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05/07/2025

GIDEON LEVY
Une grand-mère palestinienne se trouvait sur sa terrasse à Jérusalem-Est avec sa famille lorsque la police israélienne l’a exécutée

Gideon Levy  & Alex Levac, Haaretz , 5/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Les fils de Zahia Jawda affirment que la rue était calme lorsqu’une unité de la police des frontières est passée près de leur domicile; lun des agents a tiré un seul coup de feu, la touchant au front et la tuant sur le coup.


La famille a entouré 
de parpaings l’endroit où leur matriarche est tombée , préservant les traces de sang

Le matin de sa mort, l’agneau qu’elle chérissait tant est décédé. Zahia Jawda s’occupait de cet animal depuis sa naissance, le nourrissait deux fois par jour au biberon. Mardi matin dernier, l’agneau est mort dans son enclos.

Son mari Qaid a été envahi par le chagrin en voyant l’animal mort, avant de partir à 5h30 pour son travail à Jérusalem. Il savait à quel point Zahia était attachée, corps et âme, à cet agneau. Il a appelé des proches dans la ville de Hora et leur a commandé cinq agneaux. Ils ont promis de les apporter dans la soirée. Qaid voulait atténuer la peine de Zahia après la mort de l’animal qu’elle avait tant soigné.

Les animaux sont arrivés ce soir-là. Nous les avons vus cette semaine, blottis les uns contre les autres dans le petit enclos au rez-de-chaussée de la maison des Jawda, située dans le quartier du Waqf – ou le «Quartier dEn-Bas» au pied du camp de réfugiés de Shoafat à Jérusalem-Est.

Zahia n’a pu nourrir les nouveaux agneaux qu’une seule fois. Quelques heures plus tard, un policier des frontières l’a abattue d’une balle tirée à distance, directement dans le front, alors qu’elle se trouvait sur la terrasse de sa maison. Ses enfants endeuillés doivent maintenant nourrir les agneaux.

Pour atteindre la maison des Jawda, il faut traverser l’ensemble du camp tentaculaire, où des dizaines de milliers de personnes s’entassent – un spectacle qui rappelle celui du camp de Jabaliya à Gaza avant qu’il ne soit bombardé. Amer Aruri, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, nous a guidés.

Les rues sinueuses sont étroites et en pente – le camp étant construit à flanc de colline – la circulation y est infernale et le point de contrôle permanent imposant rappelle la profondeur de l’apartheid à Jérusalem et le fait qu’elle est, pour l’éternité, une ville divisée.

Les Jawda sont à l’origine des Bédouins de Jordanie. Zahia et Qaid, respectivement âgés de 66 et 67 ans, y sont tous deux nés mais possèdent des cartes d’identité bleues (israéliennes), comme tous les habitants de Jérusalem-Est. Qaid explique qu’ils essaient d’éviter tout contact avec les habitants du quartier difficile à proximité, le camp de réfugiés lui-même.


Zahia Jawda

La maison qu’ils ont construite il y a des années ressemble presque à une maison bédouine traditionnelle: le rez-de-chaussée abrite un enclos pour animaux et un poulailler, dont les odeurs remontent jusquau toit. Qaid dit quil doit entretenir lenclos à moutons pour honorer les invités qui viennent chez eux, en leur servant de la viande de mouton.

Certaines parties du bâtiment de trois étages ne sont pas terminées; ce ne sont que des squelettes en cours de construction. Les fils du couple et leurs familles vivent dans les parties achevées. Laccès à la terrasse, où Zahia a été tuée, ne se fait pas par les escaliers mais par une rampe plutôt dangereuse.

Une scène terrible attend le visiteur: la famille a entouré de parpaings lendroit où leur matriarche est tombée, elle a préservé les traces de sang et les fragments de cerveau qui sen sont écoulés, recouverts dune bâche plastique. Ils ne veulent pas que le sang soit effacé.

Dans un autre coin de la terrasse, les derniers vêtements portés par Zahia, tachés de son sang, sont suspendus.

Qaid, qui travaille depuis des années comme contrôleur de la circulation en Israël, porte un uniforme dont il est fier et conduit un véhicule officiel stationné en bas. Il parle couramment l’hébreu. Assis dans son salon, il raconte comment Zahia a été tuée. D’une voix calme, il nous corrige: «Zahia na pas été tuée elle a été assassinée,» dit-il, éclatant en sanglots pour la première fois de notre visite, mais pas la dernière. Le couple était marié depuis 50 ans.

Ce lundi, lorsqu’on lui rend visite, il est veuf depuis six jours. Il raconte que ses filles sont en dépression depuis l’événement et qu’il ne sait plus quoi faire. Le couple a sept enfants et 50 petits-enfants, certains courant d’un étage à l’autre du bâtiment.


Qaid Jawda avec les vêtements que portait sa femme Zahia lorsqu'elle a été assassinée la semaine dernière.

Autrefois, Qaid a conduit des bus pour la compagnie Egged, puis a dirigé une équipe d’inspecteurs chez New Way. Il a aussi travaillé trois ans sur le projet de tramway de la rue Ben Yehuda à Tel-Aviv. Lorsqu’il est parti, commerçants et habitants lui ont adressé une lettre d’adieu émouvante, datée du 11 novembre 2022.

«Nous, commerçants et propriétaires sur la rue Ben Yehuda, tenons à exprimer notre reconnaissance à Qaid Jawda pour son travail dévoué. Cet homme affable aime aider et servir les passants avec une grande politesse, pour la satisfaction de tous.»

Qaid conserve cette lettre, parmi d’autres recommandations accumulées au fil de ses années de travail en Israël, dans un dossier qu’il montre fièrement.

Mardi dernier, rentrant du travail, il a dîné puis est descendu avec Zahia s’occuper des moutons. Qaid raconte que le comportement de sa femme ce soir-là était inhabituel sans en expliquer la raison: «Cest comme si elle sentait que quelque chose allait se produire. C’était étrange.»

Vers 22h, Qaid est allé se coucher: il avait une mission tôt le matin à Jérusalem avec son équipe. Après minuit, il a été réveillé par des cris épouvantables. En ouvrant la porte de la chambre, il a vu des membres de la famille crier. En demandant ce qui se passait, il a vu ses fils descendre Zahia du toit, du sang coulant de sa tête.

Qaid a immédiatement appelé le 101 pour faire venir une ambulance du Magen David Adom au checkpoint de Shoafat – aucune ambulance israélienne n’ose entrer dans le camp – expliquant que la vie de sa femme était en danger. Il est descendu dans la rue, où tout le quartier était déjà rassemblé. Ses fils ont placé leur mère dans une voiture, en route vers le checkpoint. Qaid a suivi en voiture. L’ambulance attendait et Qaid s’est frayé un chemin pour voir Zahia. Il a vu le crâne fracturé, le sang, et a compris qu’elle était morte. Il l’a embrassée.

Au checkpoint, on lui a dit que sa femme était conduite à l’hôpital Hadassah du mont Scopus. Arrivé là, on l’a dirigé vers Shaare Zedek, puis vers l’hôpital Makassed à Jérusalem-Est. Il a alors compris qu’elle avait sûrement été transférée à l’Institut médico-légal de Tel Aviv, où l’on transporte les corps, non les blessés. Il est alors rentré chez lui.

À 3h30 du matin, une importante force de la police des frontières israélienne est arrivée chez lui, armes au poing. Qaid raconte avoir interpellé le commandant: «Une minute, attendez, baissez vos armes. Personne ici ne vous fera de mal. Je vous demande, baissez vos armes.» Ils se sont exécutés.

Les pandores sont montés sur le toit, ont photographié la scène et les traces de sang sur l’escalier. «Imaginez que cest votre mère,» leur a lancé Qaid. «Je veux seulement la justice. Que le policier qui a tiré sur ma femme soit jugé. Cest tout ce que je demande. Ma femme ne reviendra pas, mais je veux que le tireur soit jugé.»


Le camp de réfugiés de Shoafat, cette semaine

Il a ensuite reçu plus de détails de ses enfants sur ce qui s’était passé. Zahia se trouvait sur le toit avec leur fille Ala, 40 ans, et quelques petits-enfants, comme chaque soir. Il fait chaud à l’intérieur mais agréable sur la terrasse; ils discutent, grignotent des graines de tournesol. Tout autour, c’était calme, lorsque, disent-ils, ils ont remarqué des soldats marchant dans la rue, à plusieurs dizaines de mètres, alors quils étaient sur le toit, en hauteur.

La police des frontières revenait d’un nouveau raid nocturne sur le camp, parmi tant d’autres, presque toujours inutiles et même dangereux – des incursions dont le but est seulement de terroriser les habitants et d’afficher la brutalité dans la «capitale unifiée» de l’État dIsraël.

Vers 0h30, l’un des agents a tiré un seul coup de feu à distance, atteignant Zahia au front. Elle s’est effondrée devant sa fille et ses petits-enfants. Selon un des fils, immédiatement après, la police des frontières a quitté les lieux.

Un porte-parole de la police israélienne a déclaré cette semaine en réponse à une question: «Des agents des unités spéciales et des combattants opérant dans le camp de Shoafat ont été pris à partie par des émeutiers leur lançant des pierres. Un agent a été blessé à la tête et conduit à lhôpital. En réponse, la force, se sentant en danger de mort, a ouvert le feu sur les fauteurs de troubles. Lincident est en cours dexamen par les services compétents.»

Cette réponse, notons-le, est totalement hors sujet. Quel est le rapport entre la femme sur le toit et le danger prétendument ressenti par les troupes? Quel est le lien entre les «jets de pierres», avérés ou non, et le tir précis qui a touché à la tête une femme innocente sur un toit situé hors du camp?

Qaid: «Je porte luniforme. Pour moi cest un honneur. Un policier qui ne respecte pas son uniforme ne devrait pas exercer. Il a détruit ma vie. Pourquoi la-t-il tuée? Pourquoi nest-il pas humain? Sil était humain, avec une mère et un père, il naurait pas fait ça. Sil avait un cœur, il naurait pas fait ça. Je nai jamais fait aucun mal à l’État. Je donne tout à l’État. Jai une grande famille dans le Néguev. Jai même un petit-fils soldat. Pendant la guerre, jai dirigé des gens vers des abris sur les sites où je travaille.

«Mon rôle de contrôleur de la circulation est de sauver la vie des Israéliens. Pourquoi mériter que ma femme soit tuée? Qua-t-elle fait? Je veux juste que ceux qui ne respectent pas luniforme ne servent pas. Quils se regardent dans le miroir et fassent leur examen de conscience. Je ne sais pas si ce policier était juif, druze ou bédouin. Je veux juste quil se regarde en face, et sache quil a tué une femme innocente de 66 ans. Une femme bonne. Une âme merveilleuse.»

26/08/2023

GIDEON LEVY
Qusai, 16 ans, se rendait en scooter chez son oncle. Il a été exécuté par la police israélienne

 Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 Un adolescent palestinien de Jéricho se rendait chez des parents dans la banlieue de la ville lorsqu’il a été pris dans un raid de la police des frontières. Une seule balle l’a abattu et tué. « Deux terroristes ont été éliminés, dont le sujet de votre enquête », a déclaré la police à Haaretz

 

Le père endeuillé, Omar Walaji

 

Le scooter, un SYM 125 cc, est abîmé et éraflé à l’avant et sur les deux côtés. Des taches de sang séché parsèment le plancher, le siège et la carrosserie. Une photo de son conducteur - le jeune, ou plutôt le garçon - Qusai Walaji, est accrochée au guidon du véhicule cassé. Il est garé dans l’arrière-cour de la maison des Walaji, dans la rue Kitaf al-Wad, dans un quartier résidentiel de Jéricho. Cette semaine, il est devenu le mémorial à Qusai, qui y a été tué par balle. Il avait 16 ans au moment de sa mort.

 

Lorsque nous avons rendu visite cette semaine au père endeuillé, Omar Walaji, nous avons parlé pendant un bon moment de son fils et de son exécution par la police des frontières une semaine auparavant. Pendant tout ce temps, Omar s’est montré cordial, facile à vivre, parlant de son fils, qui avait été tué si peu de temps auparavant, comme s’il parlait de l’enfant des voisins. Mais vers la fin de notre conversation, lorsque nous lui avons redemandé s’il avait craqué et à quel moment - il avait d’abord éludé la question - son visage s’est soudain crispé et ses lèvres ont tremblé. Il a essayé de toutes ses forces d’étouffer ses larmes, mais sa retenue a cédé. Il a ouvertement versé les larmes amères d’un père qui pleure son fils bien-aimé.

 

« Vous avez ouvert sa blessure », a dit l’un des deux autres fils d’Omar, qui se trouvaient dans la pièce.

 

Omar a raconté qu’il n’avait pleuré que lorsqu’il avait vu le corps de son fils à l’hôpital de Jéricho, alors que les médecins essayaient, en vain, de le réanimer. Il n’avait pas pleuré depuis, mais là, les larmes coulent de manière incontrôlée. Embarrassé, il s’est précipité dans la salle de bain pour se laver le visage, comme un garçon puni qui a été renvoyé, et est revenu en se cachant le visage dans une serviette. Les pleurs ne se sont pas calmés facilement. Qusai n’est plus là.

 

Qusai a abandonné l’école en dixième année pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Il a travaillé dans un magasin de légumes à Jéricho, qui appartient à son oncle, puis, la nuit, il a travaillé à la maison avec son frère pour préparer des feuilles de molokhia [ou mouloukhiya/mloukhiyé, corète, jute rouge] utilisées pour faire de la soupe, afin de compléter ses revenus. Lors de notre visite, des sacs de plantes étaient posés au fond du salon. La famille du jeune homme est originaire du village de Wallaja, à côté de Jérusalem. En 1948, ils ont perdu leurs terres et se sont réfugiés dans le camp de Deheisheh, près de Bethléem, avant de s’installer à Jéricho. La maison des Walajis est un immeuble de trois étages qui abrite la famille élargie.

 

Il fait extrêmement chaud à Jéricho au mois d’août, et les grands refroidisseurs d’air portables Emek Coolers, fabriqués en Israël, travaillent d’arrache-pied. Omar est un homme petit et trapu de 51 ans qui, jusqu’à la semaine dernière, avait cinq enfants. Ses fils aînés, Ahmed, 26 ans, et Mohammed, 22 ans, tous deux grands et beaux, servent à leurs invités du café amer et des dattes sucrées. Mohammed travaillait jusqu’à récemment dans une succursale de la chaîne de supermarchés Rami Levy dans la colonie de Mishor Adumim - dans « l’exécution des commandes », dit-il en hébreu. Cependant, lorsque la police des frontières a tué son frère, son permis de travail a été automatiquement révoqué. Les familles palestiniennes endeuillées sont toujours punies deux fois : une première fois par la mort d’un être cher et une seconde fois par la privation de leurs moyens de subsistance.

 

Mohammed, à gauche, et Ahmed Wajali, avec le scooter que conduisait leur frère Qusai lorsqu’il a été abattu.

Les frères de Qusai ont essayé de le persuader de retourner à l’école, mais il n’aimait pas étudier et n’y est jamais retourné. Il travaillait au magasin de légumes tous les jours de 16 heures à 2 heures du matin, avant de rentrer chez lui pour s’occuper des feuilles de molokhia. Pendant l’été, les gens préfèrent travailler la nuit et dormir le jour. En effet, lorsque nous avons traversé la ville sous le soleil brûlant de l’après-midi en début de semaine, les rues elles-mêmes semblaient s’être dissoutes sous l’effet de la chaleur.


Le dernier jour de sa vie, Qusai n’est pas allé travailler mais est resté à la maison pour se reposer, comme il le faisait à l’occasion. Seul Mohammed est allé travailler au magasin de leur oncle ; ils avaient l’habitude de s’y rendre ensemble sur le scooter de Qusai. Ce jour-là - le lundi 14 août - Qusai travaillait avec les feuilles, et vers 2h30 du matin le mardi, il est sorti pour acheter des cigarettes. Environ une heure plus tard, il a pris le scooter et s’est rendu au camp de réfugiés d’Aqabat Jabr, situé à la périphérie sud de Jéricho.

 Ces derniers mois, Aqabat Jabr est devenu un lieu militant et sanglant. Presque chaque nuit, les Forces de défense israéliennes et les troupes de la police des frontières font des descentes dans le camp pour exécuter des « opérations d’arrestation » aussi provocatrices qu’inutiles ; à certaines occasions, les soldats se montrent également dans la journée, comme nous l’avons vu lors de notre précédente visite en mars dernier.

Début février, à la suite d’un incident au cours duquel un restaurant appartenant à des colons au carrefour d’Almog Junction, près de la mer Morte, a été la cible de tirs - personne n’a été blessé - les forces des FDI et de la police des frontières ont lancé un assaut de grande envergure sur le camp, d’où elles pensaient que les suspects venaient, et ont tué cinq jeunes gens en une seule nuit, selon les autorités israéliennes. Mais les habitants du camp affirment qu’on ne sait toujours pas exactement qui et combien de personnes ont été tuées, car Israël a conservé les corps. Une mère, qui pensait que son fils avait été blessé, est arrivée dans un hôpital en Israël et a été consternée de découvrir que le patient dans le lit n’était pas son fils - qui, s’est-il avéré, avait été tué ("Jours tragiques dans les annales d’un camp de réfugiés palestiniens, 31/3/2023).

Au cours de l’année écoulée, 13 jeunes Palestiniens ont été tués à Aqabat Jabr - un nombre important pour un petit camp, autrefois considéré comme calme. Le 10 avril, des soldats y ont tué un jeune de 15 ans, Mohammed Balahan ; la semaine dernière, c’était un jeune de 16 ans.

 

Mardi à l’aube, Qusai se rendait chez son oncle et ses cousins, la famille Indi, dans le camp de réfugiés, où il se rendait fréquemment. Environ un quart d’heure après son départ, ses frères ont reçu un message d’un ami du camp indiquant que Qusai avait été blessé et transporté à l’hôpital de Jéricho. Avec leur père, ils se sont précipités à l’hôpital, apprenant quelques minutes plus tard que l’adolescent avait été déclaré mort. Qusai a été enterré aux premières lueurs du jour, car la famille ne voulait pas conserver son corps en chambre froide, nous disent-ils.

 

Cette nuit-là, la police des frontières avait organisé un raid à grande échelle sur Aqabat Jabr, pénétrant dans le camp peu de temps avant l’arrivée de Qusai. S’il avait su que les forces armées étaient entrées dans le camp, il ne se serait pas approché, affirment ses frères. La police des frontières avait pour mission de placer en détention un homme du Fatah, Abu al-Assal, une opération qui a suscité la résistance de militants armés. Les soldats ont pris position sur les toits.

 

Qusai Wajali

 L’oncle de Qusai habite non loin de la maison où l’homme recherché a été arrêté. Dans une autre partie du camp, la police des frontières avait déjà tué Mohammed Najum, un maître-nageur de 25 ans de la piscine de Jéricho, apparemment au cours d’échanges de coups de feu avec les militants. Mais Qusai, un jeune de 16 ans, venait d’arriver en scooter ; il est difficile de croire qu’il avait une arme ou qu’il a participé à la résistance. A-t-il jeté des pierres depuis le SYM 125 ? Cela défie l’entendement. Sa famille dit qu’elle ne peut même pas concevoir un tel scénario. Elle admet qu’elle ne connaît pas encore tous les détails de ce qui s’est passé ; elle n’a pas enquêté elle-même sur l’incident.

 

Selon Aref Daraghmeh, chercheur de terrain dans la vallée du Jourdain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, Qusai est arrivé par hasard sur les lieux après être entré dans le camp et a été abattu à quelques dizaines de mètres de distance. Il est convaincu que Qusai n’était pas armé. Une balle a atteint l’adolescent à la poitrine et il est tombé sur le scooter. Des jeunes l’ont embarqué dans une voiture privée et ont filé à l’hôpital.

 

Un porte-parole de la police israélienne a déclaré cette semaine, en réponse à une question posée par Haaretz : « Le 15/8/23, les forces de sécurité sont arrivées pour procéder à l’arrestation d’un individu recherché et pour fouiller sa maison à la recherche d’armes. Dans le cadre des échanges de tirs qui ont eu lieu entre les forces et les terroristes, deux terroristes qui ont ouvert le feu sur les forces ont été éliminés, y compris le sujet de votre enquête ».

 

L’objet de notre enquête était donc un terroriste.

 

« Il était jeune », dit son père en pleurs, la voix brisée. « Si jeune ».

 

 

24/08/2023

GIDEON LEVY
Les “héros” israéliens exécutent des “Arabes” en toute impunité


Gideon Levy, Haaretz, 24/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Le clip vidéo est horrible. Un groupe de jeunes hommes s’occupe d’un homme blessé qui gît sur la route, tandis que l’on entend en arrière-plan les cris des personnes vivant à proximité. On voit un homme portant une chemise blanche courir vers le blessé. Une ambulance fait retentir sa sirène. Et soudain, c’est l’horreur. Un coup de feu retentit et une balle atteint l’homme en chemise blanche, qui est touché par derrière. Il tombe face contre terre.

Amid Ghaleb Bani Shamsa, électricien de 33 ans et père de trois enfants, est hospitalisé dans un état critique. Mardi, il a été transféré de l’hôpital Rafidiya de Naplouse à l’hôpital Istishari de Ramallah, mais son état reste critique. La photo de lui riant avec son fils en bas âge n’est pas moins triste que celle de Batsheva Nigri, également mère de trois enfants, qui a été tuée presque exactement au même moment près de la colonie de Beit Hagai, en Cisjordanie. Israël n’a bien sûr pleuré que Nigri. Il a à peine entendu parler de Bani Shamsa.


Amid Ghaleb Bani Shamsa

 Bani Shamsa a été victime d’une tentative d’exécution Il n’y a pas d’autre façon de décrire les circonstances de cette fusillade criminelle et répugnante. Un homme désarmé va porter secours à un blessé allongé sur la route, et un tireur d’élite le vise à la tête et l’abat à distance. C’est le moment de se lamenter sur le fait qu’il n’y a pas (encore) de peine de mort en Israël. Si c’était le cas, peut-être que Bani Shamsa aurait au moins été exécuté à l’issue d’une procédure judiciaire.

En attendant, on peut procéder à des exécutions sans procès, sans raison, juste pour le plaisir. Peut-être pour satisfaire la soif de tirer ou le désir de vengeance des soldats et des agents de la police des frontières. Peut-être voulaient-ils raconter comment ils avaient tué un terroriste en rentrant chez eux. Peut-être parce qu’ils savaient qu’il ne leur arriverait rien s’ils tiraient une balle dans la tête d’un Palestinien.

Tirer sur quelqu’un qui tente de donner les premiers soins à un blessé est un crime de guerre au plus haut degré. J’espère qu’à la suite de la réforme judiciaire, les agents de la police des frontières comme celui qui a tiré une balle dans la tête de l’électricien de Beita pourront désormais être poursuivis par la Cour pénale internationale de La Haye. Ce n’est que là qu’ils auront une chance de payer pour leurs crimes. Ici, ils seront considérés comme des héros.

Leur victime n’a menacé personne, elle n’était pas armée et on peut supposer qu’elle n’a pas participé à la résistance légitime des habitants palestiniens à l’invasion de leur village de Beita par la police des frontières. Beita se bat depuis de nombreux mois contre le vol de ses terres par l’avant-poste de colons insolent et malfaisant d’Evyatar.

Bani Shamsa n’est pas la première victime de ce village, ni la dernière. Il n’est pas non plus la première ou la dernière victime d’une exécution ces dernières semaines.

Cette semaine, j’étais à Jéricho afin d’enregistrer les circonstances de la mort d’un jeune de 16 ans qui se trouvait sur son scooter dans le camp de réfugiés voisin d’Aqbat Jaber. Lui aussi a été abattu par la police des frontières, à distance, non pas d’une balle dans la tête mais d’une balle dans la poitrine, ce qui constitue un petit changement tactique. Il s’agit là aussi d’une exécution.

La semaine dernière, nous avons relaté les tirs insensés sur une voiture qui passait innocemment, sans raison. Un étudiant a été tué et son ami a été blessé. Un mois plus tôt, une autre fusillade insensée contre une voiture en marche. Cette fois, la fusillade a laissé deux jeunes gens handicapés. Qu’en est-il du soldat de Nabi Saleh qui a tiré à distance, atteignant à la tête Mohammed Tamimi, âgé de deux ans et demi, et le tuant en juin ? Ne s’agit-il pas d’une exécution ? Lorsque vous tirez une salve sur une voiture garée, dans laquelle un bébé vient d’être placé, c’est une exécution.

Dans la réalité qui prévaut, de telles exécutions ne feront qu’augmenter. Les médias israéliens n’en parlent presque jamais. Personne en Israël ne s’en offusquerait même si elles étaient dûment rapportées. Le mouvement de protestation regarde ailleurs - les exécutions de rue ne sont pas liées, selon lui, à la démocratie.

Lorsque tout s’inscrit dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme, que seuls les Palestiniens sont considérés comme des terroristes, que l’armée et la police procèdent à des exécutions sans être désignées comme les agences de mise à mort d’un État terroriste, que les attentats ne sont définis comme des attaques terroristes que lorsque des Palestiniens tuent des Juifs, il n’est pas étonnant que l’histoire de la tentative d’exécution d’un électricien de Beita ait été publiée presque exclusivement dans le journal Haaretz. Après tout, qui s’intéresse au fait que quelqu’un reçoive une balle dans la tête, juste comme ça, comme si ce n’était rien ?


05/08/2023

GIDEON LEVY
Une ambulance palestinienne est bloquée à un poste de contrôle de Jérusalem-Est : le patient, Mundal Jubran, meurt


Gideon Levy, Haaretz, 5/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une ambulance palestinienne transportant une victime inconsciente d'un accident vasculaire cérébral est empêchée de passer par un poste de contrôle de Jérusalem-Est, après quoi le patient subit des tentatives de réanimation infructueuses. Mundal Jubran, 40 ans, est mort

En deuil de Mundal, à Azzariyeh cette semaine : à gauche ses parents Ahmad et Zahur Jubran, avec Nahad et son fils Youssef. Photo Moti Milrod

L'ambulance palestinienne est arrivée au poste de contrôle sans coordination préalable, ce qui explique peut-être le décès du patient. Même une ambulance transportant une personne gravement malade ou mourante doit coordonner ses déplacements à l'avance par les voies habituelles - trois copies de deux documents ou deux copies de trois documents. Dans le cas contraire, l'ambulance ne sera pas autorisée à se rendre à l'hôpital le plus proche pour sauver la vie du patient. Une ambulance sans coordination préalable est une ambulance inexistante, tout comme la personne qui s'y trouve, dont la vie ne tient qu'à un fil, est considérée comme inexistante, morte.

Les agents de la police des frontières ont fait des allers-retours autour du mourant, qui a été placé par terre au poste de contrôle afin que des efforts désespérés puissent être déployés pour le réanimer - là, sur le sol d'une zone de sécurité sans l'équipement adéquat. Tout a continué à se dérouler selon le manuel, le manuel satanique des lois de l'occupation. Selon le règlement de la police des frontières, une ambulance dont les mouvements ne sont pas coordonnés à l'avance ne peut pas passer, et rien ne peut l'aider - ni un tribunal, ni un médecin, ni un auxiliaire médical, ni le frère du patient, qui a supplié les agents de laisser passer le véhicule.

Selon les enregistrements du chauffeur de l'ambulance palestinienne, la plaidoirie a duré 19 minutes, ainsi que les tentatives désespérées de réanimer l'homme sans équipement de sauvetage, au poste de contrôle, au vu et au su de tout le monde. Dix-neuf minutes pendant lesquelles il aurait été possible de sauver la vie de Mundal Jubran, originaire de la ville d'Azzariyeh, âgé de 40 ans et père de cinq enfants âgés de huit mois à 16 ans. Dix-neuf minutes pendant lesquelles chaque seconde a compté, scellant ainsi son destin après l'attaque cérébrale dont il avait été victime. Dix-neuf minutes au cours desquelles pas un seul agent de la police des frontières au poste de contrôle, pas un seul, n'a pensé que les règlements draconiens devraient peut-être être mis de côté momentanément, que, pour une fois, on devrait faire preuve d'un peu d'humanité à l'égard d'un homme mourant et que l'ambulance devrait être autorisée à passer rapidement pour lui sauver la vie.

Le caractère sacré de la vie a totalement disparu mardi dernier au poste de contrôle d'Al-Zaim, à Jérusalem-Est. En fait, elle a disparu dès qu'il est apparu que le mourant était un Palestinien. Le caractère sacré de la vie ? Strictement pour les Juifs, dont le sang est bien plus rouge que le sang palestinien et les vies mille fois plus précieuses. C'est ainsi que Mundal Jubran est mort, face à la dureté du personnel de la police des frontières. Si seulement l'un d'entre eux avait imaginé ce qu'il aurait pu ressentir si c'était son père qui était là, à terre, mourant, à un poste de contrôle, dont les collègues policiers ne permettaient pas que l'homme soit transporté d'urgence à l'hôpital le plus proche, à quelques minutes de là, et contrecarraient ainsi la tentative de lui sauver la vie.

C'est ce qu'a vécu Mundal Jubran, qui travaillait dans l’épicerie de sa famille à Anata, près d'Azzariyeh, en face de la colonie urbaine juive de Ma'aleh Adumim. Ce jour-là, il n'était pas allé travailler, apparemment parce qu'il se sentait malade. Vers 21 heures, il a dit à sa femme, Ibtisam, qu'il se sentait de plus en plus mal. Sa bouche était tordue, ses joues lui faisaient mal, ses lèvres picotaient, sa langue était lourde. Son élocution est devenue difficile. Effrayée, Ibtisam a appelé le frère de Mundal, Madhat, qui travaille à la télévision palestinienne et est chanteur amateur. Madhat étant à Naplouse, il lui a dit d'appeler un autre frère, Nahad, qui travaille dans une autre épicerie de la famille, à Azzariyeh. Nahad, âgé de 45 ans, a laissé tomber ce qu'il faisait et a couru jusqu'à la maison de son frère, située à quelques minutes de là.

Mundal Jubran. Un médecin a demandé à son frère Nahad : « Pourquoi es-tu en colère ? Ton frère est un chahid. L'occupation l'a tué ». Photo avec l'aimable autorisation de la famille Jubran

Lors de notre visite cette semaine, Nahad nous a raconté qu'alors qu'il courait, il a reçu un autre appel téléphonique d'un parent, il ne se souvient plus qui, disant que l'état de Mundal se détériorait rapidement. À la maison, il a rencontré un voisin qui sortait et qui lui a dit d'appeler rapidement une ambulance.

Le corps de Mundal était rigide et plié en deux, et son frère avait du mal à le faire s'allonger. Nahad a essayé de faire parler Mundal – “Tu m'entends ? Fais signe avec ta main si tu m'entends”, mais en vain. À part tendre la main pour toucher le visage de Nahad, Mundal ne réagit pas. Ses yeux étaient grands ouverts et fixes, mais on ne savait pas s'il comprenait quoi que ce soit. Il avait de l'écume à la bouche.

L'ambulance est arrivée au bout de cinq minutes. Rapidement, le chauffeur et l'ambulancier transportent Mundal sur un brancard dans le véhicule et se dirigent vers la clinique externe de l'hôpital Makassed, à Abou Dis. Nahad les accompagne. Le directeur de la clinique, le Dr Abdullah Ayyad, leur a demandé d'emmener immédiatement Mundal à Makassed, situé non loin de là, à Jérusalem-Est. Ayyad a également envoyé le médecin de garde de la clinique dans l'ambulance. Il leur a demandé d'aller le plus vite possible et leur a dit qu'il essaierait de se coordonner avec les personnes se trouvant au poste de contrôle sur le chemin de l'hôpital. L'option d'emmener Mundal à l'hôpital gouvernemental de Ramallah a été écartée en raison de l'importance de la circulation ; le trajet aurait duré au moins 40 minutes.

Mundal a été replacé dans l'ambulance et ils se sont mis en route pour l'hôpital, pensant y arriver en cinq à dix minutes. La sirène du véhicule a continué à retentir alors qu'ils approchaient du poste de contrôle, mais le personnel de la police des frontières leur a fait signe de tourner à droite dans la zone de contrôle de sécurité. Pourquoi se presser ?

Le chauffeur, qui a l'expérience de ce genre de situation, a pris les cartes d'identité des deux frères et a disparu pour ce qu'il pensait être cinq minutes de négociations avec les policiers. L'état de Mundal continuant de s'aggraver, le médecin accompagnateur de la clinique a décidé de le sortir de l'ambulance et de placer la civière au sol afin d'avoir plus de place pour le soigner. Sentant qu'il était en train de perdre Mundal, le médecin s'est lancé dans des efforts de réanimation. À ce moment-là, Nahad, consterné, est sorti de l'ambulance et a couru vers l'un des agents de la police des frontières, demandant, en hébreu, à parler à l'un de ses supérieurs.

Le point de contrôle d'Al-Zaim à Jérusalem-Est. Photo Moti Milrod

« Laissez-nous passer, nous n'avons pas le temps, son état se détériore », dit Nahad à l'officier. Il n'en est pas question. L'homme lui explique que l'ambulance ne peut en aucun cas passer, qu'ils doivent attendre qu'une ambulance israélienne vienne chercher son frère.

Les minutes passent et l'état de Mundal s'aggrave. Entre-temps, le chauffeur est revenu avec les deux cartes d'identité. Ils ne seront pas autorisés à franchir le poste de contrôle dans l'ambulance. L'un des agents parle sur son téléphone portable et, pendant ce temps, de plus en plus de membres de la police des frontières et de curieux se rassemblent autour de la civière posée au sol, observant la scène avec indifférence, se souvient Nahad. Ils jetaient un coup d'œil et passaient à autre chose. Il était impossible de ne pas comprendre que le patient était dans un état très critique.

Quelqu'un a de nouveau suggéré Ramallah, mais l'idée a été rejetée en raison de la distance. Une ambulance peut se rendre à Makassed depuis le poste de contrôle en quelques minutes. Une fois de plus, Nahad, excédé, implore le personnel de sécurité israélien : « Son état est grave, faites quelque chose : laissez-le passer dans l'ambulance ». Rien. Pas question. Ils ont dû attendre l'arrivée d'une ambulance du Croissant-Rouge en provenance de Jérusalem-Est ; ces ambulances portent des plaques d'immatriculation israéliennes.

De son côté, Madhat était venu de Naplouse en voiture et attendait près du poste de contrôle, où il a vu Mundal être transféré dans la deuxième ambulance. Mais la police des frontières ne l'a pas autorisé à s'approcher pour voir son frère dans ses derniers instants. Il avait peur qu'ils lui tirent dessus, nous dit Madhat.

Selon les registres du Croissant-Rouge, l'appel à une ambulance a été lancé à 22h27, le chauffeur est parti à 22h29, est arrivé à 22h34 au poste de contrôle, et à 22h36 est parti pour Makassed, arrivant à l'hôpital à 22h42. Les efforts pour réanimer Mundal se sont poursuivis tout au long de la journée, et l'équipe d'ambulanciers est restée en contact permanent avec l'hôpital. Une équipe médicale attendait à l'entrée des urgences pour accueillir le patient et commencer les soins, alors même qu'il était transporté en soins intensifs. Nahad est resté à l'extérieur, bouleversé. Des parents de Jérusalem-Est sont arrivés.

Le point de contrôle d'Al-Zaim à Jérusalem-Est, théâtre d'efforts infructueux pour réanimer Jubran Mundal, mourant. Photo Moti Milrod

Un document de l'hôpital indique que deux minutes après l'arrivée de l'ambulance, la respiration du patient s'est arrêtée. Nahad a vu l'équipe hospitalière courir dans tous les sens et a compris que la situation était grave. Personne, cependant, n'a osé lui dire que son frère était mort. Il a tenté d'entrer dans l'unité de soins intensifs, mais a été repoussé avec force. Il ne se souvient plus de rien. « Je ne me sentais plus moi-même », dit-il en hébreu. Un médecin s'est approché de lui et lui a dit : « Pourquoi es-tu en colère ? Pourquoi tu pleures ? Ton frère est un chahid. L'occupation l'a tué ».

À l'époque, les parents des frères, Ahmad et Zahur, étaient en visite dans leur ville natale de Sa'ir, près d'Hébron. Apprenant la nouvelle, Ahmad s'est rendu en voiture au poste de contrôle du Mont des Oliviers dans l'espoir d'être autorisé à passer - soit en raison de son âge, 72 ans, soit parce qu'il a dit aux forces de sécurité que son fils venait de mourir et qu'il voulait lui faire ses adieux en bonne et due forme à l'hôpital. Mais il a été repoussé et renvoyé honteusement chez lui.

« Tu n'as pas de cœur ? Vous avez des cœurs de pierre ? » demande Ahmad à un policier. Encore une fois, en vain. « Cela ne l'intéressait pas, tout comme cela n'intéressait pas le policier un peu plus tôt que mon fils se trouve au poste de contrôle ». Jusque-là, personne n'avait eu le courage de dire la vérité sur Mundal à sa mère, Zahur, 60 ans, qui s'est assise avec nous cette semaine, en silence, vêtue de noir. Ce n'est que très tard dans la nuit qu'elle a été informée.

Des sources au sein de la police des frontières ont expliqué cette semaine que la décision de laisser passer une ambulance relevait de l'administration “civile” du gouvernement militaire. Mais un fonctionnaire de l'administration a déclaré qu'en cas d'urgence, la décision est en fait entre les mains du commandant du poste de contrôle.

Interrogé sur l'incident, un porte-parole de la police israélienne (à laquelle est rattachée la police des frontières) a fourni la réponse officielle suivante : « L'ambulance est arrivée sans la coordination requise à [une unité du] Département de coordination et de liaison des FDI, qui est responsable des autorisations de transit. Le commandant sur place a demandé au DLC d'autoriser le passage de la personne blessée. Cependant, l'autorisation requise n'a pas été reçue [avant] l'arrivée d'une ambulance israélienne [pour permettre] son transfert conformément à la procédure. Dès l'arrivée de l'ambulance israélienne, le blessé a été transféré pour poursuivre son traitement en Israël3.

Réponse de l'unité de coordination des activités gouvernementales dans les territoires : « L'événement que vous décrivez est connu de l'Administration civile. Cet événement fait l'objet d'une enquête conformément aux procédures par les personnes habilitées ».

Avant que nous ne quittions cette maison de deuil, le neveu de Mundal, un petit garçon en sous-vêtements, a demandé à son père quelle langue nous parlions. Son père lui a expliqué que nous étions des Israéliens et que nous parlions hébreu. Le petit garçon nous a alors demandé, en arabe : « Pourquoi est-ce que vous tuez les Palestiniens ? »