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13/06/2025

YOSSI MELMAN
L’Opération “Colère de Dieu” revisitée : comment l’Europe a permis au Mossad de mener une campagne secrète d’assassinats après Munich

Une auteure ayant eu un accès sans précédent à des archives secrètes révèle comment les agences de renseignement occidentales ont aidé le Mossad à mener une campagne secrète d’assassinats à travers l’Europe.

Yossi Melman, Haaretz, 14/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Un tireur palestinien masqué sur un balcon de la Cité olympique de Munich, le 5 septembre 1972. Un mois plus tard, le Mossad lance l’opération “Colère de Dieu” pour traquer les responsables du massacre. Photo Kurt Strumpf/AP

Dans la soirée du 16 octobre 1972, Wael Zwaiter termine son travail à l’ambassade de Libye à Rome, se rend dans un bar voisin, boit un verre et rentre à son appartement. À l’entrée de l’immeuble, deux assaillants l’attendent. Ils lui tirent dessus à 11 reprises, un chiffre symbolique qui fait écho aux 11 athlètes israéliens assassinés par des terroristes palestiniens lors des Jeux olympiques de Munich, un mois plus tôt.

Il s’agissait du premier assassinat de ce qui est devenu l’opération “Colère de Dieu”, la campagne secrète menée par Israël pour traquer les “terroristes” palestiniens. Un nouveau livre, “Operation Wrath of God : The Secret History of European Intelligence and the Mossad’s Assassination Campaign” (L’histoire secrète des services de renseignement européens et de la campagne d’assassinat du Mossad), révèle pour la première fois l’importante coopération en coulisses des services de renseignement d’Europe occidentale. Leur collaboration, ou du moins leur approbation tacite, a permis au Mossad de commettre dix assassinats entre 1972 et 1992 [plus trois à Beyrouth et un à Tunis, voir liste ici, NdT].

Le Club de Berne : le pacte secret de l’Europe en matière de renseignement

Le livre d’Aviva Guttmann, spécialiste suisse du renseignement qui enseigne à l’université d’Aberystwyth au Pays de Galles, sera publié cet été par Cambridge University Press. Mme Guttmann a bénéficié d’un accès sans précédent aux archives secrètes du “Club de Berne”, une alliance multilatérale peu connue dans le domaine du renseignement.

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Aviva Guttmann a bénéficié d’un accès sans précédent aux archives secrètes du Club de Berne.

Fondé en 1969, le Club de Berne regroupe des services de Suisse, d’Allemagne de l’Ouest, de France, du Royaume-Uni, d’Italie, du Luxembourg, d’Autriche, des Pays-Bas et de Belgique. Grâce au système télex crypté “Kilowatt"”du Club, le réseau s’est ensuite étendu aux USA, au Canada, à l’Australie, à l’Irlande, à l’Espagne, à la Suède, à la Norvège et à Israël, par l’intermédiaire du Mossad et du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien.

Dans une interview accordée à Haaretz, Mme Guttmann révèle que dans les communications internes du Club, le Mossad portait le nom de code “Orbis” et le Shin Bet celui de “Speedis”.

Démentant le mythe du Mossad comme force omnipotente, l’agence s’appuyait fortement sur les renseignements européens. Des données essentielles ont été fournies et partagées par le Club de Berne, notamment les adresses des suspects, les numéros de plaque d’immatriculation, les dossiers de vol, les factures d’hôtel et les relevés téléphoniques.

En réalité, les opérations d’assassinat du Mossad étaient des essais et des erreurs. Le chef du Mossad, Zvi Zamir a nommé Mike Harari, chef de la division des opérations “Caesarea”, pour commander les missions. Harari a recruté du personnel au sein du Mossad, des FDI et d’autres agences, dont certains se sont révélés peu adaptés à la mission.

L’unité d’opérations spéciales de l’agence, Kidon (“baïonnette” en hébreu), n’a été créée qu’après un échec ultérieur : un assassinat bâclé en 1973 à Lillehammer, en Norvège, au cours duquel la mauvaise personne a été tuée et six agents du Mossad ont été capturés.

Wael Zwaiter : la première cible

L’assassinat de Zwaiter à Rome, un mois après le massacre de Munich en 1972, n’était pas seulement un acte symbolique ; c’était aussi un triomphe de la coopération internationale en matière de renseignement. Le Mossad, qui n’avait pas réussi à détecter le complot terroriste des Jeux olympiques, est parvenu à localiser et à tuer Zwaiter en l’espace d’un mois, alors qu’il ne disposait pas encore d’une unité d’opérations spéciales officielle.

En juillet 1972, deux mois avant l’attentat de Munich, le Mossad avait prévenu les membres du Club de Berne, via Kilowatt, de l’imminence d’une opération terroriste impliquant trois individus, et identifié Zwaiter comme leur responsable.

Le 13 septembre 1972, huit jours après le massacre, le service de sécurité intérieure allemand (BfV) a confirmé que Zwaiter avait payé les notes d’hôtel à Salzbourg pour trois des attaquants, qu’il avait des contacts réguliers avec eux et qu’il avait séjourné à l’hôtel Eden-Wolff de Munich dans les semaines précédant le massacre. Selon le livre, ces renseignements ont été déterminants dans la décision d’Israël de le prendre pour cible.

Bien que certains aient par la suite décrit Zwaiter comme un poète et un intellectuel, connu pour avoir traduit “Les mille et une nuits” en italien et travaillé comme traducteur pour l’ambassade de Libye, le Mossad a insisté sur le fait qu’il était également le “représentant en Italie du Fatah”, impliqué dans le transfert d’armes, de fonds et de documents pour les opérations terroristes.


Deux policiers ouest-allemands portant des sweat-shirts d’athlètes se mettent en position sur le toit du village olympique de Munich, le 5 septembre 1972.

L’attentat de Paris : Mahmoud al-Hamchari

La cible suivante était le Dr Mahmoud Al-Hamchari, représentant de l’OLP à Paris. Les médias israéliens et étrangers ont affirmé qu’il avait été impliqué des années auparavant dans la planification ou le soutien d’opérations terroristes contre des cibles israéliennes en Europe. Les rapports transmis par le réseau Kilowatt ne contenaient aucune preuve permettant de le relier à de telles activités. Il est donc probable qu’il ait été considéré comme une “cible molle” - quelqu’un de relativement facile à atteindre - parce qu’il était moins prudent et n’accordait qu’une attention minimale à sa sécurité personnelle.

Al-Hamchari a reçu un appel téléphonique à son appartement. Quelques secondes plus tard, une bombe placée par le Mossad explose. Il est grièvement blessé, mais survit ; la charge avait été mal calculée. Transporté d’urgence à l’hôpital, il est interrogé par les services de renseignements français. Un rapport d’interrogatoire a été envoyé au Club de Berne et, naturellement, au Mossad.

Avant sa mort, Al-Hamchari a déclaré avoir reçu un appel d’une personne prétendant être un journaliste italien, lui demandant de le rencontrer au bureau de l’OLP. Il a quitté son appartement, mais son interlocuteur n’est jamais venu. On pense que le Mossad a profité de son absence pour s’introduire dans l’appartement et poser la bombe, déclenchée ensuite par un nouvel appel.


Zvi Zamir, chef du Mossad de 1968 à 1974. Zamir a déclaré que la campagne visait à perturber le réseau européen de l’OLP, et non à se venger.Photo Unité du porte-parole des FDI

Selon le livre de la Dre Guttmann, l’assassinat d’Al-Hamchari reflétait une décision plus large du gouvernement israélien de Golda Meir de prendre pour cible les représentants de l’OLP et du Fatah en Europe, sans tenir compte de leur lien direct avec le massacre de Munich.

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Le chef du Mossad, Zvi Zamir, s’est fait l’écho de ce raisonnement dans une interview accordée en 2005 à Haaretz, déclarant que la campagne n’était pas motivée par la vengeance, mais par un effort stratégique visant à démanteler l’infrastructure de l’organisation en Europe et à perturber sa capacité à perpétrer de futurs attentats.

Cette explication remet en cause l’idée largement répandue, véhiculée par les médias et même par certains chercheurs universitaires, selon laquelle les assassinats perpétrés par le Mossad étaient principalement motivés par la vengeance du massacre de 1972.

Le metteur en scène de théâtre devenu cible

Au cours des six mois suivants, le Mossad a assassiné quatre autres agents de l’OLP en Europe - à Chypre, à Rome (à nouveau) et à Paris. En réponse, l’OLP a lancé une vague d’attaques de représailles : lettres piégées, assassinats de diplomates israéliens et siège de l’ambassade d’Israël à Bangkok. Cette escalade du conflit de l’ombre entre le Mossad et les factions palestiniennes est connue sous le nom de “Bataille des barbouzes”.

L’un des points culminants de la coopération en matière de renseignement a eu lieu le 28 juin 1973, avec l’assassinat du ressortissant algérien Mohammad Boudia à Paris. Boudia, un personnage bohème plongé dans la vie nocturne de la ville, était le directeur d’un petit théâtre, connu pour son amour de l’art et des femmes. Il avait lutté contre la domination coloniale française en tant que membre du Front de libération nationale algérien et avait passé trois ans en prison. Après l’accord de paix, il s’est installé à Paris et a rejoint la lutte armée palestinienne.

La gestion du théâtre constituait une couverture idéale pour ses activités “terroristes”. Il était soupçonné d’agir pour le compte du Front populaire et d’avoir des liens avec des attentats commis en Italie et en Suisse.

« En France, tout en menant une vie sociale très active, il était également très prudent, utilisant fréquemment des déguisements et du maquillage provenant de son théâtre pour éviter d’être repéré », indique le livre de la Dre Guttmann. « Par exemple, il passait la nuit chez une femme et repartait le matin déguisé en vieille femme pour tromper les équipes de surveillance qui auraient pu le suivre. Autre précaution, il changeait fréquemment ses habitudes quotidiennes, voyageait beaucoup et, à Paris, passait ses nuits dans des endroits différents ».


Golda Meir, Premier ministre israélien de 1969 à 1974. Meir a autorisé une politique visant à cibler les agents de l’OLP en Europe, même s’ils n’étaient pas directement liés à l’attentat de Munich. Photo Sven Simon/Reuters

« Cependant, il y avait un élément constant dans sa vie, qui était son point faible : il conduisait toujours une Renault R16 grise avec une plaque d’immatriculation parisienne. Cette habitude était ce que le Mossad appelait son ‘point de capture’, la faiblesse qui lui permettrait d’organiser son exécution ».


Dans la nuit du 27 juin, Boudia est allé rendre visite à l’une de ses nombreuses petites amies. Pendant qu’il était à l’intérieur, des agents du Mossad se sont introduits dans sa Renault et ont placé une bombe sous le siège du conducteur. Quel que fût le déguisement utilisé par Boudia pour quitter l’appartement, le Mossad savait qu’il reviendrait toujours dans sa voiture. Comme prévu, une équipe de surveillance a confirmé que Boudia était entré dans le véhicule, et la bombe - conçue pour faire passer l’explosion pour un “accident de travail” - a été déclenchée à distance.

Regarder ailleurs

Quelques semaines seulement après l’assassinat de Mohammad Boudia, le Mossad a subi un revers majeur à Lillehammer, en Norvège.. Dans un tragique cas d’erreur d’identité, des agents ont tué Ahmed Bouchikhi, un innocent serveur marocain, après l’avoir confondu avec Ali Hassan Salameh, un important commandant de l’OLP et proche collaborateur de Yasser Arafat. Six agents du Mossad ont été arrêtés et emprisonnés.

Les recherches de Guttmann révèlent que le MI5 a peut-être contribué à l’erreur en envoyant au Mossad une photographie de Salameh. Malgré ce fiasco, le Mossad a continué à avoir accès au Club de Berne et à son précieux système Kilowatt.


L’une des six accusés du Mossad, Sylvia Rafael, se rendant dans la salle d’audience lors de son procès pour meurtre à la suite du fiasco de Lillehammer. Photo NTB / Alamy Stock Photo

Sylvia Rafael (1937-2005), libérée en 1975  après 2 ans de prison en Norvège, s’est mariée avec son avocat norvégien

« J’attribue cela à plusieurs raisons », explique la Dre Guttmann. eTout d’abord, l’Allemagne de l’Ouest, certainement, et peut-être d’autres, ont éprouvé un profond sentiment de culpabilité pour avoir échoué à empêcher le massacre de Munich. Mais plus généralement, les services de renseignement de toute l’Europe ont reconnu la valeur de la coopération et l’importance des contributions du Mossad à la lutte contre le terrorisme. Les renseignements qui transitent par le Club de Berne, en particulier ceux du Mossad, sont considérés comme essentiels pour contrer la menace croissante.

« Dans les années 1970, des groupes armés palestiniens faisaient exploser des bombes, détournaient des avions, assiégeaient des ambassades et tuaient des Européens. De nombreux gouvernements européens ont dû considérablement intensifier leur action à l’égard des Palestiniens soupçonnés de terrorisme.

« Deuxièmement, certains pays ont pu simplement approuver l’approche d’Israël. Pour certains responsables européens, tuer des terroristes avant qu’ils ne puissent frapper était considéré comme une politique légitime, bien qu’extrajudiciaire.

« Troisièmement, la coopération pouvait être tenue entièrement secrète. Cela permettait aux gouvernements européens de condamner officiellement les actions d’Israël tout en renforçant discrètement les liens de sécurité avec le Mossad. Si mon livre avait été publié dans les années 1970, il aurait provoqué un scandale majeur en Europe. Mais en réalité, j’ai conclu que rien n’a changé sur la chaîne Kilowatt : les agences de renseignement ont continué à fonctionner comme si de rien n’était, même si les politiciens se sont publiquement indignés ».

Les limites du Mossad, hier et aujourd’hui

Le livre de Mme Guttmann remet directement en question l’image populaire du Mossad en tant qu’agence de renseignement toute-puissante.

« Oui, absolument », dit-elle. « De plus, je pose une question sur les opérations d’assassinat ciblées menées aujourd’hui par l’unité Nili (une task force actuellement chargée de traquer les responsables de l’attentat du 7 octobre). Étant donné que le Mossad s’est fortement appuyé sur les services de renseignement européens pour mener à bien ses opérations dans les années 1970, je me demande si une aide similaire, ou au moins un soutien tacite, est fournie aujourd’hui par les services de renseignement de la région ou d’ailleurs.

« Mon livre montre que le Mossad n’aurait pas pu réussir seul. Il est probable que les opérations israéliennes modernes bénéficient d’un soutien en matière de renseignement - certainement de la part des Américains, peut-être des Européens, et peut-être même des services de renseignement arabes dans les pays qui ont normalisé leurs relations avec Israël, bien que cela reste spéculatif ».

Une heureuse faille dans le système d’archivage

Lorsqu’on lui demande comment elle a pu obtenir un accès sans précédent aux archives suisses, y compris à des documents contenant non seulement des secrets suisses mais aussi ceux d’autres nations, Mme Guttmann admet que la réponse n’est pas encore très claire.

« C’est une très bonne question, mais je ne connais pas vraiment la réponse », dit-elle. Une explication possible est que les documents ont été archivés sous les étiquettes “Kilowatt entrant” et “Kilowatt sortant”. Kilowatt était bien sûr le mot de code du canal de télécommunication crypté utilisé par le Club de Berne, mais seuls les professionnels du renseignement le savaient.

Il est possible que l’archiviste chargé d’accorder l’accès n’ait pas réalisé que “Kilowatt” faisait référence à un réseau multilatéral sensible d’échange de renseignements et que les dossiers contenaient bien plus que de simples documents suisses ».


Les armoiries du Club de Berne

 

 

08/03/2025

GIDEON LEVY
Des semaines plus tard, personne ne peut expliquer pourquoi les soldats israéliens ont tué un autre garçon palestinien non armé en Cisjordanie

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 7/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Alors qu’il se trouvait par hasard près d’un jardin d’enfants géré par Save the Children dans le village de Sebastia, en Cisjordanie, Ahmad Jazar, 15 ans, a été abattu par un soldat israélien. « Depuis le début de la guerre à Gaza », déclare le chef du conseil local, « il n’y a rien de plus facile pour les Israéliens que de tirer sur les Palestiniens ».

Rashid et Wafa Jazar, avec un poster de leur fils Ahmad, chez eux cette semaine dans le village de Sebastia

Une photo déchirante d’Ahmad Jazar, prise la veille de son assassinat. La main de sa mère est posée sur son épaule, comme si elle s’apprêtait à le serrer dans ses bras ; tous deux sourient légèrement en regardant l’appareil photo. La photo a été prise par Mira, la sœur aînée d’Ahmad, étudiante en décoration d’intérieur âgée de 19 ans, à Naplouse, alors qu’Ahmad rendait visite à sa mère. Ahmad avait demandé à sa sœur de les prendre en photo. Personne n’imaginait que ce serait sa dernière.

Le lendemain, 19 janvier, Ahmad a été abattu par un soldat des forces de défense israéliennes à une distance de quelques dizaines de mètres, dans sa ville natale de Sebastia, dans le nord de la Cisjordanie. Il se tenait alors près de l’entrée d’un jardin d’enfants géré par l’organisation internationale Save the Children. Des images d’enfants joyeux, naïfs et colorés, ornent la clôture en pierre qui entoure le bâtiment. À côté, Ahmad, un jeune homme de 15 ans issu d’une famille pauvre, s’est effondré sur le sol, en sang, et est mort.

Trois jours plus tard, Mira a fait imprimer la photo, y a ajouté un cœur blanc et l’a placée sous le grand poster de son frère, dans le cadre d’un coin commémoratif improvisé dans le salon.

À Sebastia, près de Naplouse, les colons ont fondé une véritable terre de colonisation. C’est dans la vieille gare abandonnée de l’époque ottomane, près du village, que les membres de l’organisation Gush Emunim ont convergé durant l’été 1969 - accompagnés de trois futurs premiers ministres : Menachem Begin, Ariel Sharon et Ehud Olmert - et s’en sonr emparés.

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L’accord conclu la même année, parfois appelé « compromis de Sebastia » (qui n’était pas du tout un compromis), a laissé les colons sur place même après qu’ils étaient censés évacuer, ce qui a été le signe avant-coureur d’une entreprise de colonisation tentaculaire dans tout le Shomron, alias la Samarie. Cinquante-six ans plus tard, les FDI y tuent des enfants, dans la partie nord de la Cisjordanie.

Sebastia est le site de la ville biblique de Shomron, dont les ruines se trouvent à la périphérie du village palestinien ; l’accès à cette zone est interdit à ses habitants depuis juillet dernier. Pendant ce temps, à environ sept kilomètres de là, se profile la colonie de Shavei Shomron.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la région cette semaine, toutes les voitures palestiniennes circulant sur la route étaient bloquées par un véhicule militaire blindé garé en diagonale, afin d’ouvrir la voie à deux véhicules de colons se dirigeant vers le nord, en direction de la colonie de Homesh. Il est évident qu’ici, ce sont les seigneurs de la terre qui sont en place.

Dans son bureau, le chef du conseil du village de Sebastia, Mahmoud Azzam, nous montre des vidéos de colons attaquant son village. Il ne se passe pas un jour sans que ces maraudeurs n’attaquent ou que l’armée ne fasse une incursion, dit-il. « Depuis le début de la guerre à Gaza », ajoute-t-il, « il n’y a rien de plus facile pour les Israéliens que de tirer sur les Palestiniens. Depuis le 7 octobre, ils ont également commencé à mettre la main sur nos terres ».

Sebastia est un village coloré qui, dans un autre univers, serait un site touristique prospère - une combinaison d’anciennes structures en pierre et d’attractions historiques plus récentes. Les résidents locaux gèrent deux maisons d’hôtes bien tenues, mais les touristes et les pèlerins n’ont pas vraiment afflué depuis un an et demi.

17/02/2025

MURTAZA HUSSAIN
Alors que Modi se rend à Washington, des USAméricains sikhs affirment que la surveillance et les menaces se poursuivent

La campagne transnationale présumée d’assassinats et d’intimidation visant les dissidents sikhs est loin d’être finie

Murtaza Hussain, Drop Site News, 14/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Murtaza Hussain est un journaliste d’origine pakistanaise qui a grandi à Toronto et vit aujourd’hui à New York. Après avoir travaillé au site ouèbe The Intercept, il contribue au nouveau site créé par Jeremy Scahill et Ryan Grim, Drop Site News. @MazMHussain

 


Dans l’après-midi du 22 décembre 2024, un véhicule blanc s’est arrêté devant les portes de la maison de l’activiste politique Pritpal Singh à Fremont, en Californie. Les images de sécurité fournies à Drop Site montrent un homme se garant devant la propriété, située dans un cul de sac tranquille de la banlieue, sortant de son véhicule, prenant plusieurs photos de la maison de Singh et des environs, avant de s’éloigner après avoir été remarqué par des voisins sortant de chez eux.

M. Singh est un organisateur usaméricain d’origine sikh qui avait déjà précédemment été averti par le FBI que sa vie était en danger. Ces avertissements ont été émis après une série d’assassinats et de tentatives d’assassinat d’autres militants sikhs en Amérique du Nord en 2023, qui, selon les USA et le Canada, auraient été orchestrés par des agents des services de renseignement indiens et dirigés par de hauts responsables du gouvernement Modi.

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Alors que le président Donald Trump fait la cour au premier ministre indien Narendra Modi à Washington cette semaine, des agents des forces de l’ordre enquêtent pour savoir si des personnes travaillant pour le gouvernement indien continuent de cibler les USAméricains sikhs dans le cadre d’une série de fusillades, de menaces et d’incidents d’intimidation non élucidés dans plusieurs pays.


Le président Donald Trump et le premier ministre indien Narendra Modi tiennent une conférence de presse conjointe à la Maison Blanche le 13 février 2025 / Andrew Harnik / Getty Images

Ces incidents feraient partie d’une campagne mondiale orchestrée par le gouvernement indien pour cibler les dissidents à l’étranger, notamment aux USA, au Royaume-Uni et au Canada. L’Inde est actuellement dirigée par un gouvernement nationaliste religieux qui a adopté une ligne dure à l’égard du séparatisme et des mouvements politiques basés sur les minorités dans le pays.

Singh, qui milite pour les droits des Sikhs et l’indépendance politique, a reçu plusieurs notifications du FBI concernant des menaces de mort. Le FBI et d’autres agences de renseignement usaméricaines appliquent une politique connue sous le nom de « devoir d’avertissement », qui les oblige à fournir des informations sur une menace imminente pour la vie d’un individu. À peu près à la même époque, M. Singh a fait état de plusieurs cas où des personnes se sont rendues à son domicile.

« Nous avons cinq cas de surveillance suspecte à mon domicile, dont trois au cours des dernières semaines. D’après ce que nous avons appris grâce à l’alerte du FBI, nous pensons que cette surveillance est liée au gang de Modi », a déclaré M. Singh. « Il est stupéfiant d’apprendre du FBI que l’on est la cible d’un gouvernement étranger alors que l’on pensait être en sécurité chez soi en tant que citoyen usaméricain ».

Les militants sikhs en Occident affirment depuis des années qu’ils sont la cible d’attaques de la part du gouvernement indien, y compris de meurtres présumés. Les militants visés sont pour la plupart des partisans de la création d’un État sikh séparatiste en Inde, une cause qui a déclenché une insurrection militante à l’intérieur de l’Inde dans les années 1980, mais qui est restée largement en sommeil depuis, vivant principalement comme un thème d’activisme politique de la diaspora.


Une liste de 43 “gangsters anti-indiens” recherchés, publiée par la National Investigation Agency (NIA), le FBI indien en septembre 2023. Les personnes assassinées au Canada figuraient sur cette liste

L’année dernière, le gouvernement canadien a publié une série de déclarations publiques sans précédent, accusant l’Inde d’avoir mené pendant des années une campagne de meurtres, d’incendies criminels, d’extorsions, de violations de domicile et de harcèlement politique à l’encontre des militants sikhs dans ce pays. Selon le gouvernement canadien, cette campagne comprenait les meurtres d’au moins deux hommes, Hardeep Singh Nijjar et Sukhdool Singh Gill, tous deux tués par balles lors d’assassinats perpétrés par des gangs qui, selon le Canada, auraient été dirigés par de hauts responsables du gouvernement indien.

Three men are pictured in mugshots in this composite photo.

Karan Brar, Kamalpreet Singh and Karanpreet Singh, les 3 suspects dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar

Cette campagne de violence s’est étendue au territoire usaméricain, selon un acte d’accusation usaméricain.



Gurpatwant Singh Pannun


Nikhil Gupta

En 2024, le ministère usaméricain de la justice a inculpé Vikash Yadav, un agent de renseignement indien accusé d’avoir orchestré un projet d’assassinat visant un citoyen usaméricain à New York la même année. Selon le ministère de la justice, le complot visant à tuer Gurpatwant Singh Pannun, conseiller général de l’organisation séparatiste sikh Sikhs For Justice, n’a été déjoué que lorsque le tueur à gages chargé de l’exécuter s’est avéré être un agent infiltré de la DEA. Un autre homme, Nikhil Gupta, attend actuellement d’être jugé aux USA pour son implication dans cette tentative d’assassinat ratée. L’acte d’accusation contre Gupta laisse entendre que de nombreux autres assassinats ont pu être planifiés après celui de Pannun, Gupta ayant déclaré à l’agent infiltré : “Nous avons tellement de cibles”.

22/11/2024

GIDEON LEVY
Adnan Al Bursh, le docteur fantôme de Gaza

Gideon Levy, Haaretz,  22/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le docteur Adnan Al Bursh était chirurgien, chef du service d’orthopédie de l’hôpital Al Shifa de la ville de Gaza. C’était un homme charismatique et séduisant qui utilisait les médias sociaux pour montrer qu’il travaillait dans des conditions invraisemblables, sans électricité, sans médicaments ni anesthésiques, et souvent sans lits pour les patients. Une vidéo le montre, pelle à la main, en train de creuser une fosse commune dans la cour de l’hôpital pour y déposer les cadavres des patients, après que les congélateurs ont été débordés par le nombre de corps. Il est devenu un héros local de son vivant et un héros international après sa mort. Il n’est presque jamais rentré chez lui après le début de la guerre, explique sa veuve, Yasmin. Après le début de la guerre, lui et son équipe ont été contraints de fuir trois hôpitaux que l’armée israélienne a détruits dans le cadre de leur « respect scrupuleux du droit international ».

En décembre, Al Bursh a été arrêté par l’armée dans le dernier hôpital où il travaillait, l’hôpital Al Awda à Jabalya. On lui a dit de sortir et on l’a enlevé. Au cours des mois suivants, il a apparemment subi d’horribles tortures dans un centre d’interrogatoire du Shin Bet et, plus tard, dans le camp de détention de Sde Teiman. Il a ensuite été transféré à la prison d’Ofer, où il est décédé le 19 avril. « Nous pouvions à peine le reconnaître », a déclaré un médecin palestinien qui l’a vu dans le centre de détention. « Il était évident qu’il avait vécu l’enfer. Ce n’était pas l’homme que nous connaissions, mais l’ombre de cet homme ». Al Bursh, qui restait en forme et nageait souvent, s’est transformé en fantôme. Spécialiste de l’orthopédie chirurgicale, il avait étudié en Jordanie et en Grande-Bretagne ; s’il avait vécu ailleurs, les choses auraient pu être bien différentes.

Sa mort en prison a été accueillie par un haussement d’épaules caractéristique en Israël, bien que l’acteur et rappeur Tamer Nafar lui ait consacré une belle élégie dans Haaretz, où j’ai également écrit sur Al Bursh. Les autorités ont évité de prendre la responsabilité de sa mort. L’administration pénitentiaire, contrôlée par le ministre de la sécurité nationale Ben-Gvir, a déclaré qu’elle ne s’occupait pas des « combattants illégaux ». Il s’agit donc soudainement de « combattants », avec lesquels ils ne traitent pas. L’armée a déclaré qu’elle ne détenait pas Al Bursh au moment de sa mort.

Des dizaines de détenus sont morts dans les prisons israéliennes cette année, comme dans les pires prisons du monde - et ce n’est pas un sujet qui mérite d’être discuté par le mouvement de protestation pour la démocratie en Israël. Des centaines de membres du personnel médical ont été tués à Gaza, et cela n’intéresse même pas l’Association médicale israélienne. Quelle honte !

Mais Al Bursh est devenu un médecin fantôme, dont le personnage, la vie et la mort refusent de disparaître. La semaine dernière, son image a été évoquée dans un reportage de John Sparks sur Sky News. Alors que la journaliste d’investigation israélienne Ilana Dayan se plaint auprès de Christiane Amanpour sur CNN que « nous ne couvrons pas suffisamment les souffrances humaines à Gaza » et présente ensuite un autre reportage héroïque sur l’armée, la chaîne de télévision pour laquelle elle travaille ne montre même pas un aperçu de ce qui se passe à Gaza. « Les téléspectateurs ne sont pas intéressés », a déclaré cette semaine l’un des responsables de la deuxième autorité israélienne pour la télévision et la radio. Cette déclaration résume le nouveau concept du journalisme : le paiement à la séance.

Mais dans un monde où il existe d’autres sources médiatiques, le Dr Al Bursh n’a pas été oublié. Le rapport d’enquête de Sky News a révélé qu’il avait été jeté dans la cour de la prison d’Ofer alors qu’il était gravement blessé, nu à partir de la taille. Francesca Albanese, rapporteure spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, a évoqué la possibilité qu’il ait subi des abus sexuels avant sa mort, étant donné qu’il a été retrouvé à moitié nu.

Qui a tué al-Bursh, et comment ? Nous ne le saurons jamais. Cependant, nous avons appris une fois de plus à quel point la préoccupation sélective d’Israël pour la vie humaine est immorale. Une société dans laquelle au moins quelques personnes sont horrifiées et ébranlées par le sort des otages israéliens - se préoccupent d’eux jour et nuit, protestent avec véhémence et accrochent des banderoles dans les rues - est la même société qui ne se préoccupe pas d’autres êtres humains et détermine leur sort cruel. Cette hypocrisie est indéfendable. Il est impossible de faire le lien entre le choc profond des Israéliens face à la mort d’otages du Hamas et leur indifférence totale face à la mort d’Al Bursh, un otage détenu par Israël. Il n’y a aucun moyen de résoudre ces contradictions, si ce n’est de conclure que la conscience d’Israël a été irrémédiablement altérée.


 

01/08/2024

Révélations du New York Times : Ismail Haniyeh aurait été tué par une bombe télécommandée placée dans la maison d’hôtes de Téhéran il y a deux mois

Un engin explosif caché dans un complexe lourdement gardé où Ismail Haniyeh était réputé séjourner en Iran est à l’origine de sa mort, selon une enquête du NY Times.

 
Une photo circulant sur Telegram et parmi les officiels iraniens mercredi montre un bâtiment endommagé dans le nord de Téhéran.

 Ronen Bergman, Mark Mazzetti et  Farnaz Fassihi, The New York Times, 1/8/2024

 Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Ismail Haniyeh, l’un des principaux dirigeants du Hamas, a été assassiné mercredi par un engin explosif introduit clandestinement dans la maison d’hôtes de Téhéran où il séjournait, selon sept responsables du Moyen-Orient [manière élégante de dire « israéliens », NdT], dont deux Iraniens, et un responsable usaméricain.

La bombe avait été dissimulée il y a environ deux mois dans la maison d’hôtes, selon cinq des responsables du Moyen-Orient. La maison d’hôtes est gérée et protégée par le Corps des gardiens de la révolution islamique et fait partie d’un grand complexe, connu sous le nom de Neshat, dans un quartier huppé du nord de Téhéran.

M. Haniyeh se trouvait dans la capitale iranienne pour assister à l’investiture présidentielle. La bombe a été déclenchée à distance, selon les cinq responsables, une fois qu’il a été confirmé que M. Haniyeh se trouvait dans sa chambre à la maison d’hôtes. L’explosion a également tué un garde du corps.

L’explosion a secoué le bâtiment, brisé quelques fenêtres et provoqué l’effondrement partiel d’un mur extérieur, selon les deux responsables iraniens, membres des gardiens de la révolution informés de l’incident. Ces dégâts sont également visibles sur une photographie du bâtiment communiquée au New York Times.

M. Haniyeh, qui a dirigé le bureau politique du Hamas au Qatar, avait séjourné dans la maison d’hôtes à plusieurs reprises lors de ses visites à Téhéran, selon les responsables du Moyen-Orient. Tous ces responsables ont parlé sous le couvert de l’anonymat afin de ne pas divulguer de détails sensibles sur l’assassinat.

Des personnes en deuil se sont rassemblées à Téhéran jeudi pour les funérailles du chef du Hamas, Ismail Haniyeh. L’Iran a déclaré qu’Israël était derrière son assassinat. Photo Arash Khamooshi pour le New York Times

Des responsables iraniens et le Hamas ont déclaré mercredi qu’Israël était responsable de l’assassinat, un avis partagé par plusieurs responsables usaméricains ayant requis l’anonymat. Cet assassinat risque de déclencher une nouvelle vague de violence au Moyen-Orient et de compromettre les négociations en cours pour mettre fin à la guerre à Gaza. M. Haniyeh avait été l’un des principaux négociateurs des pourparlers sur le cessez-le-feu.

Israël n’a pas reconnu publiquement sa responsabilité dans l’assassinat, mais les services de renseignement israéliens ont informé les USA et d’autres gouvernements occidentaux des détails de l’opération dans les jours qui ont suivi, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony J. Blinken a déclaré que les USA n’avaient pas été informés à l’avance du projet d’assassinat.

Dans les heures qui ont suivi l’assassinat, les spéculations se sont immédiatement concentrées sur la possibilité qu’Israël ait tué M. Haniyeh à l’aide d’un missile, peut-être tiré à partir d’un drone ou d’un avion, de la même manière qu’Israël avait lancé un missile sur une base militaire à Ispahan en avril dernier.

Cette théorie du missile a soulevé des questions sur la manière dont Israël aurait pu échapper à nouveau aux systèmes de défense aérienne iraniens pour exécuter une frappe aérienne aussi effrontée dans la capitale.

Il s’avère que les assassins ont pu exploiter un autre type de faille dans les défenses iraniennes : une faille dans la sécurité d’un complexe supposé étroitement gardé, qui a permis de poser une bombe et de la dissimuler pendant de nombreuses semaines avant qu’elle ne soit finalement déclenchée.

Un panneau d’affichage à Téhéran en avril représentant des missiles. Photo Arash Khamooshi pour The New York Times

Trois responsables iraniens ont déclaré qu’une telle violation constituait un échec catastrophique en matière de renseignement et de sécurité pour l’Iran et un énorme embarras pour les Gardiens, qui utilisent le complexe pour des retraites, des réunions secrètes et l’hébergement d’invités de marque tels que M. Haniyeh.

La manière dont la bombe a été dissimulée dans la maison d’hôtes n’a pas été élucidée. Les responsables du Moyen-Orient ont déclaré que la préparation de l’assassinat avait pris des mois et avait nécessité une surveillance approfondie du complexe. Les deux responsables iraniens qui ont décrit la nature de l’assassinat ont déclaré qu’ils ne savaient pas comment ni quand les explosifs avaient été placés dans la chambre.

Israël a décidé de procéder à l’assassinat en dehors du Qatar, où vivent M. Haniyeh et d’autres hauts responsables politiques du Hamas. Le gouvernement qatari joue le rôle de médiateur dans les négociations entre Israël et le Hamas en vue d’un cessez-le-feu à Gaza.

L’explosion meurtrière survenue tôt mercredi a brisé des fenêtres et fait s’effondrer une partie du mur de l’enceinte, comme l’ont montré des photographies et comme l’ont indiqué les responsables iraniens. Des dégâts minimes au-delà du bâtiment lui-même, comme l’aurait probablement fait un missile, n’ont été que minimes.

Vers 2 heures du matin, heure locale, l’engin a explosé, selon les responsables du Moyen-Orient et les sources iraniennes. Les membres du personnel de l’immeuble, surpris, ont couru à la recherche de la source de l’énorme bruit, ce qui les a conduits à la chambre où M. Haniyeh se trouvait avec un garde du corps.

Une image satellite prise le 25 juillet ne montre pas de dégâts visibles ni de bâche verte sur le bâtiment, ce qui suggère que l’image avec les dégâts visibles a été prise plus récemment. Photo Maxar Technologies

Le complexe dispose d’une équipe médicale qui s’est précipitée dans la pièce immédiatement après l’explosion. L’équipe a déclaré que M. Haniyeh était mort immédiatement. L’équipe a tenté de ranimer le garde du corps, mais il était lui aussi mort.

Le chef du Jihad islamique palestinien, Ziyad al-Nakhalah, se trouvait dans la chambre voisine, ont déclaré deux des responsables iraniens. Sa chambre n’a pas été gravement endommagée, ce qui laisse supposer que M. Haniyeh a fait l’objet d’un ciblage précis.

Khalil al-Hayya, le commandant adjoint du Hamas dans la bande de Gaza, qui se trouvait également à Téhéran, est arrivé sur les lieux et a vu le corps de son collègue, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

ABDALJAWAD OMAR
La véritable raison pour laquelle Israël assassine des dirigeants du Hamas et du Hezbollah, et pourquoi cela n’arrêtera pas la résistance

 

Emad Hajjaj

L’assassinat par Israël de dirigeants du Hamas et du Hezbollah ne vise pas à affaiblir la résistance. Son véritable objectif est de restaurer l’image de sa supériorité militaire et de ses services de renseignement aux yeux de l’opinion israélienne.

Abdaljawad Omar, Mondoweiss, 31/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Abdaljawad Omar (Aboud Hamayel) est un auteur palestinien vivant à Ramallah. Docteur en philosophie sur le thème de la Grande Intifada (1987-2006), il est actuellement maître de conférences au département de philosophie et d’études culturelles de l’université de Birzeit. @HHamayel2 Aboud Hamayel

Dans la nuit du 30 juillet, Israël a intensifié ses opérations militaires, ciblant ses adversaires sur plusieurs fronts, dont le Liban, l’Iran et la Palestine. Le gouvernement israélien a revendiqué un succès significatif avec l’assassinat d’un commandant du Hezbollah dans un quartier densément peuplé du sud de Beyrouth. Simultanément, Israël a lancé une frappe audacieuse au cœur de Téhéran, tuant Ismail Haniyeh, le chef en exercice du bureau politique du Hamas.

Après dix mois de perte lente mais constante de la maîtrise de l’escalade qu’il avait maintenue pendant des décennies, Israël tente aujourd’hui de reprendre l’initiative et de rétablir l’avantage en ciblant à la fois Beyrouth et Téhéran en moins de 24 heures.

Les actions d’Israël ne visent pas seulement à projeter sa force ; elles sont également conçues pour accroître la pression sur l’axe de la résistance. L’objectif stratégique est de briser l’unité de cette coalition en tirant parti de ses capacités militaires pour flirter avec la perspective d’une guerre totale - une issue que ni Israël, ni le Hezbollah, ni, par extension, l’Iran, ne souhaitent vraiment. Cette politique de la corde raide vise à déstabiliser les adversaires, à les forcer à reconsidérer leur position unifiée et, éventuellement, à faire des concessions en faveur d’Israël.

Des ouvriers iraniens installent une immense banderole sur un mur montrant un portrait du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, et la mosquée du Dôme du Rocher dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, sur la place Felestin (Palestine), à Téhéran, en Iran, le mercredi 31 juillet 2024. Vahid Salemi/AP Photo

Israël mise sur l’idée que la crainte d’une nouvelle escalade poussera le Hezbollah et l’Iran à faire pression sur le Hamas pour qu’il réponde à certaines des exigences d’Israël lors des négociations sur le cessez-le-feu. En outre, Israël prévoit que toute escalade réelle - en particulier celle provoquée par ses actions ciblées - obligerait les USA et leurs alliés à offrir un soutien militaire et diplomatique. Même si Washington ne recherche pas activement un conflit majeur, Israël est convaincu que les USA n’hésiteront pas à lui venir en aide si la situation s’aggrave. En d’autres termes, Israël poursuit une politique d’imbrication et, ce faisant, prend des risques calculés, sachant que si les choses tournent mal, l’armée usaméricaine se précipitera à sa défense dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Depuis un certain temps, Israël jauge les réactions de ses adversaires, notant en particulier la faible réaction des Palestiniens à ses proclamations selon lesquelles il avait réussi à assassiner le commandant militaire du Hamas à Gaza, Mohammed Al-Deif. Cette observation a conduit les planificateurs stratégiques israéliens à conclure que si un accord diplomatique reste une priorité, il est peu probable que de tels assassinats ciblés fassent dérailler ces efforts.