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12/11/2025

Le colonialisme n’est pas mort et une troisième guerre mondiale bat son plein
Quelques dates-clé

 

Luis E. Sabini Fernández, 12/11/2025

Traduit par Tlaxcala

Un vieil aphorisme chinois mordant nous rappelle que lorsque le doigt montre la lune, l’idiot regarde le doigt.

Et nous en sommes là, de plus en plus, dans notre société du spectacle.

Nous parlons de Hamas, pas du sionisme.
Nous parlons de bipeurs et d’interphones, pas de ceux qui les ont construits. Et pourquoi.
Nous parlons de l’armée israélienne pulvérisant des villes entières avec leur population, mais pas de ce qui a permis aux militaires sionistes de fabriquer en toute impunité des décombres de maçonnerie avec corps humains inclus : un mortier dont on peut à peine formuler la nature, tant il nous paraît atroce et étranger à tout sentiment humain.


Nous parlons des embarcations explosées en haute mer, dans les Caraïbes ou dans le Pacifique, et non du dieu de la guerre si étroitement lié à la manière american de vivre-dans-le-monde.

Tout cela indique une montée de la brutalité politique, un déchaînement d’incontinence et d’arrogance. Depuis les sommets du pouvoir planétaire, car dans les plaines, les marécages, les côtes, les banlieues, ce qui augmente, ce sont l’exclusion et les victimes.

Sommes-nous dans la troisième guerre mondiale, tant de fois annoncée ? Il semble bien que oui — sans que l’immense majorité d’entre nous le sache, ni qu’on puisse dire depuis quand.

Plusieurs dates peuvent être On peut marquer plusieurs dates pour cette commémoration pathétique et tragique.

14 mai 1948

Ce jour-là est « fondé » l’État d’Israël. Et avec lui se réactualise le colonialisme débridé qui marqua le début de la modernité occidentale aux XVe et XVIe siècles.

Le cycle colonial semblait clos avec l’épanouissement de la démocratie « universelle » en 1945. Très vite, on vit que le colonialisme n’avait pas disparu, loin de là : il avait changé d’habits, rebaptisé désormais néocolonialisme. La différence fondamentale était que l’ancien colonialisme — celui du British Empire, par exemple — arborait fièrement, sur toutes les mers, son drapeau britannique[1]. Le colonialisme rajeuni d’après 1945 inaugura au contraire de nouveaux drapeaux pour les colonies, désormais « ex-colonies ». Des drapeaux propres : une affirmation de soi purement symbolique.

Ainsi, publiquement, et à grand renfort de discours sur « l’émancipation et la souveraineté nationale », on déclara clos le cycle colonial, avec ses abus honteux, ses vols et ses génocides. On entrait dans une ère de « paix sans violence ». Démocratie pour tous, ou plutôt for everybody. Mais on verra bien vite que tous n’étaient pas tous, et que ce tous se réduisait à une minorité.

Mais, ô merveilles des politiques impériales !, tandis que le colonialisme se poursuivait avec un élan technologique renouvelé sous des formes plus insidieuses dans le « Tiers Monde », en changeant même de nom et en inaugurant, tambour battant, des États « nouveaux, modernes et démocratiques », on créait aussi, en 1948, des États dans le vieux style : Israël fut érigé avec une population étrangère au territoire (à 95–98 %, bien qu’introduite graduellement sur des décennies), tout en vidant plus de la moitié de la population historique du lieu. Et un autre État du vieux style, en 1948, changeait simplement de chemise : la République d’Afrique du Sud devenait l’Union sud-africaine et établissait, en toute légalité, la politique d’apartheid[2].

Tout n’était pas néocolonial : il y eut aussi des États comme le Nigeria, la Tunisie ou la Birmanie.

Dans l’Union sud-africaine, on reconnaissait aux colons européens des droits sur les terres arrachées aux peuples africains — zoulou, kongo, luba et autres. Les Européens qui avaient bâti l’Union sud-africaine étaient britanniques, arrivés au XIXe siècle, mais des Hollandais s’y étaient installés dès le XVIIe, et, plus à l’intérieur des terres, prétendaient être plus « originaires » que les Britanniques. En réalité, c’étaient des colonialistes exterminateurs plus anciens : ils réglèrent leurs différends par une guerre entre Blancs, où les Anglais n’hésitèrent pas à exterminer les Boers au tournant du XIXe et du XXe siècle. Comprendre cela coûta à l’ONU quelques décennies… et à Nelson Mandela, vingt-sept ans de prison.


L’assaut sioniste contre la Palestine, en tant qu’« action de guerre de conquête », peut bien être considéré comme une date ou une annonce de « troisième guerre mondiale ». Pourtant, la proximité historique avec la guerre tout juste achevée, celle de 1939–1945, rendait peu imaginable que l’humanité se retrouvât si tôt plongée dans un autre conflit mondial.

La possibilité d’une « troisième guerre mondiale » reprit vigueur avec la disparition de « l’équilibre des deux superpuissances » (de 1945 à 1991).

Alors, les USA et leurs élites de pouvoir sentirent — une fois encore — que leur heure avait sonné : ils rêvaient de faire du XXIe siècle « le nouveau siècle américain », mais cette fois-ci de manière exclusive.[3]

 


11 septembre 2001

Presque aussitôt, le monde fut bouleversé par l’effondrement des tours de New York, l’implosion du bâtiment 7 et l’explosion — ou le tir de missile — contre un flanc du Pentagone. Cela paraît trop considérable pour avoir été accompli uniquement par des cellules terroristes d’origine arabe (bien que, sans doute, des Arabes aient été impliqués : on retrouva sur les lieux des passeports ou documents d’identité d’origine arabe, miraculeusement intacts).

Le 11 septembre 2001 entraîna l’arrestation immédiate et sommaire à New York d’autant de Juifs et d’Israéliens que d’Arabes — des centaines. À noter. Sans nul doute, par la violence déployée, cet attentat nous rapprocha beaucoup d’une troisième guerre mondiale aux protagonistes brouillés. La violence et l’ignorance croissent de concert. Ce qui gagne, c’est l’hétéronomie. Le mystère du 11 septembre 2001 demeure.

 

27 février 2014 ou 24 février 2022

Avec l’expansion de l’OTAN, les néoconservateurs, suprémacistes, reprirent du vent dans les voiles, et, soutenus par une cranothèque fondamentalement sioniste, poursuivirent leur expansion aux dépens de nombreux États ex-communistes.

Ainsi, des près de dix-huit États qui formaient, avec la Russie, l’URSS, la majorité des sociétés post-soviétiques, avides de se débarrasser du bâillon soviétique, firent défection. La Russie ne parvint à maintenir des relations supposément fraternelles qu’avec une demi-douzaine d’États voisins : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Tadjikistan et Kazakhstan.

La Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Finlande, l’Ouzbékistan, la Pologne, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, la Tchéquie quittèrent l’influence russe et rejoignirent le « camp occidental » via l’intégration à l’Union européenne.

Un grand pays européen — l’Ukraine —, environ 700 000 km² et 45 millions d’habitants, en remettant les armes nucléaires héritées de l’URSS, resta en terra nullius, “terre de personne”. La Russie exigea sa neutralisation, comme convenu lors de l’effondrement soviétique. Mais les ambitions hégémoniques des USA — ou de leurs forces internes, le « deep state » — modifièrent la donne.

L’Ukraine, composante majeure de l’ex-URSS, fut considérée par la cranothèque usaméricaine —Victoria Nuland à sa tête — comme un fruit mûr pour la récolte occidentale. Par la persuasion ou la contrainte. Une présidence favorable à la Russie fut renversée ; des mobilisations violentes, faisant des dizaines de morts, installèrent un gouvernement pro-occidental.

Le tournant devint de plus en plus antirusse : suppression de textes et de cours en russe malgré une forte population russophone, harcèlement — y compris violent — des « Russes », probablement en règlement de vieilles rancunes. Une contre-résistance russophone, aussitôt soutenue par Moscou, s’organisa. Certaines régions désobéirent au gouvernement ukrainien (Donetsk, Lougansk, la Crimée). Finalement, pour empêcher l’intégration de l’Ukraine à l’UE, la Russie, sous Vladimir Poutine, malgré des avertissements répétés, envahit le pays à la manière classique — une réaction militaire après huit ans d’attente.

Un autre scénario possible de début de troisième guerre mondiale, même si l’on perçoit aussi des efforts pour conjurer un tel dénouement.


Calligraphie "Toufan Al Aqsa" (Déluge d'Al Aqsa   )

7 octobre 2023

Comme si nous n’avions pas assez de casus belli, le 7 octobre 2023 surgit une situation qui, une fois de plus, nous plaça — et nous place encore — aux portes de la très rebattue troisième guerre mondiale. Comme si certains tenaient à la déclencher : l’indéfinition trouble et inquiète.

Ce qui survient — et est en train de survenir — n’est rien moins qu’un génocide répondant à tous les critères établis par Raphael Lemkin, le créateur du terme : un génocide de manuel, signé fièrement par le sionisme et ses dirigeants.

Bien que les médias d’incommunication de masse se soient empressés de peindre la situation comme l’attaque perfide de combattants musulmans irréguliers — le Hamas —, la vérité est toute autre.

Nous n’étions pas dans le meilleur des mondes lorsque le Hamas déclencha son raid meurtrier. Bien au contraire. Edward Said décrivait la situation de Gaza en 2002 (il mourut en 2003, avant de voir l’aggravation brutale de ce qu’il avait décrit). En 2006, Israël enferma Gaza par air, mer et terre, rendant encore plus insoutenable la description de Said :

« Gaza est entourée d’une clôture électrifiée sur trois côtés ; emprisonnés comme des animaux, les Gazaouis sont empêchés de se déplacer, de travailler, de vendre leurs légumes ou leurs fruits, d’aller à l’école. Exposés toute la journée aux avions et aux hélicoptères, abattus comme des dindons de basse-cour, depuis les airs et depuis le sol. Appauvris et affamés, Gaza est une sorte de cauchemar […] avec des milliers de soldats voués à l’humiliation, au châtiment et à l’affaiblissement de chaque Palestinien, quel que soit son âge, son sexe ou son état de santé. Les soins médicaux ne pénètrent pas le territoire ; les ambulances sont prises pour cibles ou bloquées. Des centaines de maisons sont démolies et des centaines de milliers d’arbres fruitiers détruits, ainsi que les terres arables : punitions collectives contre une population civile et désarmée […] »

Vingt ans plus tard, le garrot n’a pas desserré d’un pouce ; tout s’est détérioré et aggravé. Il n’y a plus de fruits ni de légumes dans l’agriculture autrefois florissante de Gaza, sabotée de mille façons.

Israël s’est senti maltraité par les Palestiniens, par le Hamas, en 2023. Il s’est senti attaqué. Il a été attaqué. Il trouva horrible ce que les irréguliers avaient fait en pénétrant avec des bicyclettes, des parapentes, des pelleteuses et des motos. Un déferlement de violence s’était abattu sur lui.

Mais que croyaient-ils ? Comme l’explique Enzo Traverso :

« Le discours dominant sur le 7 octobre fut comme l’éruption d’une épiphanie négative, l’apparition soudaine du Mal qui déclencha une guerre de réparation. Le 7 octobre, Israël remit le compteur à zéro, comme si les événements de ce jour étaient la seule cause de la tragédie. »

Comme si tout ce qu’Israël infligeait à la Palestine — et à Gaza en particulier — n’existait pas. Israël, et tout l’appareil médiatique sous son influence, assigna à chacun son rôle : au Hamas, celui de bourreau ; et, ô surprise, à Israël, celui de victime. Une inversion pathétique de la vérité historique : l’offenseur se sent offensé ; le tortionnaire, torturé ; celui qui dispose des vies et des biens d’autrui, victime.

Mais la réalité est têtue. Et la fluidité médiatique actuelle retire au pouvoir constitué le monopole de presque toutes les cartes.

Nous avons vu la réaction d’une grande partie des Juifs, surtout jeunes, rompant avec les « vérités consacrées » ; refusant de croire qu’Israël est la victime universelle.

Le rôle d’Israël dans le monde est si bouleversant, si terrifiant, que nous voyons, en Europe, en Asie, mais surtout aux USA, la contestation des « vérités officielles » prendre corps.

Un journaliste de droite, trumpiste, mais avide de vérité plutôt que d’illusions — Tucker Carlson — s’efforce de remuer les ordures médiatiques qui nous submergent chaque jour. Il est, par exemple, à la tête d’un mouvement visant à réexaminer les assassinats des Kennedy, plus d’un demi-siècle après (et, inévitablement, viendra le besoin de vérité sur les événements de 2001… plus de trois mille morts attendent encore).

L’« astuce » israélienne se voit, par exemple, dans la GHF, institution créée pour « nourrir » les Gazaouis : elle distribue dans quatre points, obligeant à marcher 5 ou 10 km pour recevoir… des balles, des pâtes, du riz. Littéralement. Et sans eau : un détail de sadisme exemplaire, sous un climat sec.

Sur Gaza, et sur toute la Palestine, règne une impunité obscène, comme celle de ces officières israéliennes se maquillant devant des immeubles pulvérisés par les bombes. Que d’abjection.

Notes

[1] La Couronne a souvent alterné l'utilisation de ce drapeau avec ceux de divers pirates. Elle a utilisé la légalité et la discrétion en dehors de la loi, à sa convenance.

[2]    De manière significative, ces deux « nouveaux » États, Israël et l'Union sud-africaine, vont nouer une alliance bicontinentale étroite à tous les niveaux imaginables, en particulier dans les domaines commercial et militaire. Mais lorsque, dans les années 90, le déclin irréversible du racisme meurtrier sud-africain s'amorcera, Israël retirera rapidement tout son soutien, donnant ainsi une véritable leçon d'opportunisme (Abdelwahab Elmessiri et Richard Stevens, The Progression of a Relationship, New World Press, N.Y., 1976).

[3] Voir A Report of The New Project for the New American Century, septembre 2000. Il est frappant de constater que ce document aspire à, annonce, un événement fortuit d'une violence inhabituelle qui permettrait aux USA de reprendre leur leadership mondial, après avoir expliqué le déclin militaire qu'ils ont subi après l'effondrement de l'Union soviétique. Les stratèges de la Maison Blanche insistent : « Une stratégie de transformation qui se concentrerait exclusivement sur les capacités de projection de force depuis les USA, [...], créerait des problèmes entre les alliés des USA. De plus, le processus de transformation [...], sera probablement long, à moins qu'un événement catastrophique et catalyseur ne se produise, comme un nouveau Pearl Harbor. » Le lecteur remarquera que cela a été écrit en août 2000 : un certain Pearl Harbor se produit en septembre 2001.

07/11/2025

Des favelas et des campagnes brésiliennes à Gaza
Comment le militarisme et l’écoblanchiment façonnent les relations, la résistance et la solidarité avec la Palestine au Brésil

 Andressa Oliveira Soares, TNI, 5/11/2025

Illustrations : Fourate Chahal El Rekaby

Traduit par Tlaxcala

Português Español النسخة العربية

 

Andressa Oliveira Soares est une avocate et militante des droits humains brésilienne, titulaire d'un doctorat en droit international de l'Université de São Paulo (USP). Elle est coordinatrice du Comité national BDS pour l'Amérique latine et les Caraïbes. Cet article reflète ses opinions personnelles.

Les mouvements de solidarité du Brésil soutiennent depuis longtemps la Palestine, mais les liens économiques et militaires avec Israël continuent de se renforcer. Alors que le Brésil se prépare à accueillir la COP30, les campagnes de base révèlent les connexions entre le militarisme israélien et les inégalités internes, l’agrobusiness et la violence d’État. Ce moment représente une occasion clé pour renforcer les efforts de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).


Introduction

La société civile et les mouvements sociaux brésiliens portent la solidarité avec la Palestine à leur agenda depuis plusieurs décennies, mais les dix dernières années ont vu une montée considérable des revendications en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions (BDS), en réponse à l’appel lancé en 2005 par la société civile palestinienne.

De 2003 à 2016, le Brésil a été gouverné par le Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores, PT), un parti de gauche. Après la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016, Michel Temer a occupé la fonction de président jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019. Sous le gouvernement du PT, le Brésil a officiellement reconnu l’État de Palestine en 2010 et a fréquemment condamné les actions militaires israéliennes. Néanmoins, au cours des deux dernières décennies, la politique brésilienne sur cette question est devenue de plus en plus instable, oscillant entre des affirmations de principe de solidarité avec la Palestine et l’approfondissement de liens politiques et économiques avec le régime israélien.
Même sous le PT — et plus encore sous Bolsonaro — le Brésil a augmenté ses achats d’armes à Israël, continué à exporter du pétrole vers l’État d’apartheid, et renforcé le commerce agro-industriel avec ce pays — autant d’activités qui ont contribué à soutenir l’infrastructure de l’occupation israélienne (Nakamura, 2024).

Depuis des décennies, le complexe militaro-industriel brésilien, l’agrobusiness, les politiciens de droite et les lobbys évangéliques-sionistes se sont alignés pour promouvoir un approfondissement des relations entre le Brésil et Israël. Ensemble, ils ont normalisé le commerce avec Israël sous couvert de partenariats technologiques et d’agriculture respectueuse du climat, blanchissant ainsi les crimes du régime israélien.

Cette contradiction apparente — entre une solidarité affichée envers la Palestine et le renforcement des liens économiques avec Israël — n’est pas propre au Brésil. En réalité, très peu de pays dans le monde se sont engagés à couper, ou même à réduire, leurs liens commerciaux avec Israël. Cela demeure vrai même après la reconnaissance internationale généralisée de son régime d’apartheid¹ et les décisions contraignantes de la Cour internationale de Justice (CIJ) en 2004, 2024 et 2025 — la décision de 2024 ayant été soutenue par la grande majorité des pays, y compris le Brésil, dans une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2024².

Les mouvements de solidarité au Brésil — dont beaucoup sont ancrés dans les favelas, dans les mouvements urbains pour le logement, les mouvements ruraux sans terre, les luttes pour la justice climatique et les communautés affectées par les agissements des entreprises, ainsi que dans les syndicats étudiants et de travailleurs — ont mené d’importantes campagnes reliant le militarisme israélien à la violence d’État, au pillage environnemental et à l’extractivisme agraire au Brésil.
Depuis le début du génocide diffusé en direct à Gaza et l’expansion des colonies israéliennes et des crimes en Cisjordanie, le besoin urgent de révéler ces liens de complicité et d’exposer comment les relations israélo-brésiliennes affectent les groupes marginalisés au Brésil s’est renforcé. Cette question a désormais atteint une visibilité sans précédent dans les médias grand public.

En novembre 2025, le Brésil accueillera la COP30 à Belém do Pará, aux côtés du Sommet des Peuples⁴.
Cet événement crée une fenêtre stratégique pour confronter les connexions de “greenwashing” [verdissement, écoblanchiment] entre les entreprises israéliennes de technologie agricole et hydrique et les agendas extractivistes en Amérique latine. Il s’agit d’un moment clé pour construire une solidarité concrète avec la Palestine, relier les luttes multiples et renforcer les résistances locales.

Cet article analyse les principaux liens entre le Brésil et Israël, et comment ils se connectent aux luttes sur le terrain au Brésil. Il présente également certaines victoires remportées par les campagnes propalestiniennes et les obstacles freinant de nouveaux progrès, notamment les efforts pour passer des mots aux actes en solidarité avec la Palestine, y compris lors de la COP30.

Cet article est structuré comme suit. Après cette introduction, la section suivante explore les relations entre le Brésil et Israël, en fournissant un contexte historique et en présentant la coopération militaire, les accords agro-industriels, le commerce pétrolier et les positions diplomatiques des deux pays, en particulier au cours des 20 dernières années. La section suivante examine ensuite comment la résistance et la solidarité avec la Palestine, en particulier le BDS, se sont développées au Brésil au cours de la dernière décennie. L'avant-dernière section aborde les défis auxquels est actuellement confrontée la solidarité avec la Palestine et les moyens de les surmonter, notamment les objectifs prioritaires et les perspectives d'avenir prometteuses. L'article se termine par une brève conclusion. Tout au long du texte, l'article applique l'approche critique du « droit international par le bas » (Rajagopal, 2008), selon laquelle la mobilisation politique est essentielle pour faire progresser et appliquer le droit international.



Les relations militaires, économiques et diplomatiques du Brésil avec Israël

Depuis le milieu du XXe siècle, la relation du Brésil avec Israël combine un alignement symbolique et une coopération pragmatique.
En 1947, le diplomate brésilien Oswaldo Aranha, qui présidait l’Assemblée générale des Nations unies, joua un rôle politique et procédural crucial dans l’adoption du Plan de partage de la Palestine (Résolution 181 de l’ONU).
Les récits contemporains et les reconstructions ultérieures créditent Aranha d’avoir reporté le vote pour consolider une majorité des deux tiers en faveur du plan, et d’avoir fait pression activement sur plusieurs délégations.
Ces actions lui valurent d’être publiquement honoré en Israël dans les décennies suivantes (JTA, 2017).
Son rôle à l’ONU a ainsi imprimé une association précoce entre la diplomatie brésilienne et la légitimation internationale de la création d’Israël.

Au début des années 1960, sous la présidence de gauche de João Goulart, les relations bilatérales restaient cordiales mais utilitaires, motivées davantage par des calculs multilatéraux et la recherche de coopération technique que par des affinités idéologiques.
La dictature militaire (1964–1985) inaugura cependant une collaboration sécuritaire et technoscientifique ouverte.
Des documents d’archives cités par des enquêtes journalistiques révèlent des liens étroits entre Israël et la junte brésilienne, incluant des ventes d’armes, des échanges d’expertise militaire et une coopération nucléaire précoce.
Un premier accord entre les deux pays fut signé le 10 août 1964, à peine quatre mois après le coup d’État, suivi de nouveaux accords en 1966, 1967 et 1974 (Mack, 2018).
Même si ces sources ne prouvent pas une participation d’Israël au coup d’État lui-même, elles montrent une rapide convergence post-coup d’État, fondée sur des intérêts communs autour de la sécurité et du développement nucléaire — conforme à la quête de technologies stratégiques du régime militaire.
Ce rapprochement entraîna une intégration structurelle des liens militaro-scientifiques israéliens dans la modernisation autoritaire du Brésil, tout en consolidant la coopération nucléaire germano-brésilienne (1975) et un programme nucléaire parallèle poursuivi jusque dans les années 1990 (Arms Control Association, 2006 ; World Nuclear Association, 2025).

À l’ère démocratique (depuis 1985), le Brésil a oscillé entre un soutien symbolique aux droits palestiniens (reconnaissance diplomatique, déclarations publiques) et une coopération pragmatique avec Israël dans les domaines du commerce, de la sécurité et de la technologie.
Sur le long terme, on distingue donc une double trajectoire :
– un rôle fondateur du Brésil dans la légitimation internationale d’Israël en 1947 ;
– puis, après le coup d’État, une coopération sécuritaire et technologique inscrivant Israël dans le projet de modernisation militaire brésilienne.

Cependant, ces relations diplomatiques ont fluctué selon les gouvernements en place, et ce n’est que très récemment qu’elles se sont réellement été dégradées.
Durant les années 2000, l’Amérique latine dans son ensemble a redéfini son orientation diplomatique face à la question israélo-palestinienne.
Cette reconfiguration s’explique en partie par l’arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche et de centre-gauche, la montée de la « vague rose », et la réaction contre le Consensus de Washington (Lucena, 2022).
En parallèle, l’émergence des BRICS et la politique étrangère « active et assertive » du Brésil ont favorisé une volonté d’autonomie vis-à-vis des USA et la diversification des partenariats internationaux.
Dans ce contexte, le soutien à la cause palestinienne devint pour plusieurs gouvernements latino-américains un instrument stratégique de positionnement international (Baeza, 2012).

Malgré cette tendance régionale à l’appui de la Palestine, les grandes économies du continent — Brésil, Argentine, Mexique — ont maintenu une approche « équilibrée » consistant à exprimer leur solidarité avec la Palestine tout en réaffirmant le droit d’Israël à la sécurité.
Cette diplomatie double traduisait un mélange de reconnaissance symbolique et de pragmatisme (Baeza, 2012).
Par exemple, la vague de reconnaissances de l’État de Palestine entre décembre 2010 et mars 2011, bien qu’elle ait marqué une tendance régionale vers l’affirmation de la souveraineté palestinienne, s’est accompagnée d’un discours d’équilibre et de promotion de la paix, plutôt que de sanctions ou de critiques directes envers Israël (Baeza, 2012).

Sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva, ce positionnement « équilibré » a été particulièrement frappant.
Puissance émergente cherchant à exercer une influence mondiale, le Brésil de Lula (2003–2010) tenta d’assumer un rôle diplomatique de premier plan au Moyen-Orient.
Son gouvernement fit preuve d’une sensibilité sans précédent aux revendications palestiniennes, culminant avec la reconnaissance de l’État de Palestine en décembre 2010.
Cependant, alors que le Venezuela et la Bolivie avaient choisi la rupture diplomatique avec Israël en 2009, le Brésil préféra reconnaître la Palestine tout en préservant ses liens bilatéraux avec Israël (Baeza, 2012).

Cette politique fut interrompue sous la présidence de Jair Bolsonaro, lorsque le Brésil s’aligna ouvertement sur Israël : ouverture d’un bureau commercial à Jérusalem en 2019, projet de transfert de l’ambassade (finalement non réalisé), et adhésion au Israel Allies Caucus⁵.
Cette posture renforça l’alliance idéologique avec les évangéliques conservateurs et les élites économiques (Huberman, 2024).

Avec le retour de Lula pour un troisième mandat en 2023, le Brésil a repris une politique plus traditionnelle : lors de l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU, Lula rappela l’importance de résoudre « la question palestinienne » et de reconnaître « un État palestinien viable et indépendant ».
Cependant, le Brésil continua à entretenir des relations diplomatiques avec Israël, tout en refusant de reconnaître officiellement Israël comme un régime d’apartheid.
Après le début du génocide en octobre 2023, le gouvernement Lula renforça ses critiques contre les opérations militaires israéliennes.
En février 2024, lors du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, Lula compara la conduite israélienne à Gaza au génocide nazi.
Israël réagit en déclarant Lula persona non grata, et le Brésil rappela son ambassadeur, refusant depuis d’accréditer celui d’Israël à Brasília (MercoPress, 2023).
Les déclarations officielles depuis octobre 2023 réaffirment le soutien du Brésil à l’État palestinien et au droit international, tout en dénonçant le gouvernement Netanyahou, mais sans rompre les liens commerciaux et militaires.

Un nouveau “bateau de la mort” israélien accoste en Espagne, en dépit de l’interdiction décrétée par Madrid

Un navire-citerne appartenant à l’armateur néerlandais Chemship BV, battant pavillon de complaisance maltais et affrété par ICL, entreprise israélienne accusée d’extraire des minéraux de territoires occupés et de complicité avec le génocide et l’occupation, déchargera le 7 novembre 1 500 tonnes d’acide phosphorique dans le port de Carthagène.

Martín Cúneo, El Salto, 5/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Les mesures approuvées par le gouvernement en septembre et ratifiées le 8 octobre par le Congrès ne remplissent pas leur objectif : stopper le flux de biens et services qui rendent possible le génocide et l’occupation de territoires palestiniens. Selon le mouvement Boycott, Sanctions et Désinvestissement (BDS) de Murcie, un nouveau navire affrété par l’entreprise israélienne ICL, en provenance d’Ashdod (Israël), déchargera dans le port de Carthagène le vendredi 7 novembre. Le navire fait une escale préalable à Barcelone le 5 novembre.

Cette entreprise est depuis longtemps dénoncée par le mouvement BDS pour l’extraction de minéraux dans le bassin de la mer Morte situé en Cisjordanie occupée, pour son soutien public au génocide à travers le programme « Parrainer un soldat », et pour la vente et le transport d’armes utilisées contre la population palestinienne.

Ce nouveau navire d’ICL s’appelle Chemical Master, bat pavillon maltais et prévoit de décharger 1 500 tonnes d’acide phosphorique au quai E0003 “Príncipe Felipe” du port d’Escombreras, à Carthagène. Ce composant chimique est utilisé dans l’industrie des engrais et de l’alimentation — raison invoquée par le gouvernement espagnol pour autoriser l’accostage et le déchargement du navire Trans Tind [armateur norvégien Seatrans, pavillon des Bahamas] de la même compagnie, en septembre dernier. [voir article de septembre, ci-dessous]

Avec le Chemical Master, ce sont déjà onze navires affrétés par cette entreprise qui, depuis le début de l’année, ont accosté dans des ports espagnols avec des cargaisons de milliers de tonnes de nitrate de potasse, de chlorure potassique et d’acide phosphorique.


La société israélienne ICL est l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde. Elle est contrôlée par Israel Corporation, l’un des plus grands conglomérats du pays, qui contrôle également la compagnie maritime ZIM, transportant des armes des USA vers Israël. La filiale usaméricaine d’ICL, rappelle BDS Murcie, fournit du phosphore blanc à l’armée israélienne, utilisé pour fabriquer des bombes larguées sur la population de Gaza, selon Amnesty International.

Depuis des années, la campagne Boicot ICL dénonce les activités de cette entreprise dont la filiale Dead Sea Works Ltd. (DSW), détenue à 100 % par le groupe ICL, extrait des minéraux de la mer Morte, y compris dans le bassin nord situé en Cisjordanie occupée. Selon le centre de recherche Who Profits, l’entreprise détient une concession pour exploiter les ressources de la mer Morte jusqu’en 2030, y compris le sel, la potasse et le bromure, avec des stations de pompage et un canal d’alimentation situés en Cisjordanie occupée.

En juin 2019, ce centre a documenté des produits fabriqués par la filiale ICL Haifa dans plusieurs colonies agricoles de la vallée du Jourdain, notamment Naama, Mehola et Na’aran.

Le décret-loi royal (RDL) d’embargo du gouvernement espagnol prévoit d’interdire l’importation de produits fabriqués dans des colonies illégales, bien qu'il n'ait pas encore commencé à être appliqué : pour ce faire, le ministère des Finances doit d'abord définir les codes postaux des colonies israéliennes interdites, ce qu'il n'a toujours pas fait deux mois plus tard. Le décret ne précise pas non plus ce qu'il advient de l'importation de matières premières provenant des territoires occupés, comme c'est le cas pour ICL, mais qui n'appartiennent pas à une colonie spécifique.

“Aucun port pour le génocide” : Appel à rassemblements dans les ports pour demander l’embargo intégral sur les armes et les carburants

Un nouveau navire d’ICL, entreprise israélienne qui extrait des minéraux de territoires occupés, accoste à Carthagène

Martín Cúneo, El Salto, 12/9/2025

Malgré les annonces du gouvernement espagnol, les affaires de la société israélienne ICL, qui extrait des minéraux des territoires palestiniens occupés, contribue au génocide et vend des engrais en Espagne, se poursuivent.


Installations d’ICL sur la mer Morte, d’où elle extrait la majeure partie des minéraux qu’elle exporte. Cette société israélienne opère également dans le bassin nord, en Cisjordanie occupée.

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement le 9 septembre figure l’interdiction d’importer des produits provenant des territoires occupés. Quelques jours plus tard, cette disposition connaît déjà sa première épreuve, alors que son application reste floue. Selon le mouvement BDS Murcie, un navire de l’entreprise israélienne ICL devait décharger 2 500 tonnes d’acide phosphorique le 14 septembre dans le port de Carthagène. La plateforme Vessel Finder confirme que le navire Trans Tind vient directement d’Israël vers le port murcien.

Il s’agit du dixième navire arrivé cette année à Carthagène avec des produits d’ICL, l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde.

Selon l’Observatori de Drets Humans i Empreses a la Mediterrània (ODHE), cette société est fortement implantée en Catalogne, Murcie, Valence et Majorque sous les noms ICL-Iberia ou Iberpotash. Elle exploite notamment les mines de Súria et Sallent (comarque du Bages) depuis 1998, causant de graves impacts environnementaux. L’ODHE l’accuse d’avoir vendu pendant des années du phosphore blanc pour des projectiles aux USA, fournisseurs de l’armée israélienne, devenant ainsi « complice de l’usage de ce type de projectiles contre les zones densément peuplées de Gaza ».

Pour BDS Murcie, l’accostage du Trans Tind révèle les limites des mesures gouvernementales. « Malgré les annonces du gouvernement concernant l’arrêt du commerce avec les territoires occupés, l’arrivée de navires comme le Trans Tind montre qu’il n’existe pour l’instant aucun contrôle sur le commerce qui alimente la machine de guerre israélienne, ni sur les entreprises qui profitent de l’occupation et du génocide en cours dans la bande de Gaza », déclare le mouvement.

Le mouvement rappelle enfin que cet accostage viole non seulement les mesures annoncées, mais aussi le droit international, notamment l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2014, adopté par l’ONU avec le vote favorable de l’Espagne, appelant les États à empêcher toute relation commerciale ou d’investissement contribuant à l’occupation israélienne.

03/11/2025

Les drones à IA utilisés à Gaza surveillent désormais les villes usaméricaines

 

Nate Bear, ¡Do Not Panic!, 31/10/2025

Traduit par Tlaxcala

Les drones quadricoptères alimentés par l’intelligence artificielle, utilisés par l’armée israélienne (FDI) pour commettre un génocide à Gaza, survolent désormais les villes usaméricaines, surveillant les manifestants et téléversant automatiquement des millions d’images dans une base de données de preuves.


Ces drones sont fabriqués par une entreprise appelée Skydio, qui, en quelques années, est passée d’une relative obscurité à une valorisation de plusieurs milliards de dollars, devenant le plus grand fabricant de drones aux USA.

L’ampleur de l’utilisation des drones Skydio à travers le pays, et la vitesse à laquelle celle-ci s’est développée en seulement quelques années, sont stupéfiantes. L’entreprise a signé des contrats avec plus de 800 agences de police et de sécurité à travers les USA, contre 320 en mars dernier, et ses drones sont désormais déployés des centaines de fois par jour pour surveiller la population dans les villes et les bourgs du pays.

Liens étroits avec Israël

Skydio entretient des liens profonds avec Israël. Dans les premières semaines du génocide, l’entreprise californienne a envoyé plus d’une centaine de drones à l’armée israélienne, avec la promesse d’en fournir davantage. On ignore combien d’autres ont été livrés depuis cette première admission. Skydio possède un bureau en Israël et collabore avec DefenceSync, un sous-traitant militaire local qui sert d’intermédiaire entre les fabricants de drones et l’armée israélienne.

Skydio a également levé des centaines de millions de dollars auprès de capital-risqueurs usaméricano-israéliens et de fonds d’investissement disposant de lourds portefeuilles en Israël, dont la société Andreessen Horowitz (a16z), fondée par Marc Andreessen.

Et maintenant, ces drones — testés dans un contexte de génocide et perfectionnés sur des Palestiniens — essaiment sur les villes usaméricaines.

Déploiement national massif

D’après mes recherches, presque toutes les grandes villes usaméricaines ont signé un contrat avec Skydio au cours des 18 derniers mois, notamment Boston, Chicago, Philadelphie, San Diego, Cleveland et Jacksonville. Les services de police municipaux ont récemment utilisé ces drones pour recueillir des informations lors des manifestations No Kings, et l’université Yale s’en est servie pour espionner le campement étudiant anti-génocide installé sur son campus l’an dernier.

À Miami, les drones Skydio sont employés pour surveiller les vacanciers printemps ; à Atlanta, la société s’est associée à la Atlanta Police Foundation pour installer une station permanente de drones dans le nouveau Centre de formation de la sécurité publique d’Atlanta. D’après un rapport municipal, Detroit a récemment dépensé près de 300 000 dollars pour l’achat de quatorze drones Skydio. Le mois dernier, l’agence ICE (Immigration and Customs Enforcement) a acheté un drone Skydio X10D, capable de suivre et de poursuivre automatiquement une cible. Depuis juillet, les services des douanes et de la protection des frontières (CBP) ont acquis trente-trois exemplaires du même modèle.

Une technologie d’IA autonome

Le système d’intelligence artificielle qui alimente les drones Skydio fonctionne grâce aux puces Nvidia et leur permet d’opérer sans intervention humaine. Ces drones sont dotés de caméras thermiques et peuvent fonctionner dans des environnements dépourvus de GPS, dits GPS-denied environments. Ils sont capables de reconstituer en 3D les bâtiments et infrastructures, et de voler à plus de 50 km/h.

La police de New York (NYPD) a été l’un des premiers corps à adopter les drones Skydio, et demeure l’un de leurs utilisateurs les plus enthousiastes. Un porte-parole a récemment déclaré à un site spécialisé que la NYPD avait effectué plus de 20 000 vols de drones en moins d’un an, soit environ 55 vols par jour à travers la ville. Un rapport municipal indiquait que la NYPD exploitait alors 41 drones Skydio. Une modification récente du règlement de la Federal Aviation Authority (FAA) laisse penser que ce nombre a encore augmenté — tout comme l’usage massif de ces drones à travers le pays.

Assouplissement réglementaire

Avant mars 2025, les règles de la FAA interdisaient aux forces de sécurité usaméricaines d’utiliser des drones au-delà de la ligne de vue de leur opérateur, et proscrivaient leur utilisation au-dessus des zones densément peuplées. Mais une dérogation délivrée ce mois-là a ouvert les vannes : les forces de l’ordre peuvent désormais faire voler des drones hors de leur champ visuel et au-dessus des foules.

Skydio a qualifié cette dérogation d’« historique ». Elle l’est.
Ce changement réglementaire a déclenché une véritable fièvre d’achat de drones Skydio par la police et les agences de sécurité usaméricaines, beaucoup ayant lancé un programme appelé Drone As First Responder (Drone comme premier intervenant).

N’ayant plus besoin de garder le drone en vue, et libres de survoler les rues, les forces de police envoient de plus en plus souvent des drones avant les agents humains pour répondre aux appels et mener des enquêtes. La ville de Cincinnati, par exemple, prévoit que d’ici la fin de l’année, 90 % des interventions seront d’abord effectuées par un drone Skydio.

Infrastructure de surveillance totale

Ce niveau de couverture est rendu possible par les stations d’amarrage Skydio, des plateformes matérielles installées un peu partout dans les villes, permettant aux drones d’être rechargés, lancés et posés à distance, parfois à plusieurs kilomètres du poste de police.

Toutes les données collectées lors de ces vols sont sauvegardées sur carte SD, puis automatiquement téléversées dans un logiciel spécialement conçu pour les forces de l’ordre. Ce logiciel, baptisé Axon Evidence, est produit par Axon, fabricant controversé des pistolets à impulsion (Tasers) et d’armes dites « non létales », déjà utilisées par la police aux USA et en Europe.

Selon un communiqué d’Axon, ce logiciel permet « le téléversement automatique de photos et de vidéos issues des drones vers un système numérique de gestion des preuves ».

Liens entre Axon et Israël

L’équipement d’Axon est également au cœur de l’appareil d’apartheid israélien, l’entreprise fournissant des caméras corporelles et des tasers aux forces de police et aux gardiens de prison israéliens qui torturent régulièrement des Palestiniens. Axon, qui a participé à un tour de financement de 220 millions de dollars de Skydio (série E), fait partie des nombreuses entités soutenant Skydio dans le cadre d’un agenda sioniste.


Le réseau des investisseurs

Le premier investisseur de Skydio, en 2015, fut Andreessen Horowitz (a16z), qui apporta 3 millions de dollars de capital d’amorçage à l’équipe fondatrice de trois personnes. Depuis, la firme a investi des dizaines de millions supplémentaires à travers de multiples levées de fonds. Les fondateurs Marc Andreessen et Ben Horowitz sont des sionistes notoires. En 2024, leur société fut le principal investisseur en capital-risque en Israël. L’été dernier, Andreessen et Horowitz se sont rendus en Israël pour rencontrer des entreprises technologiques fondées par d’anciens membres des FDI et de l’unité 8200.

Parmi les autres investisseurs de Skydio figurent Next 47, qui possède un bureau en Israël dirigé par Moshe Zilberstein, ancien du centre informatique de renseignement Mamram, et Hercules Capital, dont la directrice générale, Ella-Tamar Adnahan, est une Israélo-USAméricaine présentée par les médias comme « la banquière de référence d’Israël dans le secteur technologique aux USA ».

Le laboratoire de Gaza exporté

La saturation des forces de police usaméricaines par une technologie de surveillance étroitement liée à Israël, utilisée pour commettre des crimes de guerre, constitue une évolution terrifiante — quoique prévisible. Les drones Skydio seront centraux dans l’avancée du proto-fascisme aux USA et dans la répression d’Antifa et d’autres prétendus « terroristes domestiques » par l’administration Trump.

Dans ce contexte, le plus surprenant est peut-être que cette expansion rapide des technologies de surveillance d’origine israélienne soit passée presque inaperçue.

Politique et symbolique

Skydio devrait également figurer à l’ordre du jour de Zohran Mamdani. Récemment critiqué pour avoir déclaré que « lorsque la botte de la NYPD est sur votre nuque, c’est un lacet israélien qui la maintient », le cas de Skydio illustre précisément ses propos. S’il reste fidèle à ses convictions, il pourrait user de son autorité en tant que maire pour annuler le contrat Skydio de la NYPD.

Usage militaire et risque de fusion

Skydio est aussi un fournisseur important du Département de la Défense, ayant récemment signé un contrat pour fournir des drones de reconnaissance à l’armée usaméricaine. En tant que fournisseur majeur pour les forces de sécurité militaires et civiles, la question se pose : quelles données sont — ou seront — partagées entre l’armée et les services de sécurité intérieurs via le système Skydio-Axon ?

Gaza, laboratoire du monde occidental

Skydio illustre une fois encore comment Gaza sert de laboratoire pour les fabricants d’armes : un lieu d’expérimentation pour les technologies de surveillance et d’apartheid, avant leur perfectionnement et leur déploiement dans les pays occidentaux.

L’année prochaine, Skydio lancera une nouvelle génération de drones d’intérieur. On ne peut qu’imaginer dans quelle mesure ces nouveaux modèles seront inspirés des « enseignements » tirés du génocide.

L’histoire de Skydio montre une vérité brutale : ce qui se passe à Gaza ne reste pas à Gaza.
La logique de l’impérialisme capitaliste veut que ces technologies finissent toujours par revenir à la maison.

Toutes les illustrations proviennent de Skydio