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29/10/2025

Navalmoral, Estrémadure, État espagnol : Communiqué contre le réarmement et la déshumanisation

Voici le communiqué publié par les manifestants du 25 octobre à Navalmoral, devant l’usine de mort de Rheinmetall

La Vera con Palestina et  Extremadura con Palestina , 29/10/2025
Traduit par Tlaxcala

En ces temps obscurs, les forces d’occupation israéliennes continuent d’être approvisionnées en bombes de fabrication européenne, qui s’abattent sur la Palestine en toute impunité. Cela se produit alors même que persiste la mascarade d’un processus de paix incapable d’arrêter – ni même de dissimuler – la machine de destruction, avec plus de soixante civils tués pendant le prétendu cessez-le-feu. La violation systématique de tout accord par Israël — hier comme aujourd’hui — n’est pas une anomalie, mais un schéma historique qui se répète avec une régularité inquiétante.

Nous assistons à un double processus profondément alarmant : d’une part, la déshumanisation de la guerre et du génocide, qui transforme l’horreur quotidienne en simple bruit de fond ; d’autre part, la normalisation du réarmement comme seule réponse acceptée par les institutions, les entreprises et les gouvernements. Le commerce de la guerre se renforce tandis que la valeur de la vie humaine se réduit à des chiffres froids et des euphémismes soigneusement calculés.

Le réarmement s’appuie sur la création d’une « narration belliciste fabriquée », c’est-à-dire une propagande artificielle visant à faire accepter publiquement la nécessité de s’armer, à travers une stratégie de manipulation médiatique et politique. Cette stratégie construit et diffuse un récit de menace imminente ou de conflit inévitable, afin de générer la peur collective et de justifier des politiques militaristes — telles que l’augmentation des dépenses de défense ou l’adoption de postures agressives fondées davantage sur des intérêts militaristes que sur la réalité géopolitique.

Le réarmement n’est pas gratuit : il provoquera une nouvelle période d’austérité et de coupes sociales (une hausse de 1 % du budget militaire équivaut à une réduction de 0,6 % dans la santé publique). Ces coupes ont déjà commencé, notamment une baisse de 20 % de la PAC pour les agriculteurs et éleveurs, ayant déjà entraîné la chute du gouvernement français et des mesures exceptionnelles en Allemagne.

Les démocraties néolibérales ont tombé le masque : le nouveau commerce consiste à fabriquer et vendre la mort, dans une fuite en avant pour éviter d’affronter les véritables problèmes. Pourtant, la manière dont nous faisons face aux multiples crises — climatique, énergétique, économique, sociale — se résume à un brutal « sauve-qui-peut », ce que la philosophe Naomi Klein a justement nommé « le fascisme de la fin du monde ».

Le commerce de la guerre

Nous dénonçons le fait que la perpétuation des guerres répond à une stratégie d’entreprise visant à extraire des bénéfices d’un monde en crise. La pire crise de toutes est la crise morale et la dégradation continue de la démocratie. Au lieu de promouvoir le cessez-le-feu, le dialogue ou l’aide humanitaire, les gouvernements renforcent leurs liens avec l’industrie de l’armement.

C’est le cas d’entreprises comme Rheinmetall, qui étend ses investissements dans la production d’armes. Des bombes made in Spain, destinées à perpétuer la violence, font partie de cet engrenage criminel. En Espagne, un exemple frappant est celui de l’Estrémadure, historiquement traitée comme une zone sacrifiable et réceptacle de tout ce qui est toxique. Aujourd’hui, elle est considérée comme une pièce clé du complexe productif de la Défense, intégrée à ce qu’on appelle l’Axe de la Route de la Plata, qui comptera treize usines d’armement et de nombreuses industries auxiliaires.

À l’échelle européenne, les mêmes fonds qui spéculaient autrefois sur le logement ou l’alimentation voient désormais dans l’armement un nouveau créneau de rentabilité, présenté comme une « ressource stratégique » pour masquer sa véritable nature : générer des profits à travers la douleur, la peur et la destruction.

 DANS UN GÉNOCIDE, IL N'Y PAS DE GENTILS ET DE MÉCHANTS, IL Y A LES MORTS ET LES MÉCHANTS
Riki Blanco

Complicité institutionnelle avec le génocide

Nous dénonçons la complicité active de l’industrie de l’armement et des gouvernements européens avec le génocide à Gaza et la perpétuation des conflits armés. Le gouvernement espagnol continue de fournir un soutien logistique et industriel à l’armée israélienne. Bien que le ministère de la Défense ait récemment annoncé une « déconnexion progressive » des relations militaires avec Israël, la réalité est que des entreprises israéliennes continuent de remporter d’importants contrats d’armement, de missiles et de véhicules destinés aux Forces armées espagnoles.

Nous refusons d’accepter que l’avenir se construise sur des ruines, du sang et de la mort, tandis que certains s’enrichissent obscènement.

Face à cette barbarie, une réponse éthique et mondiale émerge : la dignité de celles et ceux qui résistent, la voix de celles et ceux qui protestent, l’espérance de celles et ceux qui agissent. Les manifestations dans le monde entier, les campagnes de boycott, les déclarations de solidarité et les initiatives comme la Flottille mondiale Sumud en route vers Gaza prouvent que l’humanité ne s’est pas rendue.

Les futures manifestations, les actions collectives et les résistances populaires seront essentielles pour freiner cette narration de déshumanisation et de réarmement. Ensemble, nous construirons un récit alternatif, profondément humain, refusant la logique du génocide, de la guerre et du profit.

C’est pourquoi nous continuerons à exiger :

  • L’annulation des aides au développement accordées par la Junta d’Estrémadure aux usines d’armement.

  • La fin du génocide, du nettoyage ethnique et de l’apartheid contre le peuple palestinien.

  • Un véritable embargo sur les armes à destination d’Israël.

  • La rupture des relations avec l’État d’Israël.

  • Le jugement de tous les responsables israéliens et américains du génocide — NetanyahOu, Ben Gvir, Smotrich et le lobby sioniste usaméricain en tête.

  • L’abrogation de la politique de réarmement et le rejet des diktats des USA et de l’Union européenne.

  • Une réduction de la consommation.

28/10/2025

Des jeunes auteur·es gazaoui·es de Palestine Nexus réfléchissent à deux années de génocide

Zachary Foster, Palestine Nexus, 16/10/2025

Traduit par Tlaxcala


Ghaydaa Kamal, Dalal Sabbah, Hani Qarmoot et Rama Hussain AbuAmra (de gauche à droite)

Le peuple palestinien de Gaza a vécu deux années de génocide. Et pourtant, malgré les déplacements forcés incessants, la campagne de famine et les massacres de masse, les jeunes auteur·es de Gaza ont refusé de se taire. Ils·elles ont raconté leurs corps affamés, leurs expériences proches de la mort et leur lutte pour trouver de la nourriture, des médicaments, de l’eau et un abri. Ils·elles voyagent des heures pour trouver une connexion internet et écrivent le ventre vide, tout en soutenant leurs familles et en aidant ceux qui ont encore moins. Ils·elles risquent leur vie chaque jour pour raconter au monde les histoires de la Palestine, et nous resterons à jamais admiratifs de leur courage et de leur résilience. Voici quelques-unes de leurs réflexions sur ces deux dernières années.
Dr. Zachary Foster, fondateur de Palestine Nexus


Hani Qarmoot, 22 ans, journaliste et conteur du camp de Jabalia
« Pendant les deux années de génocide, chaque jour était marqué par la faim, le déplacement, le sang et le bruit des explosions. Pour notre survie, pour la continuation de nos histoires, et pour la reconnaissance de notre souffrance et de notre rire, j’écris dans l’obscurité. Même si j’ai perdu des amis, des collègues, des enseignants et des êtres chers, leurs souvenirs me portent. Le rire d’un enfant, le message d’un ami, ou le silence entre deux explosions sont des choses qui me donnent la vie. Écrire est un acte silencieux de résistance qui montre que nous sommes encore vivants. Nos mots sont notre bouclier, et notre voix ne sera jamais réduite au silence. »
— Hani Qarmoot


Rama Hussain AbuAmra, 23 ans, écrivaine et traductrice de la ville de Gaza
« J’ai encore du mal à croire que ce génocide pourrait réellement toucher à sa fin. Pendant deux ans, nous avons vécu un cauchemar qui a volé tout amour, toute sécurité et toute joie. Nous avons été dépouillés de nos maisons, de nos souvenirs et des personnes que nous aimons. Chaque instant baignait dans la peur — la peur de nous perdre nous-mêmes, la peur de perdre ceux que nous aimons.
Une nuit me hante plus que toute autre : celle du 10 octobre 2023. À 1h30 du matin, un appel est arrivé, nous avertissant d’évacuer notre immeuble avant qu’il ne soit bombardé et réduit en poussière. Comment faire tenir toute une vie dans un seul sac ? Mon enfance, mes livres, mes vêtements préférés, le coin que j’aimais à l’aube et au crépuscule, tout est resté derrière. Nous avons couru, haletants, vers un hôpital voisin, attendant l’inconnu. Puis le bruit de l’explosion est arrivé, brisant notre maison et nos cœurs. Le lendemain, nous avons fui vers Al-Zawaida, au sud de Gaza, pour assister à une autre horreur : 25 âmes d’une seule famille anéanties. La fumée emplissait nos poumons, le verre tombait comme la pluie, et le sang couvrait le sol. Je vois encore la cendre, les vitres brisées, les membres éparpillés.
Nous avons survécu, d’une manière ou d’une autre. Mais les cicatrices demeurent. Et maintenant, nous attendons, non pas en paix, mais avec un espoir fragile. »
Rama Hussain AbuAmra


Dalal Sabbah, 20 ans, étudiante en traduction anglaise de Rafah
« Au cours de ces deux dernières années, j’ai relevé le défi de documenter la vie à Gaza, pour que nos histoires atteignent le monde au-delà des ruines et du silence. Chaque jour a été une épreuve d’endurance, mais je suis restée ferme, parce que ces histoires méritent d’être racontées.
Malgré les déplacements répétés, l’épuisement, la peur constante et la proximité de la mort ; malgré la perte de nombreux membres de ma famille, j’ai dû continuer à écrire, pour enregistrer ces moments et honorer la mémoire de ceux que nous avons perdus. Écrire est devenu plus qu’un métier : c’est devenu un cri silencieux du cœur vers le monde, un témoignage de vies qui défient la mort chaque jour, et la preuve que nos voix ne disparaîtront pas dans la fumée et les décombres.
Même quand le désespoir m’écrase, je continue. J’écris, je parle, je témoigne, parce que c’est mon devoir envers mon peuple, envers ma patrie, envers la Palestine.
Et quoi qu’il arrive, la Palestine est libre, du fleuve à la mer. »
Dalal Sabbah


Khaled Al-Qershali, 22 ans, journaliste indépendant d’Al-Nasser
« Bien que le génocide perpétré par l’occupation israélienne ait pris fin et que j’aie survécu, rien de ce qui m’a été arraché ne me sera jamais rendu. J’ai perdu deux amis très chers, Mohammed Hamo et Abdullah Al-Khaldi, ainsi que ma maison et la vie que je connaissais avant le 7 octobre 2023.
Depuis ce jour, la vie telle que je la connaissais a été détruite. Ces deux dernières années ont été marquées par le déplacement, la faim, la peur et la perte constante.
J’espère que le cessez-le-feu tiendra, mais j’ai du mal à y croire. Lors du dernier cessez-le-feu, en janvier, mon grand-père et mes oncles sont retournés à Gaza pour reconstruire leur vie à partir des ruines. Mais c’était un piège : le génocide a repris, et tout ce qu’ils avaient reconstruit a disparu. »
— Khaled Al-Qershali


Ghaydaa Kamal, 23 ans, journaliste et traductrice de Khan Younis
« Chaque histoire que j’écris est une bataille pour la survie. J’ai écrit depuis les ruines, depuis les tentes, depuis des endroits où l’électricité et l’internet relèvent du miracle. Parfois, je marchais pendant des heures sous un soleil brûlant, parce que le transport coûtait trop cher et que le silence n’était pas une option.
Mon ordinateur portable porte encore la poussière de ma maison détruite. Je l’ai sorti des décombres après une frappe aérienne, nettoyé avec des mains tremblantes, et je lui ai redonné vie. Il a gelé, s’est éteint, m’a trahie à maintes reprises — et pourtant, il continue de survivre, comme moi.
J’ai écrit à travers la faim, l’épuisement et la peur, documentant ce que signifie vivre et travailler sous des bombardements constants. Il y a eu des moments où j’ai échappé à la mort de justesse.
Mais je continue d’écrire, car si je m’arrête, ils gagneront — non seulement en nous tuant, mais en effaçant nos histoires. »
Ghaydaa Kamal

26/10/2025

“Complicité de génocide”: enquête judiciaire sur l’entreprise espagnole Sidenor pour vente d’acier à une entreprise militaire israélienne

 NAIZ, 24/10/2025
Traduit par Tlaxcala

L’Audience nationale espagnole a mis en cause l’un des principaux chefs d’entreprise basques dans le cadre d’une enquête sur la vente d’armes à Israël : José Antonio Jainaga, président de Sidenor. Il est accusé d’avoir vendu de l’acier destiné à la fabrication d’armement à Israël, sans autorisation du gouvernement espagnol ni enregistrement officiel.


Jainaga entre le lehendakari (président du gouvernement basque) Imanol Pradales (à g.) et le conseiller à l’Industrie, à la Transition énergétique et à la Durabilité, Mikel Jauregi Letemendia, lors d’un récent événement (Irekia).

L’enquête judiciaire

Le juge Francisco de Jorge, de l’Audience nationale, enquête sur le président de Sidenor, José Antonio Jainaga Gómez, et deux autres dirigeants pour “contrebande” et “complicité dans un crime contre l’humanité” ou “génocide”, en lien avec la vente d’acier à la société d'abord appelée Israel Military Industries puis IMI Systems, avant de devenir Elbit Systems Land suite à son rachat par Elbit Systems.

Selon le tribunal, le juge considère que les personnes mises en cause savaient parfaitement que le matériel serait utilisé pour la production d’armement.

Ce vendredi, le juge a levé le secret de l’instruction et a indiqué que la vente d’acier aurait été réalisée sans autorisation du gouvernement espagnol et sans inscription au registre correspondant, selon un rapport de la Commissariat général de l’Information daté du 10 septembre.

Les trois personnes poursuivies – à la suite d’une plainte de l’Association Comunitat Palestina de Catalunya et de la Campagne Fin al comercio de armas con Israel– ont été convoquées pour être interrogées le 12 novembre.

Jainaga est une figure majeure du patronat basque, étroitement liée au gouvernement de Lakua* (Vitoria-Gasteiz). Son influence s’est illustrée dans l’opération visant à consolider la propriété du constructeur ferroviaire Talgo, où il a dirigé le “consortium basque”.

Les arguments du juge

Pour le magistrat Francisco de Jorge, les faits commis à Gaza sont de notoriété publique, tant par la couverture médiatique quotidienne que par les qualifications provisoires de crimes émises par la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que par les dénonciations de la Rapporteure spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, et par l’UNRWA, entre autres.

Selon lui, ces faits pourraient constituer à la fois un délit de contrebande, au sens de la Loi organique de répression du commerce illicite, et un délit de complicité dans un crime contre l’humanité (articles 29 et 607 bis du Code pénal), ou, à titre subsidiaire, un délit de complicité dans un génocide (article 607).

Le juge estime que ces faits sont également imputables à la société Clerbil S.L., administratrice unique de Sidenor Holdings Europa.

En revanche, il considère qu’il n’est pas approprié, à ce stade, de poursuivre Sidenor Aceros Especiales S.L.U. en tant que personne morale, “en raison du rôle actif de ses salariés, de leur contribution à la dénonciation publique et de leurs efforts pour empêcher la poursuite de l’activité présumée illégale”.

Le tribunal précise que cette décision se fonde sur la Directive européenne (UE) 2019/1937 et sur la loi espagnole 2/2023 du 20 février, qui protège les lanceurs d’alerte et la lutte contre la corruption.

Le juge souligne que cette protection peut s’appliquer à des personnes morales considérées comme informatrices, puisqu’il s’agit ici de protéger les intérêts des travailleurs par le biais de la société concernée, laquelle ne sera pas affectée par les mesures conservatoires ni par d’éventuelles sanctions pénales contre d’autres entités ».

Manifestation contre la présence du ZIM Luanda dans le port de Barcelone

Méga-graffiti à l’entrée sud du port de Barcelone, où sont stockés les containers transportés par la compagnie israélienne ZIM Integrated Shipping Services (créée en 1945 par l’Agence Juive et l'Histadrout)

La plainte pour contrebande et génocide

La plainte à l’origine de l’enquête a été déposée le 1er juillet par la Comunitat Palestina de Catalunya, accusant Sidenor de “possible délit de contrebande” et réclamant des “mesures urgentes”, notamment l’inspection et la saisie d’un conteneur du navire ZIM Luanda au port de Barcelone, où se trouverait le matériel.

Selon l’organisation Prou Complicitat Amb Israel [Assez de complicité avec Israël], le ZIM Luanda était amarré à Barcelone pour charger 40 blocs de barres d’acier produits par Sidenor et destinés au port israélien de Haïfa.

La plainte mentionnait également “un possible crime de génocide et des crimes contre l’humanité.”

Suspension des ventes de Sidenor après des pressions basques

Ce même jour, Sidenor annonçait la suspension de ses ventes d’acier à Israël, justifiant sa décision par la suspension, en avril, des autorisations d’exportation décidée par le gouvernement espagnol.

L’entreprise précisait alors que ses ventes à des entreprises israéliennes représentaient moins de 0,5 % de son chiffre d’affaires total en 2024.

Ce vendredi, Sidenor a publié un communiqué bref, indiquant qu’elle avait confié l’affaire à ses avocats et qu’elle suivrait leurs instructions “pour répondre au juge et lui fournir toutes les informations disponibles”.

Ces événements coïncidaient, le 1er juillet, avec une conférence de presse des syndicats ELA, LAB et ESK**, aux côtés de la plateforme BDZ, qui exigeaient de Sidenor l’arrêt immédiat de toute relation commerciale avec Israël et la suspension de l’envoi prévu d’acier depuis Barcelone ce jour-là.

Le mouvement BDZ Euskal Herria (Boycott, Désinvestissement, Sanctions Pays Basque) dénonçait déjà le fait que que, comme d’autres entreprises basques telles que CAF ou Metro Bilbao, Sidenor entretenait des liens économiques avec Israël.

Après l’annonce de Sidenor, le syndicat LAB a salué une “victoire de la solidarité basque envers la Palestine” et déclaré qu’il resterait “vigilant pour s’assurer de l’application réelle de cette décision.”

BDZ : “Le cas Sidenor n’est pas une exception”

Dans un communiqué, BDZ Euskal Herria a affirmé que cette enquête “confirme ce que nous dénonçons depuis des années : l’implication d’entreprises basques dans le soutien économique, technologique et industriel du système d’occupation et d’apartheid imposé par Israël au peuple palestinien.”

L’organisation ajoute que “le cas Sidenor n’est pas isolé. Des entreprises telles que CAF, impliquée dans la construction et l’entretien du tramway de Jérusalem traversant les territoires palestiniens occupés ; AMC Mecanocaucho, qui fournit des composants destinés à des projets du complexe militaro-industriel israélien ; Metro Bilbao et Osakidetza, ayant sous-traité des services de sécurité à l’entreprise israélienne I-Sec, font partie d’un réseau de coopération économique contraire aux principes fondamentaux d’éthique et de respect des droits humains.”

“Il faut rompre tout lien avec le système colonial et d’apartheid de l’entité sioniste. La bonne nouvelle, c’est que c’est possible. Les gouvernements doivent agir concrètement, la justice doit faire son travail, et le mouvement populaire doit poursuivre son engagement”, conclut BDZ.

NdT

*Lakua : localité où siège le gouvernement basque

**ELA : Eusko Langileen Alkartasuna (Solidarité des travailleurs basques). Il s'agit du syndicat majoritaire au Pays basque et l'un des plus importants d'Espagne.

LAB : Langile Abertzaleen Batzordeak (Commissions ouvrières abertzales), syndicat nationaliste basque de gauche.

ESK : Ezker Sindikalaren Konbergentzia (Convergence de la gauche syndicale). Syndicat de base non lié à des partis politiques, qui défend en particulier les travailleurs les plus précaires.

23/10/2025

Le gouvernement israélien se glorifie de sadisme, de mauvais traitements et de torture

Gideon Levy, Haaretz, 23/10/2025
Traduit par Tlaxcala

NdT : étant fatigués de l’us et abus du terme “otages” pour désigner les Israéliens capturés le 7 octobre, nous avons choisi de traduire le terme par celui de “captifs”

Le retour des captifs israéliens a mis au jour une vérité connue de tous : le mauvais traitement des prisonniers palestiniens par Israël a rendu plus difficiles les conditions des Israéliens retenus captifs à Gaza. Il est désormais clair que le mal avait son prix.

Nadav Eyal a rapporté mercredi dans Yediot Aharonot que le service de sécurité Shin Bet avait averti dès la fin de 2024 que les déclarations du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir aggravaient les conditions déjà terribles que subissaient les captifs, et personne ne s’en est soucié.

Prisonniers palestiniens en attente de libération à la prison d’Ofer. Photo  Tali Meir

Chaque fois que Ben-Gvir se vantait des abus qu’il ordonnait, dont le journaliste Yossi Eli se délectait dans ses reportages sadiques sur Channel 13 à propos de ce qui se passait dans les prisons israéliennes, la vengeance venait des tunnels.

C’est désagréable d’admettre le mal israélien. Mais pourquoi avons-nous dû apprendre d’abord la revanche des ravisseurs palestiniens pour être choqués par la méchanceté des ravisseurs israéliens ? Ce qui s’est passé (et se passe encore) à la prison de Sde Teiman était une honte, indépendamment de l’épouvantable souffrance qu’il a causée aux captifs.


L’entrée de la base militaire et centre de détention de Sde Teiman. Photo Eliyahu Hershkovitz

Il est honteux que ce soit la maltraitance des captifs qui ait été nécessaire pour susciter l’indignation sur le traitement par Israël de ses prisonniers palestiniens, y compris dans le titre de mercredi de Yediot Aharonot, qui jusqu’ici ne s’était guère intéressé à ce qu’Israël fait.

Le journal britannique The Guardian a rapporté cette semaine qu’au moins 135 corps mutilés et démemb­rés avaient été rendus à Gaza. À côté de chacun des corps mutilés, on a trouvé des notes indiquant qu’ils avaient été détenus à Sde Teiman. Sur beaucoup des photos, on voyait que leurs mains étaient attachées dans le dos.

Plusieurs présentaient des signes de torture, y compris la mort par strangulation, par passage de char et d’autres moyens. Il n’est pas clair combien ont été tués après leur arrestation. Sde Teiman était un point de rassemblement pour des Palestiniens tués ailleurs.

Le Club des prisonniers palestiniens rapporte que le chiffre d’environ 80 détenus palestiniens tués en prison pourrait sous-estimer la vérité. The Guardian n’a vu qu’une partie des corps et a confirmé les signes d’abus, mais a dit qu’ils ne pouvaient pas être publiés en raison de leur état. Le corps de Mahmoud Shabat, 34 ans, montrait des signes de pendaison. Ses jambes avaient été écrasées par un char, et ses mains étaient liées dans le dos. « Où est le monde ? » a demandé sa mère.

La situation des Palestiniens vivants qui ont été libérés n’est guère meilleure. Beaucoup avaient même du mal à tenir debout à leur sortie, un fait à peine couvert par les médias israéliens.

Le Dr Ahmed Muhanna, directeur de l’hôpital Al-Awda à Jabaliya, qui avait été emmené en décembre 2023 et libéré pendant le cessez-le-feu, a déclaré cette semaine qu’il avait été déplacé de lieu en lieu pendant son incarcération, y compris dans un endroit qu’il a décrit comme un chenil, où des soldats l’ont maltraité à l’aide de chiens terrifiants.

L’apparence amaigrie du médecin ne laissait aucun doute sur les conditions de son emprisonnement. Israël détient 19 autres médecins de Gaza dans des conditions similaires.

Nous devrions nous souvenir des conditions dans lesquelles Adolf Eichmann a été détenu. Personne ne l’a physiquement maltraité avant qu’il soit exécuté par décision de justice.



Des prisonniers palestiniens libérés portent des fusils alors qu’ils arrivent dans la bande de Gaza après leur sortie des prisons israéliennes, suite à un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, devant l’hôpital Nasser à Khan Younis, sud de la bande de Gaza, en octobre. Photo Abdel Kareem Hana, AP

À l’époque, Israël se vantait de ses conditions de détention. Aujourd’hui, le gouvernement se targue de sadisme, de mauvais traitements et de torture. Il le fait parce qu’il connaît les âmes de ses citoyens. La majorité des Israéliens sont vindicatifs et approuvent les mauvais traitements.

À l’exception d’organisations comme Médecins Sans Frontières, B’Tselem et le Comité contre la Torture, presque personne ne s’est élevé contre ce qui se passait. Pour les terroristes de la Nukhba, tout est permis.

La définition de qui en fait partie inclut quiconque a osé entrer en Israël le 7 octobre. Le journaliste Ben Caspit a déclaré cette semaine que tous les combattants de la Nukhba devaient être exécutés. Il semble que le Shin Bet, le Service pénitentiaire israélien et les forces de défense israéliennes aient déjà commencé ce travail avec sérieux.

La seule préoccupation d’Israël est le préjudice subi par les “otages”. Tout le reste est pardonné. Dans de nombreux cas, nous nous excitions même, chérissons et apprécions les mauvais traitements. Nous voulions le sadisme ; nous avons reçu du sadisme en retour.

Manifestation en Estrémadure contre Rheinmetall, usine de mort : un message universel

 Tlaxcala, 23 octobre 2025

Du fin fond de l’Espagne profonde, s’élève un cri de colère, de dignité bafouée, d’appel aux consciences de la vieille Europe : arrêtons les fabricants et marchands de mort ! Ce samedi 25 octobre, pour la deuxième fois, une manifestation aura lieu devant l’usine d’armes de Rheinmetall à Navalmoral de la Mata, dans la province de Cáceres, en Estrémadure, à l’appel des collectifs La Vera con Palestina et Extremadura con Palestina. Voici un résumé des documents que nous avons publiés en espagnol et en allemand.




L’appel est intitulé “No al rearme, stop genocidio”, Non au réarmement de l’Espagne et de l’Europe, arrêtons le génocide. Dans le cadre du plan “Rearm Europe” de la Commission européenne, le gouvernement de Madrid s’est engagé à respecter le cadre fixé par l'OTAN, en particulier l'objectif de dépense de 2 % du PIB. L'objectif – qui divise la coalition de gouvernement - est d'atteindre d'ici 2029 un budget de plus de 40 milliards d'euros.

La revendication centrale : lier la lutte contre le réarmement et la solidarité avec le peuple palestinien, victime d’un génocide perpétré par Israël avec la complicité de l’Occident. Les organisateurs appellent à la constitution d’un mouvement social internationaliste contre la militarisation et l’économie de guerre.

Critique du modèle occidental et appel à la désobéissance

Le texte d’appel dresse un portrait apocalyptique du monde contemporain : l’Occident est un empire décadent dirigé par des élites égoïstes (USA et Europe) qui, face à la crise écologique et énergétique, misent sur la guerre et la conquête. Le réarmement est vu comme une stratégie pour maintenir le modèle hyperconsumériste et accaparer les ressources du Sud. L’Allemagne des « Dichter und Denker » (poètes et penseurs) redevient celle des « Richter und Henker » (juges et bourreaux) : en suivant les USA, elle a renoncé à son autonomie énergétique (abandon du gaz russe) pour se relancer par la production d’armes.
L’appel avance un argument économique et moral : chaque augmentation du budget militaire se traduit par une baisse des dépenses sociales. Les auteurs dénoncent une nouvelle ère d’austérité, comparable à celle des années 2010, et accusent les gouvernements espagnols, y compris socialistes, de participer à la privatisation du bien commun au profit du complexe militaro-industriel.
Une interpellation directe est adressée aux travailleurs des usines Rheinmetall d’Estrémadure : “Os parece ético trabajar para esta empresa cómplice del genocidio?” (ça vous paraît éthique de travailler pour cette entreprise complice du génocide ?)
Les revendications incluent : suppression des aides publiques à l’industrie de l’armement, embargo total sur les armes à Israël, rupture des relations diplomatiques, poursuite pénale des dirigeants impliqués, fin du réarmement européen et programme de décroissance.

Rheinmetall : une entreprise symbole de la guerre moderne

L’article de José Luis Ybot (El Salto, 17 septembre 2024) retrace l’histoire de Rheinmetall, la plus grande entreprise allemande d’armement, née au XIXe siècle, associée au régime nazi, puis reconvertie dans le civil avant de redevenir un pilier du réarmement à partir de 1956. Depuis 2000, elle s’est recentrée sur le militaire : chars Leopard, Eurofighter Typhoon, drones, lasers, systèmes de défense, etc.
En 2022, Rheinmetall rachète Expal, filiale du groupe espagnol Maxam, propriétaire des usines d’El Gordo et de Navalmoral de la Mata. Ces sites, impliqués dans la fabrication et le démantèlement de mines antipersonnel, font de l’Estrémadure une région “sacrifiée” au service de l’économie de guerre.
Depuis la guerre d’Ukraine, la valeur de Rheinmetall a été multipliée par cinq.
Ses actionnaires incluent BlackRock, Goldman Sachs et Bank of America. L’entreprise profite de la demande mondiale en armement, en particulier via sa filiale ukrainienne créée en 2023.


Enquête : Rheinmetall à El Gordo et Navalmoral

Un reportage de Luis Velasco San Pedro (El País, 1er novembre 2024) montre comment le village d’El Gordo vit de Rheinmetall : 200 habitants y travaillent, les salaires y dépassent 1600 euros, et le chômage est quasi nul. Mais la culture du secret domine. Les salariés signent des clauses de confidentialité et affirment : “Lo que se hace allí es top secret” (ce qu'on fait là est top secret).
La députée Nerea Fernández (Unidas por Extremadura) dénonce la complicité de la Région dirigée par le pépé (alias Parti populaire) et le financement public de Rheinmetall (58 060 euros de fonds européens). Elle appelle à reconvertir ces usines en productions civiles (boîtes conserves par exemple). Pour elle, “le génocide de Gaza commence en Estrémadure”.

Mobilisations populaires et critique globale

Le communiqué appelant à la précédente manifestation du 6 octobre 2024 appelait à un boycott d’Israël et à la désobéissance civile : “La única forma de buscar la paz es no fabricar la guerra”(l'unique manière de chercher la paix, c'est de ne pas fabriquer de guerre). L’Europe était décrite comme un “méga-Israël” militarisé, construit sur la peur et la dépendance à l’économie de guerre.
Le dossier combine enquête, manifeste et plaidoyer moral. Il dénonce le capitalisme de guerre et relie la lutte locale contre Rheinmetall à la cause palestinienne. À travers cette campagne, les auteurs affirment une conviction : le combat pour la paix commence là où se fabriquent les armes.

Le message est valable urbi et orbi, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en  Asie : il faut arrêter les fabricants et commerçants de mort, où qu’ils soient et « by any means necessary ». À ce jour, une seule usine d’armement, Elbit Systems à Bristol, en Grande-Bretagne, a cessé ses activités [lire ici]. Le mérite revient aux courageux militants de Palestine Action, qui paient cher leur engagement : le groupe a été interdit comme « terroriste », ses membres et sympathisants sont poursuivis en justice. La même chose arrive aux militants allemands de Palestine Action Germany, qui ont mené une action symbolique contre l’usine Elbit Systems à Ulm. 5 d’entre eux sont poursuivis en justice.

Un autre aspect des mobilisations nécessaires et possibles concerne l’acheminement des armements divers vers Israël. Ils sont de deux types : armements prêts à l’usage et éléments de fabrication destinés aux usines de mort israéliennes. Des mobilisations ont eu lieu à Marseille, Gênes,Tanger, Tunis et Wilmington (USA). D’autres sont en cours. Le cargo Marianne Danica, transportant des obus de 155 mm pour Elbit Systems, provenant de Chennai en Inde avec Haïfa comme destination, s’est dérouté de Gibraltar à Casablanca pour éviter des actions de protestation espagnoles. Un autre cargo, l’Ocean Gladiator, transportant 163 tonnes de douilles de cartouches en laiton fabriquées dans l’usine Wieland de Buffalo (USA), vient de passer le détroit de Gibraltar et se dirige vers Ashdod. Sa prochaine escale sera à Limassol (Chypre) le 3 novembre (suivre sa route ici). Nous l’y attendons.

20/10/2025

Israël entre guerre d’extermination et guerre électorale

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 18/10/2025

إسرائيل بين حرب الإبادة وحرب الانتخابات

Traduit par Tlaxcala

Guerre sur tous les fronts, par Patrick Chappatte

Introduction

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israël Katz ont de nouveau menacé de reprendre la guerre contre la bande de Gaza, avertissant qu’ils recourraient à la force si le Hamas ne remettait pas les corps des captifs et détenus israéliens.
Dans le même temps, le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a intensifié ses contacts avec l’administration Trump, présentant des rapports de renseignement affirmant que le Hamas serait en mesure de restituer un grand nombre de corps, une manœuvre perçue comme une préparation à un feu vert usaméricain pour une nouvelle escalade militaire.

Parallèlement, le Forum des familles des captifs et détenus a publié un appel public à Netanyahou, exigeant la reprise de la guerre tant que tous les corps ne sont pas restitués,  transformant ainsi une demande humanitaire en instrument politique dans la lutte interne pour le pouvoir en Israël.

La guerre au service de la politique intérieure
Les nouvelles menaces israéliennes semblent motivées davantage par des besoins politiques et électoraux que par des objectifs militaires immédiats. Netanyahou et Katz ont même rebaptisé la guerre contre Gaza, passant de « Épées d’or » à « Guerre de la renaissance » ou « Guerre de la résurrection », cherchant à remodeler le récit israélien et à l’inscrire dans une « Guerre des sept fronts », incluant le Liban, la Syrie, le Yémen, l’Irak, l’Iran, la Cisjordanie et Gaza.

Par ce changement de marque, Netanyahou tente de détourner les appels à la reddition de comptes concernant les événements du 7 octobre 2023 ,  notamment la création d’une commission d’enquête officielle, qu’il continue de refuser sous prétexte que « les enquêtes ne peuvent pas se tenir en temps de guerre ». Cette stratégie est étroitement liée aux élections prévues pour l’été 2026.

Les lacunes du plan Trump et ses répercussions régionales
Les menaces israéliennes coïncident avec les débats autour des détails du « plan Trump » pour mettre fin à la guerre, qualifié par le ministère égyptien des Affaires étrangères de « truffé de failles ». Les points non résolus comprennent :

  • L’échange de corps et de prisonniers.
  • Le désarmement de Gaza et du Hamas.
  • Le retrait progressif d’Israël.
  • La gouvernance et la reconstruction d’après--guerre.

Les estimations palestiniennes évaluent le coût de la reconstruction de Gaza entre 60 et 70 milliards de dollars. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis auraient exprimé une volonté conditionnelle de contribuer chacun à hauteur de 20 milliards, à condition qu’il y ait stabilité, désarmement et retrait du Hamas du pouvoir,  signe que l’aide financière est étroitement liée au cadre politique et sécuritaire en formation.


La règle de Netanyahou…
Dans une lutte pour la survie, les mesures extrêmes sont justifiées !
— … Surtout si c’est la survie de ma carrière politique !
David Horsey

La dimension électorale interne
Un sondage du quotidien Maariv montre une amélioration de la position de la coalition au pouvoir après la libération du dernier groupe de captifs et détenus vivants. Le soutien au Likoud a augmenté, tandis que le parti Sonisme religieux de Bezalel Smotrich a franchi le seuil parlementaire. À l’inverse, le parti de Benny Gantz est passé en dessous de ce seuil.
Le sondage prévoit 58 sièges pour l’opposition, 52 pour la coalition et 10 pour les partis arabes, susceptibles de progresser aux prochaines élections.

Pour Netanyahou, cette configuration est idéale : elle lui permet de former une minorité de blocage empêchant l’opposition de constituer un gouvernement sans s’appuyer sur un parti arabe,  scénario inacceptable pour le consensus sioniste. Il pourrait ainsi rester Premier ministre intérimaire à long terme, avec un contrôle parlementaire minimal, d’où son intérêt pour des élections anticipées si les tendances se confirment.

Entre l’option de guerre et le besoin de stabilité
Malgré la rhétorique belliqueuse, les contraintes internes et internationales limitent la probabilité d’une reprise de la guerre. L’épuisement militaire, moral et économique en Israël, combiné à l’absence de feu vert usaméricain, fait d’un nouveau conflit un risque politique plutôt qu’une opportunité stratégique.

Le plan Trump — bénéficiant d’un large soutien régional et international — constitue la pierre angulaire de la stratégie de Washington pour rétablir l’équilibre au Moyen-Orient, notamment en vue de finaliser les accords de normalisation avec l’Arabie saoudite et l’Indonésie. Un échec affaiblirait la crédibilité des USA dans la gestion des règlements régionaux.

Le dilemme des corps et le rôle des acteurs régionaux
La question des corps des captifs constitue un test réel pour la solidité de l’accord. Des sources israéliennes reconnaissent d’importants obstacles logistiques liés à la destruction des infrastructures et des tunnels de Gaza, où beaucoup de corps seraient encore ensevelis.

Le gouvernement Netanyahou a catégoriquement refusé d’autoriser l’aide d’équipements turcs pour les opérations de récupération, une décision politique visant à limiter l’influence d’Ankara et à instrumentaliser sa position sur la Syrie. Cependant, un courant croissant en Israël plaide pour une administration de Gaza dirigée par l’Autorité palestinienne afin d’éviter un vide administratif qui profiterait au Hamas ou à d’autres acteurs extérieurs.

Conclusion
La menace israélienne de reprendre la guerre est avant tout une manœuvre électorale et médiatique visant à mobiliser le soutien intérieur et à exploiter la question des captifs à des fins politiques.

Aucun signe concret n’indique une réelle intention de relancer la guerre, compte tenu du manque de soutien usaméricain, de l’épuisement social et militaire, et de l’opposition interne de l’armée.
Le changement de nom de la guerre en « Guerre de la résurrection » reflète une tentative d’échapper à la reddition de comptes pour les échecs du 7 octobre.
Les décisions israéliennes majeures — guerre ou paix — demeurent profondément liées au calcul électoral de Netanyahou et à son effort pour préserver son pouvoir.
Le facteur décisif des mois à venir sera l’engagement de Washington envers le plan Trump, qui demeure aujourd’hui le seul cadre viable pour l’arène israélo-palestinienne.

17/10/2025

Les Israéliens diront-ils un jour à propos des atrocités de leur pays à Gaza : “J’ai toujours été contre” ?

Les gens ne naissent pas cruels ; ils le deviennent. La cruauté des Palestiniens envers les Israéliens est largement médiatisée, tandis que notre cruauté, celle de la société israélienne, devient toujours plus sophistiquée pour protéger nos butins.

Amira Hass, Haaretz, 15/10/2025
Traduit par Tlaxcala


Des Palestiniens font leurs courses sur un marché de fortune dans le camp de réfugiés de Nuseirat, situé au centre de la bande de Gaza, mercredi. Photo : Eyad Baba/AFP

Les optimistes disent qu’en fin de compte, les Israéliens finiront par saisir l’ampleur de l’atrocité qu’ils ont commise dans la bande de Gaza. La vérité s’infiltrera dans leur conscience.
Les vieilles vidéos de nourrissons déchiquetés par nos bombes atteindront un jour le cœur des Israéliens et les transperceront. Ils verront soudain des enfants couverts de poussière de béton broyé, sous lequel ils ont été secourus, tremblant de manière incontrôlable et fixant le vide, le visage tout entier en point d’interrogation.

À un moment donné, disent les optimistes, les Israéliens cesseront de dire : « Ils l’ont mérité, à cause du 7 octobre. Ils ont attaqué. » Les chiffres cesseront d’être des abstractions et « Qui croit le Hamas ? » Les lecteurs comprendront que plus de 20 000 enfants ont été tués — un tiers de tous les morts — de nos mains. Plus de 44 000 enfants ont été blessés — un quart de tous les blessés. Ils réaliseront qu’ils ont aidé et soutenu une guerre d’anéantissement contre un peuple et non vaincu une organisation armée monstrueuse.

À un moment donné, ils comprendront que la cruauté individuelle de la vengeance démontrée par tant de soldats — souvent accompagnée d’éclats de rire et de sourires diffusés sur TikTok — et la cruauté froide, chirurgicale et anonyme de ceux qui tuent comme dans des jeux vidéo depuis leurs cockpits et salles de contrôle — ne sont pas des marques d’héroïsme mais une maladie grave. Sociale et personnelle.

Les parents, croient les optimistes, ne pourront plus dormir la nuit, inquiets que les croix sur les fusils de leurs fils marquent des femmes, des vieillards et de simples jeunes gens cueillant des herbes pour se nourrir. Le jour viendra où les adolescents demanderont à leurs pères, soldats à l’époque, s’ils ont eux aussi obéi à un ordre de tirer sur un vieil homme ayant franchi une ligne rouge inconnue.

Les filles de pilotes décorés demanderont s’ils ont largué une bombe « proportionnée » qui tua cent civils pour un commandant intermédiaire du Hamas. « Pourquoi n’as-tu pas refusé ? », sanglotera la fille.


Des manifestant·es brandissant des photos d'enfants palestiniens tués à Gaza par Israël près de la base aérienne de Tel Nof, plus tôt cette année.

Les petits-enfants d’un gardien de prison retraité demanderont : « As-tu personnellement frappé un détenu menotté jusqu’à ce qu’il s’évanouisse ? As-tu obéi à un ordre ministériel refusant la nourriture et les douches aux prisonniers ? As-tu entassé 30 détenus dans une cellule prévue pour six ? D’où venaient leurs maladies de peau ? Connaissais-tu l’un des dizaines de détenus morts dans une prison israélienne de faim, de coups ou de torture ? Comment as-tu pu, grand-père ? » Les neveux de juges de la Cour suprême liront leurs décisions qui ont tout permis et cesseront de leur rendre visite le shabbat.

À un moment donné, croient les optimistes, l’occultation de la réalité par les médias israéliens cessera d’endoctriner et d’anesthésier les cœurs. L’expression « le contexte » ne sera plus considérée comme une obscénité, et le public reliera les points : oppression. Expulsion. Humiliation. Déportation. Occupation. Et toutes les souffrances entre elles. Ce ne sont pas des slogans inventés par des Juifs qui se détestent eux-mêmes, mais la description de la vie d’un peuple entier, pendant des années, sous nos ordres et sous nos armes.

Les gens ne naissent pas cruels ; ils le deviennent. La cruauté des Palestiniens envers les Israéliens est abondamment couverte dans nos médias, articles et gros plans. Elle s’est développée en réponse et en résistance à notre domination étrangère et hostile. Notre cruauté, celle de la société israélienne, devient toujours plus sophistiquée dans le but de protéger nos butins : la terre, l’eau et les libertés dont nous avons expulsé les Palestiniens.

Les optimistes croient qu’il existe un chemin du retour. Quelle chance ils ont, les optimistes.

16/10/2025

Entendre un coq chanter plutôt que des bombes tombant sur Gaza est la principale raison de célébrer

Les discours et rassemblements israéliens de ces derniers jours ont démontré un mépris total pour la douleur et la souffrance à Gaza, ainsi que pour la destruction laissée par les Forces de défense israéliennes (FDI).

Gideon Levy, Haaretz, 16/10/2025
English version
Traduit par Tlaxcala

Tout ce qui était arrivé à Israël au cours des deux dernières années a fusionné à la veille de la fête de Souccot, lors de la surprise-partie de fin de guerre à la Knesset. Ce fut une orgie de flatterie, de rodomontade, de vanité et de déni.

Hormis la grande joie liée à la libération des otages, aucune fenêtre ne s’est ouverte sur un nouveau chapitre, seulement plus du même : regardez-nous, comme nous sommes formidables, et nous ne voyons personne d’autre que nous-mêmes. L’ivresse de la libération se mêlait à une profusion d’auto-ornementation et d’auto-embellissement : comme nous, Israéliens, sommes beaux.



La voix des Lumières, le chroniqueur de Haaretz Uri Misgav, s’est fait lyrique sur le réseau X : « La victoire de l’esprit sur le désespoir, de la lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal. » Rien que ça. Pendant que Misgav se laissait aller à la poésie, des centaines de milliers de personnes cheminaient, portant leurs quelques biens restants, à travers les ruines et la destruction de leur terre, sur le chemin du retour vers leurs non-maisons.

Des centaines d’autres ont été libérés des prisons israéliennes, et eux non plus n’ont pas trouvé d’écho dans les médias israéliens, qui ont poursuivi leur couverture propagandiste : cacher Gaza en temps de guerre comme en temps de paix. Seules vingt personnes ont été libérées. Les autres ne sont pas des humains. Ils n’ont pas de familles aimantes et en larmes. L’image du prisonnier libéré arrivant à Gaza pour découvrir que sa femme et ses enfants ont été tués par des bombardements, vous ne l’avez pas vue.

L’énorme éléphant est dans la boutique, et personne n’a osé le regarder en face. Le président de la Knesset Amir Ohana, Benjamin Netanyahou et, bien sûr, le maestro du genre, le député Yair Lapid de Yesh Atid, étaient occupés à s’auto-glorifier et à glorifier leur seigneur féodal. Même dans des moments pareils, il n’existe pas d’opposition, si ce n’est les représentants de la Liste commune arabe, qui, bien sûr, ont été expulsés de la salle.

Il y avait lieu de célébrer, certes. Mais c’était aussi le moment pour que quelqu’un trouve le courage de dire la vérité : un mot sur les plus grandes victimes de cette guerre, dont on célébrait la fin.

Netanyahou, Donald Trump, ou du moins le soi-disant « chef de l’opposition », Lapid, auraient dû parler de ce qu’Israël laissait derrière lui. Regretter, s’excuser, assumer la responsabilité, reconnaître la faute, admettre la douleur, promettre un changement, une compensation, une réhabilitation ou une guérison pour les victimes. Quelque chose.

Au lieu de cela, nous avons eu Lapid flanquant Netanyahou et Ohana par la droite, rivalisant de flagornerie envers Trump, et déclarant : Il n’y a pas eu de génocide. Il n’y a pas eu d’intention d’affamer les Palestiniens (!). Pas d’intention d’affamer, Lapid ? Comment oses-tu ? Et sur quelle base ? Sur les propos des dirigeants du pays qui avaient promis d’affamer les Gazaouis, et ont tenu leur promesse ?

« Le peuple de Gaza n’a ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant… Nous combattons des bêtes sous forme humaine, et nous agissons en conséquence », avait déclaré l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant au début de la guerre. Mais Lapid s’en est tenu à sa ligne : « Israël était un pays et une armée combattant des terroristes qui envoient leurs enfants mourir pour une photo. » Un Douglas Murray israélien, version anglophone du collabo Yoseph Haddad. Avec une opposition pareille, à quoi bon renverser le gouvernement ?

Cela aurait dû être différent. Une cérémonie de fin de guerre sans vérité est un événement répugnant. Des heures d’autosatisfaction à la Knesset, des déclarations kitsch répétées dans les médias, sans jamais baisser la tête devant ce qu’Israël a perpétré ? Quelle force Israël aurait eue s’il avait agi autrement et reconnu les crimes commis ? S’il avait mentionné la douleur de Gaza ? S’il avait assumé une once de responsabilité pour son sort, au lieu de déverser, avec l’arrogance typique de Lapid, des phrases du genre : « Des terroristes qui envoient leurs enfants », comme si Yahya Sinwar était assis dans les cockpits des avions de chasse qui ont impitoyablement massacré les enfants de Gaza.

L’espoir a été déçu à la veille de Sim’hat Torah. Netanyahou a refusé d’assister au sommet de la paix de Trump à Charm el-Cheikh, et la Knesset a continué de dissimuler les crimes d’Israël. Ce n’est pas ainsi qu’on ouvre un nouveau chapitre.

Malgré tout, c’est un temps d’espoir.