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08/03/2025

GIDEON LEVY
Des semaines plus tard, personne ne peut expliquer pourquoi les soldats israéliens ont tué un autre garçon palestinien non armé en Cisjordanie

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 7/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Alors qu’il se trouvait par hasard près d’un jardin d’enfants géré par Save the Children dans le village de Sebastia, en Cisjordanie, Ahmad Jazar, 15 ans, a été abattu par un soldat israélien. « Depuis le début de la guerre à Gaza », déclare le chef du conseil local, « il n’y a rien de plus facile pour les Israéliens que de tirer sur les Palestiniens ».

Rashid et Wafa Jazar, avec un poster de leur fils Ahmad, chez eux cette semaine dans le village de Sebastia

Une photo déchirante d’Ahmad Jazar, prise la veille de son assassinat. La main de sa mère est posée sur son épaule, comme si elle s’apprêtait à le serrer dans ses bras ; tous deux sourient légèrement en regardant l’appareil photo. La photo a été prise par Mira, la sœur aînée d’Ahmad, étudiante en décoration d’intérieur âgée de 19 ans, à Naplouse, alors qu’Ahmad rendait visite à sa mère. Ahmad avait demandé à sa sœur de les prendre en photo. Personne n’imaginait que ce serait sa dernière.

Le lendemain, 19 janvier, Ahmad a été abattu par un soldat des forces de défense israéliennes à une distance de quelques dizaines de mètres, dans sa ville natale de Sebastia, dans le nord de la Cisjordanie. Il se tenait alors près de l’entrée d’un jardin d’enfants géré par l’organisation internationale Save the Children. Des images d’enfants joyeux, naïfs et colorés, ornent la clôture en pierre qui entoure le bâtiment. À côté, Ahmad, un jeune homme de 15 ans issu d’une famille pauvre, s’est effondré sur le sol, en sang, et est mort.

Trois jours plus tard, Mira a fait imprimer la photo, y a ajouté un cœur blanc et l’a placée sous le grand poster de son frère, dans le cadre d’un coin commémoratif improvisé dans le salon.

À Sebastia, près de Naplouse, les colons ont fondé une véritable terre de colonisation. C’est dans la vieille gare abandonnée de l’époque ottomane, près du village, que les membres de l’organisation Gush Emunim ont convergé durant l’été 1969 - accompagnés de trois futurs premiers ministres : Menachem Begin, Ariel Sharon et Ehud Olmert - et s’en sonr emparés.

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L’accord conclu la même année, parfois appelé « compromis de Sebastia » (qui n’était pas du tout un compromis), a laissé les colons sur place même après qu’ils étaient censés évacuer, ce qui a été le signe avant-coureur d’une entreprise de colonisation tentaculaire dans tout le Shomron, alias la Samarie. Cinquante-six ans plus tard, les FDI y tuent des enfants, dans la partie nord de la Cisjordanie.

Sebastia est le site de la ville biblique de Shomron, dont les ruines se trouvent à la périphérie du village palestinien ; l’accès à cette zone est interdit à ses habitants depuis juillet dernier. Pendant ce temps, à environ sept kilomètres de là, se profile la colonie de Shavei Shomron.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la région cette semaine, toutes les voitures palestiniennes circulant sur la route étaient bloquées par un véhicule militaire blindé garé en diagonale, afin d’ouvrir la voie à deux véhicules de colons se dirigeant vers le nord, en direction de la colonie de Homesh. Il est évident qu’ici, ce sont les seigneurs de la terre qui sont en place.

Dans son bureau, le chef du conseil du village de Sebastia, Mahmoud Azzam, nous montre des vidéos de colons attaquant son village. Il ne se passe pas un jour sans que ces maraudeurs n’attaquent ou que l’armée ne fasse une incursion, dit-il. « Depuis le début de la guerre à Gaza », ajoute-t-il, « il n’y a rien de plus facile pour les Israéliens que de tirer sur les Palestiniens. Depuis le 7 octobre, ils ont également commencé à mettre la main sur nos terres ».

Sebastia est un village coloré qui, dans un autre univers, serait un site touristique prospère - une combinaison d’anciennes structures en pierre et d’attractions historiques plus récentes. Les résidents locaux gèrent deux maisons d’hôtes bien tenues, mais les touristes et les pèlerins n’ont pas vraiment afflué depuis un an et demi.

17/02/2025

MURTAZA HUSSAIN
Alors que Modi se rend à Washington, des USAméricains sikhs affirment que la surveillance et les menaces se poursuivent

La campagne transnationale présumée d’assassinats et d’intimidation visant les dissidents sikhs est loin d’être finie

Murtaza Hussain, Drop Site News, 14/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Murtaza Hussain est un journaliste d’origine pakistanaise qui a grandi à Toronto et vit aujourd’hui à New York. Après avoir travaillé au site ouèbe The Intercept, il contribue au nouveau site créé par Jeremy Scahill et Ryan Grim, Drop Site News. @MazMHussain

 


Dans l’après-midi du 22 décembre 2024, un véhicule blanc s’est arrêté devant les portes de la maison de l’activiste politique Pritpal Singh à Fremont, en Californie. Les images de sécurité fournies à Drop Site montrent un homme se garant devant la propriété, située dans un cul de sac tranquille de la banlieue, sortant de son véhicule, prenant plusieurs photos de la maison de Singh et des environs, avant de s’éloigner après avoir été remarqué par des voisins sortant de chez eux.

M. Singh est un organisateur usaméricain d’origine sikh qui avait déjà précédemment été averti par le FBI que sa vie était en danger. Ces avertissements ont été émis après une série d’assassinats et de tentatives d’assassinat d’autres militants sikhs en Amérique du Nord en 2023, qui, selon les USA et le Canada, auraient été orchestrés par des agents des services de renseignement indiens et dirigés par de hauts responsables du gouvernement Modi.

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Alors que le président Donald Trump fait la cour au premier ministre indien Narendra Modi à Washington cette semaine, des agents des forces de l’ordre enquêtent pour savoir si des personnes travaillant pour le gouvernement indien continuent de cibler les USAméricains sikhs dans le cadre d’une série de fusillades, de menaces et d’incidents d’intimidation non élucidés dans plusieurs pays.


Le président Donald Trump et le premier ministre indien Narendra Modi tiennent une conférence de presse conjointe à la Maison Blanche le 13 février 2025 / Andrew Harnik / Getty Images

Ces incidents feraient partie d’une campagne mondiale orchestrée par le gouvernement indien pour cibler les dissidents à l’étranger, notamment aux USA, au Royaume-Uni et au Canada. L’Inde est actuellement dirigée par un gouvernement nationaliste religieux qui a adopté une ligne dure à l’égard du séparatisme et des mouvements politiques basés sur les minorités dans le pays.

Singh, qui milite pour les droits des Sikhs et l’indépendance politique, a reçu plusieurs notifications du FBI concernant des menaces de mort. Le FBI et d’autres agences de renseignement usaméricaines appliquent une politique connue sous le nom de « devoir d’avertissement », qui les oblige à fournir des informations sur une menace imminente pour la vie d’un individu. À peu près à la même époque, M. Singh a fait état de plusieurs cas où des personnes se sont rendues à son domicile.

« Nous avons cinq cas de surveillance suspecte à mon domicile, dont trois au cours des dernières semaines. D’après ce que nous avons appris grâce à l’alerte du FBI, nous pensons que cette surveillance est liée au gang de Modi », a déclaré M. Singh. « Il est stupéfiant d’apprendre du FBI que l’on est la cible d’un gouvernement étranger alors que l’on pensait être en sécurité chez soi en tant que citoyen usaméricain ».

Les militants sikhs en Occident affirment depuis des années qu’ils sont la cible d’attaques de la part du gouvernement indien, y compris de meurtres présumés. Les militants visés sont pour la plupart des partisans de la création d’un État sikh séparatiste en Inde, une cause qui a déclenché une insurrection militante à l’intérieur de l’Inde dans les années 1980, mais qui est restée largement en sommeil depuis, vivant principalement comme un thème d’activisme politique de la diaspora.


Une liste de 43 “gangsters anti-indiens” recherchés, publiée par la National Investigation Agency (NIA), le FBI indien en septembre 2023. Les personnes assassinées au Canada figuraient sur cette liste

L’année dernière, le gouvernement canadien a publié une série de déclarations publiques sans précédent, accusant l’Inde d’avoir mené pendant des années une campagne de meurtres, d’incendies criminels, d’extorsions, de violations de domicile et de harcèlement politique à l’encontre des militants sikhs dans ce pays. Selon le gouvernement canadien, cette campagne comprenait les meurtres d’au moins deux hommes, Hardeep Singh Nijjar et Sukhdool Singh Gill, tous deux tués par balles lors d’assassinats perpétrés par des gangs qui, selon le Canada, auraient été dirigés par de hauts responsables du gouvernement indien.

Three men are pictured in mugshots in this composite photo.

Karan Brar, Kamalpreet Singh and Karanpreet Singh, les 3 suspects dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar

Cette campagne de violence s’est étendue au territoire usaméricain, selon un acte d’accusation usaméricain.



Gurpatwant Singh Pannun


Nikhil Gupta

En 2024, le ministère usaméricain de la justice a inculpé Vikash Yadav, un agent de renseignement indien accusé d’avoir orchestré un projet d’assassinat visant un citoyen usaméricain à New York la même année. Selon le ministère de la justice, le complot visant à tuer Gurpatwant Singh Pannun, conseiller général de l’organisation séparatiste sikh Sikhs For Justice, n’a été déjoué que lorsque le tueur à gages chargé de l’exécuter s’est avéré être un agent infiltré de la DEA. Un autre homme, Nikhil Gupta, attend actuellement d’être jugé aux USA pour son implication dans cette tentative d’assassinat ratée. L’acte d’accusation contre Gupta laisse entendre que de nombreux autres assassinats ont pu être planifiés après celui de Pannun, Gupta ayant déclaré à l’agent infiltré : “Nous avons tellement de cibles”.

22/11/2024

GIDEON LEVY
Adnan Al Bursh, le docteur fantôme de Gaza

Gideon Levy, Haaretz,  22/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le docteur Adnan Al Bursh était chirurgien, chef du service d’orthopédie de l’hôpital Al Shifa de la ville de Gaza. C’était un homme charismatique et séduisant qui utilisait les médias sociaux pour montrer qu’il travaillait dans des conditions invraisemblables, sans électricité, sans médicaments ni anesthésiques, et souvent sans lits pour les patients. Une vidéo le montre, pelle à la main, en train de creuser une fosse commune dans la cour de l’hôpital pour y déposer les cadavres des patients, après que les congélateurs ont été débordés par le nombre de corps. Il est devenu un héros local de son vivant et un héros international après sa mort. Il n’est presque jamais rentré chez lui après le début de la guerre, explique sa veuve, Yasmin. Après le début de la guerre, lui et son équipe ont été contraints de fuir trois hôpitaux que l’armée israélienne a détruits dans le cadre de leur « respect scrupuleux du droit international ».

En décembre, Al Bursh a été arrêté par l’armée dans le dernier hôpital où il travaillait, l’hôpital Al Awda à Jabalya. On lui a dit de sortir et on l’a enlevé. Au cours des mois suivants, il a apparemment subi d’horribles tortures dans un centre d’interrogatoire du Shin Bet et, plus tard, dans le camp de détention de Sde Teiman. Il a ensuite été transféré à la prison d’Ofer, où il est décédé le 19 avril. « Nous pouvions à peine le reconnaître », a déclaré un médecin palestinien qui l’a vu dans le centre de détention. « Il était évident qu’il avait vécu l’enfer. Ce n’était pas l’homme que nous connaissions, mais l’ombre de cet homme ». Al Bursh, qui restait en forme et nageait souvent, s’est transformé en fantôme. Spécialiste de l’orthopédie chirurgicale, il avait étudié en Jordanie et en Grande-Bretagne ; s’il avait vécu ailleurs, les choses auraient pu être bien différentes.

Sa mort en prison a été accueillie par un haussement d’épaules caractéristique en Israël, bien que l’acteur et rappeur Tamer Nafar lui ait consacré une belle élégie dans Haaretz, où j’ai également écrit sur Al Bursh. Les autorités ont évité de prendre la responsabilité de sa mort. L’administration pénitentiaire, contrôlée par le ministre de la sécurité nationale Ben-Gvir, a déclaré qu’elle ne s’occupait pas des « combattants illégaux ». Il s’agit donc soudainement de « combattants », avec lesquels ils ne traitent pas. L’armée a déclaré qu’elle ne détenait pas Al Bursh au moment de sa mort.

Des dizaines de détenus sont morts dans les prisons israéliennes cette année, comme dans les pires prisons du monde - et ce n’est pas un sujet qui mérite d’être discuté par le mouvement de protestation pour la démocratie en Israël. Des centaines de membres du personnel médical ont été tués à Gaza, et cela n’intéresse même pas l’Association médicale israélienne. Quelle honte !

Mais Al Bursh est devenu un médecin fantôme, dont le personnage, la vie et la mort refusent de disparaître. La semaine dernière, son image a été évoquée dans un reportage de John Sparks sur Sky News. Alors que la journaliste d’investigation israélienne Ilana Dayan se plaint auprès de Christiane Amanpour sur CNN que « nous ne couvrons pas suffisamment les souffrances humaines à Gaza » et présente ensuite un autre reportage héroïque sur l’armée, la chaîne de télévision pour laquelle elle travaille ne montre même pas un aperçu de ce qui se passe à Gaza. « Les téléspectateurs ne sont pas intéressés », a déclaré cette semaine l’un des responsables de la deuxième autorité israélienne pour la télévision et la radio. Cette déclaration résume le nouveau concept du journalisme : le paiement à la séance.

Mais dans un monde où il existe d’autres sources médiatiques, le Dr Al Bursh n’a pas été oublié. Le rapport d’enquête de Sky News a révélé qu’il avait été jeté dans la cour de la prison d’Ofer alors qu’il était gravement blessé, nu à partir de la taille. Francesca Albanese, rapporteure spécial des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, a évoqué la possibilité qu’il ait subi des abus sexuels avant sa mort, étant donné qu’il a été retrouvé à moitié nu.

Qui a tué al-Bursh, et comment ? Nous ne le saurons jamais. Cependant, nous avons appris une fois de plus à quel point la préoccupation sélective d’Israël pour la vie humaine est immorale. Une société dans laquelle au moins quelques personnes sont horrifiées et ébranlées par le sort des otages israéliens - se préoccupent d’eux jour et nuit, protestent avec véhémence et accrochent des banderoles dans les rues - est la même société qui ne se préoccupe pas d’autres êtres humains et détermine leur sort cruel. Cette hypocrisie est indéfendable. Il est impossible de faire le lien entre le choc profond des Israéliens face à la mort d’otages du Hamas et leur indifférence totale face à la mort d’Al Bursh, un otage détenu par Israël. Il n’y a aucun moyen de résoudre ces contradictions, si ce n’est de conclure que la conscience d’Israël a été irrémédiablement altérée.


 

01/08/2024

Révélations du New York Times : Ismail Haniyeh aurait été tué par une bombe télécommandée placée dans la maison d’hôtes de Téhéran il y a deux mois

Un engin explosif caché dans un complexe lourdement gardé où Ismail Haniyeh était réputé séjourner en Iran est à l’origine de sa mort, selon une enquête du NY Times.

 
Une photo circulant sur Telegram et parmi les officiels iraniens mercredi montre un bâtiment endommagé dans le nord de Téhéran.

 Ronen Bergman, Mark Mazzetti et  Farnaz Fassihi, The New York Times, 1/8/2024

 Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Ismail Haniyeh, l’un des principaux dirigeants du Hamas, a été assassiné mercredi par un engin explosif introduit clandestinement dans la maison d’hôtes de Téhéran où il séjournait, selon sept responsables du Moyen-Orient [manière élégante de dire « israéliens », NdT], dont deux Iraniens, et un responsable usaméricain.

La bombe avait été dissimulée il y a environ deux mois dans la maison d’hôtes, selon cinq des responsables du Moyen-Orient. La maison d’hôtes est gérée et protégée par le Corps des gardiens de la révolution islamique et fait partie d’un grand complexe, connu sous le nom de Neshat, dans un quartier huppé du nord de Téhéran.

M. Haniyeh se trouvait dans la capitale iranienne pour assister à l’investiture présidentielle. La bombe a été déclenchée à distance, selon les cinq responsables, une fois qu’il a été confirmé que M. Haniyeh se trouvait dans sa chambre à la maison d’hôtes. L’explosion a également tué un garde du corps.

L’explosion a secoué le bâtiment, brisé quelques fenêtres et provoqué l’effondrement partiel d’un mur extérieur, selon les deux responsables iraniens, membres des gardiens de la révolution informés de l’incident. Ces dégâts sont également visibles sur une photographie du bâtiment communiquée au New York Times.

M. Haniyeh, qui a dirigé le bureau politique du Hamas au Qatar, avait séjourné dans la maison d’hôtes à plusieurs reprises lors de ses visites à Téhéran, selon les responsables du Moyen-Orient. Tous ces responsables ont parlé sous le couvert de l’anonymat afin de ne pas divulguer de détails sensibles sur l’assassinat.

Des personnes en deuil se sont rassemblées à Téhéran jeudi pour les funérailles du chef du Hamas, Ismail Haniyeh. L’Iran a déclaré qu’Israël était derrière son assassinat. Photo Arash Khamooshi pour le New York Times

Des responsables iraniens et le Hamas ont déclaré mercredi qu’Israël était responsable de l’assassinat, un avis partagé par plusieurs responsables usaméricains ayant requis l’anonymat. Cet assassinat risque de déclencher une nouvelle vague de violence au Moyen-Orient et de compromettre les négociations en cours pour mettre fin à la guerre à Gaza. M. Haniyeh avait été l’un des principaux négociateurs des pourparlers sur le cessez-le-feu.

Israël n’a pas reconnu publiquement sa responsabilité dans l’assassinat, mais les services de renseignement israéliens ont informé les USA et d’autres gouvernements occidentaux des détails de l’opération dans les jours qui ont suivi, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony J. Blinken a déclaré que les USA n’avaient pas été informés à l’avance du projet d’assassinat.

Dans les heures qui ont suivi l’assassinat, les spéculations se sont immédiatement concentrées sur la possibilité qu’Israël ait tué M. Haniyeh à l’aide d’un missile, peut-être tiré à partir d’un drone ou d’un avion, de la même manière qu’Israël avait lancé un missile sur une base militaire à Ispahan en avril dernier.

Cette théorie du missile a soulevé des questions sur la manière dont Israël aurait pu échapper à nouveau aux systèmes de défense aérienne iraniens pour exécuter une frappe aérienne aussi effrontée dans la capitale.

Il s’avère que les assassins ont pu exploiter un autre type de faille dans les défenses iraniennes : une faille dans la sécurité d’un complexe supposé étroitement gardé, qui a permis de poser une bombe et de la dissimuler pendant de nombreuses semaines avant qu’elle ne soit finalement déclenchée.

Un panneau d’affichage à Téhéran en avril représentant des missiles. Photo Arash Khamooshi pour The New York Times

Trois responsables iraniens ont déclaré qu’une telle violation constituait un échec catastrophique en matière de renseignement et de sécurité pour l’Iran et un énorme embarras pour les Gardiens, qui utilisent le complexe pour des retraites, des réunions secrètes et l’hébergement d’invités de marque tels que M. Haniyeh.

La manière dont la bombe a été dissimulée dans la maison d’hôtes n’a pas été élucidée. Les responsables du Moyen-Orient ont déclaré que la préparation de l’assassinat avait pris des mois et avait nécessité une surveillance approfondie du complexe. Les deux responsables iraniens qui ont décrit la nature de l’assassinat ont déclaré qu’ils ne savaient pas comment ni quand les explosifs avaient été placés dans la chambre.

Israël a décidé de procéder à l’assassinat en dehors du Qatar, où vivent M. Haniyeh et d’autres hauts responsables politiques du Hamas. Le gouvernement qatari joue le rôle de médiateur dans les négociations entre Israël et le Hamas en vue d’un cessez-le-feu à Gaza.

L’explosion meurtrière survenue tôt mercredi a brisé des fenêtres et fait s’effondrer une partie du mur de l’enceinte, comme l’ont montré des photographies et comme l’ont indiqué les responsables iraniens. Des dégâts minimes au-delà du bâtiment lui-même, comme l’aurait probablement fait un missile, n’ont été que minimes.

Vers 2 heures du matin, heure locale, l’engin a explosé, selon les responsables du Moyen-Orient et les sources iraniennes. Les membres du personnel de l’immeuble, surpris, ont couru à la recherche de la source de l’énorme bruit, ce qui les a conduits à la chambre où M. Haniyeh se trouvait avec un garde du corps.

Une image satellite prise le 25 juillet ne montre pas de dégâts visibles ni de bâche verte sur le bâtiment, ce qui suggère que l’image avec les dégâts visibles a été prise plus récemment. Photo Maxar Technologies

Le complexe dispose d’une équipe médicale qui s’est précipitée dans la pièce immédiatement après l’explosion. L’équipe a déclaré que M. Haniyeh était mort immédiatement. L’équipe a tenté de ranimer le garde du corps, mais il était lui aussi mort.

Le chef du Jihad islamique palestinien, Ziyad al-Nakhalah, se trouvait dans la chambre voisine, ont déclaré deux des responsables iraniens. Sa chambre n’a pas été gravement endommagée, ce qui laisse supposer que M. Haniyeh a fait l’objet d’un ciblage précis.

Khalil al-Hayya, le commandant adjoint du Hamas dans la bande de Gaza, qui se trouvait également à Téhéran, est arrivé sur les lieux et a vu le corps de son collègue, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

ABDALJAWAD OMAR
La véritable raison pour laquelle Israël assassine des dirigeants du Hamas et du Hezbollah, et pourquoi cela n’arrêtera pas la résistance

 

Emad Hajjaj

L’assassinat par Israël de dirigeants du Hamas et du Hezbollah ne vise pas à affaiblir la résistance. Son véritable objectif est de restaurer l’image de sa supériorité militaire et de ses services de renseignement aux yeux de l’opinion israélienne.

Abdaljawad Omar, Mondoweiss, 31/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Abdaljawad Omar (Aboud Hamayel) est un auteur palestinien vivant à Ramallah. Docteur en philosophie sur le thème de la Grande Intifada (1987-2006), il est actuellement maître de conférences au département de philosophie et d’études culturelles de l’université de Birzeit. @HHamayel2 Aboud Hamayel

Dans la nuit du 30 juillet, Israël a intensifié ses opérations militaires, ciblant ses adversaires sur plusieurs fronts, dont le Liban, l’Iran et la Palestine. Le gouvernement israélien a revendiqué un succès significatif avec l’assassinat d’un commandant du Hezbollah dans un quartier densément peuplé du sud de Beyrouth. Simultanément, Israël a lancé une frappe audacieuse au cœur de Téhéran, tuant Ismail Haniyeh, le chef en exercice du bureau politique du Hamas.

Après dix mois de perte lente mais constante de la maîtrise de l’escalade qu’il avait maintenue pendant des décennies, Israël tente aujourd’hui de reprendre l’initiative et de rétablir l’avantage en ciblant à la fois Beyrouth et Téhéran en moins de 24 heures.

Les actions d’Israël ne visent pas seulement à projeter sa force ; elles sont également conçues pour accroître la pression sur l’axe de la résistance. L’objectif stratégique est de briser l’unité de cette coalition en tirant parti de ses capacités militaires pour flirter avec la perspective d’une guerre totale - une issue que ni Israël, ni le Hezbollah, ni, par extension, l’Iran, ne souhaitent vraiment. Cette politique de la corde raide vise à déstabiliser les adversaires, à les forcer à reconsidérer leur position unifiée et, éventuellement, à faire des concessions en faveur d’Israël.

Des ouvriers iraniens installent une immense banderole sur un mur montrant un portrait du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, et la mosquée du Dôme du Rocher dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, sur la place Felestin (Palestine), à Téhéran, en Iran, le mercredi 31 juillet 2024. Vahid Salemi/AP Photo

Israël mise sur l’idée que la crainte d’une nouvelle escalade poussera le Hezbollah et l’Iran à faire pression sur le Hamas pour qu’il réponde à certaines des exigences d’Israël lors des négociations sur le cessez-le-feu. En outre, Israël prévoit que toute escalade réelle - en particulier celle provoquée par ses actions ciblées - obligerait les USA et leurs alliés à offrir un soutien militaire et diplomatique. Même si Washington ne recherche pas activement un conflit majeur, Israël est convaincu que les USA n’hésiteront pas à lui venir en aide si la situation s’aggrave. En d’autres termes, Israël poursuit une politique d’imbrication et, ce faisant, prend des risques calculés, sachant que si les choses tournent mal, l’armée usaméricaine se précipitera à sa défense dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Depuis un certain temps, Israël jauge les réactions de ses adversaires, notant en particulier la faible réaction des Palestiniens à ses proclamations selon lesquelles il avait réussi à assassiner le commandant militaire du Hamas à Gaza, Mohammed Al-Deif. Cette observation a conduit les planificateurs stratégiques israéliens à conclure que si un accord diplomatique reste une priorité, il est peu probable que de tels assassinats ciblés fassent dérailler ces efforts.

22/07/2024

WAQAS AHMED/RYAN GRIM
Un tribunal kényan conclut que le journaliste pakistanais Arshad Sharif a été torturé avant d’être assassiné par la police
Le juge a rejeté en bloc les arguments peu convaincants de l’État

Waqas Ahmed et Ryan Grim, Drop Site News, 15/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Waqas Ahmed est un journaliste pakistanais, ancien rédacteur en chef du Daily Pakistan et du Business Recorder. @worqas

 

 

Ryan W. Grim (Allentown, Pennsylvanie, 1978) est un auteur et journaliste usaméricain. Il a été chef du bureau de Washington du HuffPost et chef du bureau de Washington de The Intercept. En juillet 2024, Grim et Jeremy Scahill, cofondateur de The Intercept, ont quitté The Intercept pour cofonder Drop Site News. Grim est l’auteur des livres The Squad, We’ve Got People et  This Is Your Country On Drugs. @ryangrim

Dans une décision historique, un juge kényan a rejeté la défense de la police dans l’affaire de l’assassinat en 2022 du célèbre journaliste pakistanais Arshad Sharif et a déclaré qu’il avait été torturé avant d’être assassiné, selon des documents judiciaires examinés par Drop Site. Dans une sentence tranchante, le tribunal, dont la décision a été publiée la semaine dernière, a en outre estimé que sa mort constituait une violation de ses droits humains.


Arshad Sharif interviewe Imran Khan en mai 2022

Le fait que la police kényane  ait tué Sharif, qui était en exil et fuyait les persécutions de l’armée pakistanaise, n’a jamais été mis en doute. La police kényane , pour sa part, a fourni à plusieurs reprises des explications contradictoires et changeantes sur l’assassinat de Sharif. L’une des principales affirmations de la police, à savoir que quelqu’un dans la voiture de Sharif avait tiré sur des agents, en touchant un, n’a jamais été mentionnée au cours de la procédure judiciaire et ne figure nulle part dans le jugement, ce qui indique que l’explication fournie par la police à l’équipe pakistanaise chargée d’enquêter sur l’assassinat ne pouvait être étayée par la preuve qu’un policier avait été blessé. Les alliés de Sharif soutiennent qu’il avait fui le Pakistan vers les Émirats arabes unis, puis vers le Kenya, où il a finalement été assassiné, une affirmation confortée par la nouvelle décision du tribunal.

L’affaire, portée par la veuve de Sharif, Javeria Siddique, a abouti à une décision qui tient plusieurs organismes publics pour responsables de leurs actions et ordonne aux gouvernements pakistanais et kényan un examen plus approfondi.

Sharif, connu pour ses reportages et ses critiques intrépides de l’establishment militaire pakistanais, s’est réfugié d’abord aux Émirats arabes unis, puis au Kenya, après avoir fait l’objet de graves menaces dans son pays, lorsque le gouvernement démocratiquement élu d’Imran Khan a été renversé sous l’effet d’une intense pression militaire et d’une motion de censure soutenue par les USA. Moins de trois mois après avoir quitté le Pakistan, il a été tué par la police kényane sur un chemin de terre alors qu’il revenait d’un camp situé dans la banlieue de Nairobi. Une autopsie, dont les résultats ont été divulgués, a ensuite révélé qu’il avait peut-être été torturé.

Son assassinat brutal au Kenya a choqué la communauté journalistique internationale et soulevé de graves questions sur la sécurité des dissidents en exil. Au Pakistan, les militaires ont déployé des efforts considérables pour contrôler le récit de la mort de Sharif et faire taire les enquêtes sur son assassinat. De même, au Kenya, pays dont les liens militaires et économiques avec le Pakistan sont étroits, les enquêtes sur le meurtre ont été interrompues sans explication.

Les enquêtes de Sharif visaient souvent des personnalités influentes, notamment Shehbaz Sharif, qui avait été nommé premier ministre après l’éviction d’Imran Khan. Au moment de la mort de Sharif, l’armée pakistanaise entrait dans une période des plus sombres, le gouvernement dirigé par les militaires emprisonnant des milliers de militants, intensifiant la censure des médias et manipulant les élections.

Le juge kényan S.N. Mutuku a noté dans le jugement final, rendu le 8 juillet, que Mme Siddique avait dû introduire l’affaire un an après la mort de Sharif parce qu’“aucune information n’a été fournie [...] concernant la mise à jour de l’état d’avancement des enquêtes ou toute action entreprise contre les auteurs de la fusillade”.

Le jugement demande des comptes à plusieurs organes de l’État, notamment au bureau du procureur général - qui, selon le juge, a un devoir de conseil en matière de droits de l’homme -, à la police et à l’Autorité indépendante de surveillance de la police (Independent Policing Oversight Authority, ou IPOA).

La police, désignée comme le “troisième défendeur” dans le dossier, a été particulièrement critiquée pour n’avoir pas mené d’enquête indépendante et efficace. « Le troisième défendeur a la responsabilité de donner suite aux recommandations de l’Autorité indépendante de surveillance des services de police, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des victimes de fautes policières », peut-on lire dans le jugement. « Le fait que les défendeurs n’aient pas mené d’enquête indépendante, rapide et efficace, qu’ils n’aient pas engagé de poursuites, qu’ils n’aient pas achevé ces enquêtes ou qu’ils n’aient pas donné suite de toute autre manière aux résultats de ces enquêtes, constitue une violation de l’obligation positive d’enquêter sur les violations du droit à la vie et d’engager des poursuites contre les auteurs de ces violations ».

18/06/2024

REINALDO SPITALETTA
Bananes sanglantes : Chiquita condamnée aux USA pour ses crimes en Colombie (ce n’est qu’un début...)

Reinaldo Spitaletta, El Espectador, 18/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Les actions de l’United Fruit Company, rebaptisée en 1989 Chiquita Brands International, dans une grande partie de l’Amérique centrale et de la Colombie sont terrifiantes. Son histoire d’iniquités comprend, parmi une vaste collection d’infamies, les méthodes d’acquisition des terres depuis la fin du XIXe siècle, y compris les manœuvres de sabotage propageant le sigatoka noir, l’exploitation impitoyable des travailleurs, souvent réduits en esclavage, et la participation à des massacres, comme celui de 1928 dans la zone bananière colombienne.

Détail d'une toile de Diego Rivera montrant le secrétaire d'État usaméricain John Foster Dulles tendant une bombe au colonel putschiste Carlos Castillo Armas.

Il convient de rappeler, par exemple, l’ingérence de la compagnie transnationale dans le coup d’État contre le président guatémaltèque Jacobo Árbenz en 1954, encouragé par la CIA, alors que ce président démocratiquement élu avait mis en œuvre des réformes agraires et du travail avec l’objectif social d’améliorer la situation des travailleurs. En substance, outre la production de bananes et d’autres fruits, l’entreprise, aux mains maculées de sang depuis ses origines, a soutenu des gouvernements autoritaires.


Récemment, un tribunal de Floride aux USA a condamné la compagnie que l’écrivain costaricien Carlos Luis Fallas avait baptisé “Mamita Yunai”*, fer de lance du néocolonialisme, pour avoir financé les Autodéfenses unies de Colombie et parrainé leurs actions criminelles, qui ont conduit à la violation systématique des droits humains de la population civile dans l’Urabá et le Magdalena. En 2007, comme on l’a peut-être déjà oublié, il avait été prouvé que Chiquita Brands avait soutenu les paramilitaires avec de l’argent et d’autres ressources entre 1997 et 2004.

Le tribunal du district sud de Floride a jugé la multinationale responsable des conséquences pénales de son financement du paramilitarisme, suite à l’action en justice intentée par certaines familles qui ont subi les conséquences désastreuses de ce parrainage. Bien qu’il existe des milliers de plaintes contre Chiquita Brands émanant de milliers de victimes de ses abus, dans ce cas-ci, la décision est favorable à huit des neuf familles qui, depuis près de vingt ans, persistent à demander justice pour l’assassinat de leurs proches.

16/06/2024

GIDEON LEVY
Un général qui a tué impunément un adolescent palestinien reçoit maintenant un doctorat honorifique pour “héroïsme israélien”

Gideon Levy, Haaretz, 16/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les bottes militaires poignent sous la robe noire, chaque tête est couverte d’un mortier noir. Il s’agit des récipiendaires d’un doctorat honoris causa [ou plutôt opprobrii causa, NdT] de l’université Reichman* en 2024, décerné cette année « en reconnaissance de l’héroïsme israélien » : une propagandiste de quat’sous (Noa Tishby) ; la commandante d’une compagnie de chars [la première compagnie féminine de tankistes, hashtag #metooIcankill] (la capitaine Karni Gez) ; un fondateur de Frères et sœurs d’armes (Eyal Naveh) ; un dirigeant des communautés de la frontière de Gaza (Haim Jelin) et le général de brigade Yisrael Shomer, commandant de la 146e Division.

Shomer a été honoré pour avoir « consacré de nombreuses années à la force et à la sécurité de l’État d’Israël ». Selon le site ouèbe de l’université, « cet honneur est décerné à des personnes dont les actions illustrent les valeurs du sionisme, de l’esprit d’entreprise, de la responsabilité sociale et de l’intégrité académique, et en reconnaissance de leurs contributions importantes à l’État d’Israël, au peuple juif et à l’université Reichman ».

Le général Yisrael Shomer lors d'une réunion d’évaluation de la situation, en avril. Photo : Unité du porte-parole de l'armée israélienne

Retour en arrière : Vendredi matin, 3 juillet 2015, point de contrôle de Qalandiyah en Cisjordanie. La circulation est lente. Un adolescent palestinien s’approche de la voiture du commandant de la brigade Binyamin, le colonel Yisrael Shomer, lance une grosse pierre dans le pare-brise et s’enfuit. Personne n’est blessé. Le sang du futur docteur honoraire ne fait qu’un tour : il sort de sa voiture et se lance à la chasse.

09/03/2024

GIDEON LEVY
Des soldats israéliens ont exécuté deux des frères Shawamra, en ont blessé un troisième et arrêté un quatrième
Scènes de la survie quotidienne en Cisjordanie occupée

Gideon Levy &Alex Levac (photos), Haaretz,  8/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Trois frères de Cisjordanie qui, comme tous les Palestiniens, n’ont plus le droit de travailler en Israël, franchissent la barrière de séparation pour récolter des plantes afin de subvenir aux besoins de leur famille. Sur le chemin du retour, les soldats ouvrent le feu sur eux

Suleiman Shawamra tient son fils Noureddine , qui a survécu : « Regardez-nous. Est-ce que vous voyez de la haine ? »

La chasse à l’homme. Il n’y a pas d’autre façon de décrire ce que les soldats des forces de défense israéliennes faisaient jeudi dernier à la barrière de séparation  [mur de la honte, mur d’annexion ou mur de l’apartheid, officiellement appelé clôture de sécurité, “Geder Habitahon”, NdT], dans le sud de la Cisjordanie. Repérant un jeune homme qui escaladait le mur à l’aide d’une échelle de corde, et d’autres qui attendaient leur tour, des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur eux, atteignant deux d’entre eux dans le dos, l’un après l’autre. Ils sont tombés au sol l’un sur l’autre, ensanglantés.

Les soldats auraient pu facilement arrêter les hommes, les interpeller, tirer des coups de semonce en l’air ou les ignorer et les laisser rentrer chez eux, comme ils le font souvent dans de telles situations. Mais cette fois-ci, ils ont apparemment préféré tirer avec l’intention de tuer, d’abattre des jeunes hommes dont le seul péché était de se faufiler en Israël pour trouver un moyen de subvenir aux besoins de leur famille, de cueillir une espèce de chardon comestible appelé akkoub dans le sol rocailleux et de rentrer chez eux sains et saufs.

Les deux hommes abattus étaient des frères qui avaient des permis de travail en Israël, tout comme leur père ; tous les membres de la famille parlent un excellent hébreu. Mais depuis le 7 octobre, les Palestiniens n’ont plus le droit d’entrer en Israël pour y travailler. Ensemble, trois frères et un ami se sont mis en route pour les champs d’akkoub, dont certains appartiennent en fait à leur famille - la barrière de sécurité a en fait annexé une partie des terres de leur village à Israël - mais sont devenus des champs de la mort.

Deux frères ont été tués, un troisième a été légèrement blessé par une balle qui l’a miraculeusement manqué, et un quatrième a été placé en détention. Sa famille éplorée ne sait toujours pas où il se trouve, et il ne sait probablement même pas que deux de ses frères ont été tués. Israël n’envisage même pas de libérer ce quatrième frère, qui a tenté d’escalader le mur avec d’autres membres de sa famille après l’incident pour voir ce qui s’était passé. Les autorités n’ont pas fait preuve d’un iota d’humanité ou de compassion à l’égard de cette famille doublement endeuillée. Aucune compassion ou humanité à l’égard des Palestiniens ne doit être manifestée ici - et c’est un ordre.

La tente de deuil dans le petit village de Deir al-Asal, avec les posters des frères. À gauche, Salaheddine, et à droite, Nazemeddine.

Dura est une petite ville située au sud-ouest d’Hébron. La plupart des routes d’accès qui y mènent, comme dans pratiquement toutes les villes et tous les villages de Cisjordanie, ont été bloquées par l’armée depuis le début de la guerre à Gaza. La principale voie d’accès à Dura passe aujourd’hui par les rues encombrées d’Hébron. Pour notre part, en nous rendant à Dura, nous avons assisté à un phénomène dont nous n’avions jamais été témoins auparavant : la résistance dans toute sa splendeur.