuation de la population,
première étape vers le début d’une manœuvre terrestre à grande échelle, avait
été couronnée de succès.
Mais le
Commandement Sud a agi trop précipitamment. « Nous avons fermé leur voie de
sortie trop tôt », explique une source qui était alors impliquée dans la
gestion des combats. « Les forces ont manœuvré de manière à empêcher un quart
de million de personnes de se déplacer vers le sud, et celles-ci sont restées
piégées. » En conséquence, des dizaines de milliers de Gazaouis piégés dans le
nord de la bande de Gaza au cours des premiers mois de la guerre se sont
déplacés « d’un côté à l’autre », selon les termes de cette source, à chaque
fois que l’armée israélienne avançait vers une nouvelle ville ou un nouveau
quartier. « C’était notre erreur », admet-il.
Depuis lors,
des leçons ont été tirées et l’armée israélienne, en particulier le
Commandement sud, est devenue plus efficace dans tout ce qui touche à la
pratique officiellement définie comme « déplacement de la population civile à
des fins de protection ». Au cours des mois suivants, des zones étendues et
densément peuplées comme Rafah et Khan Younès ont été presque entièrement
vidées de leurs habitants de manière délibérée, ce qui a permis aux divisions
de l’armée israélienne de manœuvrer plus facilement tout en réduisant les
risques pour les forces combattantes et les non-combattants. À l’inverse, cette
pratique a soulevé des questions d’ordre moral et juridique.
À présent,
avant la prise de contrôle (ou la conquête, selon les points de vue) attendue
de la ville de Gaza, le Commandement Sud doit relever un nouveau défi. Dans les
prochains jours, nous devrions assister au début de l’une des plus importantes
opérations de déplacement de population depuis le début de la guerre, qui
constituera une étape préliminaire à l’entrée des troupes à Gaza. Près d’un
million de personnes devront évacuer la ville et se diriger vers le sud,
au-delà du corridor de Netzarim, qui constituera la ligne de front au-delà de
laquelle les combats se dérouleront.
L’entité responsable de cette
opération d’évacuation complexe est l’« Unité de relocalisation de la
population » du Commandement Sud, dont l’existence même est révélée ici pour la
première fois. « Cette unité est devenue l’organisme national de référence pour
tout ce qui touche au déplacement de populations », explique un officier de
réserve haut gradé.
Chuchotements
à l’oreille
La pratique
du déplacement de population a commencé lors de la première guerre du Liban
(opération « Paix pour la Galilée » en 1982) et a été renforcée lors des deux
opérations menées dans le sud du Liban dans les années 1990, « Reddition de
comptes » et « Raisins de la colère ». Dans un article publié pendant l’opération
«Raisins de la colère», un officier israélien avait déclaré qu’en seulement
deux jours, environ 200 000 habitants avaient été évacués des villages chiites
du sud du Liban, après que l’armée israélienne les eut contactés par le biais
de stations de radio locales et de tracts largués depuis des avions. Par la
suite, l’armée a adopté un discours plus agressif.
« Nous avons
tiré des obus fumigènes dont le but était de marquer, de leur rappeler, de leur
« chuchoter » à l’oreille », a expliqué l’officier. Dans un premier temps, les
obus ont atterri à environ 100 mètres de la maison la plus éloignée de chaque
village. Dans un deuxième temps, la distance a été réduite à seulement 20
mètres.
En 2003, les
USAméricains ont également eu recours à la pratique du déplacement de
population lors de l’invasion de l’Irak, notamment lorsqu’ils ont évacué
environ 200 000 personnes de la ville de Falloujah. Selon les données de l’ONU,
la plupart des habitants sont retournés chez eux après la fin des combats, mais
des dizaines de milliers d’entre eux sont restés réfugiés, car ils n’avaient
pas les moyens économiques de reconstruire leurs maisons détruites.
Mais avec
tout le respect que nous devons à la Cisjordanie, au Liban et à l’Irak, Gaza
est un tout autre opéra. « Il n’y a aucune comparaison possible », affirme une
source militaire. « Au Liban et en Cisjordanie, les gens peuvent quitter la
zone des combats et trouver une solution temporaire, par exemple chez des
proches. À Gaza, des familles entières se déplacent avec des tentes. »
Le
message, c’est l’explosion
L’entité responsable des
opérations de déplacement à Gaza est, comme mentionné, l’« Unité de
relocalisation de la population », qui opère au quartier général du
Commandement sud et est dirigée par un officier de carrière (une unité
similaire existe également au Commandement nord). Dans le passé, cet organisme
opérait sous l’égide du « Complexe d’influence », mais après le développement
du domaine ces dernières années, il est devenu un organisme indépendant. « Au
fil du temps, la question du déplacement de population a fait l’objet d’une
attention croissante et s’est institutionnalisée », explique une ancienne
source de l’armée israélienne.
Udi Ben-Moha en 2010, alors qu’il était colonel commandant de la Brigade d’Hébron
Les origines remontent à 2013,
lorsque le général de brigade Udi Ben-Moha a été nommé chef d’état-major du
Commandement sud. Ben-Moha a commencé à affiner la doctrine du déplacement de
population dans le cadre des plans opérationnels pour les futures manœuvres
terrestres dans la bande de Gaza. « Il a pris cette pratique et l’a transformée
en un art de la guerre », explique le général de brigade (Rés.) Erez Weiner, qui
a servi pendant la guerre actuelle en tant que commandant de l’équipe de
planification opérationnelle du Commandement sud.
Erez Weiner,
un général de réserve qui a beaucoup de casseroles [lire ici]
Les méthodes
développées dans cette unité ont d’abord été testées partiellement lors de l’opération
« Bordure protectrice » en 2014, avant de devenir partie intégrante de la
méthode de combat utilisée lors de l’opération « Gardien des murs » en 2021.
Elles prévoyaient la division de la bande de Gaza en blocs, dont les limites
étaient définies selon la logique des Gazaouis et non imposées de l’extérieur.
« Ce n’est pas une division imaginée par un officier britannique », comme le
dit Weiner. « Les contours des blocs correspondent aux quartiers, aux clans,
aux ruelles. »
Ce sont des
membres de l’unité 504 de
la Direction du renseignement militaire, spécialisée dans l’interrogatoire des
prisonniers et le recrutement d’agents, qui ont rédigé le contenu des tracts.
Le personnel de cette unité était également chargé d’une autre opération de
communication avec la population, qui comprenait l’envoi de milliers de SMS et
d’appels téléphoniques personnalisés, dont le contenu était adapté à chaque
destinataire.
En janvier
2024, l’armée israélienne a annoncé que pendant la guerre, plus de 7 millions
de tracts avaient été distribués, plus de 13 millions de SMS envoyés et plus de
15 millions d’appels téléphoniques passés (la plupart avec des messages
enregistrés). Les combattants de l’unité 504 ont même appelé les habitants à
évacuer quelques instants avant l’entrée des forces de manœuvre, à l’aide de
haut-parleurs placés sur des véhicules de l’armée israélienne qui circulaient
dans les quartiers. Même dans ce cas, les messages étaient adaptés à chaque
quartier, en fonction du clan qui y résidait.
Au cours de
la phase suivante, les bombardements d’artillerie qui ont précédé l’entrée des
troupes terrestres et qui visaient principalement à dissuader la population
civile, ont transmis le message le plus clair possible : évacuez les lieux. « L’armée
israélienne a utilisé à Gaza une puissance de feu sans précédent, en tout cas
jamais utilisée contre une population civile », a déclaré un officier chargé de
l’histoire. « C’est probablement le meilleur moyen de persuasion, plus efficace
que n’importe quel tract. »
« Au final,
les gens ne se précipitent pas pour abandonner leur foyer, donc le principal
moyen de persuasion est la peur », explique un ancien haut gradé de l’armée
israélienne spécialisé dans la guerre psychologique, une branche dont sont
issues les méthodes opérationnelles de déplacement de population. « Lorsque les
bombes tombent en masse, même les plus riches quittent leur maison. De plus,
vous pouvez couper la radio, la télévision et enfin la lumière. Tous ces outils
font partie de l’arsenal. »
Trouver
un visage parmi un million de personnes
L’Unité de
relocalisation de la population est chargée de recenser la population et de
recueillir des renseignements à son sujet à l’avance, ainsi que de coordonner
les opérations visant à la déplacer. À cette fin, elle met en relation un grand
nombre d’éléments, notamment les services de renseignement, le coordinateur des
activités gouvernementales dans les territoires, l’artillerie, l’armée de l’air,
les forces terrestres, etc. Le personnel du parquet militaire joue un rôle
central, car il veille à ce que les mesures prises sur le terrain soient
conformes au droit international (nous y reviendrons) [sic].
L’unité
utilise également des outils pour surveiller les mouvements de population, dès
leur début. « Dans la guerre actuelle, l’unité était déjà préparée au niveau de
la microgestion de l’opération », explique Weiner. « Quel est le processus de
notification, qui informe, quand et comment, et comment suivre et vérifier qu’il
y a bien une réponse de l’autre côté et que la population se déplace ? Car en
fin de compte, il faut pouvoir indiquer quel pourcentage de résidents a quitté
les lieux, afin que certaines zones puissent être ouvertes au feu. »
Quel est ce
pourcentage ? Zéro ? « Je ne pense pas qu’il soit judicieux d’entrer dans ce
détail, car cela donnerait des armes à l’ennemi. Mais la méthode consiste à
activer des systèmes de surveillance, de contrôle et de suivi des mouvements de
population, à établir une image de la situation, afin que l’unité chargée de la
relocalisation de la population soit en mesure, à tout moment, de dire quel
pourcentage de la population se trouve dans chaque zone. »
Les postes
de contrôle, situés le long des voies d’évacuation, constituent un autre
élément des opérations de déplacement de population. L’armée israélienne
installe des moyens technologiques de reconnaissance faciale à ces postes de
contrôle afin de repérer, parmi les civils – qui peuvent être plusieurs
centaines de milliers par jour –, les terroristes déguisés en innocents, voire
en otages.
Une autre
source proche du travail de cette unité explique que le déplacement de la
population se fait au détriment de l’effet de surprise. « Imaginez que lorsque
vous ordonnez à la population d’évacuer, vous révélez à l’ennemi où vous
comptez manœuvrer », dit-il. « Néanmoins, l’armée israélienne comprend l’importance
de la question. L’objectif ici n’est pas de remplir une obligation et de dire
aux habitants « nous vous avons prévenus, maintenant c’est votre problème »,
puis d’attaquer. Il y a vraiment une volonté de permettre à la population de
partir. »
Le ministre de
la Défense Israel Katz avec les hauts responsables de l’armée israélienne
approuvant le plan pour Gaza. Photo Ariel Hermoni / Ministère de la Défense
Malgré cela,
plusieurs incidents ont eu lieu au cours desquels des civils qui n’avaient pas
évacué leurs maisons ont été blessés pendant les combats. L’incident le plus
connu s’est produit à Khan Younès en mai dernier. Neuf des dix enfants du Dr
Alaa al-Najjar, médecin à l’hôpital Nasser, ont été tués lors d’une frappe de l’armée
israélienne dans une zone qui était censée être évacuée. Son mari et son fils
de 11 ans ont été grièvement blessés.
Ce tragique
incident a fait la une des journaux du monde entier. L’armée israélienne a
alors affirmé que la frappe avait été menée depuis un avion contre une maison
où se trouvaient des suspects opérant à proximité d’une force terrestre, et a
promis d’enquêter sur cet incident.
Néanmoins, l’armée
israélienne considère le déplacement de population comme l’un des succès de la
guerre actuelle. « ça a très bien
fonctionné tout au long de la guerre, malgré les prévisions contraires de
sources diverses, allant de membres de l’état-major général à des sources
internationales, en passant par des militaires usaméricains et toutes sortes d’anciens
responsables », affirme Weiner. « Au début de la campagne, nous avons évacué
environ un million de personnes du nord de la bande de Gaza et de la ville de
Gaza vers le sud, en peu de temps. Ensuite, nous avons évacué 300 000 personnes
de Khan Younès en très peu de temps, puis nous sommes arrivés à la question de
Rafah. »
Des sources
impliquées dans les opérations qui ont précédé l’entrée à Rafah définissent la
question de l’évacuation de la population comme la principale « mine » contre l’administration
usaméricaine, alors dirigée par Biden, qui s’opposait fermement à l’entrée
israélienne dans la ville. « Ils nous ont dit que les habitants de Rafah
avaient déjà été déracinés de leurs maisons, donc ils ne seraient pas évacués
une nouvelle fois », explique Weiner. « Mais au sein du commandement, nous
avons élaboré un plan qui prévoyait deux semaines de préparation et deux
semaines supplémentaires pour l’évacuation complète. Rétrospectivement, ça a
pris dix jours au total. » Pendant cette période, environ un million de
personnes ont été évacuées de Rafah.
Ce qui nous
ramène à la ville de Gaza. Après le retrait israélien du corridor de Netzarim
au début de l’année, à la suite du deuxième échange d’otages, des centaines de
milliers de Gazaouis qui avaient évacué la ville au début de la guerre ont pu y
retourner. Au cours de l’opération « Les chars de Gédéon », qui a débuté en mai
2025, d’importants déplacements de population supplémentaires ont été
effectués, dont une partie a également été évacuée vers la ville de Gaza.
Aujourd’hui, avec la zone d’al-Mawassi et les camps centraux, la ville est
devenue le lieu où se concentre la majeure partie de la population civile de la
bande de Gaza.
Selon les données de l’ONU,
environ 82 % des habitants de la bande de Gaza vivaient avant la guerre dans
des zones définies par l’armée israélienne comme « zones d’évacuation ». L’aide
apportée aux millions de personnes déplacées fait partie intégrante du principe
de déplacement de population. Comme l’explique le Dr Ron Schleifer, maître de
conférences à l’université d’Ariel, directeur du Centre de recherche sur la
défense et la communication d’Ariel et expert en guerre psychologique, «
personne n’aime quitter son foyer, il faut donc convaincre les gens que l’alternative
au maintien sur place est pire que le départ vers l’inconnu ».

De
la fumée s’élève après une explosion à Gaza, vue depuis le côté israélien de la
frontière entre Israël et Gaza, le 22 juillet 2025 Photo Reuters/Amir Cohen
Une partie intégrante du
déplacement de population consiste à tenir la promesse faite aux personnes
évacuées qu’elles recevront un abri, de la nourriture et des services de santé.
« Vous leur expliquez clairement qu’il existe un passage sûr par lequel ils
peuvent se déplacer et qu’à leur arrivée, ils auront de quoi se nourrir et s’abriter.
Vous utilisez à la fois la carotte et le bâton », explique un ancien haut
responsable du domaine de la guerre psychologique au sein de l’armée
israélienne.
Si les
tentes viennent à manquer
Jusqu’à
présent, Israël a insisté pour que la carotte – c’est-à-dire l’aide humanitaire
à la bande de Gaza – soit fournie et gérée par l’ONU et des organisations
internationales, telles que la fondation usaméricaine GHF, en partie pour des
raisons juridiques. Mais les espaces humanitaires délimités par l’armée
israélienne n’ont pas toujours fait leurs preuves. Les difficultés liées au
transfert et à la distribution de l’aide ont entraîné le chaos et des plaintes
pour famine à Gaza, auxquelles Israël a récemment eu du mal à faire face. De
plus, l’armée israélienne a continué ses attaques à al-Mawassi, notamment
lorsqu’elle a éliminé des hauts responsables du Hamas qui utilisaient cet
espace pour se cacher, dont Mohammed Deif. Il en résulte que l’on craint
désormais que les habitants de la ville de Gaza préfèrent rester chez eux, même
au péril de leur vie, et ne fassent pas confiance à l’alternative que leur
propose l’armée israélienne.
L’armée
israélienne reconnaît que l’opération d’évacuation de Gaza nécessitera la mise
en place de refuges humanitaires et de points supplémentaires pour la
distribution de nourriture. Elle reconnaît également que le système humanitaire
international à Gaza est épuisé, ce qui rend difficile la gestion de la
situation à venir.
L’entité qui
a déjà commencé à agir concernant « la carotte » pour les évacués de la ville
de Gaza est le Coordinateur des activités gouvernementales dans les
territoires. Ces derniers jours, elle s’efforce d’aider autant que possible les
organisations internationales à préparer les infrastructures destinées à
accueillir des centaines de milliers de nouveaux évacués. « On ne peut pas
bouger avant de s’assurer que les infrastructures humanitaires – nourriture,
eau, médicaments, assainissement – répondent aux exigences du droit
international », explique une source bien informée sur le sujet.
Par exemple,
dès la fin du mois de juillet, le coordinateur a approuvé, sur instruction du
niveau politique, de faire avancer l’initiative émiratie visant à relier une
conduite d’eau depuis l’usine de dessalement en Égypte jusqu’à al-Mawassi.
Parallèlement, une ligne électrique a été raccordée depuis Israël à l’usine de
dessalement située dans le sud de Gaza, ce qui permettra de multiplier par dix
l’approvisionnement en eau potable dans le sud de la bande de Gaza. Cette
semaine, Israël a même approuvé, pour la première fois depuis le cessez-le-feu
de mars 2025, l’acheminement de tentes et de matériel d’hébergement dans la
bande de Gaza. « On ne peut pas commencer à déplacer des populations et ensuite
dire “oups, il n’y a pas assez de tentes” », explique cette source. « Israël
prépare donc déjà les infrastructures nécessaires à l’évacuation. »
Récemment, l’ambassadeur usaméricain
en Israël, Mike Huckabee, a également publié une déclaration indiquant l’intention
d’étendre les activités de la fondation usaméricaine d’aide humanitaire GHF,
qui gère actuellement quatre centres de distribution dans la bande de Gaza, et
d’ajouter 12 centres supplémentaires. Derrière cette décision se cachent des
discussions entre l’administration usaméricaine, l’ONU et Israël sur une
éventuelle coopération entre l’ONU et la fondation usaméricaine afin d’intensifier
l’effort humanitaire à Gaza.
La
dernière forteresse
Les
questions opérationnelles et humanitaires auxquelles sont actuellement
confrontées les FDI s’accompagnent de questions juridiques et morales soulevées
par le déplacement de populations. Le droit international reconnaît la
nécessité d’évacuer les habitants d’une zone de guerre, mais stipule que cette
évacuation peut être considérée comme légale à condition qu’elle soit
temporaire.
Dès le début
de la guerre, des accusations virulentes ont été formulées, selon lesquelles le
déplacement de la population constituait une première étape visant à
contraindre les habitants de Gaza à émigrer définitivement hors de leurs
frontières. Au cours de l’opération « Les chars de Gédéon », trois combattants
de réserve ont même déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice, dans
laquelle ils affirmaient que l’ordre d’opération violait le droit international
car il imposait l’expulsion de la population.
L’armée
israélienne a toujours affirmé que le déplacement de la population était
temporaire et ne visait pas à encourager l’émigration, l’exil ou l’expulsion.
Selon les données du coordinateur, depuis le début de la guerre, seuls environ
38 000 Palestiniens ont quitté Gaza pour un pays tiers, tous titulaires d’une
double nationalité, ayant obtenu un permis de séjour dans un autre pays ou
ayant reçu l’autorisation d’évacuer pour raisons médicales. Des sources
officielles ont admis cette semaine que, jusqu’à présent, les tentatives visant
à trouver un pays tiers susceptible d’accueillir les réfugiés palestiniens ont
échoué.
Quoi qu’il
en soit, à mesure que la guerre progresse, la marge de manœuvre juridique dont
dispose l’armée israélienne en matière de déplacement de population devient de
plus en plus étroite. Selon plusieurs sources que nous avons consultées, l’évacuation
de la ville de Gaza et sa prise de contrôle par l’armée pourraient finalement
faire basculer la situation.
Selon le Dr
Schleifer, après l’évacuation de la ville de Gaza, « nous devons garantir une
distribution alimentaire juste et équitable, dans la mesure du possible, sans
profiteurs ni implication du Hamas ». Selon lui, l’expérience passée prouve que
tout cela ne peut être réalisé par des acteurs internationaux. « Nous devrons
installer des camps de tentes et prendre soin de la population civile, mettre
en place un système éducatif, etc., et nous organiser dans tous les domaines
nécessaires au maintien de la société. Pour ce faire, l’État d’Israël doit
rétablir une branche militaire qui a été étranglée et abandonnée : le
gouvernement militaire. »
Mais l’objectif
du gouvernement israélien, du moins officiellement, est qu’il n’y ait pas de
gouvernement militaire. « Nous aboutirons à un gouvernement militaire, que nous
le voulions ou non. Nous nous racontons toutes sortes d’histoires, mais il est
clair que nous devrons contrôler Gaza, ou superviser d’une manière ou d’une
autre ce qui se passe dans la bande de Gaza. À mon avis, il n’y a pas d’autre
solution. »
L’armée
israélienne peut mater le Hamas à Gaza [resic]. Selon plusieurs
anciennes sources de l’armée israélienne qui se sont penchées sur la question,
déplacer un nombre aussi important de civils vers une zone aussi restreinte –
environ 25 % de la superficie totale de la bande de Gaza – obligera l’armée
israélienne à fournir elle-même aux personnes évacuées des solutions en matière
de logement, d’alimentation et de santé, et la contraindra pratiquement à
instaurer un gouvernement militaire à Gaza, ce que les hauts responsables de l’armée
israélienne ont évité jusqu’à présent. « L’armée israélienne est en quelque
sorte poussée à agir, et c’est pourquoi elle s’y oppose tant », explique l’un d’entre
eux. « Les implications d’une telle décision sont énormes et pourraient
entraîner des sanctions internationales, voire un mouvement de refus. Au-delà
de cela, il existe un scénario dans lequel le Hamas prendrait en otage la
population de la ville de Gaza [reresic] et, contrairement au passé, l’évacuation
se ferait très lentement, ce qui affaiblirait la dynamique israélienne. Jusqu’à
présent, le Hamas n’a pas réussi à empêcher le déplacement de la population,
mais la ville de Gaza est le dernier bastion dont il dispose, et la plupart de
ses forces y sont concentrées. Il n’abandonnera pas facilement. »
Selon Weiner, ces inquiétudes
sont exagérées. « Pour convaincre les habitants de Gaza d’évacuer, deux choses
doivent se produire », dit-il. « La première est de garantir que l’aide
humanitaire n’entre pas dans la ville de Gaza, mais uniquement dans les zones d’évacuation.
La seconde est de cesser de parler d’un accord partiel. Nous devons affirmer
haut et fort que nous n’avons pas l’intention d’arrêter l’opération à Gaza,
donc vous feriez mieux de partir, car les bombardements et les bulldozers
arriveront bientôt. »

JR Mora, janvier 2024