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05/12/2025

La mort du chef de la milice anti-Hamas Abou Shabab souligne que la prochaine direction de Gaza ne sera pas dictée par Israël

Jack Khoury, Haaretz, 4/12/2025
Traduit par Tlaxcala

Abou Shabab était précisément le type de figure qu’Israël aime présenter comme un partenaire, mais la réalité complexe de Gaza l’a montré pour ce qu’il était – même dans la zone limitée où il opérait. Désespéré de trouver un « administrateur » pour la bande de Gaza, Israël a une fois de plus ignoré le besoin palestinien de trouver un véritable leadership.


Yasser Abou Shabab, le chef du gang violent de Gaza soutenu par Israël

L’annonce jeudi de la mort de Yasser Abou Shabab n’a pas été seulement un incident sécuritaire local dans la bande de Gaza. Elle a également révélé, une fois encore, l’énorme fossé entre l’histoire qu’Israël se raconte et la réalité complexe de Gaza.

L’establishment de la défense et les médias ont présenté Abou Shabab comme une « alternative au Hamas », quelqu’un qui pourrait aider à gouverner Gaza après la guerre. Mais il s’est avéré être une figure controversée même dans la zone limitée où il opérait. En raison de la multiplicité des groupes armés, des tribus, des alliances et des comptes non réglés dans la région, il était entouré d’ennemis.

Sa mort n’a surpris presque personne à Gaza. Beaucoup voulaient le voir disparaître. Parmi eux figuraient ce qui reste de la direction du Hamas, qui le considérait comme une menace – ou du moins comme une nuisance – pour son pouvoir ; des rivaux armés qui partageaient avec lui territoire et influence ; des membres de clans lésés par lui et sa famille ; et des gens au sein même de sa tribu, embarrassés depuis des années par ses actions.

Les déclarations qui ont envahi les réseaux sociaux immédiatement après l’annonce de sa mort ont montré à quel point il était un homme recherché. Chacun a rapidement adopté un récit, attribué des responsabilités ou tenté de blanchir son nom. Mais la conclusion était claire : il n’existe aucune force suffisamment puissante pour protéger les personnes qui collaborent avec Israël.

Même sa propre tribu, les Tarabin, s’est empressée de le renier après sa mort. Dans un communiqué, elle l’a qualifié « d’épisode sombre », ajoutant que sa mort « avait refermé un chapitre honteux ». Elle a aussi promis de ne permettre à aucun autre membre de la tribu de participer à des milices « servant l’occupation ».

Il ne s’agissait pas seulement de se désolidariser de lui. C’était une déclaration d’intention sociopolitique destinée à envoyer un message à tous les Gazaouis : « Cet homme ne faisait pas partie de nous, ne réglez donc pas vos comptes avec nous. »

La cause directe de sa mort, selon divers rapports, a été un affrontement entre Abou Shabab et des membres de la famille Abou Snima, connue pour ses activités criminelles. Une fusillade a éclaté après qu’Abou Shabab eut refusé avec arrogance de libérer un membre de cette famille qu’il avait arrêté. Cela a servi d’étincelle à un règlement de comptes plus large dans la zone. Il en ressort qu’Abou Shabab n’a pas construit un leadership, mais seulement des luttes de pouvoir.

C’est là qu’Israël est entré en scène. Pendant des années, l’establishment israélien – les médias, la défense et le monde politique – a tenté de « créer des partenaires », c’est-à-dire des Palestiniens locaux qui semblaient suffisamment puissants et dominants, mais aussi disposés à dire ce que les Israéliens aiment entendre. Ainsi ont émergé des « étoiles » éphémères, comme Abou Shabab dans le sud de Gaza.

Abou Shabab était exactement le type de personne qu’Israël aime avoir comme partenaire. Il était armé mais prêt à coopérer ; il s’opposait au Hamas mais n’était pas affilié à l’Autorité palestinienne ; et il donnait l’impression de pouvoir maintenir « la rue » sous contrôle.

Mais en réalité, c’était un criminel dont le pouvoir n’existait que dans les zones où Israël demeurait physiquement présent. Au-delà des limites de l’influence israélienne, il n’avait ni pouvoir, ni légitimité, ni preneur pour ses marchandises.

Yasser Abou Shabab (deuxième à partir de la gauche)

Ce type de personnage n’a rien de nouveau. Il suffit de demander aux membres de l’Armée du Liban-Sud, qui ont compté sur Israël pendant deux décennies jusqu’à ce qu’Israël leur retire le tapis sous les pieds du jour au lendemain, par son retrait unilatéral du Liban.

Quiconque reçoit un pouvoir de l’extérieur sans base de soutien interne vit à crédit. Pourtant Israël, une fois encore, a construit une illusion autour de quelqu’un par nécessité de trouver une personne jugée apte à diriger Gaza, plutôt que par rapport aux besoins palestiniens de disposer d’un véritable leadership.

La mort d’Abou Shabab offre une leçon importante : le leadership ne peut pas émerger de diktats israéliens. Abou Shabab semblait un homme fort ; en réalité, il était un maillon faible, dépendant des armes, du chaos et du double jeu pratiqué à la fois par les acteurs locaux et par Israël.

Mais Gaza n’est pas un endroit où l’on peut imposer un dirigeant d’en haut en espérant que la base l’acceptera. L’histoire du territoire est plus forte que toute tentative d’ingénierie.

30/11/2025

Gaz, guerre et pillage : les intérêts énergétiques derrière le génocide à Gaza

Yul Jabour, Tribuna Popular, 29/11/2025
Traduit par Tlaxcala

 

Yul Jabour Tannous (Caracas, 1970) est un militant communiste et avocat diplômé de l’Université Centrale du Venezuela. Il a intégré le Parti Communiste du Venezuela (PCV) en 1988, et il est actuellement membre de son Bureau Politique. Il a été député à l’Assemblée nationale du Venezuela pour l’État de Cojedes durant la période 2011-2016 puis pour l’État de Yaracuy entre 2016 et 2021. Il est secrétaire général du Comité de Solidarité Internationale (COSI).


Le génocide à Gaza, exécuté par l’État sioniste d’Israël depuis le 7 octobre 2023, fait partie de la stratégie usaméricaine et européenne de reconfiguration régionale connue sous le nom de « Nouveau Moyen-Orient ». Son objectif est d’affaiblir l’axe de résistance antisioniste, de consolider Israël comme puissance militaire et d’assurer le contrôle des principales sources d’énergie et routes commerciales pour le grand capital.

Gazaoduc


Le sionisme, créé et promu à l’origine par les colonialismes britannique et français au XIX siècle, puis financé par les USA et leurs alliés européens, a porté depuis la création de l’entité sioniste en 1948 un projet de nettoyage ethnique. L’offensive commencée en 2023 constitue l’un des épisodes les plus atroces enregistrés dans l’histoire contemporaine.

Le Bureau des Médias du gouvernement à Gaza a indiqué qu’entre octobre 2023 et octobre 2025, plus de 76 600 personnes avaient été assassinées ou portées disparues sous les décombres, dont 60 % de femmes et d’enfants. Au moins 2 605 Palestiniens ont été tués et plus de 19 000 blessés alors qu’ils cherchaient de l’aide humanitaire.

La destruction des infrastructures atteint 90 %, avec 80 % de la population déplacée, du fait des attaques aériennes, d’artillerie et terrestres, ainsi que du blocus total qui a coupé l’électricité, l’eau, le carburant et les biens essentiels. Les zones résidentielles, les écoles, les hôpitaux et les camps de réfugiés ont été systématiquement bombardés.

Alors que Gaza est ravagée et soumise à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité — avec des bombardements constants et la coupure totale de l’électricité, de l’eau et des combustibles — le ministre israélien de l’Énergie a annoncé que BP (British Petroleum) et ENI (Ente Nazionale Idrocarburi) avaient engagé des « investissements sans précédent » pour l’exploration du gaz naturel*. Une fois encore, combustibles fossiles, capital et guerre se combinent dans l’équation caractéristique des interventions impérialistes contre les peuples.

En 2000, Yasser Arafat annonçait la découverte des premiers gisements au large de la côte de Gaza, baptisés Gaza Marine. Cette zone, appartenant au bassin du Levant méditerranéen, abrite l’une des plus grandes réserves mondiales de gaz offshore, suffisante pour approvisionner cent millions de personnes pendant plus de deux décennies. Selon un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU), ces gisements s’étendent principalement au large de la Palestine et d’Israël, et dans une moindre mesure en face du Liban et de l’Égypte. Le rapport souligne qu’étant un système souterrain interconnecté, les réserves doivent être considérées comme une ressource partagée ; il recommande donc une exploitation conjointe sous une formule équitable de répartition, octroyant aux Palestiniens une participation majoritaire tant dans les gisements situés sous leur sous-sol que dans la part correspondante des réserves communes.

En parallèle aux découvertes palestiniennes, Israël a lancé ses propres explorations aux côtés de la compagnie pétrolière usaméricaine Noble Energy. Entre 2009 et 2010, l’existence de l’énorme gisement de gaz Tamar a été confirmée. Son développement, évalué à 3 milliards de dollars, a été financé par des banques comme JP Morgan, Citigroup, Barclays et HSBC. En 2012, Noble Energy et ses partenaires ont signé un contrat pour fournir du gaz à Israël pour 14 milliards de dollars sur 15 ans, montant pouvant être porté à 23 milliards. Un autre accord a ensuite été signé pour 32 milliards. Ces projets ont transformé radicalement la matrice énergétique israélienne : jusqu’alors, le pays dépendait des importations de gaz et de charbon et devait acquérir 70 % du gaz qu’il consommait (dont 40 % provenaient d’Égypte). En 2018, Tamar générait déjà 60 % de l’électricité d’Israël. En 2020, Chevron a acquis 30 % du projet en rachetant Noble Energy. Bien que les gisements soient situés au large, la plateforme de traitement de Tamar opère à seulement 10 kilomètres au nord de Gaza.

Puis une découverte encore plus importante a suivi : le gisement Léviathan, dont les installations ont commencé à être construites en 2017 après confirmation qu’il contenait des réserves capables de couvrir la consommation d’Israël pendant 40 ans. Sa mise en service en 2020 a consolidé le basculement énergétique : Israël est passé d’un statut d’île énergétique dépendante de l’extérieur à celui d’exportateur net. Les exportations sont dirigées principalement vers l’Égypte et la Jordanie, renforçant sa position de puissance régionale et expliquant en partie l’inaction de ces gouvernements face à la tragédie palestinienne. En juin 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a signé un accord pour importer du gaz israélien comme alternative au gaz russe, via un gazoduc sous-marin longeant Gaza jusqu’en Égypte, où il serait transformé en gaz naturel liquéfié avant d’être envoyé en Europe. Outre les bénéfices économiques, cet accord a renforcé la capacité de pression d’Israël sur l’UE.

En pleine catastrophe humanitaire, en novembre 2023, la Commission européenne a publié une nouvelle liste de projets énergétiques prioritaires, incluant le gazoduc EastMed. Ce projet, officiellement appelé EuroAsia Interconnector, vise à relier la ville israélienne de Hadera, située à 106 kilomètres au nord de Gaza, à la Grèce via Chypre. Le gazoduc sera alimenté par les gisements chypriotes, par Léviathan et, possiblement, par Gaza Marine.

Pendant ce temps, Gaza Marine reste intact sous les eaux, face à un territoire qui aujourd’hui n’a accès à aucun type de combustible. Après l’opération « Plomb Durci » en 2008, les négociations entre la Palestine et Israël ont définitivement échoué et Tel-Aviv a assumé le contrôle effectif des eaux juridictionnelles palestiniennes, militarisant la côte et confisquant les gisements, en violation flagrante du droit international.

En plus du gaz, on trouve en Cisjordanie le gisement pétrolier Meged, dont les réserves sont estimées à 1,5 milliard de barils, d’une valeur dépassant les 100 milliards de dollars. Bien que 80 % du champ se situe en territoire palestinien, Israël l’exploite sans verser la moindre compensation.


À cela s’ajoute le retour du projet israélien du canal Ben Gourion, proposé en 1956, qui connecterait le golfe d’Aqaba à la Méditerranée comme alternative au canal de Suez. Ce serait un canal plus long que celui d’Égypte, et dont la route prévue passe près de la frontière nord de Gaza. Certains analystes soulignent qu’Israël pourrait même tracer le canal en lui faisant traverser Gaza. S’il se concrétisait, ce corridor modifierait les dynamiques du commerce mondial, conférant à Israël une importance stratégique inédite.

Le 10 octobre a été annoncé un prétendu cessez-le-feu à Gaza, promu par les USA et soutenu par la Turquie, l’Égypte et le Qatar. Mais loin d’être un accord de paix, ce mécanisme constitue une extension du soi-disant « Deal du Siècle » : il vise à transformer la bande de Gaza en un protectorat usaméricain de facto et à laisser intacte l’occupation israélienne de toute la Palestine, en particulier d’un territoire dont la richesse énergétique a été systématiquement confisquée.

Cet accord ne vise pas la paix : il fait partie intégrante des projets impérialistes visant à redessiner « un nouveau Moyen-Orient », à assurer le contrôle des routes stratégiques et à sécuriser l’accès aux gisements de gaz du Levant. Dans cette logique, le régime israélien — responsable de la dévastation de Gaza et du pillage énergétique de toute la Palestine — demeure entièrement indemne, protégé par ceux qui bénéficient de son rôle d’enclave militaire et énergétique dans la région.

*NdT: l'alors ministre de l'Énergie Israel Katz (devenu ensuite ministre de la Guerre) a annoncé fin octobre 2023 que 12 licences d'exploration de gaz avaient été accordées pour 3 ans à 2 consortiums : d'une part celui constitué par ENI, Dana Petroleum (filiale écossaise d'une compagnie sud-coréenne) et Ratio Energies, d'autre part celui constitué par BP, la Compagnie pétrolière d'État de l'Azerbaïdjan (SOCAR) et NewMed Energy.

Pas de musique sans justice/No Music without Justice
Lettre ouverte au directeur de la Philarmonie de Paris, Olivier Mantei
Open Letter to Olivier Mantei, Director General of the Philharmonie de Paris

English version after the French original
Ce dimanche 30 novembre 2025, le Rotterdam Philharmonic Orchestra donnera un concert à la Philarmonie de Paris (Cité de la Musique) sous la direction de son directeur musical Lahav Shani, qui est aussi directeur musical de l’Orchestre philarmonique d’Israël et sera celui de l’Orchestre philarmonique de Munich à partir de septembre 2026. Un précédent concert donné le 6 novembre au même endroit par l’Orchestre symphonique d’Israël sous la même direction avait été le théâtre d’incidents, à la suite desquels 4 manifestants propalestiniens ont été mis en examen et ont déposé à leur tour diverses plaintes pour agressions et violation du secret de l’enquête. Plusieurs organisation viennent d’adresser la lettre ci-dessous au directeur de la Philarmonie.-Tlaxcala

Jeudi 27 novembre 2025

Monsieur le Directeur,

Depuis le début du génocide à Gaza, on atteste de près de 70 000 personnes assassiné.e.s, hommes, femmes et enfants compris. Toujours à Gaza, ce sont 345 personnes qui ont été assassinées et 889 blessées par l’armée israélienne, depuis l’entrée en vigueur du « cessez-le-feu », le 11 octobre dernier, cessez-le-feu violé plus de 500 fois. En deux ans, c’est 6 fois la bombe d’Hiroshima qui s’est écrasée sur un territoire d’à peine 150 kilomètres carrés. L’aide humanitaire et médicale reste bloquée alors qu’avec l’hiver les épidémies s’apprêtent à emboîter le pas à la famine. Tous les jours les cadavres s’amoncèlent lorsqu’ils ont la « chance » d’être retrouvés. Lundi 24 novembre, c’est en armes que les milices israéliennes ont chassé les enfants du Théâtre national palestinien (El-Hakawati Theatre) de Jérusalem occupée. Ces armes feront certainement moins parler d’elles que de pauvres fumigènes brandis face aux ambassadeurs culturels de l'État d’Israël.

Le génocide, tel qu’il a été caractérisé par les instances de droit international compétentes, se poursuit sous nos yeux. Et vous, que faites-vous ?

Protestations contre une série de concerts de l'Israel Symphony Orchestra au Carnegie Hall de New York, 15 octobre 2025


Non content d’inviter l’Israel Philharmonic Orchestra (IPO) et son chef titulaire, ambassadeurs officiels de l’état colonial en plein génocide, non content d’accueillir ces musicien.ne.s qui se font le relais de la déshumanisation des Palestinien.ne.s par des propos de désinformation condamnables sur leurs réseaux sociaux à l’instar d’Eleonora Lutsky qui nous parle de « Hamaswood » et Kirill Mihanovsky qui désigne les Palestinien.ne.s  de « monstrueux voisins », non content d’attaquer en justice des militant.e.s pacifiques qui appellent au boycott légitime des institutions culturelles israéliennes qui participent à la normalisation du génocide, vous, vous décidez de vous enfoncer avec votre institution dans le mensonge en espérant ne jamais avoir à assumer vos responsabilités face à l’histoire et face à la justice.

Vous avez menti à vos salarié.e.s lors d’une assemblée générale extraordinaire en qualifiant de violent.e.s des militant.e.s pacifistes, en passant sous silence la violence des insultes racistes et homophobes d’une partie du public, en affirmant que vous ne saviez pas que l’orchestre allait jouer l’hymne israélien alors qu’il l’interprète régulièrement lors de ces tournées. Car oui, cet hymne n’a pas été joué en réaction à l’action de nos camarades, c’était déjà un acte prémédité.

Vous avez été cordialement invité, au regard des appels palestiniens et dans le cadre du droit international, à annuler les venues de Lahav Shani, de l’IPO et du Jerusalem Quartet pour le rôle institutionnel qu’ils occupent dans la politique d’effacement par la culture du crime de génocide commis par Israël. À ces appels, là encore, vous avez répondu par le mensonge et par l’instrumentalisation outrancière des artistes palestinien.ne.s programmé.e.s dans votre institution pour justifier votre collaboration avec les institutions culturelles de l’état génocidaire. Ce mardi 25 novembre, vous avez décidé d’assumer cet agenda politique et d’entraîner toute votre institution dans le discours de propagande en répondant positivement à la demande de Lahav Shani de s’expliquer auprès de vos salarié.e.s. Un discours d'explication qui n’est autre qu'un redoublement de condamnation qualifiant la protestation pacifiste d’ « attaque armée » à l’encontre de l’identité israélienne. Or, chacun des appels à boycott que vous avez reçus était très clair sur la nature de l’action : « nous n’appelons pas à boycotter des artistes du fait de leur nationalité israélienne mais du fait de leur participation institutionnelle à la politique d’effacement des vies palestiniennes orchestrée par l’État israélien. »

Vous imposez à vos salarié.e.s le discours de propagande par l’explication - hasbara - alors que vous refusez le dialogue avec celles et ceux qui vous alertent depuis le début sur cette complicité avec le pire. C’est votre manière de passer sous silence les voix palestiniennes.

Cacher vos décisions derrière le supposé apolitisme de la musique classique relevait déjà de l’outrage face aux souffrances endurées par les Palestinien.ne.s depuis plus de deux ans et à l’égard du droit international. Devions-nous espérer, après un tel acharnement à maintenir la collaboration avec les ambassadeurs du génocide notamment par le recours démesuré à la force policière et judiciaire, que vous reveniez à la raison ? Vous êtes aujourd’hui prêt à excuser un tel affront à la dignité humaine et au droit international - comme l’a été l’hymne de l'État génocidaire qui a retenti dans vos murs. Et tout cela pourquoi ? Pour ne pas prendre le risque d’annuler un concert avec Martha Argerich parce que cela ferait mauvais genre auprès de vos confrères ? Ou pour ne pas froisser l’extrême droite politique et médiatique qui, depuis le 6 novembre, vous soutient inconditionnellement comme elle a soutenu la politique génocidaire ?

Renoncez donc à vos valeurs humanistes de pacotille et assumez l’agenda réactionnaire que vous avez décidé d’endosser en ouvrant les portes de votre institution à celles et ceux qui nient la valeur des vies palestiniennes et le droit international. Vos mensonges se poursuivent car non, cette institution n’est plus la nôtre. Vous l’avez livrée au fascisme qui ronge le monde, vous en avez fait l’étendard de la déshumanisation, la normalisation des heures les plus sombres de notre présent. Vous n’avez jamais souhaité nous écouter lorsque nous vous avons alerté. Vous faites la sourde oreille au bruit des bombes lorsqu’elles explosent sur Gaza en tuant par milliers hommes, femmes et enfants, mais vous ouvrez votre scène à celles et ceux qui les lancent là-bas, mais aussi au Qatar, en Iran, au Yémen, au Liban et en Syrie.

À quoi s’attendre pour les concerts des 30 novembre et 16 janvier prochains ? À une Philharmonie aux allures de bunker, nouveau fief des forces de l’ordre et de la répression dans le 19e arrondissement de Paris ? À une réunion au sommet des institutions et associations négationnistes du génocide en cours et qui, par le pire travers antisémite qui consiste à associer toustes les Juif.ve.s du monde à l’état d’Israël, instrumentalisent l’histoire et la culture juive à des fins guerrières ?  Si vous n’entendez pas les souffrances des Palestinien.ne.s avez vous au moins compris celles de vos salarié.e.s et des mélomanes que vous traînez dans votre complicité outrageante ?

Au nom de la musique que nous défendons, au nom de l’humanité que nous incarnons et puisqu’il s’agirait encore selon vous de notre institution, nous vous exhortons à cesser toute collaboration avec les institutions culturelles et académiques israéliennes qui lavent les mains des génocidaires. Après vous avoir invité cordialement à envisager l’annulation des venues de Lahav Shani et du Jerusalem Quartet, nous vous l’exigeons. Et malgré vos habitudes policières prises le 6 novembre dernier, nos revendications et surtout les voix palestiniennes dont nous nous faisons le relais ne souffriront aucune de vos répressions. Enfin, dans le doute que tout cela soit entendu il nous faudra constater que vous n’avez pas été à la hauteur de vos fonctions d’un point de vue politique et moral et qu’il nous semblera justifié d’exiger votre démission au nom de la dignité des victimes d’un génocide que vous avez décidé de normaliser. L’histoire finira par juger les auteur.ice.s du génocide et leurs complices. À ce jour, vous êtes sur le banc des accusés.

Tahia Falestine !

Artistes pour la Palestine - France
Palestine Action
Union Juive Française pour la Paix
Tsedek
Culture en luttes

On Sunday, November 30, 2025, the Rotterdam Philharmonic Orchestra will give a concert at the Philharmonie de Paris (Cité de la Musique) under the baton of its music director Lahav Shani, who is also music director of the Israel Philharmonic Orchestra and will be music director of the Munich Philharmonic Orchestra from September 2026. A previous concert given on November 6 at the same venue by the Israel Symphony Orchestra under the same conductor was the scene of incidents, following which four pro-Palestinian protesters were charged and in turn filed various complaints for assault and violation of the secrecy of the investigation. Several organizations have just sent the letter below to the director of the Philharmonic. -Tlaxcala

Thursday, 27 November 2025

Sir,

Since the beginning of the genocide in Gaza, nearly 70,000 people have been killed—men, women, and children included. Still in Gaza, 345 people have been killed and 889 injured by the Israeli army since the so-called “ceasefire” came into effect on October 11, a ceasefire that has been violated more than 500 times. In two years, the equivalent of six Hiroshima bombs has been dropped on a territory barely 150 square kilometers in size. Humanitarian and medical aid remains blocked while, with winter approaching, epidemics are preparing to follow in the footsteps of famine. Every day, bodies pile up—when they have the “luck” of being found. On Monday, November 24, armed Israeli militias forced children out of the Palestinian National Theatre (El-Hakawati Theatre) in occupied Jerusalem. These weapons will certainly attract less attention than a few harmless smoke flares raised in front of the cultural ambassadors of the State of Israel.

The genocide—characterized as such by the relevant international legal bodies—continues before our eyes. And you, what are you doing?

Not only have you invited the Israel Philharmonic Orchestra (IPO) and its principal conductor, official ambassadors of a colonial state in the midst of committing genocide; not only have you welcomed musicians who relay the dehumanization of Palestinians through reprehensible disinformation on their social media—for instance, Eleonora Lutsky speaking of “Hamaswood,” or Kirill Mihanovsky referring to Palestinians as “monstrous neighbors”; not only have you taken peaceful activists to court for calling for the legitimate boycott of Israeli cultural institutions that participate in the normalization of genocide—you have chosen to plunge your institution deeper into falsehood, hoping never to have to assume your responsibilities before history and before justice.
You lied to your employees during an extraordinary general assembly, describing peaceful activists as violent, ignoring the racist and homophobic insults from part of the audience, and claiming you did not know the orchestra would play the Israeli anthem even though they perform it regularly on tour. Yes—the anthem was not played in response to the action of our comrades; it was a premeditated act.

You were cordially invited—considering the Palestinian calls and in accordance with international law—to cancel the appearances of Lahav Shani, the IPO, and the Jerusalem Quartet due to the institutional role they play in the cultural whitewashing of the crime of genocide committed by Israel. To these calls you again responded with falsehoods and with the blatant instrumentalization of Palestinian artists programmed in your institution, using them to justify your collaboration with the cultural institutions of a genocidal state.
This Tuesday, November 25, you chose to fully assume this political agenda and drag your entire institution into the propaganda narrative by agreeing to Lahav Shani’s request to address your employees. His “explanation” was nothing more than a renewed condemnation, describing peaceful protest as an “armed attack” against Israeli identity. Yet every call to boycott you received was very clear: “We are not calling for a boycott of artists because of their Israeli nationality, but because of their institutional participation in the erasure of Palestinian lives orchestrated by the Israeli state.”
You impose propaganda—hasbara—on your employees through these explanations, while refusing dialogue with those who have been warning you from the start about this complicity with the worst. This is your way of silencing Palestinian voices.

Hiding behind the supposed apolitical nature of classical music was already an outrage given the suffering endured by Palestinians over the past two years and in the face of international law. After such relentless efforts to maintain collaboration with the ambassadors of genocide—calling disproportionately on police and judicial force—were we to hope you might come to your senses?
Today you are ready to excuse an affront to human dignity and to international law—just like the anthem of the genocidal state that resounded within your walls. And why? To avoid risking the cancellation of a concert with Martha Argerich because it would look bad among your peers? Or to avoid offending the far-right political and media forces that have supported you unconditionally since November 6, just as they support genocidal policy?

Cast aside your sham humanist values and assume the reactionary agenda you have chosen to adopt by opening your institution’s doors to those who deny the value of Palestinian lives and international law. Your lies continue, because no—this institution is no longer ours. You have handed it over to the fascism eating away at the world; you have made it a banner of dehumanization and the normalization of the darkest hours of our present. You never wished to hear us when we warned you. You turn a deaf ear to the sound of bombs exploding over Gaza, killing thousands of men, women, and children, but you open your stage to those who drop them there—and in Qatar, Iran, Yemen, Lebanon, and Syria as well.

What are we to expect for the concerts of November 30 and January 16? A Philharmonie turned into a bunker, new stronghold of law enforcement and repression in Paris’s 19th arrondissement? A summit of institutions and associations denying the ongoing genocide and—through the very worst form of antisemitism, which consists of conflating all Jews worldwide with the State of Israel—instrumentalizing Jewish history and culture for warlike purposes?
If you cannot hear the suffering of Palestinians, have you at least understood that of your employees and of the music-lovers you are dragging into your outrageous complicity?

In the name of the music we defend, in the name of the humanity we embody, and since this is supposedly still our institution according to you, we call on you to cease all collaboration with Israeli cultural and academic institutions that wash the hands of the perpetrators of genocide.
After having cordially invited you to consider cancelling the appearances of Lahav Shani and the Jerusalem Quartet, we now demand it. And despite the policing habits you embraced on November 6, our demands—and above all the Palestinian voices we relay—will not tolerate any repression from you.
Finally, should all this go unheard, we will be forced to acknowledge that you have failed to meet the political and moral responsibilities of your position, and it will seem justified to demand your resignation in the name of the dignity of the victims of a genocide you have chosen to normalize.
History will judge the perpetrators of genocide and their accomplices. As of today, you sit on the defendants’ bench.

Tahia Falestine!

Artistes pour la Palestine - France
Palestine Action
Union Juive Française pour la Paix
Tsedek
Culture en lutte

 

26/11/2025

Palestine : par la Résolution 2803, le Conseil de sécurité de l’ONU légitime une occupation illégale

Micaela Frulli, Triestino Mariniello, il manifesto, 22/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Micaela Frulli est professeure de droit international à l’université de Florence. Elle a notamment écrit « Immunité et crimes internationaux. L’exercice de la juridiction pénale et civile à l’égard des organes étatiques soupçonnés de crimes internationaux graves » (Giappichelli)

Triestino Mariniello est professeur de droit à l’université John Moores de Liverpool et fait partie de l’équipe juridique qui représente les victimes de Gaza devant la Cour pénale internationale.

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle des points critiques profonds et des contradictions qui compromettent sa validité et sa légitimité


Emad Hajjaj, mars 2024

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle de profondes contradictions et des points critiques qui compromettent sa validité et sa légitimité.

La plus grande limite réside dans la violation implicite du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. La résolution subordonne toute « voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien » à la mise en œuvre d’un programme de réformes de l’Autorité nationale palestinienne, l’organisme qui administre la Cisjordanie, qui n’est d’ailleurs jamais mentionné dans la résolution. Cette conditionnalité transforme un droit inaliénable, reconnu par la Charte des Nations unies, réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour internationale de justice (CIJ) et qui a valeur de norme contraignante, en un objectif à atteindre dans un avenir indéfini : la possibilité de construire un État palestinien est suspendue pour une durée indéterminée.

Toutefois, le Conseil de sécurité ne peut exercer ses pouvoirs en dehors du périmètre fixé par le droit international. La Commission du droit international des Nations unies a précisé que les décisions des organisations internationales ne peuvent créer d’obligations juridiques lorsqu’elles entrent en conflit avec les normes contraignantes du droit international général et que les actes normalement contraignants risquent d’être invalides s’ils violent des principes fondamentaux et impératifs.

La légalité de la mise en place d’une administration fiduciaire internationale sur Gaza est également douteuse, car elle reprend des modèles hérités de l’ère coloniale, tels que les mandats de la Société des Nations après la Première Guerre mondiale, conçus pour gouverner des territoires privés de leur autodétermination. Cette administration – confiée au « Board of Peace » (BoP), un organe hybride doté de pouvoirs étendus et peu définis – se superpose à l’occupation existante sans en contester l’illégalité, avec le risque de la consolider dans le temps. En outre, le BoP, présidé par le président usaméricain Donald Trump, crée une friction évidente avec les critères d’impartialité requis pour l’administration internationale d’un territoire. Les administrations internationales de la MINUK au Kosovo ou de l’UNTAET au Timor oriental étaient placées sous l’autorité de l’ONU et prévoyaient des mécanismes de garantie et de responsabilité.

L’autorisation de créer une Force internationale de stabilisation (ISF) et d’« utiliser toutes les mesures nécessaires » pour remplir son mandat rappelle la formule standard pour l’usage de la force contenue dans les autorisations précédentes accordées aux États, mais avec une différence cruciale : cette fois-ci, l’ISF agit sous l’autorité du « Board of Peace » et seule une demande générique est prévue pour les États qui en font partie afin qu’ils fassent régulièrement rapport au Conseil de sécurité.

En outre, une démilitarisation unilatérale de la bande de Gaza est prévue et il est établi que le retrait des troupes israéliennes doit être convenu avec l’armée israélienne, celle-ci pouvant maintenir sa présence pour une durée indéterminée.

En outre, la résolution n’aborde pas l’un des points les plus critiques : la détermination des responsabilités pour les violations du droit international commises au cours des deux dernières années. Il n’y a aucune référence aux rapports de la Commission d’enquête des Nations unies, qui constatent la commission de crimes internationaux et d’actes de génocide par Israël et ses dirigeants, ni à l’avis de la Cour internationale de justice de 2024 qui a déclaré l’illégalité de l’occupation et aux résolutions ultérieures de l’Assemble Générale de l’ONU, ni aux enquêtes de la Cour pénale internationale. Il est également déconcertant de constater l’absence totale de mesures de réparation et d’indemnisation pour les victimes, alors que ceux qui ont détruit la bande de Gaza sont exemptés de toute obligation de réparation.

La résolution sur Gaza intervient quelques jours après une autre décision controversée du Conseil de sécurité (résolution 2797 de 2025), celle sur le Sahara occidental. Dans ce cas, le texte, également présenté par les USA, a approuvé le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, reconnaissant de fait la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en violation du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

À la lumière de ces développements, l’image d’un Conseil de sécurité qui tend à adopter des résolutions sous l’influence de certains de ses membres permanents, s’écartant ainsi de la légalité et de la Charte elle-même, apparaît de plus en plus clairement.

Le droit international finit ainsi par être traité non pas comme un instrument essentiel pour construire une paix juste, fondée sur le droit à l’autodétermination des peuples et le respect des principes fondamentaux, mais comme un obstacle à contourner.


Maisara Baroud, I’m still alive (je suis encore en vie), toile imprimée, 2024

L’impunité israélienne

Luis E. Sabini Fernández, 26/11/2025
Traduit par Tlaxcala

La violence

Dans ma vie personnelle, j’ai toujours été sceptique à l’égard des coups de main guérilleros auxquels j’ai assisté ou dont j’ai eu connaissance dans le Cône Sud (bien que certains aient été très sympathiques et que pratiquement tous aient impliqué un engagement personnel énorme, un « dévouement à la cause »), parce qu’ils me semblaient potentiellement autocratiques, facilitant avec trop de rapidité l’intronisation d’autres dirigeants, toujours au détriment du rôle de « gens comme nous ».

Telles sont mes expériences concernant la guérilla latino-américaine, engagée avec beaucoup de courage et d’abnégation, mais aussi d’aveuglement. C’est ainsi que j’ai souscrit au témoignage d’un ancien agent secret cubain, fils du célèbre guérillero argentin Ricardo Masetti, auquel Guevara avait confié la mission de créer un foyer révolutionnaire dans ses plans « continentaux » pour l’Amérique du Sud — mission qu’il put à peine mettre en œuvre¹.
Le fils, Jorge Masetti, Argentin mais élevé à Cuba, fut éduqué et formé comme agent révolutionnaire. Fidel voulait accomplir avec le fils ce qu’il n’avait pu obtenir du père. Et lorsqu’il fut totalement « au point », il renonça à cette voie en constatant la série d’échecs des guérillas latino-américaines (et la phase quasi inévitable suivante : la délinquance commune). Il commenta alors : « Quelle chance que nous n’ayons pas gagné».

Sous-sols de la Mort 3, acrylique sur toile, 2021

Palestine

Tout ce préambule pour reconnaître que la violence existant en Palestine est différente, radicalement différente. La violence venant d’en bas, celle des Palestiniens, n’est guère plus qu’une réponse à la machine israélienne, écrasante.

L’image de l’enfant ou des enfants lançant des pierres face à un tank est extraordinairement précise pour illustrer le rapport de forces. Une telle autodéfense, contre-attaque civile, désespérée, comme celle de la jeune fille brandissant une paire de ciseaux de couture dans la rue, parce qu’elle n’en pouvait plus, et qui fut abattue sans hésitation (et sans nécessité). Car Israël réprime ainsi : de manière brutale, annihilatrice, hors la loi mais avec un excès de technique².

Nous sommes face à un traitement particulier de l’ennemi. Netanyahou et d’autres dirigeants l’ont dit et répété : ils combattent des animaux, pas des humains — ou plutôt si, des humains, mais des Amalécites. Et leur dieu leur a donné la permission, il y a quelques millénaires, de les tuer (voir l’Exode dans la Bible).

C’est un permis de très longue durée. Et « parfaitement valide » au XXI siècle.

Mais qui a dit à Netanyahou que les Palestiniens étaient des Amalécites ?

                 

 Gaza Relief, acrylique et autres matériaux sur toile, 2015

Le comportement de la population israélienne est frappant. Voyons les colons en Cisjordanie. Jamais autorisés par l’ONU, mais s’installant de facto sur un territoire internationalement reconnu comme palestinien, avec l’assentiment non exprimé du gouvernement israélien. Il y a quelques années, ils étaient des dizaines de milliers et, en petits groupes, protégés par l’armée, ils approchaient les villages palestiniens et les lapidaient, endommageaient oliveraies et citronniers. À coups de haches ou de caillasses. Parfois il y avait des blessés. Aujourd’hui, les colons sont des centaines de milliers, toujours protégés par l’armée, et en bandes armées de dizaines ou de centaines, ils rasent des villages palestiniens, détruisant maisons, installations, cultures, véhicules et parfois les corps des Palestiniens qu’ils trouvent sur leur chemin. Cherchant à instaurer la terreur.

Dernièrement, l’armée a pris l’initiative : sous prétexte de chercher des « terroristes », elle a détruit des quartiers entiers de population palestinienne désarmée : maisons, vêtements, jardins, jouets, livres, ustensiles — tous les éléments matériels de la vie sociale. Les familles se retrouvent sans foyer, sans biens, souvent sans proches, assassinés dans une dose quotidienne d’horreur.

Il s'agit pratiquement de la politique de « terre brûlée » attribuée à certaines invasions telles que celle des Huns, « barbares » des IVe et Ve siècles de l'ère chrétienne.

Les militaires israéliens ont même établi des barèmes : pour éliminer un petit guérillero, ils s’autorisent jusqu’à 15 civils tués ; pour un chef guérillero, jusqu’à 100 victimes collatérales⁴.

Depuis des décennies, nous voyons les effets du plan Yinon, exposé au début des années 1980. Oded Yinon proposait de fragmenter les États voisins en unités politiques plus petites : le Liban en deux ou trois ; l’Égypte en cinq ou six ; l’Irak en trois ; le Soudan en deux… et ainsi de suite.

Israël, ouvertement ou sous couvert de structures comme Daesh, a vu ses objectifs se réaliser progressivement : Libye, Irak, Syrie, Soudan, Liban, Palestine ont été dévastés par sa politique d’usure, toujours soutenue matériellement par les USA, qui ont joué le rôle de remorque et d'approvisionneur de l’imparable machine israélienne.

Ce soutien inconditionnel des USA à la géopolitique israélienne s'explique de plusieurs façons ; il existe un certain parallélisme entre les développements historiques des USA et d'Israël, bien que dans des contextes historiques très différents. Une base religieuse relativement commune, car les protestants sont les chrétiens qui ont réévalué certains aspects de l'Ancien Testament, qui est le noyau idéologique de la religion juive. Et ce sont eux qui ont colonisé l'Amérique du Nord, exterminant la population autochtone. Bible en main.

Mais surtout, parce qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les USA rompent leurs liens avec la Société des Nations obsolète (disparue en 1946) et fondent « leur » ONU (octobre 1945), l'élite WASP, fondatrice des USA, avait déjà été partiellement remplacée par l'élite juive grâce à une série de stratagèmes : think tanks, l'intelligentsia juive a un poids de plus en plus important ; la Réserve fédérale (le capital financier juif devient majoritaire parmi les dix banques fondatrices, en 1913) ; Hollywood (six des sept grandes entreprises seront dans les années 30 détenues et dirigées par des Juifs, de sorte que de plus en plus les images des USA seront produites avec un regard juif ; et surtout grâce au financement coûteux du personnel politique usaméricain, pour lequel l'AIPAC est fondé en 1951.2 Sans ces subventions, l'insertion sociale de la plupart de ces législateurs serait très difficile.

C'est pourquoi l'une des images les plus simplistes et erronées de certains analystes de politique internationale a été, et est encore souvent, celle du « sous-marin de la flotte usaméricaine » pour parler d'Israël au Proche-Orient. L'image (tail wagging the dog), très connue dans la pensée critique usaméricaine, selon laquelle la queue fait remuer le chien, semble plus appropriée.

Deux événements récents, dans l'orbite de l'ONU, cet ancien instrument que les USA se sont arrogé à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour ordonner et/ou administrer le monde, nous montrent à quel point Israël mène la danse, changeant même les modalités de domination.

     

Sans titre, 2020

Jusqu'à récemment, très récemment, le pouvoir avait l'habitude de cacher son visage, ou ses crocs, et de dissimuler ses actions sous le couvert de la « volonté de paix », de la « recherche d'objectifs démocratiques », de la « conciliation » et de l'« aplanissement des difficultés ». Après tout, le résultat de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, a été la victoire contre toutes les formes de dictature (il restait là, « derrière le rideau », une dictature prétendument prolétarienne, et donc totalement différente de celles connues jusqu'alors ; il restait également celle de Franco en Espagne, mais cette dernière, comme tant d'autres en « Amérique latine », faisait partie de cette politique pragmatique yankee consistant à prendre soin du fils de pute s'il est « à nous »).

En d'autres termes, la défense de la démocratie avait ses difficultés, mais elle était encore invoquée.

1. La résolution du Conseil de sécurité du 11 novembre 2025

La résolution « sur le conflit à Gaza » exonère totalement Israël. Elle accepte tacitement la version israélienne d’un Israël « victime du terrorisme du Hamas », ignorant totalement les décennies de blocus, d’étouffement et d’abus qui ont façonné l’événement du 7 octobre 2023.

Israël ne subit ainsi aucune égratignure politique (ni économique) avec la résolution.

Ils n'auront même pas à rendre compte des meurtres collectifs et de leurs monstrueuses « équivalences » en vies humaines4, ni à indemniser les dommages brutaux causés à un territoire qui apparaît broyé et écrasé comme rarement auparavant. Ils n'auront pas non plus à faire face aux dépenses que nécessiteront la remise en état des sols, des logements, des réseaux de communication et d'assainissement, ni la reconstruction des hôpitaux, sans parler des milliers d'êtres humains brisés par le simple fait de vivre dans le cercle infernal conçu par Israël.

Le président des USA, qui aspire à maintenir l'hégémonie qui leur a été confiée en 1945, s'attribue désormais une présidence ou un gouvernement virtuel de la bande de Gaza, pour ─proclame-t-il─ sa reconstruction, toujours à la recherche de la prospérité (la seule chose positive dans cette démarche serait d'ôter à Israël son emprise sur ce territoire, mais je le mets au conditionnel, car ce n'est pas exactement Trump qui décide).

Le plan prévoit deux ans pour la reconstruction urbaine et immobilière. Compte tenu des dégâts visibles, de leur étendue et de leur ampleur, ce délai semble insuffisant.

Il comporte toutefois un aspect positif : l'idée de l'exil forcé des Gazaouis, tant promue par le gouvernement israélien, est abandonnée. Au contraire, du moins en paroles, la résolution déclare expressément la volonté de voir les habitants historiques rester dans la bande de Gaza.

Quoi qu'il en soit, le plan ne cache pas ses ambitions de business : attirer des capitaux importants pour créer des zones de confort, non pas pour les Gazaouis précisément, mais pour les milliardaires que Jared Kushner s'efforce tant d'attirer dans le futur complexe touristique de Gaza.

Nous ne pouvons oublier que des prospections ont confirmé la présence au moins de gaz en Méditerranée, à hauteur de la bande de Gaza. Et que la régence transnationale et impériale que Trump et Blair ─rien de moins─ cherchent à incarner a une préférence marquée pour leur propre prospérité.

L'ONU ne demande pas de comptes à Israël. Toujours absous de tout. Par droit de naissance, faut-il supposer. Mais en outre, dans les faits, l'ONU rétablit le colonialisme pur et dur : une puissance impériale, les USA, désigne Trump et Blair « roi et vice-roi » de ces domaines, afin de rétablir le cadre colonial. Seulement, il ne s'agit pas du colonialisme israélien, mais usaméricain.

La tâche que se sont assigné les chefs colonisateurs est ardue : ils se proposent de « changer les mentalités et les récits palestiniens », afin de persuader, semble-t-il, ces sauvages « des avantages que peut apporter la paix » (sic !).

Si ces maîtres pédagogues ─Blair et Trump─ voulaient proclamer les vertus de la paix, ils devraient s'adresser de toute urgence à la formation politique sioniste, qui, depuis cent ans, a toujours suivi la voie de la violence, et non celle de la paix, la voie de la guerre et de la conquête, envahissant des terres occupées depuis des millénaires, sur la base de documents bibliques douteux. Confondant délibérément religion et légende avec l'histoire documentaire.

La résolution du 11 novembre 2025 a été adoptée par le Conseil de sécurité élargi de l'ONU, qui ne comprend plus seulement les cinq membres originaux (USA, Royaume-Uni, France, Russie, Chine), mais aussi les membres actuels : Argentine, Italie, Espagne, Mexique, Colombie, Pakistan, Corée du Sud, Turquie, Indonésie et Allemagne.

Seules deux abstentions (peu fondées) de la Russie et de la Chine. Aucune des 15 représentations nationales n'a demandé pourquoi Israël pouvait se permettre un comportement violent, raciste et génocidaire en toute impunité.

       

          Détenu, 2024

Les personnes lucides et courageuses, désignées ou fonctionnaires de l'ONU elle-même, au fil du temps, comme Francesca Albanese, Susan Akram ou Richard Falk avant elles, et même Folke Bernadotte au tout début de l'ONU, et tant d'autres, ne suffisent pas à contrebalancer le rôle impérial, puis néo-impérial, que l'ONU continue de jouer, malgré les restrictions et les coupes budgétaires.

2. Le vote du 21 novembre 2025 contre la torture

Le 21 novembre 2025, l'Assemblée générale des Nations unies a rendu un avis contre le recours à la torture. La plénière comptait 176 délégations nationales et la résolution a été approuvée à une écrasante majorité (il y a eu 4 abstentions, dont celles du Nicaragua et de la Russie, ce qui soulève de nombreuses questions), mais surtout, elle a suscité la vive opposition de trois représentations nationales : les USA, Israël et l'Argentine. Ces pays ont alors défendu précisément cela : le recours à la torture.

De sombres nuages planent sur notre présent : non seulement la torture est encore utilisée, mais certains la préconisent, à l'instar des dictatures telles que les célèbres dictatures « latino-américaines » de Trujillo ou Pinochet, ou celle du shah d'Iran et, surtout aujourd'hui, celles très perfectionnées d'Israël et de son système de domination très rationnel qui comprend tant de types de torture.

  

Sans date, dessin au fusain et au pastel

Notre trame culturelle est tellement bouleversée qu'une militaire israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi, procureure qui, après avoir ignoré tant d'abus et de tortures antérieurs, a récemment choisi de criminaliser cinq soldats de « l'armée la plus morale du monde » pour avoir introduit des tubes métalliques dans l'anus d'un prisonnier palestinien et (évidemment) lui avoir fait du mal. Les médias du monde entier parlent de l'arrestation de la procureure, mais pas de la santé (ou de la mort) du Palestinien ; la procureure a elle-même été emprisonnée.

Netanyahou a condamné la diffusion de la vidéo faite par Tomer parce que, bien sûr, « cela nuit à l'image ».

Ce qui compte pour Netanyahou, c’est « l’image » et pas la réalité (sérieusement endommagée).

Ce qui est arrivé à Tomer est un exemple clair du comportement adopté et défendu par les gouvernements des USA, d'Israël et d'Argentine.

De la honte, ne serait-ce que comme posture, nous sommes passés au « grand honneur ». Les « légitimes » torturent et non seulement ils ne se déshonorent pas, nous déshonorant tous, mais ils en sont même fiers.

Illustrations : œuvres du peintre palestinien Mohamed Saleh Khalil, Ramallah

Notes

¹ Il a écrit un livre : La fureur et le délire, Tusquets, Barcelone, 1999.

² Israël minimise la responsabilité individuelle en menant ses raids via drones et systèmes automatisés…

³ AIPAC (American Israel Public Affairs Committee – Comité Américain des affaires publiques d’Israël). On estime qu'aujourd'hui, les trois quarts des représentants et sénateurs du pouvoir législatif usaméricain reçoivent de généreux dons d'organisations telles que l'AIPAC. Autrement dit, les votes sont gagnés d'avance.

⁴ Les militaires israéliens ont établi des tableaux d’équivalence : pour localiser et éliminer un guérillero de peu d'importance, ils s'autorisent à tuer jusqu'à quinze civils désarmés, souvent étrangers à l'affaire ; s'il s'agit d'un chef guérillero ─tel qu'ils le définissent─, ils s'autorisent à tuer jusqu'à cent personnes étrangères à l'objectif lui-même.