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26/11/2025

Palestine : par la Résolution 2803, le Conseil de sécurité de l’ONU légitime une occupation illégale

Micaela Frulli, Triestino Mariniello, il manifesto, 22/11/2025
Traduit par Tlaxcala

Micaela Frulli est professeure de droit international à l’université de Florence. Elle a notamment écrit « Immunité et crimes internationaux. L’exercice de la juridiction pénale et civile à l’égard des organes étatiques soupçonnés de crimes internationaux graves » (Giappichelli)

Triestino Mariniello est professeur de droit à l’université John Moores de Liverpool et fait partie de l’équipe juridique qui représente les victimes de Gaza devant la Cour pénale internationale.

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle des points critiques profonds et des contradictions qui compromettent sa validité et sa légitimité


Emad Hajjaj, mars 2024

La résolution 2803 du Conseil de sécurité du 17 novembre 2025, lue du point de vue du droit international, révèle de profondes contradictions et des points critiques qui compromettent sa validité et sa légitimité.

La plus grande limite réside dans la violation implicite du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. La résolution subordonne toute « voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien » à la mise en œuvre d’un programme de réformes de l’Autorité nationale palestinienne, l’organisme qui administre la Cisjordanie, qui n’est d’ailleurs jamais mentionné dans la résolution. Cette conditionnalité transforme un droit inaliénable, reconnu par la Charte des Nations unies, réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour internationale de justice (CIJ) et qui a valeur de norme contraignante, en un objectif à atteindre dans un avenir indéfini : la possibilité de construire un État palestinien est suspendue pour une durée indéterminée.

Toutefois, le Conseil de sécurité ne peut exercer ses pouvoirs en dehors du périmètre fixé par le droit international. La Commission du droit international des Nations unies a précisé que les décisions des organisations internationales ne peuvent créer d’obligations juridiques lorsqu’elles entrent en conflit avec les normes contraignantes du droit international général et que les actes normalement contraignants risquent d’être invalides s’ils violent des principes fondamentaux et impératifs.

La légalité de la mise en place d’une administration fiduciaire internationale sur Gaza est également douteuse, car elle reprend des modèles hérités de l’ère coloniale, tels que les mandats de la Société des Nations après la Première Guerre mondiale, conçus pour gouverner des territoires privés de leur autodétermination. Cette administration – confiée au « Board of Peace » (BoP), un organe hybride doté de pouvoirs étendus et peu définis – se superpose à l’occupation existante sans en contester l’illégalité, avec le risque de la consolider dans le temps. En outre, le BoP, présidé par le président usaméricain Donald Trump, crée une friction évidente avec les critères d’impartialité requis pour l’administration internationale d’un territoire. Les administrations internationales de la MINUK au Kosovo ou de l’UNTAET au Timor oriental étaient placées sous l’autorité de l’ONU et prévoyaient des mécanismes de garantie et de responsabilité.

L’autorisation de créer une Force internationale de stabilisation (ISF) et d’« utiliser toutes les mesures nécessaires » pour remplir son mandat rappelle la formule standard pour l’usage de la force contenue dans les autorisations précédentes accordées aux États, mais avec une différence cruciale : cette fois-ci, l’ISF agit sous l’autorité du « Board of Peace » et seule une demande générique est prévue pour les États qui en font partie afin qu’ils fassent régulièrement rapport au Conseil de sécurité.

En outre, une démilitarisation unilatérale de la bande de Gaza est prévue et il est établi que le retrait des troupes israéliennes doit être convenu avec l’armée israélienne, celle-ci pouvant maintenir sa présence pour une durée indéterminée.

En outre, la résolution n’aborde pas l’un des points les plus critiques : la détermination des responsabilités pour les violations du droit international commises au cours des deux dernières années. Il n’y a aucune référence aux rapports de la Commission d’enquête des Nations unies, qui constatent la commission de crimes internationaux et d’actes de génocide par Israël et ses dirigeants, ni à l’avis de la Cour internationale de justice de 2024 qui a déclaré l’illégalité de l’occupation et aux résolutions ultérieures de l’Assemble Générale de l’ONU, ni aux enquêtes de la Cour pénale internationale. Il est également déconcertant de constater l’absence totale de mesures de réparation et d’indemnisation pour les victimes, alors que ceux qui ont détruit la bande de Gaza sont exemptés de toute obligation de réparation.

La résolution sur Gaza intervient quelques jours après une autre décision controversée du Conseil de sécurité (résolution 2797 de 2025), celle sur le Sahara occidental. Dans ce cas, le texte, également présenté par les USA, a approuvé le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, reconnaissant de fait la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en violation du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

À la lumière de ces développements, l’image d’un Conseil de sécurité qui tend à adopter des résolutions sous l’influence de certains de ses membres permanents, s’écartant ainsi de la légalité et de la Charte elle-même, apparaît de plus en plus clairement.

Le droit international finit ainsi par être traité non pas comme un instrument essentiel pour construire une paix juste, fondée sur le droit à l’autodétermination des peuples et le respect des principes fondamentaux, mais comme un obstacle à contourner.


Maisara Baroud, I’m still alive (je suis encore en vie), toile imprimée, 2024

L’impunité israélienne

Luis E. Sabini Fernández, 26/11/2025
Traduit par Tlaxcala

La violence

Dans ma vie personnelle, j’ai toujours été sceptique à l’égard des coups de main guérilleros auxquels j’ai assisté ou dont j’ai eu connaissance dans le Cône Sud (bien que certains aient été très sympathiques et que pratiquement tous aient impliqué un engagement personnel énorme, un « dévouement à la cause »), parce qu’ils me semblaient potentiellement autocratiques, facilitant avec trop de rapidité l’intronisation d’autres dirigeants, toujours au détriment du rôle de « gens comme nous ».

Telles sont mes expériences concernant la guérilla latino-américaine, engagée avec beaucoup de courage et d’abnégation, mais aussi d’aveuglement. C’est ainsi que j’ai souscrit au témoignage d’un ancien agent secret cubain, fils du célèbre guérillero argentin Ricardo Masetti, auquel Guevara avait confié la mission de créer un foyer révolutionnaire dans ses plans « continentaux » pour l’Amérique du Sud — mission qu’il put à peine mettre en œuvre¹.
Le fils, Jorge Masetti, Argentin mais élevé à Cuba, fut éduqué et formé comme agent révolutionnaire. Fidel voulait accomplir avec le fils ce qu’il n’avait pu obtenir du père. Et lorsqu’il fut totalement « au point », il renonça à cette voie en constatant la série d’échecs des guérillas latino-américaines (et la phase quasi inévitable suivante : la délinquance commune). Il commenta alors : « Quelle chance que nous n’ayons pas gagné».

Sous-sols de la Mort 3, acrylique sur toile, 2021

Palestine

Tout ce préambule pour reconnaître que la violence existant en Palestine est différente, radicalement différente. La violence venant d’en bas, celle des Palestiniens, n’est guère plus qu’une réponse à la machine israélienne, écrasante.

L’image de l’enfant ou des enfants lançant des pierres face à un tank est extraordinairement précise pour illustrer le rapport de forces. Une telle autodéfense, contre-attaque civile, désespérée, comme celle de la jeune fille brandissant une paire de ciseaux de couture dans la rue, parce qu’elle n’en pouvait plus, et qui fut abattue sans hésitation (et sans nécessité). Car Israël réprime ainsi : de manière brutale, annihilatrice, hors la loi mais avec un excès de technique².

Nous sommes face à un traitement particulier de l’ennemi. Netanyahou et d’autres dirigeants l’ont dit et répété : ils combattent des animaux, pas des humains — ou plutôt si, des humains, mais des Amalécites. Et leur dieu leur a donné la permission, il y a quelques millénaires, de les tuer (voir l’Exode dans la Bible).

C’est un permis de très longue durée. Et « parfaitement valide » au XXI siècle.

Mais qui a dit à Netanyahou que les Palestiniens étaient des Amalécites ?

                 

 Gaza Relief, acrylique et autres matériaux sur toile, 2015

Le comportement de la population israélienne est frappant. Voyons les colons en Cisjordanie. Jamais autorisés par l’ONU, mais s’installant de facto sur un territoire internationalement reconnu comme palestinien, avec l’assentiment non exprimé du gouvernement israélien. Il y a quelques années, ils étaient des dizaines de milliers et, en petits groupes, protégés par l’armée, ils approchaient les villages palestiniens et les lapidaient, endommageaient oliveraies et citronniers. À coups de haches ou de caillasses. Parfois il y avait des blessés. Aujourd’hui, les colons sont des centaines de milliers, toujours protégés par l’armée, et en bandes armées de dizaines ou de centaines, ils rasent des villages palestiniens, détruisant maisons, installations, cultures, véhicules et parfois les corps des Palestiniens qu’ils trouvent sur leur chemin. Cherchant à instaurer la terreur.

Dernièrement, l’armée a pris l’initiative : sous prétexte de chercher des « terroristes », elle a détruit des quartiers entiers de population palestinienne désarmée : maisons, vêtements, jardins, jouets, livres, ustensiles — tous les éléments matériels de la vie sociale. Les familles se retrouvent sans foyer, sans biens, souvent sans proches, assassinés dans une dose quotidienne d’horreur.

Il s'agit pratiquement de la politique de « terre brûlée » attribuée à certaines invasions telles que celle des Huns, « barbares » des IVe et Ve siècles de l'ère chrétienne.

Les militaires israéliens ont même établi des barèmes : pour éliminer un petit guérillero, ils s’autorisent jusqu’à 15 civils tués ; pour un chef guérillero, jusqu’à 100 victimes collatérales⁴.

Depuis des décennies, nous voyons les effets du plan Yinon, exposé au début des années 1980. Oded Yinon proposait de fragmenter les États voisins en unités politiques plus petites : le Liban en deux ou trois ; l’Égypte en cinq ou six ; l’Irak en trois ; le Soudan en deux… et ainsi de suite.

Israël, ouvertement ou sous couvert de structures comme Daesh, a vu ses objectifs se réaliser progressivement : Libye, Irak, Syrie, Soudan, Liban, Palestine ont été dévastés par sa politique d’usure, toujours soutenue matériellement par les USA, qui ont joué le rôle de remorque et d'approvisionneur de l’imparable machine israélienne.

Ce soutien inconditionnel des USA à la géopolitique israélienne s'explique de plusieurs façons ; il existe un certain parallélisme entre les développements historiques des USA et d'Israël, bien que dans des contextes historiques très différents. Une base religieuse relativement commune, car les protestants sont les chrétiens qui ont réévalué certains aspects de l'Ancien Testament, qui est le noyau idéologique de la religion juive. Et ce sont eux qui ont colonisé l'Amérique du Nord, exterminant la population autochtone. Bible en main.

Mais surtout, parce qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les USA rompent leurs liens avec la Société des Nations obsolète (disparue en 1946) et fondent « leur » ONU (octobre 1945), l'élite WASP, fondatrice des USA, avait déjà été partiellement remplacée par l'élite juive grâce à une série de stratagèmes : think tanks, l'intelligentsia juive a un poids de plus en plus important ; la Réserve fédérale (le capital financier juif devient majoritaire parmi les dix banques fondatrices, en 1913) ; Hollywood (six des sept grandes entreprises seront dans les années 30 détenues et dirigées par des Juifs, de sorte que de plus en plus les images des USA seront produites avec un regard juif ; et surtout grâce au financement coûteux du personnel politique usaméricain, pour lequel l'AIPAC est fondé en 1951.2 Sans ces subventions, l'insertion sociale de la plupart de ces législateurs serait très difficile.

C'est pourquoi l'une des images les plus simplistes et erronées de certains analystes de politique internationale a été, et est encore souvent, celle du « sous-marin de la flotte usaméricaine » pour parler d'Israël au Proche-Orient. L'image (tail wagging the dog), très connue dans la pensée critique usaméricaine, selon laquelle la queue fait remuer le chien, semble plus appropriée.

Deux événements récents, dans l'orbite de l'ONU, cet ancien instrument que les USA se sont arrogé à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour ordonner et/ou administrer le monde, nous montrent à quel point Israël mène la danse, changeant même les modalités de domination.

     

Sans titre, 2020

Jusqu'à récemment, très récemment, le pouvoir avait l'habitude de cacher son visage, ou ses crocs, et de dissimuler ses actions sous le couvert de la « volonté de paix », de la « recherche d'objectifs démocratiques », de la « conciliation » et de l'« aplanissement des difficultés ». Après tout, le résultat de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, a été la victoire contre toutes les formes de dictature (il restait là, « derrière le rideau », une dictature prétendument prolétarienne, et donc totalement différente de celles connues jusqu'alors ; il restait également celle de Franco en Espagne, mais cette dernière, comme tant d'autres en « Amérique latine », faisait partie de cette politique pragmatique yankee consistant à prendre soin du fils de pute s'il est « à nous »).

En d'autres termes, la défense de la démocratie avait ses difficultés, mais elle était encore invoquée.

1. La résolution du Conseil de sécurité du 11 novembre 2025

La résolution « sur le conflit à Gaza » exonère totalement Israël. Elle accepte tacitement la version israélienne d’un Israël « victime du terrorisme du Hamas », ignorant totalement les décennies de blocus, d’étouffement et d’abus qui ont façonné l’événement du 7 octobre 2023.

Israël ne subit ainsi aucune égratignure politique (ni économique) avec la résolution.

Ils n'auront même pas à rendre compte des meurtres collectifs et de leurs monstrueuses « équivalences » en vies humaines4, ni à indemniser les dommages brutaux causés à un territoire qui apparaît broyé et écrasé comme rarement auparavant. Ils n'auront pas non plus à faire face aux dépenses que nécessiteront la remise en état des sols, des logements, des réseaux de communication et d'assainissement, ni la reconstruction des hôpitaux, sans parler des milliers d'êtres humains brisés par le simple fait de vivre dans le cercle infernal conçu par Israël.

Le président des USA, qui aspire à maintenir l'hégémonie qui leur a été confiée en 1945, s'attribue désormais une présidence ou un gouvernement virtuel de la bande de Gaza, pour ─proclame-t-il─ sa reconstruction, toujours à la recherche de la prospérité (la seule chose positive dans cette démarche serait d'ôter à Israël son emprise sur ce territoire, mais je le mets au conditionnel, car ce n'est pas exactement Trump qui décide).

Le plan prévoit deux ans pour la reconstruction urbaine et immobilière. Compte tenu des dégâts visibles, de leur étendue et de leur ampleur, ce délai semble insuffisant.

Il comporte toutefois un aspect positif : l'idée de l'exil forcé des Gazaouis, tant promue par le gouvernement israélien, est abandonnée. Au contraire, du moins en paroles, la résolution déclare expressément la volonté de voir les habitants historiques rester dans la bande de Gaza.

Quoi qu'il en soit, le plan ne cache pas ses ambitions de business : attirer des capitaux importants pour créer des zones de confort, non pas pour les Gazaouis précisément, mais pour les milliardaires que Jared Kushner s'efforce tant d'attirer dans le futur complexe touristique de Gaza.

Nous ne pouvons oublier que des prospections ont confirmé la présence au moins de gaz en Méditerranée, à hauteur de la bande de Gaza. Et que la régence transnationale et impériale que Trump et Blair ─rien de moins─ cherchent à incarner a une préférence marquée pour leur propre prospérité.

L'ONU ne demande pas de comptes à Israël. Toujours absous de tout. Par droit de naissance, faut-il supposer. Mais en outre, dans les faits, l'ONU rétablit le colonialisme pur et dur : une puissance impériale, les USA, désigne Trump et Blair « roi et vice-roi » de ces domaines, afin de rétablir le cadre colonial. Seulement, il ne s'agit pas du colonialisme israélien, mais usaméricain.

La tâche que se sont assigné les chefs colonisateurs est ardue : ils se proposent de « changer les mentalités et les récits palestiniens », afin de persuader, semble-t-il, ces sauvages « des avantages que peut apporter la paix » (sic !).

Si ces maîtres pédagogues ─Blair et Trump─ voulaient proclamer les vertus de la paix, ils devraient s'adresser de toute urgence à la formation politique sioniste, qui, depuis cent ans, a toujours suivi la voie de la violence, et non celle de la paix, la voie de la guerre et de la conquête, envahissant des terres occupées depuis des millénaires, sur la base de documents bibliques douteux. Confondant délibérément religion et légende avec l'histoire documentaire.

La résolution du 11 novembre 2025 a été adoptée par le Conseil de sécurité élargi de l'ONU, qui ne comprend plus seulement les cinq membres originaux (USA, Royaume-Uni, France, Russie, Chine), mais aussi les membres actuels : Argentine, Italie, Espagne, Mexique, Colombie, Pakistan, Corée du Sud, Turquie, Indonésie et Allemagne.

Seules deux abstentions (peu fondées) de la Russie et de la Chine. Aucune des 15 représentations nationales n'a demandé pourquoi Israël pouvait se permettre un comportement violent, raciste et génocidaire en toute impunité.

       

          Détenu, 2024

Les personnes lucides et courageuses, désignées ou fonctionnaires de l'ONU elle-même, au fil du temps, comme Francesca Albanese, Susan Akram ou Richard Falk avant elles, et même Folke Bernadotte au tout début de l'ONU, et tant d'autres, ne suffisent pas à contrebalancer le rôle impérial, puis néo-impérial, que l'ONU continue de jouer, malgré les restrictions et les coupes budgétaires.

2. Le vote du 21 novembre 2025 contre la torture

Le 21 novembre 2025, l'Assemblée générale des Nations unies a rendu un avis contre le recours à la torture. La plénière comptait 176 délégations nationales et la résolution a été approuvée à une écrasante majorité (il y a eu 4 abstentions, dont celles du Nicaragua et de la Russie, ce qui soulève de nombreuses questions), mais surtout, elle a suscité la vive opposition de trois représentations nationales : les USA, Israël et l'Argentine. Ces pays ont alors défendu précisément cela : le recours à la torture.

De sombres nuages planent sur notre présent : non seulement la torture est encore utilisée, mais certains la préconisent, à l'instar des dictatures telles que les célèbres dictatures « latino-américaines » de Trujillo ou Pinochet, ou celle du shah d'Iran et, surtout aujourd'hui, celles très perfectionnées d'Israël et de son système de domination très rationnel qui comprend tant de types de torture.

  

Sans date, dessin au fusain et au pastel

Notre trame culturelle est tellement bouleversée qu'une militaire israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi, procureure qui, après avoir ignoré tant d'abus et de tortures antérieurs, a récemment choisi de criminaliser cinq soldats de « l'armée la plus morale du monde » pour avoir introduit des tubes métalliques dans l'anus d'un prisonnier palestinien et (évidemment) lui avoir fait du mal. Les médias du monde entier parlent de l'arrestation de la procureure, mais pas de la santé (ou de la mort) du Palestinien ; la procureure a elle-même été emprisonnée.

Netanyahou a condamné la diffusion de la vidéo faite par Tomer parce que, bien sûr, « cela nuit à l'image ».

Ce qui compte pour Netanyahou, c’est « l’image » et pas la réalité (sérieusement endommagée).

Ce qui est arrivé à Tomer est un exemple clair du comportement adopté et défendu par les gouvernements des USA, d'Israël et d'Argentine.

De la honte, ne serait-ce que comme posture, nous sommes passés au « grand honneur ». Les « légitimes » torturent et non seulement ils ne se déshonorent pas, nous déshonorant tous, mais ils en sont même fiers.

Illustrations : œuvres du peintre palestinien Mohamed Saleh Khalil, Ramallah

Notes

¹ Il a écrit un livre : La fureur et le délire, Tusquets, Barcelone, 1999.

² Israël minimise la responsabilité individuelle en menant ses raids via drones et systèmes automatisés…

³ AIPAC (American Israel Public Affairs Committee – Comité Américain des affaires publiques d’Israël). On estime qu'aujourd'hui, les trois quarts des représentants et sénateurs du pouvoir législatif usaméricain reçoivent de généreux dons d'organisations telles que l'AIPAC. Autrement dit, les votes sont gagnés d'avance.

⁴ Les militaires israéliens ont établi des tableaux d’équivalence : pour localiser et éliminer un guérillero de peu d'importance, ils s'autorisent à tuer jusqu'à quinze civils désarmés, souvent étrangers à l'affaire ; s'il s'agit d'un chef guérillero ─tel qu'ils le définissent─, ils s'autorisent à tuer jusqu'à cent personnes étrangères à l'objectif lui-même.

 

22/11/2025

“Je refuse d’être une femme battue” : L’annonce de démission de Marjorie Taylor Green

Marjorie, la "MEGA MAGA", vue par Andy Bunday, The Observer

 

Marjorie Taylor Green, 51 ans, représentante du 14e district de Géorgie au Congrès, et l’une des figures de proue les plus enragées de la mouvance magaïste, vient d’annoncer qu’elle démissionnera le 5 janvier 2026. Elle avait été qualifiée de « traîtresse » par Trump suite à sa demande de publication des « Epstein files », les dossiers Epstein, qui mettent Trump directement en cause Elle expose ci-dessous ses raisons.

Marjorie Taylor Greene, 22/11/2025
Traduit par Tlaxcala



Bonjour tout le monde

J’ai toujours représenté l’Américain et l’Américaine ordinaires en tant que membre de la Chambre des représentants, et c’est pourquoi j’ai toujours été détestée à Washington DC et ne m’y suis jamais sentie à ma place. Les Américains sont utilisés par le complexe politico-industriel des deux partis politiques, cycle électoral après cycle électoral, afin d’élire le camp capable de convaincre les Américains de détester davantage l’autre camp.

Et les résultats sont toujours les mêmes. Peu importe la direction du balancier politique, républicain ou démocrate, rien ne s’améliore jamais pour l’Américain ou l’Américaine ordinaire. La dette augmente. Les intérêts corporatifs et globaux restent les chouchous de Washington. Les emplois américains continuent d’être remplacés, que ce soit par du travail illégal, du travail légal via des visas, ou simplement expédiés à l’étranger. Les petites entreprises continuent d’être englouties par les grandes entreprises. Les impôts durement gagnés par les Américains financent toujours des guerres étrangères, de l’aide étrangère, et des intérêts étrangers. Le pouvoir d’achat du dollar continue de décliner.

La famille américaine moyenne ne peut plus survivre avec un seul revenu, car les deux parents doivent travailler pour simplement survivre. Et aujourd’hui, beaucoup de gens de la génération de mes enfants se sentent sans espoir pour leur avenir et ne pensent pas qu’ils réaliseront un jour le rêve américain, ce qui me brise le cœur.

Je me suis présentée au Congrès en 2020 et j’ai combattu chaque jour en croyant que « Make America Great Again » signifiait « America First ». J’ai l’un des historiques de vote les plus conservateurs au Congrès, défendant le premier amendement, le deuxième amendement, les bébés à naître parce que je crois que Dieu crée la vie à la conception, des frontières fortes, la sécurité, je me suis battue contre la folie tyrannique du Covid et les vaccinations obligatoires de masse, et je n’ai jamais voté pour financer des guerres étrangères.

Cependant, après presque un an de majorité, la législature a été largement paralysée, nous avons enduré une fermeture de 8 semaines qui a abouti à ce que la Chambre ne travaille pas pendant tout ce temps, et nous entrons dans la saison des campagnes, ce qui signifie que tout courage s’évapore et que seul le mode campagne sécurisée pour la réélection s’active.

Pendant la plus longue fermeture de l’histoire de notre nation, je me suis insurgée contre mon propre speaker et mon propre parti pour avoir refusé de travailler sérieusement à l’élaboration d’un plan pour sauver le système de santé américain et protéger les Américains contre des assurances santé outrageusement chères et inabordables. La Chambre aurait dû être en session chaque jour pour résoudre ce désastre, mais l’Amérique a été forcée de subir encore une fois un spectacle politique écœurant provenant des deux côtés de l’allée.

Mes projets de loi, qui reflètent nombre des décrets exécutifs du président Trump — comme appeler à un nouveau recensement, pousser les Américains à redécouper les circonscriptions, faire de l’anglais la langue officielle des États-Unis, criminaliser le fait de médicalement transitionner un mineur, ou encore éliminer les taxes sur les plus-values sur la vente d’une maison et supprimer les visas H1B — ne sont jamais présentés au vote parce que le speaker ne les amène jamais à l’assemblée.

Beaucoup d’Américains ordinaires ne se laissent plus convaincre facilement par les propagandistes politiques payés, les porte-parole à la télévision, ou les mercenaires rémunérés sur les réseaux sociaux obéissant servilement avec une conviction de secte pour forcer les autres à avaler les éléments de langage du parti.

Parce qu’ils savent combien ils ont de dettes de carte de crédit, ils savent combien leurs propres factures ont augmenté ces 5 dernières années, ils font eux-mêmes leurs courses et savent que la nourriture coûte trop cher, leur loyer a augmenté, ils ont perdu face à des gestionnaires d’actifs d’entreprise lorsqu’ils ont tenté d’acheter une maison, ils ont été licenciés trop souvent après que leur remplaçant sous visa a été formé, le diplôme universitaire qu’on leur a vendu comme un ticket pour une vie meilleure ne les a laissés qu’avec des dettes et aucun salaire à six chiffres, ils voient plus de sans-abri que jamais dans leurs rues, ils ne peuvent pas se permettre une assurance santé ou presque aucune assurance, et ils ne sont pas stupides.

Ce sont les gens que je représente et que j’aime parce que ce sont ceux dont sont faits tous les membres de ma famille et de mes amis : des Américains ordinaires. J’ai eu la bénédiction de représenter le 14 district de Géorgie pendant 5 ans, rempli de certaines des personnes les plus merveilleuses, bienveillantes, craignant Dieu, patriotes et travailleuses que vous ne rencontrerez jamais. De bonnes gens ordinaires.

J’ai travaillé dur pour ramener l’argent des contribuables chez nous pour répondre aux besoins du district, j’ai destitué le secrétaire à la Sécurité intérieure de Biden après avoir vu mes administrés mourir alors qu’il facilitait l’invasion dangereuse de la frontière ouverte, et j’ai mené l’effort de couper les financements de NPR, PBS et de l’USAID corrompu, en tant que présidente du sous-comité DOGE.

J’ai combattu plus durement que presque n’importe quel autre républicain élu pour faire élire Donald Trump et les républicains, parcourant le pays pendant des années, dépensant des millions de mon propre argent, sacrifiant un temps précieux avec ma famille que je ne récupérerai jamais, et me présentant dans des lieux comme devant le tribunal de New York dans Collect Pond Park face à une foule de gauchistes furieux lors de l’affaire Trump. Pendant ce temps, la plupart des républicains de l’establishment, qui l’ont secrètement détesté et poignardé dans le dos et ne l’ont jamais défendu en rien, ont tous été accueillis après l’élection.

Je n’oublierai jamais le jour où j’ai dû quitter le chevet de ma mère alors que mon père subissait une chirurgie pour retirer des tumeurs cancéreuses, afin de voler à Washington DC pour défendre le président Trump et voter NON lors de la deuxième mise en accusation des démocrates en 2021. Mon pauvre père et ma pauvre mère, c’était beaucoup trop.

À travers tout cela, je n’ai jamais changé ni reculé sur mes promesses de campagne et je n’ai été en désaccord qu’à de rares occasions, comme sur les H1B remplaçant les emplois américains, les moratoires sur les États pilotés par l’IA, les escroqueries sur les prêts hypothécaires à 50 ans, en me tenant fermement contre toute implication dans des guerres étrangères, et en exigeant la publication des dossiers Epstein. À part cela, mon historique de vote a été solidement aligné avec mon parti et le président.

La loyauté doit être réciproque, et nous devrions pouvoir voter selon notre conscience et représenter l’intérêt de notre district parce que notre titre est littéralement « Représentant ».

« America First » doit signifier « America First » et seulement « Americans First », sans qu’aucun autre pays étranger ne soit jamais attaché à America First dans nos institutions gouvernementales.

Défendre les femmes américaines violées à 14 ans, victimes de trafic et utilisées par des hommes riches et puissants, ne devrait pas faire de moi une traîtresse, menacée par le président des États-Unis, pour qui j’ai pourtant combattu.

Cependant, même si c’est douloureux, mon cœur reste rempli de joie, ma vie remplie de bonheur, et mes convictions profondes restent inchangées parce que ma valeur personnelle n’est pas définie par un homme, mais par Dieu qui a créé toute chose.

Vous voyez, je n’ai jamais valorisé le pouvoir, les titres, ou l’attention malgré toutes les mauvaises suppositions sur moi. Je ne m’accroche pas à ces choses parce qu’elles sont des pièges vides et dénués de sens qui me retiennent.

Trop de gens à Washington. Je crois aux limites de mandats et je ne pense pas que le Congrès devrait être une carrière à vie ou une maison de retraite assistée.

Mon seul but et désir ont toujours été de tenir le parti républicain responsable des promesses faites aux Américains et de mettre America First, et je me suis battue contre les politiques destructrices des démocrates comme le Green New Deal, les frontières grandes ouvertes et dangereuses, et l’agenda trans sur les enfants et les femmes.

Avec cela sont venues des années d’attaques personnelles incessantes, de menaces de mort, de lawfare, de calomnies ridicules et de mensonges sur moi, que la plupart des gens ne pourraient jamais supporter ne serait-ce qu’un jour.

Cela a été injuste et mauvais, non seulement pour moi et ma famille, mais pour mon district également.

J’ai trop de respect pour moi-même et de dignité, j’aime trop ma famille, et je ne veux pas que mon district chéri endure une primaire blessante et haineuse contre moi, menée par le président que nous avons tous soutenu, seulement pour que je mène la bataille et gagne alors que les républicains perdront probablement les élections de mi-mandat. Et ensuite, on s’attendrait à ce que je défende le président contre une mise en accusation après qu’il a déversé des dizaines de millions de dollars contre moi et tenté de me détruire.

Tout cela est absurde et complètement irréel. Je refuse d’être une « femme battue » espérant que tout s’arrange et s’améliore.

Si je suis écartée par MAGA Inc et remplacée par les néocons, Big Pharma, Big Tech, le complexe militaro-industriel, des dirigeants étrangers et la classe donatrice élitiste qui ne peut même pas comprendre les vrais Américains, alors de nombreux Américains ordinaires ont été écartés et remplacés eux aussi.

Il n’y a pas de « plan pour sauver le monde » ni de partie d’échecs 4D insensée en train d’être jouée.

Quand les Américains ordinaires réaliseront et comprendront que le complexe politico-industriel des deux partis déchire ce pays, et qu’aucun élu comme moi ne peut arrêter la machine de Washington qui détruit progressivement notre pays, et que la réalité est que les Américains ordinaires, le peuple, possèdent le vrai pouvoir sur Washington, alors je serai ici à leurs côtés pour le reconstruire.

D’ici là, je retourne parmi les gens que j’aime, pour vivre pleinement ma vie comme je l’ai toujours fait, et j’attends avec impatience un nouveau chemin.

Je démissionnerai de mes fonctions, mon dernier jour étant le 5 janvier 2026.

 

20/11/2025

Colonel Wilkerson : “Israël est derrière l'escalade de Trump contre le Venezuela”

India & Global Left, 15/11/2025
Transcrit, résumé et traduit par Tlaxcala

Lawrence Wilkerson explique pourquoi les USA intensifient leurs actions contre le Venezuela, à quel point Washington est proche d'une éventuelle intervention militaire et pourquoi il pense qu'Israël joue un rôle moteur dans la stratégie de Trump à l'égard du Venezuela. Nous explorons également des questions géopolitiques plus larges : • Les USA ont-ils une véritable grande stratégie après avoir perdu la guerre tarifaire contre la Chine ? • L'OTAN va-t-elle se retirer de son aventure ratée en Ukraine ? • Que signifie pour la région la réintégration effective de la Syrie dans l'architecture usaméricaine au Moyen-Orient ? • Washington réagit-il aux changements mondiaux ou intensifie-t-il aveuglément ses efforts sur plusieurs fronts ? Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur l'empire usaméricain, la rivalité entre les grandes puissances et les acteurs cachés qui façonnent les conflits actuels, cette interview du colonel Wilkerson est incontournable.

 

L’épisode s’ouvre par un message de bienvenue adressé aux spectateurs et un appel à soutenir la chaîne au moyen d’abonnements, d’adhésions ou de dons. L’animateur présente ensuite l’invité du jour, le colonel Lawrence Wilkerson, ancien colonel de l’armée usaméricaine et ancien chef de cabinet du secrétaire d’État Colin Powell. La discussion s’engage sur l’escalade des USA contre le Venezuela : renforcement militaire dans la Caraïbe, opérations lancées depuis Porto Rico sous couvert d’une « guerre contre le narco-terrorisme » et intensification des campagnes de propagande. Certaines figures de l’opposition vénézuélienne — comme María Corina Machado — sont accusées de promettre des actifs du pays aux entreprises usaméricaines, tandis que le président Trump affiche ouvertement sa volonté d’un changement de régime à Caracas. La question centrale posée à Wilkerson est jusqu’où Washington est prêt à aller.

Wilkerson répond en évoquant son expérience sous l’administration de George W. Bush, soulignant que de nombreuses pratiques de cette époque sont aujourd’hui reproduites avec encore plus de profondeur, d’ampleur et d’illégalité. Il invoque l’héritage des procès de Nuremberg et rappelle que leur objectif fondamental, formulé par le juge Jackson, était de prévenir les guerres d’agression. Ce principe a servi de fondement moral à l’ONU et aux Conventions de Genève de 1948, destinées à imposer des normes de conduite de la guerre et à instituer le droit pénal international. Selon Wilkerson, les USA démantèlent désormais, « pièce par pièce, fil par fil », tout l’édifice juridique international mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Il affirme que les USA sont devenus le principal auteur de guerres d’agression dans le monde, le Venezuela étant la cible la plus récente.

Il rappelle que l’implication clandestine usaméricaine s’est intensifiée en 2016 lorsque Trump a signé une directive autorisant la CIA à mener des opérations sur le terrain. La décision d’Obama, en 2015, de qualifier le Venezuela de menace pour la sécurité nationale avait déjà préparé le terrain aux sanctions et aux politiques interventionnistes. Wilkerson souligne qu’il n’existe aucune différence significative entre administrations démocrates et républicaines. Il s’inquiète notamment des nouveaux fondements juridiques élaborés par le département de la Justice pour justifier des assassinats extrajudiciaires en mer — des opérations qui ont déjà coûté la vie à des dizaines de personnes, dont de simples pêcheurs pauvres pris à tort pour des trafiquants. En Colombie et au Venezuela, certains évitent désormais de sortir pêcher de peur d’être tués. Cela illustre, selon lui, la destruction du droit international et du principe de procédure régulière.

Interrogé sur la possibilité d’une intervention militaire, Wilkerson se dit très préoccupé. Il affirme qu’Israël joue un rôle majeur dans les opérations de renseignement usaméricaines au Venezuela depuis au moins 2016. Trump, dit-il, reçoit un renseignement biaisé ou manipulé non pas par les agences officielles usaméricaines, mais par des intermédiaires comme Laura Loomer et des individus liés aux services israéliens, financés par des acteurs de l’opposition vénézuélienne. Cette filière parallèle contourne le renseignement officiel et alimente des opérations fondées sur des agendas extérieurs.

Wilkerson détaille ensuite l’ascension du Commandement des opérations spéciales (SOCOM), devenu une structure militaire semi-autonome étroitement intégrée à la CIA. Ce dispositif permet à l’agence de mener des opérations d’action directe tout en échappant au contrôle du Congrès, puisque celles-ci sont techniquement exécutées par l’armée. Il cite plusieurs précédents historiques — Mogadiscio, l’Afghanistan, l’Irak — où les forces spéciales ont mené des missions unilatérales hors du contrôle des commandants régionaux. Il affirme que la même dynamique est à l’œuvre au Venezuela, où des unités spéciales, stationnées sur un « navire-mère » au large du pays, mènent des opérations clandestines sans en référer au commandement militaire conventionnel. Il qualifie cette situation de rupture « invraisemblable » et dangereuse du contrôle civil et militaire.

L’animateur note que l’armée vénézuélienne est fortement politisée et étroitement liée au processus bolivarien — à la différence du Chili en 1973. Cela rend un coup d’État bien plus difficile. Wilkerson approuve : l’armée est restée loyale et les tentatives de corruption ou d’infiltration usaméricaines ont probablement échoué. Une intervention se heurterait à la fois à l’armée et à une opinion publique largement opposée aux USA. Wilkerson prédit qu’une tentative de changement de régime conduirait à une guerre de guérilla prolongée, que les USA finiraient par perdre, provoquant d’immenses souffrances au Venezuela et peut-être en Colombie.

05/11/2025

Pétrole vénézuélien, changement de régime made in USA et politique de gangster de Washington

 

Le prétexte moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants, pourtant l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les dommages collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous paraît familier, c’est parce que ça l’est.

Jeffrey D. Sachs & Sybil Fares, Common Dreams, 4/11/2025

Traduit par Tlaxcala

Les USA ressortent leur ancien manuel de changement de régime au Venezuela. Bien que le slogan ait glissé de « rétablir la démocratie » à « combattre les narco-terroristes », l’objectif reste le même : le contrôle du pétrole vénézuélien. Les méthodes employées par les USA sont bien connues : des sanctions qui étranglent l’économie, des menaces de recours à la force, et la tête du président vénézuélien Nicolás Maduro mise à prix pour 50 millions de dollars comme si l’on était au Far West.


Carlos Latuff

Les USA sont accros à la guerre. Avec le renommage du Department of War [ministère de la Guerre], un budget proposé pour le Pentagone de 1,01 billion de dollars, et plus de 750 bases militaires réparties dans quelque 80 pays, ce n’est pas une nation qui poursuit la paix. Depuis deux décennies, le Venezuela est une cible persistante des tentatives usaméricaines de changement de régime. Le motif, clairement exposé par le président Donald Trump, ce sont les quelque 300 milliards de barils de réserves pétrolières sous la ceinture de l’Orénoque, les plus grandes réserves de pétrole de la planète.

En 2023, Trump déclara ouvertement : « Quand je suis parti, le Venezuela était prêt à s’effondrer. Nous l’aurions pris, nous aurions obtenu tout ce pétrole… mais maintenant nous achetons du pétrole au Venezuela, donc nous rendons un dictateur très riche. » Ses mots révèlent la logique sous-jacente de la politique étrangère usaméricaine qui ignore complètement la souveraineté et favorise plutôt l’appropriation des ressources d’autres pays.

Ce qui se déroule aujourd’hui est une opération typique de changement de régime dirigée par les USA, déguisée sous le langage de l’interdiction des drogues. Les USA ont massé des milliers de soldats, des navires de guerre et des avions dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique. Le président a fièrement autorisé la CIA à mener des opérations clandestines à l’intérieur du Venezuela.

Les appels du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine.

Le 26 octobre 2025, le sénateur Lindsey Graham (Républicain, Caroline du Sud) est allé à la télévision nationale pour défendre les récentes frappes militaires usaméricaines contre des navires vénézuéliens et pour dire que des frappes terrestres à l’intérieur du Venezuela et de la Colombie sont une « vraie possibilité ». Le sénateur de Floride Rick Scott, dans le même cycle d’informations, a fait la réflexion que s’il était Nicolás Maduro, il « irait en Russie ou en Chine immédiatement ». Ces sénateurs visent à normaliser l’idée que Washington décide qui gouverne le Venezuela et ce qu’il advient de son pétrole. Rappelons que Graham défend de la même manière que les USA combattent la Russie en Ukraine pour sécuriser les 10 000 milliards de dollars de richesses minérales que Graham affirme connement être disponibles pour que les USA se les approprient.

Les mouvements de Trump ne constituent pas non plus une nouveauté en ce qui concerne le Venezuela. Depuis plus de 20 ans, des administrations usaméricaines successives ont tenté de soumettre la politique intérieure du Venezuela à la volonté de Washington. En avril 2002, un coup d’État militaire de courte durée défit brièvement le président de l’époque, Hugo Chávez. La CIA connaissait les détails du coup d’avance, et les USA ont immédiatement reconnu le nouveau gouvernement. Finalement, Chávez reprit le pouvoir. Pourtant, les USA n’ont pas mis fin à leur soutien à un changement de régime.

En mars 2015, Barack Obama a codifié une remarquable fiction juridique. Il a signé l’Ordre Exécutif 13692, déclarant que la situation politique interne du Venezuela constituait une « menace inhabituelle et extraordinaire » pour la sécurité nationale des USA afin de déclencher des sanctions économiques usaméricaines. Cette décision a préparé le terrain à une coercition usaméricaine croissante. La Maison-Blanche a maintenu cette affirmation d’« urgence nationale » usaméricaine depuis lors. Trump a ajouté des sanctions économiques de plus en plus draconiennes pendant son premier mandat. De façon stupéfiante, en janvier 2019, Trump déclara Juan Guaidó, alors figure de l’opposition, « président par intérim » du Venezuela, comme si Trump pouvait simplement nommer un nouveau président vénézuélien. Cette tragicomédie yankee s’est finalement effondrée en 2023, lorsque les USA ont abandonné ce stratagème foireux et grotesque.

Les USA entament désormais un nouveau chapitre d’appropriation des ressources. Trump a longtemps été clair sur le fait de « garder le pétrole ». En 2019, en parlant de la Syrie, le président Trump déclara : « Nous gardons le pétrole, nous avons le pétrole, le pétrole est sécurisé, nous avons laissé des troupes uniquement pour le pétrole. » Pour ceux qui en doutent, des troupes usaméricaines sont encore aujourd’hui dans le nord-est de la Syrie, occupant les champs pétrolifères. Plus tôt, en 2016, au sujet du pétrole irakien, Trump a dit : « Je disais cela constamment et de façon cohérente à quiconque voulait bien écouter, je disais : gardez le pétrole, gardez le pétrole, gardez le pétrole, ne laissez pas quelqu’un d’autre l’avoir. »

Aujourd’hui, avec de nouvelles frappes militaires contre des navires vénézuéliens et des propos ouverts sur des attaques terrestres, l’administration invoque les stups pour justifier un changement de régime. Pourtant l’article 2(4) de la Charte des Nations unies interdit expressément « la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ». Aucune théorie usaméricaine de « guerres de cartels » ne justifie à distance un changement de régime coercitif.

Même avant les frappes militaires, les sanctions coercitives usaméricaines ont fonctionné comme un engin de siège. Obama a construit le cadre des sanctions en 2015, et Trump l’a encore plus instrumentalisé pour renverser Maduro. La prétention était que la « pression maximale » habiliterait les Vénézuéliens. En pratique, les sanctions ont provoqué des souffrances généralisées. Comme l’a constaté l’économiste et spécialiste renommé des sanctions Francisco Rodríguez dans son étude sur les « Conséquences humaines des sanctions économiques », le résultat des mesures coercitives usaméricaines a été un déclin catastrophique du niveau de vie au Venezuela, une détérioration nette de la santé et de la nutrition, et des dommages graves pour les populations vulnérables.

Le prétexte moral vaseux aujourd’hui est la lutte contre les stupéfiants, pourtant l’objectif réel est de renverser un gouvernement souverain, et les dommages collatéraux sont la souffrance du peuple vénézuélien. Si cela vous paraît familier, c’est parce que ça l’est. Les USA ont à plusieurs reprises entrepris des opérations de changement de régime à la recherche de pétrole, d’uranium, de plantations de bananes, de tracés de pipelines et d’autres ressources : Iran (1953), Guatemala (1954), Congo (1960), Chili (1973), Irak (2003), Haïti (2004), Syrie (2011), Libye (2011) et Ukraine (2014), pour ne citer que quelques-unes de ces affaires. Maintenant, c’est le Venezuela qui est sur la sellette.

Dans son excellent livre Covert Regime Change (2017), la professeure Lindsey O’Rourke détaille les manigances, les retombées et les catastrophes d’au moins 64 opérations usaméricaines clandestines de changement de régime durant les années 1947-1989 ! Elle s’est concentrée sur cette période antérieure parce que de nombreux documents clés de cette époque ont aujourd’hui été déclassifiés. Tragiquement, le schéma d’une politique étrangère usaméricaine fondée sur des opérations de changement de régime secrètes (et pas si secrètes) perdure jusqu’à aujourd’hui.

Les appels du gouvernement usaméricain à l’escalade reflètent un mépris irresponsable pour la souveraineté du Venezuela, le droit international et la vie humaine. Une guerre contre le Venezuela serait une guerre que les citoyens usaméricains ne veulent pas, contre un pays qui n’a ni menacé ni attaqué les USA, et sur des bases juridiques qui échoueraient à convaincre un étudiant en première année de droit. Bombarder des navires, des ports, des raffineries ou des soldats n’est pas une démonstration de force. C’est du gangstérisme pur et simple.

NdT
Le discours de Manama de Tulsi Gabbard du 31 octobre, annonçant la fin de la politique de “changement de régime” de Washington (lire ici), a manifestement échappé à l’attention des auteurs.

20/10/2025

Israël entre guerre d’extermination et guerre électorale

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 18/10/2025

إسرائيل بين حرب الإبادة وحرب الانتخابات

Traduit par Tlaxcala

Guerre sur tous les fronts, par Patrick Chappatte

Introduction

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israël Katz ont de nouveau menacé de reprendre la guerre contre la bande de Gaza, avertissant qu’ils recourraient à la force si le Hamas ne remettait pas les corps des captifs et détenus israéliens.
Dans le même temps, le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a intensifié ses contacts avec l’administration Trump, présentant des rapports de renseignement affirmant que le Hamas serait en mesure de restituer un grand nombre de corps, une manœuvre perçue comme une préparation à un feu vert usaméricain pour une nouvelle escalade militaire.

Parallèlement, le Forum des familles des captifs et détenus a publié un appel public à Netanyahou, exigeant la reprise de la guerre tant que tous les corps ne sont pas restitués,  transformant ainsi une demande humanitaire en instrument politique dans la lutte interne pour le pouvoir en Israël.

La guerre au service de la politique intérieure
Les nouvelles menaces israéliennes semblent motivées davantage par des besoins politiques et électoraux que par des objectifs militaires immédiats. Netanyahou et Katz ont même rebaptisé la guerre contre Gaza, passant de « Épées d’or » à « Guerre de la renaissance » ou « Guerre de la résurrection », cherchant à remodeler le récit israélien et à l’inscrire dans une « Guerre des sept fronts », incluant le Liban, la Syrie, le Yémen, l’Irak, l’Iran, la Cisjordanie et Gaza.

Par ce changement de marque, Netanyahou tente de détourner les appels à la reddition de comptes concernant les événements du 7 octobre 2023 ,  notamment la création d’une commission d’enquête officielle, qu’il continue de refuser sous prétexte que « les enquêtes ne peuvent pas se tenir en temps de guerre ». Cette stratégie est étroitement liée aux élections prévues pour l’été 2026.

Les lacunes du plan Trump et ses répercussions régionales
Les menaces israéliennes coïncident avec les débats autour des détails du « plan Trump » pour mettre fin à la guerre, qualifié par le ministère égyptien des Affaires étrangères de « truffé de failles ». Les points non résolus comprennent :

  • L’échange de corps et de prisonniers.
  • Le désarmement de Gaza et du Hamas.
  • Le retrait progressif d’Israël.
  • La gouvernance et la reconstruction d’après--guerre.

Les estimations palestiniennes évaluent le coût de la reconstruction de Gaza entre 60 et 70 milliards de dollars. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis auraient exprimé une volonté conditionnelle de contribuer chacun à hauteur de 20 milliards, à condition qu’il y ait stabilité, désarmement et retrait du Hamas du pouvoir,  signe que l’aide financière est étroitement liée au cadre politique et sécuritaire en formation.


La règle de Netanyahou…
Dans une lutte pour la survie, les mesures extrêmes sont justifiées !
— … Surtout si c’est la survie de ma carrière politique !
David Horsey

La dimension électorale interne
Un sondage du quotidien Maariv montre une amélioration de la position de la coalition au pouvoir après la libération du dernier groupe de captifs et détenus vivants. Le soutien au Likoud a augmenté, tandis que le parti Sonisme religieux de Bezalel Smotrich a franchi le seuil parlementaire. À l’inverse, le parti de Benny Gantz est passé en dessous de ce seuil.
Le sondage prévoit 58 sièges pour l’opposition, 52 pour la coalition et 10 pour les partis arabes, susceptibles de progresser aux prochaines élections.

Pour Netanyahou, cette configuration est idéale : elle lui permet de former une minorité de blocage empêchant l’opposition de constituer un gouvernement sans s’appuyer sur un parti arabe,  scénario inacceptable pour le consensus sioniste. Il pourrait ainsi rester Premier ministre intérimaire à long terme, avec un contrôle parlementaire minimal, d’où son intérêt pour des élections anticipées si les tendances se confirment.

Entre l’option de guerre et le besoin de stabilité
Malgré la rhétorique belliqueuse, les contraintes internes et internationales limitent la probabilité d’une reprise de la guerre. L’épuisement militaire, moral et économique en Israël, combiné à l’absence de feu vert usaméricain, fait d’un nouveau conflit un risque politique plutôt qu’une opportunité stratégique.

Le plan Trump — bénéficiant d’un large soutien régional et international — constitue la pierre angulaire de la stratégie de Washington pour rétablir l’équilibre au Moyen-Orient, notamment en vue de finaliser les accords de normalisation avec l’Arabie saoudite et l’Indonésie. Un échec affaiblirait la crédibilité des USA dans la gestion des règlements régionaux.

Le dilemme des corps et le rôle des acteurs régionaux
La question des corps des captifs constitue un test réel pour la solidité de l’accord. Des sources israéliennes reconnaissent d’importants obstacles logistiques liés à la destruction des infrastructures et des tunnels de Gaza, où beaucoup de corps seraient encore ensevelis.

Le gouvernement Netanyahou a catégoriquement refusé d’autoriser l’aide d’équipements turcs pour les opérations de récupération, une décision politique visant à limiter l’influence d’Ankara et à instrumentaliser sa position sur la Syrie. Cependant, un courant croissant en Israël plaide pour une administration de Gaza dirigée par l’Autorité palestinienne afin d’éviter un vide administratif qui profiterait au Hamas ou à d’autres acteurs extérieurs.

Conclusion
La menace israélienne de reprendre la guerre est avant tout une manœuvre électorale et médiatique visant à mobiliser le soutien intérieur et à exploiter la question des captifs à des fins politiques.

Aucun signe concret n’indique une réelle intention de relancer la guerre, compte tenu du manque de soutien usaméricain, de l’épuisement social et militaire, et de l’opposition interne de l’armée.
Le changement de nom de la guerre en « Guerre de la résurrection » reflète une tentative d’échapper à la reddition de comptes pour les échecs du 7 octobre.
Les décisions israéliennes majeures — guerre ou paix — demeurent profondément liées au calcul électoral de Netanyahou et à son effort pour préserver son pouvoir.
Le facteur décisif des mois à venir sera l’engagement de Washington envers le plan Trump, qui demeure aujourd’hui le seul cadre viable pour l’arène israélo-palestinienne.