El senador Bernie Sanders y el alcalde
de Nueva York Zohran Mamdani en Brooklyn, Nueva York, en septiembre. Foto
Eduardo Munoz / Reuters
Nunca hemos visto algo así aquí en Israel, y nunca lo
veremos.
Un candidato que surge de la nada — ni general retirado, ni estrella de
televisión, ni príncipe privilegiado de la élite, ni siquiera un embrollón
político.
Un joven, con origen extranjero, inmigrante, desconocido hasta hace poco; sus
opiniones son firmes, radicales; no teme decir lo que piensa ni pensar lo que
dice.
No le importan las encuestas ni escucha los consejos
para moderar sus posturas.
Ataca con su propia verdad — y gana. Derrota al establishment, al otro
candidato, al heredero de una dinastía.
Nunca hemos tenido algo así aquí; nunca tendremos un Zohran Mamdani.
Mientras la política israelí siga estancada — no solo porque Benjamín Netanyahu
no se va, sino porque incluso sus rivales, derrotados una y otra vez, se niegan
a salir de nuestras vidas — nunca tendremos un Mamdani. Desesperación.
Para comprender la magnitud de la revolución que
representa Mamdani, elegido alcalde de la ciudad más importante del mundo [no
exageremos, Gideon, NdT], imaginen a un candidato árabe o eritreo migrante
ganando unas elecciones aquí, en Israel. Imaginen al exdiputado de Hadash Dov
Khenin elegido primer ministro.
Piensen también en un artista de hip-hop como Mr. Cardamom — uno de los
seudónimos musicales de Mamdani — convertido de la noche a la mañana en líder.
¿Quizá el rapero Tamer Nafar?
En solo unos meses, Mamdani entusiasmó a la ciudad y
cautivó a su juventud, incluso a quienes no se interesaban por la política.
Fue elegido en la ciudad con la comunidad judía más grande del mundo, aunque
maliciosamente intentaron tacharlo de antisemita.
Fue elegido en una de las ciudades más capitalistas del mundo, con una
plataforma socialista, sin vacilaciones.
USA ha demostrado una vez más que es la tierra
de las oportunidades ilimitadas.
Mamdani podría hacerla grande de nuevo — mucho más que Donald Trump.
Neoyorquinos celebrando la victoria de
Zohran Mamdani en las elecciones municipales del martes por la noche. Foto Gili
Getz
También es posible que fracase estrepitosamente. El viejo establishment hará todo lo posible por eliminarlo, como hicieron en el
Reino Unido con Jeremy Corbyn del Partido Laborista — otra gran esperanza de
cambio — que fue derribado. También es posible que las promesas de Mamdani resulten imposibles de cumplir,
pese al gran atractivo de instaurar justicia e igualdad en su ciudad y más
allá.
Incluso es posible que no sea tan hábil para gobernar
y ejecutar como lo es para prometer. Pero su sola elección ya ha generado un cambio enorme, ha insuflado esperanza
de algo distinto, ha traído un espíritu nuevo y refrescante que en Israel no se
ve desde hace mucho tiempo: tengan envidia de los neoyorquinos.
Las últimas horas de la campaña
El próximo año tendremos las «elecciones más
decisivas», y no hay una sola persona que despierte entusiasmo, ninguna figura
en la que confiar o por la que valga la pena esforzarse. Nadie en quien creer, que ofrezca un reinicio y una revolución. Solo más de lo mismo: elogios al ejército israelí, «no es el momento para un
Estado palestino» y, por encima de todo, la supremacía judía perpetua.
Todo esto en un país desesperado por un reinicio —
quizá más que cualquier otra nación del mundo, y más ahora que nunca en su
historia. Aquí, todo es lo mismo: el líder supremo, los aspirantes golpeados al trono,
los lemas vacíos, la corrupción, el vacío y la desesperanza.
Un Mamdani israelí es ahora tan necesario como un
respirador para quien se ahoga. Cuando nadie se atreve a ofrecer algo distinto,
un camino aún no intentado, una perspectiva no explorada, y el país y la
sociedad están atascados — necesitamos un Mamdani.
Manifestantes mamdanófobos reunidos frente a la CBE
(Congregación Beth Elohim, una sinagoga reformista histórica en Park Slope). La tensión había aumentado durante toda la semana a medida que se difundía la
noticia de la visita de Mamdani. Foto Gili Getz
Quizás por eso las máquinas de incitación al odio y
miedo ya han comenzado a trabajar contra él en Israel; casi todos los
comentaristas de los estudios de televisión se han manifestado en su contra. Después de todo, dijo que Israel mató niños en Gaza — imagínense — e incluso
cometió genocidio. Eso debe significar que es un antisemita probado. También está contra la islamofobia, lo que significa que es islamista, el
Estado Islámico en Nueva York.
Si tan solo lograra cumplir algunas de sus enormes
promesas. Si pudiera romper la campaña mundial contra el progreso. Si pudiera ocuparse de los miserables de Nueva York. Los miserables de Israel también merecen un Mamdani.
Le
sénateur Bernie Sanders et le maire de New York Zohran Mamdani à Brooklyn, New
York, en septembre. Photo Eduardo Munoz / Reuters
Nous n’avons
jamais rien vu de tel ici en Israël, et nous ne le verrons jamais.
Un candidat sorti de nulle part — ni général à la retraite, ni vedette de la
télévision, ni prince privilégié de l’élite, ni même un habile magouilleur.
Un jeune homme, d’origine étrangère, immigré, inconnu jusqu’à récemment ; ses
opinions sont inébranlables, radicales ; il n’a pas peur de dire ce qu’il pense
et ne craint pas de penser ce qu’il dit.
Il se
moque des sondeurs et ignore les conseils qui lui suggèrent d’adoucir ses
positions. Il attaque avec sa propre vérité — et il gagne. Il bat
l’establishment, l’autre candidat, l’héritier d’une dynastie.
Nous n’avons jamais connu ça ici ; nous n’aurons jamais de Zohran Mamdani.
Tant que la politique israélienne continuera à piétiner — non seulement
Benjamin Netanyahou ne s’en ira pas, mais même ses rivaux, battus encore et
encore, refusent de disparaître de nos vies — nous n’aurons jamais de Mamdani.
Désespérant.
Pour
comprendre la profondeur de la révolution que représente Mamdani, élu maire de
la ville la plus importante du monde [n’exagérons pas, Gideon, NdT],
imaginez un candidat arabe ou érythréen migrant remportant une élection ici, en
Israël. Imaginez l’ancien député de Hadash Dov Khenin élu Premier ministre.
Pensez aussi à un artiste de hip-hop comme Mr. Cardamom — l’un des pseudonymes
musicaux de Mamdani — devenu du jour au lendemain un dirigeant. Peut-être le
rappeur Tamer Nafar ?
En quelques
mois à peine, Mamdani a électrisé la ville et captivé sa jeunesse, même ceux
qui se fichaient éperdument de la politique.
Il a été élu dans la ville qui abrite la plus grande communauté juive du monde,
bien qu’on ait tenté de manière malveillante de l’étiqueter comme antisémite.
Il a été élu dans l’une des villes les plus capitalistes du monde, sur une
plateforme socialiste, sans aucune hésitation.
L’USAmérique
a de nouveau prouvé qu’elle est la terre des possibilités illimitées. Mamdani
la rendra peut-être à nouveau grande — bien plus que Donald Trump.
Des
New-Yorkais célèbrent la victoire de Zohran Mamdani lors des élections
municipales mardi soir. Photo Gili Getz
Il est
aussi possible qu’il échoue lamentablement. L’ancien establishment fera tout pour l’éliminer, comme on l’a fait au
Royaume-Uni avec Jeremy Corbyn du Parti travailliste — un autre grand espoir du
changement — que l’on a abattu.
Il est
également possible que les promesses de Mamdani se révèlent irréalisables,
malgré le grand charme de sa volonté affirmée d’ instaurer la justice et
l’égalité dans sa ville et au-delà. Il est même
possible qu’il soit moins doué pour diriger et mettre en œuvre que pour
promettre. Mais son élection seule a déjà provoqué un immense changement, insufflé
l’espoir d’autre chose, apporté un vent nouveau, rafraîchissant, qui n’existe
plus en Israël depuis longtemps : soyez jaloux des New-Yorkais.
Lors des dernières heures de la campagne
L’année prochaine, nous aurons des élections « les plus décisives » — et il n’y a personne pour qui s’enthousiasmer, aucun visage qu’on espère voir gagner, personne pour qui se mobiliser. Pas une seule personne digne de confiance, capable d’offrir un renouveau, une révolution. Rien que plus de la même chose : des éloges à Tsahal, « ce n’est pas le moment pour un État palestinien », et surtout : la suprématie juive perpétuelle.
Tout cela
dans un pays désespérément en quête d’un redémarrage — peut-être plus que toute
autre nation au monde, et plus encore aujourd’hui qu’à tout autre moment de son
histoire. Ici, tout est pareil : le dirigeant suprême, les prétendants éreintés au trône,
les slogans creux, la corruption, le vide et le désespoir.
Un Mamdani
israélien est aujourd’hui aussi nécessaire qu’un respirateur pour quelqu’un qui
suffoque. Quand
personne n’ose proposer quelque chose de différent, un chemin encore inexploré,
un point de vue inédit, et que le pays et la société s’enlisent, nous avons
besoin d’un Mamdani.
Des
manifestants mamdanophobes rassemblés devant la CBE (Congregation Beth Elohim, une synagogue
réformée historique de Park Slope). La tension avait monté toute la semaine à
mesure que la nouvelle de la visite de Mamdani se répandait. Photo Gili Getz
Peut-être
est-ce pour cela que les machines d’appel à la haine et d’alarmisme se sont
mises en marche contre lui en Israël ; presque tous les commentateurs des
studios télévisés se sont dressés contre lui. Après tout, il a dit qu’Israël avait tué des enfants à Gaza — imaginez donc —
et même commis un génocide. Cela suffit à prouver qu’il est un antisémite avéré. Il est aussi contre l’islamophobie, donc c’est forcément un islamiste, en un
mot Daech à New York.
Si seulement il réussissait à tenir ne serait-ce
qu’une partie de ses immenses promesses. S’il parvenait à briser la campagne mondiale contre le progrès. S’il pouvait seulement s’occuper des misérables de New York. Les misérables d’Israël, eux aussi, méritent un Mamdani.
El endeble pretexto moral hoy es la lucha contra las drogas, sin embargo el
objetivo real es derrocar a un gobierno soberano, y el daño colateral es el
sufrimiento del pueblo venezolano. Si esto suena familiar, es porque lo es.
USA está desempolvando su viejo manual de cambio de
régimen en Venezuela. Aunque el eslogan ha pasado de «restaurar la democracia»
a «combatir a los narco-terroristas», el objetivo sigue siendo el mismo: el
control del petróleo venezolano. Los métodos seguidos por USA son familiares:
sanciones que estrangulan la economía, amenazas de fuerza y una recompensa de
50 millones de dólares por la cabeza del presidente venezolano Nicolás Maduro,
como si esto fuera el Lejano Oeste.
Carlos Latuff
USA es adicto a la guerra. Con el cambio de nombre del
Department of War [ministerio de la Guerra], un presupuesto propuesto
para el Pentágono de 1,01 billones de dólares, y más de 750 bases militares en
alrededor de 80 países, esta no es una nación que busque la paz. Durante las
últimas dos décadas, Venezuela ha sido un objetivo persistente de los intentos usamericanos
de cambio de régimen. El motivo, que el presidente Donald Trump dejó claramente
expuesto, son los aproximadamente 300 mil millones de barriles de reservas de
petróleo bajo la franja del Orinoco, las mayores reservas petroleras del
planeta.
En 2023, Trump declaró abiertamente: «Cuando me fui,
Venezuela estaba lista para colapsar. La habríamos tomado, habríamos conseguido
todo ese petróleo… pero ahora estamos comprando petróleo de Venezuela, así que
estamos haciendo a un dictador muy rico.» Sus palabras revelan la lógica
subyacente de la política exterior yanqui, que muestra un completo desprecio
por la soberanía y favorece en cambio la apropiación de los recursos de otros
países.
Lo que está en marcha hoy es una operación típica de
cambio de régimen dirigida por USA, revestida con el lenguaje de la
interdicción antidrogas. USA ha concentrado miles de tropas, buques de guerra y
aeronaves en el mar Caribe y el océano Pacífico. El presidente ha autorizado
con orgullo a la CIA a llevar a cabo operaciones encubiertas dentro de
Venezuela.
Las llamadas del gobierno usamericano a la escalada
reflejan un desprecio temerario por la soberanía de Venezuela, el derecho
internacional y la vida humana.
El 26 de octubre de 2025, el senador Lindsey Graham (Republicano,
Carolina del Sur) apareció en televisión nacional para defender recientes
ataques militares usamericanos contra buques venezolanos y para decir que
ataques terrestres dentro de Venezuela y Colombia son una «posibilidad real».
El senador por Florida Rick Scott, en el mismo ciclo informativo, reflexionó
que si él fuera Nicolás Maduro «se iría a Rusia o China ahora mismo». Estos
senadores pretenden normalizar la idea de que Washington decide quién gobierna
Venezuela y qué sucede con su petróleo. Recuerde que Graham de modo similar
defiende que USA luche contra Rusia en Ucrania para asegurar los 10 billones de
dólares en riquezas minerales que Graham afirma, de manera fatua, que están
disponibles para que USA las tome.
Tampoco son los movimientos de Trump una historia
nueva respecto a Venezuela. Durante más de 20 años, administraciones usamericanas
sucesivas han intentado someter la política interna de Venezuela a la voluntad
de Washington. En abril de 2002, un golpe de Estado militar de corta duración
depuso brevemente al entonces presidente Hugo Chávez. La CIA conocía los
detalles del golpe por adelantado, y USA reconoció inmediatamente al nuevo
gobierno. Al final, Chávez retomó el poder. Sin embargo, USA no puso fin a su
apoyo al cambio de régimen.
En marzo de 2015, Barack Obama codificó una notable
ficción legal. Firmó la Orden Ejecutiva 13692, declarando la situación política
interna de Venezuela como una «amenaza inusual y extraordinaria» para la
seguridad nacional de USA para activar sanciones económicas gringas. Ese
movimiento preparó el terreno para una coerción creciente por parte de USA. La
Casa Blanca ha sostenido esa afirmación de una «emergencia nacional» usamericana
desde entonces. Trump añadió sanciones económicas cada vez más draconianas
durante su primer mandato. Asombrosamente, en enero de 2019, Trump declaró a
Juan Guaidó, entonces una figura de la oposición, «presidente interino» de
Venezuela, como si Trump pudiera simplemente nombrar a un nuevo presidente
venezolano. Esta tragicomedia grencha acabó desmoronándose en 2023, cuando USA
abandonó esta maniobra fracasada y ridícula.
USA ahora está iniciando un nuevo capítulo de
apropiación de recursos. Trump ha sido durante mucho tiempo vocal acerca de
«quedarse con el petróleo». En 2019, al hablar de Siria, el presidente Trump
dijo: «Nos estamos quedando con el petróleo, tenemos el petróleo, el petróleo
está asegurado, dejamos tropas únicamente por el petróleo.» Para los que lo
dudan, las tropas usamericanas aún permanecen hoy en el noreste de Siria,
ocupando los campos petroleros. Antes, en 2016, sobre el petróleo de Irak,
Trump dijo: «Yo decía esto constantemente y de forma consistente a quien
quisiera escuchar, decía quédense con el petróleo, quédense con el petróleo,
quédense con el petróleo, no dejen que alguien más lo consiga.»
Ahora, con nuevos ataques militares a buques
venezolanos y conversaciones abiertas sobre ataques terrestres, la
administración invoca los narcóticos para justificar el cambio de régimen. Sin
embargo, el artículo 2(4) de la Carta de las Naciones Unidas prohíbe
expresamente «la amenaza o el uso de la fuerza contra la integridad territorial
o la independencia política de cualquier Estado». Ninguna teoría gringa de
«guerras de cárteles» justifica remotamente un cambio de régimen coercitivo.
Incluso antes de las incursiones militares, las
sanciones coercitivas usamericanas han funcionado como un ariete de asedio.
Obama construyó el marco de sanciones en 2015, y Trump lo convirtió en un arma
aún más potente para derrocar a Maduro. La afirmación era que la «presión
máxima» empoderaría a los venezolanos. En la práctica, las sanciones han
causado un sufrimiento generalizado. Como encontró el economista y renombrado
experto en sanciones Francisco Rodríguez en su estudio sobre las «Consecuencias
humanas de las sanciones económicas», el resultado de las medidas coercitivas usamericanas
ha sido una caída catastrófica del nivel de vida en Venezuela, un empeoramiento
marcado de la salud y la nutrición, y un daño grave a las poblaciones
vulnerables.
El endeble pretexto moral hoy es la lucha contra las
drogas, sin embargo el objetivo real es derrocar a un gobierno soberano, y el
daño colateral es el sufrimiento del pueblo venezolano. Si esto suena familiar,
es porque USA ha emprendido repetidamente operaciones de cambio de régimen en
busca de petróleo, uranio, plantaciones de banano, rutas de oleoductos y otros
recursos: Irán (1953), Guatemala (1954), Congo (1960), Chile (1973), Irak
(2003), Haití (2004), Siria (2011), Libia (2011) y Ucrania (2014), por nombrar
solo algunos casos. Ahora Venezuela está en el escaparate.
En su brillante libro Covert Regime Change
(2017), la profesora Lindsey O’Rourke detalla las maquinaciones, los reveses y
los desastres de no menos de 64 operaciones encubiertas usamericanas de cambio
de régimen durante los años 1947-1989. ¡Ella se centró en ese período anterior
porque muchos documentos clave de esa época ya han sido desclasificados!
Trágicamente, el patrón de una política exterior usamericana basada en
operaciones de cambio de régimen encubiertas (y no tan encubiertas) continúa
hasta el día de hoy.
Las llamadas del gobierno de Washington a la escalada
reflejan un desprecio temerario por la soberanía de Venezuela, el derecho
internacional y la vida humana. Una guerra contra Venezuela sería una guerra
que los ciudadanos de USA no quieren, contra un país que no ha amenazado ni
atacado a USA, y sobre fundamentos legales que fracasarían ante un estudiante
de primer año de Derecho. Bombardear buques, puertos, refinerías o soldados no
es una demostración de fuerza. Es puro y simple hampa.
Le prétexte moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants,
pourtant l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les
dommages collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous
paraît familier, c’est parce que ça l’est.
Les USA
ressortent leur ancien manuel de changement de régime au Venezuela. Bien que le
slogan ait glissé de « rétablir la démocratie » à « combattre les
narco-terroristes », l’objectif reste le même : le contrôle du pétrole
vénézuélien. Les méthodes employées par les USA sont bien connues : des
sanctions qui étranglent l’économie, des menaces de recours à la force, et la
tête du président vénézuélien Nicolás Maduro mise à prix pour 50 millions de
dollars comme si l’on était au Far West.
Carlos Latuff
Les USA sont
accros à la guerre. Avec le renommage du Department of War [ministère de la
Guerre], un budget proposé pour le Pentagone de 1,01 billion de dollars, et
plus de 750 bases militaires réparties dans quelque 80 pays, ce n’est pas une
nation qui poursuit la paix. Depuis deux décennies, le Venezuela est une cible
persistante des tentatives usaméricaines de changement de régime. Le motif,
clairement exposé par le président Donald Trump, ce sont les quelque 300
milliards de barils de réserves pétrolières sous la ceinture de l’Orénoque, les
plus grandes réserves de pétrole de la planète.
En 2023,
Trump déclara ouvertement : « Quand je suis parti, le Venezuela était prêt à
s’effondrer. Nous l’aurions pris, nous aurions obtenu tout ce pétrole… mais
maintenant nous achetons du pétrole au Venezuela, donc nous rendons un
dictateur très riche. » Ses mots révèlent la logique sous-jacente de la
politique étrangère usaméricaine qui ignore complètement la souveraineté et
favorise plutôt l’appropriation des ressources d’autres pays.
Ce qui se
déroule aujourd’hui est une opération typique de changement de régime dirigée
par les USA, déguisée sous le langage de l’interdiction des drogues. Les USA
ont massé des milliers de soldats, des navires de guerre et des avions dans la
mer des Caraïbes et l’océan Pacifique. Le président a fièrement autorisé la CIA
à mener des opérations clandestines à l’intérieur du Venezuela.
Les appels
du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour
la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine.
Le 26
octobre 2025, le sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud) est
allé à la télévision nationale pour défendre les récentes frappes militaires usaméricaines
contre des navires vénézuéliens et pour dire que des frappes terrestres à
l’intérieur du Venezuela et de la Colombie sont une « vraie possibilité ». Le
sénateur de Floride Rick Scott, dans le même cycle d’informations, a fait la
réflexion que s’il était Nicolás Maduro, il « irait en Russie ou en Chine
immédiatement ». Ces sénateurs visent à normaliser l’idée que Washington décide
qui gouverne le Venezuela et ce qu’il advient de son pétrole. Rappelons que
Graham défend de la même manière que les USA combattent la Russie en Ukraine
pour sécuriser les 10 000 milliards de dollars de richesses minérales que
Graham affirme connement être disponibles pour que les USA se les approprient.
Les
mouvements de Trump ne constituent pas non plus une nouveauté en ce qui
concerne le Venezuela. Depuis plus de 20 ans, des administrations usaméricaines
successives ont tenté de soumettre la politique intérieure du Venezuela à la
volonté de Washington. En avril 2002, un coup d’État militaire de courte durée
défit brièvement le président de l’époque, Hugo Chávez. La CIA connaissait les
détails du coup d’avance, et les USA ont immédiatement reconnu le nouveau
gouvernement. Finalement, Chávez reprit le pouvoir. Pourtant, les USA n’ont pas
mis fin à leur soutien à un changement de régime.
En mars
2015, Barack Obama a codifié une remarquable fiction juridique. Il a signé
l’Ordre Exécutif 13692, déclarant que la situation politique interne du
Venezuela constituait une « menace inhabituelle et extraordinaire » pour la
sécurité nationale des USA afin de déclencher des sanctions économiques usaméricaines.
Cette décision a préparé le terrain à une coercition usaméricaine croissante.
La Maison-Blanche a maintenu cette affirmation d’« urgence nationale » usaméricaine
depuis lors. Trump a ajouté des sanctions économiques de plus en plus
draconiennes pendant son premier mandat. De façon stupéfiante, en janvier 2019,
Trump déclara Juan Guaidó, alors figure de l’opposition, « président par
intérim » du Venezuela, comme si Trump pouvait simplement nommer un nouveau
président vénézuélien. Cette tragicomédie yankee s’est finalement effondrée en
2023, lorsque les USA ont abandonné ce stratagème foireux et grotesque.
Les USA
entament désormais un nouveau chapitre d’appropriation des ressources. Trump a
longtemps été clair sur le fait de « garder le pétrole ». En 2019, en parlant
de la Syrie, le président Trump déclara : « Nous gardons le pétrole, nous avons
le pétrole, le pétrole est sécurisé, nous avons laissé des troupes uniquement
pour le pétrole. » Pour ceux qui en doutent, des troupes usaméricaines sont
encore aujourd’hui dans le nord-est de la Syrie, occupant les champs
pétrolifères. Plus tôt, en 2016, au sujet du pétrole irakien, Trump a dit : «
Je disais cela constamment et de façon cohérente à quiconque voulait bien
écouter, je disais : gardez le pétrole, gardez le pétrole, gardez le
pétrole, ne laissez pas quelqu’un d’autre l’avoir. »
Aujourd’hui,
avec de nouvelles frappes militaires contre des navires vénézuéliens et des
propos ouverts sur des attaques terrestres, l’administration invoque les stups
pour justifier un changement de régime. Pourtant l’article 2(4) de la Charte
des Nations unies interdit expressément « la menace ou l’emploi de la force
contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».
Aucune théorie usaméricaine de « guerres de cartels » ne justifie à distance un
changement de régime coercitif.
Même avant
les frappes militaires, les sanctions coercitives usaméricaines ont fonctionné
comme un engin de siège. Obama a construit le cadre des sanctions en 2015, et
Trump l’a encore plus instrumentalisé pour renverser Maduro. La prétention
était que la « pression maximale » habiliterait les Vénézuéliens. En pratique,
les sanctions ont provoqué des souffrances généralisées. Comme l’a constaté
l’économiste et spécialiste renommé des sanctions Francisco Rodríguez dans son
étude sur les « Conséquences humaines des sanctions économiques », le résultat
des mesures coercitives usaméricaines a été un déclin catastrophique du niveau
de vie au Venezuela, une détérioration nette de la santé et de la nutrition, et
des dommages graves pour les populations vulnérables.
Le prétexte
moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants, pourtant
l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les dommages
collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous paraît
familier, c’est parce que ça l’est. Les USA ont à plusieurs reprises entrepris
des opérations de changement de régime à la recherche de pétrole, d’uranium, de
plantations de bananes, de tracés de pipelines et d’autres ressources : Iran
(1953), Guatemala (1954), Congo (1960), Chili (1973), Irak (2003), Haïti
(2004), Syrie (2011), Libye (2011) et Ukraine (2014), pour ne citer que
quelques-unes de ces affaires. Maintenant, c’est le Venezuela qui est sur la
sellette.
Dans son
excellent livre Covert Regime Change (2017), la professeure Lindsey
O’Rourke détaille les manigances, les retombées et les catastrophes d’au moins
64 opérations usaméricaines clandestines de changement de régime durant les
années 1947-1989 ! Elle s’est concentrée sur cette période antérieure parce que
de nombreux documents clés de cette époque ont aujourd’hui été déclassifiés.
Tragiquement, le schéma d’une politique étrangère usaméricaine fondée sur des
opérations de changement de régime secrètes (et pas si secrètes) perdure
jusqu’à aujourd’hui.
Les appels
du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour
la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine. Une
guerre contre le Venezuela serait une guerre que les citoyens usaméricains ne
veulent pas, contre un pays qui n’a ni menacé ni attaqué les USA, et sur des
bases juridiques qui échoueraient à convaincre un étudiant en première année de
droit. Bombarder des navires, des ports, des raffineries ou des soldats n’est
pas une démonstration de force. C’est du gangstérisme pur et simple.
NdT
Le discours de Manama de
Tulsi Gabbard du 31 octobre, annonçant la fin de la politique de
“changement de régime” de Washington (lire ici), a manifestement échappé à l’attention des auteurs.
La
entrevista entre Chris Hedges y Whitney Webb explora la mutación silenciosa del
poder en la era digital: la fusión entre el Estado securitario y los gigantes
de Silicon Valley. Whitney
Webb traza la filiación directa entre el programa de vigilancia Total
Information Awareness, concebido por John Poindexter tras el 11 de
septiembre, y Palantir, la empresa fundada en 2003 por Peter Thiel con el apoyo
de la CIA. Este traslado del espionaje público al sector privado convirtió la
vigilancia en un mercado. El ciudadano deja de ser un sujeto de derecho para
transformarse en un flujo de datos. Bajo
el pretexto de la seguridad y la salud pública, Palantir y sus derivados han
generalizado la lógica del precrimen: predecir los comportamientos, identificar
los riesgos antes de que ocurran y administrar la sociedad como si fuera un
algoritmo.
El Estado profundo no desaparece: se reconfigura en torno a las tecnologías
predictivas, alimentadas por los gigantes digitales. En
torno a Thiel gravita la llamada PayPal Mafia – Musk, Altman, Vance, Luckey,
Sacks –, que transforma el capitalismo tecnológico en ideología política: un
Estado privatizado dirigido como una empresa.
La “gobernanza por IA” y la militarización de la tecnología (Palantir, Anduril,
SpaceX) consagran la fusión del poder militar, financiero y digital. A
esta arquitectura se suma la contribución israelí: la unidad 8200 y sus
empresas emergentes de ciberespionaje (Black Cube, NSO, Carbyne) prolongan el
modelo usamericano a escala global, donde los datos y los algoritmos circulan
entre Tel Aviv, Washington y Silicon Valley. Este
sistema no impone la tiranía por la fuerza, sino por la seducción del confort:
seguridad, eficiencia, personalización. La libertad se convierte en una opción
que se marca en una casilla, y la propaganda en una función nativa de las
plataformas. Para
Hedges y Webb, la resistencia no puede ser puramente tecnológica: es moral y
política. Rechazar la servidumbre digital, apoyar las redes libres y los medios
independientes es preservar la parte humana en un mundo donde el poder pretende
cuantificarlo todo — incluso la conciencia.
L’entretien entre Chris Hedges et
Whitney Webb explore la mutation silencieuse du pouvoir à l’ère numérique : la
fusion entre l’État sécuritaire et les géants de la Silicon Valley.
Whitney Webb retrace la filiation
directe entre le programme de surveillance Total Information Awareness de John
Poindexter, conçu après le 11 septembre, et Palantir, la société fondée en 2003
par Peter Thiel avec le soutien de la CIA. Ce transfert du renseignement public
vers le secteur privé a fait de la surveillance un marché. Le citoyen n’est
plus un sujet de droit, mais un flux de données.
Sous prétexte de sécurité et de santé publique, Palantir
et ses dérivés ont généralisé la logique du pré-crime : prédire les
comportements, identifier les risques avant qu’ils ne se produisent,
administrer la société comme un algorithme.
L’État profond ne disparaît pas : il
se reconfigure autour des technologies prédictives, alimentées par les géants
du numérique.
Autour de Thiel gravite la PayPal
Mafia – Musk, Altman, Vance, Luckey, Sacks – qui transforme le capitalisme
technologique en idéologie politique : un État privatisé dirigé comme une
entreprise. La “gouvernance par IA” et la militarisation des technologies
(Palantir, Anduril, SpaceX) consacrent la fusion du militaire, du financier et
du numérique.
À cette architecture s’ajoute la
contribution israélienne : l’unité 8200 et ses start-ups de cybersurveillance
(Black Cube, NSO, Carbyne) prolongent le modèle usaméricain à l’échelle
globale, où les données et les algorithmes circulent entre Tel-Aviv, Washington
et la Silicon Valley.
Ce système n’impose pas la tyrannie
par la force, mais par la séduction du confort : sécurité, efficacité,
personnalisation. La liberté devient un paramètre à cocher, la propagande une
fonction native des plateformes.
Pour Hedges et Webb, la résistance
ne peut être purement technologique : elle est morale et politique. Refuser la
servitude numérique, soutenir les réseaux libres et les médias indépendants,
c’est préserver la part d’humain dans un monde où le pouvoir cherche à tout
quantifier — y compris la conscience.
Chris
Hedges
Beaucoup de personnes, y compris certains libéraux, ont cru à tort que
l’administration Trump allait démanteler « l’État profond ». En réalité, comme
la journaliste d’investigation Whitney Webb l’a documenté, Trump est
étroitement lié aux figures les plus autoritaires de la Silicon Valley,
notamment Peter Thiel, qui imagine un monde où nos habitudes, nos penchants,
nos opinions et nos déplacements seraient méticuleusement enregistrés et
suivis. Ces alliés de Trump n’ont nullement l’intention de nous libérer de la
tyrannie des agences de renseignement, de la police militarisée, du plus vaste
système carcéral du monde, des entreprises prédatrices ou de la surveillance de
masse.
Ils
ne rétabliront pas l’État de droit pour demander des comptes aux puissants et aux
riches. Ils ne réduiront pas non plus les dépenses incontrôlées du Pentagone,
qui atteignent près de mille milliards de dollars. Ils purgent rapidement la
fonction publique, les forces de l’ordre et l’armée, non pour éradiquer l’État
profond, mais pour s’assurer que ceux qui dirigent la machine étatique soient
entièrement loyaux aux caprices et aux diktats de la Maison-Blanche de Trump.
Ce qui est visé, ce ne sont pas les réseaux clandestins, mais les lois,
règlements et protocoles – tout ce qui limite le contrôle dictatorial absolu.
Les compromis, la séparation des pouvoirs et la reddition de comptes sont voués
à disparaître.
Ceux
qui croient que le gouvernement doit servir le bien commun plutôt que les
diktats d’une poignée de milliardaires seront éliminés. L’État profond sera
reconstitué pour servir le culte du chef. Les lois et les droits inscrits dans
la Constitution deviendront sans objet. C’est un coup d’État lent, imposé par
étapes, appliqué brutalement par les forces de l’immigration et des douanes
(ICE) dans les rues de nos villes, soutenues par Palantir de Thiel et les
outils de surveillance numérique alimentés par l’intelligence artificielle.
Pour
en parler, je reçois Whitney Webb, journaliste d’investigation et autrice de One
Nation Under Blackmail [Une nation soumise au
chantage], que l’on peut suivre sur son site ouèbe Unlimited Hangout.
Whitney,
commençons par le début : John Poindexter et l’affaire Iran-Contra, que j’ai
couverte quand j’étais au Nicaragua, car c’est vraiment l’origine de ce dans
quoi on se trouve aujourd’hui.
Whitney Webb
Oui, c’est un excellent point de départ,
merci Chris. John Poindexter, comme vous le savez, fut conseiller à la sécurité
nationale sous Reagan et le plus haut responsable de son administration inculpé
dans le scandale Iran-Contra.
Mais il est aussi considéré comme le «
parrain de la surveillance moderne ». Juste après le 11 septembre, il a dirigé
un programme de la DARPA appelé Total Information Awareness – ou
Connaissance Totale de l’Information. Après Reagan, Poindexter avait travaillé
pour plusieurs entreprises technologiques, ancêtres de ce que deviendront
Palantir et TIA, comme Saffron Technology ou Cintech Technologies – des
sous-traitants du département de la Défense qui cherchaient à employer
l’analyse prédictive pour anticiper les actes terroristes, bien avant 2001.
Lorsque TIA fut révélée, l’ACLU [Union
américaine pour les libertés civiles] et d’autres organisations dénoncèrent une
menace directe contre le droit à la vie privée. La presse se moqua du programme
en disant qu’il « combattrait le terrorisme en terrorisant les citoyens ». En
mai 2003, face au tollé, on le rebaptisa Terrorism Information Awareness,
sans en changer la nature.
Ce même mois, Peter Thiel fonda Palantir.
Thiel et Alex Karp contactèrent Poindexter par l’intermédiaire de Richard Perle
afin de privatiser le programme : ils comprirent que dans le secteur privé, le
scandale s’éteindrait. Ce fut le cas.
Le financement de Palantir provenait de
Thiel lui-même et du fonds de la CIA, In-Q-Tel. L’un des responsables, Alan
Wade, avait travaillé avec Poindexter sur TIA. Pendant ses six premières
années, Palantir n’eut qu’un seul client : la CIA. Ses ingénieurs se rendaient
à Langley toutes les deux semaines. Alex Karp a reconnu que la CIA avait toujours
été le client visé.
Chris
Hedges
Expliquez ce que faisait ce programme et quel en était le
but.
Whitney Webb
L’objectif de Poindexter était immense :
recueillir toutes les données possibles – bancaires, de santé, de
communications – pour prédire les actions avant qu’elles ne se produisent.
L’un des volets les plus absurdes fut le
marché à terme du terrorisme : un système de paris où des investisseurs
misaient sur la probabilité d’attentats ou de coups d’État au Moyen-Orient.
Un autre volet concernait la santé, la biosurveillance,
ancêtre des systèmes que Palantir a ensuite mis en place pour le ministère de
la Santé (HHS) pendant le COVID, en analysant par exemple les eaux usées pour
prévoir les épidémies. Aujourd’hui, Palantir gère les données sanitaires du
HHS, des CDC (Centres pour le contrôle et la
prévention des maladies), et du NHS (Service national de santé) britannique
Chris Hedges
Et Palantir aujourd’hui ?
Whitney Webb
L’entreprise s’est imposée comme moteur d’intelligence artificielle pour
Wall Street et sous-traitant de toutes les agences américaines : DHS, ICE, NSA,
FBI. Sa technologie est utilisée pour la « police prédictive » – c’est-à-dire
la surveillance des quartiers pauvres et racisés sous prétexte de prévention.
Les systèmes comme PredPol se sont révélés d’une inexactitude extrême,
pires qu’un pile-ou-face.
Quand Palantir se retire, une autre
société liée à Thiel, Carbyne 911 – financée aussi par Jeffrey Epstein
et dirigée par Ehud Barak, ancien Premier ministre israélien – prend la relève
en gérant les systèmes d’urgence 911.
Ainsi, les ambitions de Poindexter se
sont réalisées, accélérées sous prétexte de pandémie et de sécurité.
Chris Hedges
En somme, tout cela aboutit à créer des profils pour chaque citoyen ?
Whitney Webb
Exactement. Et cela a été reconnu publiquement. L’administration Trump
utilisait Palantir pour bâtir des bases de données sur chaque USAméricain. Ce
n’est que la version officielle d’un ancien système clandestin appelé Main
Core, mis au point à l’époque d’Iran-Contra et qui continue d’exister.
L’idée était d’établir un registre
secret des personnes considérées comme « potentiellement subversives ». Ce que
Palantir fait aujourd’hui de manière légale, avec la puissance de calcul et les
moyens du secteur privé.
Sous Trump, après la fusillade d’El
Paso, le procureur général William Barr lança le programme DEEP – Disruption
and Early Engagement Program. Ce dispositif posait les bases juridiques du «
pré-crime », c’est-à-dire l’intervention avant que le crime ne soit commis.
Trump proposa aussi d’utiliser les réseaux sociaux pour détecter les signes
avant-coureurs de violence à l’aide d’algorithmes.
Ces projets ont ensuite été repris, sous
des noms différents, par l’administration suivante. Aujourd’hui, Palantir n’est
plus seulement un acteur de la sécurité ; elle gère aussi des données pour le
fisc, le Trésor et les infrastructures de santé publique.
Les racines de ce système remontent aux
années 1980, lorsque les protocoles de continuité du gouvernement prévoyaient
déjà de ficher les citoyens dissidents afin de pouvoir les localiser et les
arrêter en cas de crise politique. À l’époque, une « crise » pouvait signifier
de simples manifestations pacifiques contre la guerre.
Si cela existait déjà dans les années
Reagan, imaginez ce qu’il en est aujourd’hui après vingt-cinq ans de
perfectionnement technologique et la montée en puissance de la surveillance
numérique !
Chris Hedges
Parlons maintenant de ce que vous appelez la PayPal Mafia : Palmer
Luckey, J.D. Vance, Elon Musk, Sam Altman…
Whitney Webb
Ce groupe forme une véritable cabale. PayPal est né de la fusion de Confinity,
fondée par Thiel, et de X.com, fondée par Musk. Avant son lancement,
Thiel consulta déjà toutes les grandes agences USaméricaines à trois lettres [CIA,
DIA, NSA, FBI etc.]. PayPal a « monétisé » Internet et a lié, dès ses
débuts, la fintech [technologie financière] au pouvoir d’État.
Après sa vente à eBay, Thiel créa
Palantir en réutilisant l’algorithme antifraude de PayPal comme base.
Aujourd’hui, ses anciens associés dominent la politique et la technologie.
David Sacks, autre vétéran de PayPal, dirige la politique de l’IA à la Maison-Blanche
; J.D. Vance doit sa carrière politique à Thiel ; Musk et Altman sont des
alliés étroits.
Tous partagent une idéologie influencée
par Curtis Yarvin : privatiser entièrement l’État et remplacer le président par
un PDG-dictateur. Ce pseudo-libertarianisme est en réalité une apologie du
pouvoir autoritaire privatisé.
Palantir et Anduril – l’entreprise de
Palmer Luckey financée par Thiel – développent des armes autonomes et le mur
intelligent à la frontière mexicaine : drones, capteurs, automatisation
militaire. Ce n’est pas moins violent, simplement plus propre et plus
déshumanisé.
Chris Hedges
Expliquez ce « mur intelligent » et son lien avec SpaceX, les cryptomonnaies,
etc.
Whitney Webb
Le Smart Wall n’est pas un mur physique mais un réseau invisible de
drones et de capteurs capables de détecter toute traversée non autorisée. Le «
mur » s’étend au-delà de la frontière ; des millions d’USAméricains vivent
désormais dans ce qu’on appelle une « zone hors Constitution ».
SpaceX est
devenu un acteur militaire central ; Starlink alimente les communications de
l’armée ukrainienne et a été proposé pour infiltrer l’Iran.
Parallèlement, un projet nommé Department of Government Efficiency – ou DOGE –
vise à remplacer les fonctionnaires par des algorithmes d’IA détenus par la
Silicon Valley.
Presque tous les géants du numérique, d’Oracle à Amazon, ont été liés aux
services de renseignement dès leur origine.
Oracle,
par exemple, vient directement d’un contrat de la CIA.
Aujourd’hui, Larry Ellison et Elon Musk contrôlent une part considérable des
infrastructures médiatiques et techniques : Musk transforme Twitter (désormais
X) en application-monde intégrant paiements, cryptomonnaie et communication.
L’administration Trump a encouragé
l’usage des stablecoins, des monnaies numériques adossées au Trésor, afin de
financer indirectement la dette publique et les budgets militaires.
Chris Hedges
Et Oracle ?
Whitney Webb
Oracle reste la colonne vertébrale des bases de données gouvernementales. Safra
Catz, sa PDG, a joué un rôle clé auprès de Trump, notamment dans le limogeage
du conseiller à la sécurité nationale, le lieutenant-général H.R. McMaster.
Larry Ellison est devenu l’un des oligarques les plus puissants ; il rachète
CBS, Paramount, CNN, et influence directement la politique usaméricaine.
Chris Hedges
Parlez-nous du lien entre Israël, la Silicon Valley et les services de
renseignement.
Whitney Webb
Depuis les années 1990, Israël a bâti un écosystème entier de start-up issues
de l’unité 8200 — c’est l’équivalent israélien de la NSA. C’est l’un des
départements les plus sophistiqués du renseignement militaire au monde.
En 2012, le gouvernement israélien a officialisé une politique consistant à sous-traiter
au secteur privé certaines opérations de renseignement autrefois menées
directement par le Mossad ou le Shin Bet.
Cela signifiait qu’au lieu de recourir
uniquement à des espions d’État, Israël encourageait la création d’entreprises
dirigées par d’anciens officiers du renseignement, qui pouvaient ensuite
travailler à la fois pour l’État et pour des clients étrangers.
Des sociétés comme Black Cube (rendue célèbre par son travail pour Harvey
Weinstein) ou Carbyne 911 (soutenue par Peter Thiel et Jeffrey Epstein) sont
directement issues de ce modèle.
Un financier usaméricain, Paul Singer —
très proche du Likoud — a créé l’organisation Start-Up Nation Central, chargée
de relier ces entreprises israéliennes aux grandes firmes usaméricaines.
Le but déclaré était de contourner le mouvement BDS et de renforcer les liens
économiques entre Israël et la Silicon Valley.
Les géants usaméricains du numérique —
Google, Microsoft, Intel, Amazon — recrutent massivement d’anciens membres de
l’unité 8200. Certains de leurs départements de cybersécurité sont presque
entièrement composés d’anciens officiers israéliens.
Résultat : la frontière entre les systèmes de surveillance israéliens et usaméricains
s’est pratiquement effacée.
Les données, les algorithmes, les
infrastructures cloud sont partagés. Et cette coopération dépasse la sécurité :
elle touche la santé, la finance, la recherche scientifique.
L’effet politique est évident : la
Silicon Valley et le complexe militaro-sécuritaire israélien fonctionnent
désormais comme deux faces d’un même réseau.
Ils se protègent mutuellement, s’échangent leurs innovations et se financent
entre eux.
Chris Hedges
Vers quel monde allons-nous, selon vous ?
Whitney Webb
Nous allons vers un monde où la frontière entre le public et le privé s’efface
complètement. Ce qui se met en place, c’est la fusion du pouvoir patronal et du
pouvoir étatique — le fascisme technologique dans sa forme la plus pure.
Les multinationales dépasseront les
gouvernements en influence, mais elles se serviront de la structure
gouvernementale pour imposer leurs intérêts.
Les citoyens, eux, deviendront des sources de données et des sujets
d’expérimentation sociale.
Le dernier mémorandum présidentiel sur
le « terrorisme domestique » en est un exemple : il élargit tellement la
définition de l’extrémisme qu’il pourrait inclure toute personne critique du
capitalisme, du système militaire ou de la politique étrangère usaméricaine.
Et maintenant, grâce à la légalisation
de la propagande intérieure depuis l’administration Obama, le gouvernement peut
utiliser les médias et les réseaux sociaux pour diffuser des messages ciblés
aux citoyens.
Ce qui n’était autrefois que la propagande de guerre est devenu un outil de
gestion de l’opinion quotidienne.
Les oligarques des médias — Ellison,
Musk, Thiel — amplifient ce système.
Ils fournissent à la fois les plateformes technologiques, les flux
d’information, et les filtres algorithmiques.
C’est un cycle fermé : ceux qui contrôlent les réseaux contrôlent la perception
du réel.
Et cette perception peut être ajustée à
volonté : un clic, un algorithme, un bannissement. La désinformation devient
alors non pas un problème, mais une arme politique. Le plus effrayant, c’est
que tout cela est présenté comme un progrès.
L’idée qu’on sacrifie la liberté individuelle pour la sécurité collective a été
normalisée depuis le 11 septembre. Et aujourd’hui, la menace invoquée n’est
plus le terrorisme étranger, mais le terrorisme intérieur.
Le concept est si vague qu’il englobe
quiconque s’oppose au gouvernement, de gauche comme de droite. C’est une
doctrine de contrôle social total.
Mais tout n’est pas perdu. Il est encore
possible de bâtir des alternatives :
– créer des systèmes parallèles de communication et d’économie,
– quitter les plateformes de la Silicon Valley,
– soutenir les logiciels libres et les médias indépendants.
Il faut comprendre que la bataille n’est
pas seulement politique ou technologique : elle est spirituelle.
Accepter la servitude numérique, c’est abdiquer notre humanité. Refuser la
passivité, c’est déjà résister.
Chris Hedges
Merci, Whitney. Et merci à Diego, Victor, Sophia, Thomas et Max pour la
production.