Le nouveau
président syrien doit manœuvrer entre le monde occidental, le monde arabe et
ses alliés miliciens étrangers qui se sentent marginalisés. Le consentement de
Trump à l’intégration des combattants étrangers dans l’armée syrienne sert les
intérêts des deux présidents.
L’une des
conditions posées par Donald Trump au président syrien Ahmad al-Charaa pour
obtenir la pleine reconnaissance de son pays et la levée des sanctions était le
démantèlement de toutes les milices étrangères en Syrie et l’expulsion des
combattants. Une fois de plus, Trump n’a pas déçu.
Cela
ressemble à son revirement lorsqu’il a annoncé son « accord de cessez-le-feu »
avec les
Houthis au Yémen et a troqué ses menaces d’ouvrir les portes de l’enfer sur
l’Iran contre une diplomatie visant à un
nouvel accord nucléaire.
Le
président Donald Trump, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le
président par intérim syrien Ahmad al-Charaa, à droite, posent pour une photo à
Riyad, en Arabie saoudite, le 14 mai 2025. Sana via AP
De la même
manière, il a radicalement changé sa position sur la Syrie. Cette semaine, il a
autorisé al-Charaa à intégrer des combattants étrangers dans la nouvelle armée
syrienne.
Dans ces
trois développements, Trump
a balayé les réserves d’Israël et l’a laissé manœuvrer seul sa
nouvelle carte géopolitique. La raison de ce revirement en Syrie pourrait
résider dans l’avertissement sévère que le secrétaire d’État Marco Rubio a
adressé au Comité des relations étrangères du Sénat le mois dernier.
« En fait,
nous estimons franchement que, compte tenu des défis auxquels elle est
confrontée, l’autorité de transition est peut-être à quelques semaines, et non
à plusieurs mois, d’un effondrement potentiel et d’une guerre civile à grande
échelle aux proportions épiques, qui conduirait essentiellement à la division
du pays », a
déclaré Rubio.
Un
avertissement similaire a été lancé par les amis de Trump, le prince héritier
saoudien Mohammed ben Salmane et l’émir qatari Tamim ben Hamad al-Thani, lors
de la visite de Trump dans la région le mois dernier. Le président turc Recep
Tayyip Erdogan a
exprimé des idées similaires.
Ils sont
tous les nouveaux protecteurs d’al-Charaa et ont promis de l’aider à forger une
nouvelle Syrie, à reconstruire son armée et à garantir que le nouvel avatar sera
pro-occidental et pacifique, et qu’il combattra l’État
islamique.
Mais comme
tout le monde l’a dit à Trump, sans la levée des sanctions, la Syrie n’aurait
aucune chance de se reconstruire et pourrait même s’effondrer, mettant en
danger toute la région.
Trump s’intéressait
à une autre question. Il n’a pas exigé que la Syrie devienne un pays
démocratique laïc où les droits de l’homme seraient le principe directeur.
Trump voulait savoir comment et quand il pourrait ramener les troupes usaméricaines
et quitter ce pays qu’il avait décrit en 2019, lorsqu’il avait annoncé pour la
première fois son intention de retirer les forces usaméricaines, comme un
endroit où il y avait « beaucoup de sable ».
Ainsi, si le
départ des USAméricains nécessite un renforcement d’al-Charaa et si la
condition est un “arrangement” avec les
milices étrangères, alors les considérations idéologiques ou morales ne
feraient que perturber les plans de Trump.
Ces milices
sont estimées à quelques milliers de combattants provenant d’une douzaine de
pays, dont la Tchétchénie, la Chine, la Turquie, la Jordanie et l’Égypte. Elles
constituaient l’épine dorsale d’al-Charaa lorsqu’il dirigeait les rebelles du
Hayat Tahrir al-Cham dans la province d’Idlib, et en décembre dernier, lorsqu’il
a lancé sa campagne éclair pour prendre Damas et renverser le régime d’Assad.
Mais il ne s’agit
pas de mercenaires d’al-Charaa qui, une fois leur mission accomplie, peuvent
être payés et renvoyés chez eux. Les combattants ne peuvent pas retourner dans
leur pays d’origine, où la plupart d’entre eux sont considérés comme des
terroristes. Et sans une solution qui garantisse leur sécurité en Syrie, le
danger est qu’ils retournent leurs armes contre le nouveau gouvernement.
Comme l’a
déclaré l’un de ces combattants à un site ouèbe en langue arabe : « Après
toutes ces souffrances, après le changement de politique et le changement de
drapeau » – du drapeau du parti Baas à l’ancien drapeau syrien – « j’ai l’impression
d’être à découvert, comme si nous avions été oubliés, comme si les immigrés qui
ont tout sacrifié étaient devenus un fardeau ». Al-Charaa est conscient que le
chemin vers la lutte armée pourrait être court.
Les
combattants étrangers sont arrivés en Syrie en 2012, environ un an après le
début de la guerre civile. Depuis, ils se sont intégrés, ont fondé des familles
et créé des entreprises et, si vous leur demandez, sont devenus partie
intégrante de la société.
Beaucoup étaient
motivés par les idéologies religieuses d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaida,
et d’Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique. Certains ont combattu
pour l’État islamique avant de rejoindre al-Charaa, qui utilisait alors le nom
de guerre Abou Mohammed al-Joulani. D’autres ont créé des milices qui ont
offert leurs services à al-Charaa, puis, après sa rupture avec Al-Qaida en
2016, ont soit continué avec Al-Qaida, soit aidé l’État islamique.
À l’époque, al-Charaa
devait lutter à la fois contre l’armée du régime d’Assad et les milices
rivales, jusqu’à ce qu’il forme Hayat Tahrir al-Cham, une coalition de milices.
En cours de route, il n’a pas hésité à tuer ses rivaux, y compris certains qui
faisaient partie de son cercle restreint, lorsqu’il a découvert, ou cru
découvrir, qu’ils cherchaient à le renverser ou qu’ils étaient en désaccord
avec ses politiques et sa vision du monde.
Le passage
de la direction d’un ensemble de milices à celle d’un pays a obligé al-Charaa à
se démener pour empêcher cet ensemble de se désagréger. Il a dû former une
grande force nationale loyale opérant dans tout le pays, mais il s’est heurté à
un champ de mines constitué de groupes ethniques et de milices armées.
Parmi
ceux-ci figurent les
Druzes, les
Kurdes et les
Alaouites (la secte de la famille Assad) ; les deux premiers au moins sont
lourdement armés et réclament l’autonomie. En outre, des dizaines de milices
composées de Syriens et d’étrangers sont réticentes à abandonner les zones qu’elles
contrôlent, qui financent leurs opérations et leur mode de vie.
Al-Charaa a
également dû trouver des financements pour l’État syrien, afin de mettre en
place les institutions gouvernementales, les forces de l’ordre, la justice et
les services civils détruits sous le régime d’Assad.
Une fois de
plus, il a dû suivre deux voies : établir des relations avec des pays arabes et
occidentaux méfiants en prouvant sa volonté d’adopter des politiques
pro-occidentales, y compris une éventuelle volonté de reconnaître Israël, tout
en apaisant ses frères d’armes, les commandants des milices radicales qui
éveillent les soupçons des pays qu’il courtise.
Al-Charaa a
rapidement nommé certains des commandants étrangers à des postes élevés dans l’armée
et les services de sécurité syriens, faisant de certains d’entre eux des
généraux.
Il a
également conclu un accord temporaire avec les Kurdes, qui ont annoncé leur
volonté de rejoindre l’armée syrienne à condition de pouvoir créer une unité
kurde qui n’opérerait que dans les zones kurdes, une condition à laquelle al-Charaa
s’oppose. Al-Charaa a également conclu un accord partiel avec les Druzes,
soutenu par plusieurs grandes milices druzes, même si d’autres attendent de
voir où va la Syrie.
Quant aux
petites milices, dont certaines ne comptent que quelques dizaines ou centaines
de combattants, il leur a ordonné de déposer les armes et de rejoindre l’armée
avant le 27 mai.
La semaine
dernière, le ministre syrien de la Défense, Murhaf Abu Qasra, a déclaré que
jusqu’à présent, plus de 130 miliciens avaient rejoint l’armée et formeraient
une brigade distincte.
Ce compromis
visait à obtenir le consentement des USAméricains pour l’enrôlement des
combattants étrangers au lieu de leur expulsion. L’hypothèse est que s’ils font
partie d’une unité spéciale, ils peuvent être déployés dans des missions moins
sensibles et être étroitement surveillés.
Mais cela ne
résout pas le problème de l’endoctrinement religieux radical dont ont fait l’objet
la plupart de ces combattants, qui les a poussés à venir en Syrie. Cela
pourrait avoir des conséquences concrètes.
Par exemple,
l’armée syrienne est censée gérer les grands complexes pénitentiaires où sont
détenus des dizaines de milliers de combattants de l’État islamique et leurs
familles, principalement dans le nord du pays.
Ces
installations sont sous contrôle kurde. La crainte est que si ces complexes
sont transférés à l’armée syrienne, certains soldats redécouvrent leurs «
frères perdus » de l’État islamique et les aident à s’échapper, ou pire,
collaborent avec eux contre le régime.
Cette
crainte devrait être prise en compte par la Turquie, qui a proposé de combattre
l’État islamique à la place des USAméricains, qui se retireraient alors de
Syrie. Dans le passé, Washington a rejeté cette idée, mais elle semble
désormais constituer une solution acceptable qui permettrait à Trump de réfuter
les accusations selon lesquelles le retrait des troupes usaméricaines équivaut
à abandonner les Kurdes et la lutte contre l’État islamique.
L’accord
concernant les milices étrangères est loin de suffire à imposer l’autorité de l’État
sur les forces armées. Les accords avec les Kurdes et les Druzes n’existent
encore que sur le papier. Les Alaouites, qui vivent sur la côte, sont une
source de friction, tout comme les vestiges du régime Assad, qui sont armés et
envisagent une contre-révolution.
Pour l’instant,
al-Charaa bénéficie d’un large soutien arabe et occidental. Mais il devra
bientôt prouver aux Syriens que sa révolution est plus que quelques slogans
accrocheurs.
En 2015, le
Yémen, pays méconnu de nombreux Occidentaux, a lancé une guerre pour défendre
sa souveraineté, menacée par une alliance interventionniste menée par l’Arabie
saoudite. Le peuple yéménite a dû payer de la vie de près de 400 000 de ses
enfants le maintien de son indépendance. Beaucoup se sont demandé comment un
pays considéré comme le plus pauvre d’Asie occidentale a pu résister et vaincre
une coalition composée de pays parmi les plus riches de la planète.
Mary Zins, 2018
Bien que le
conflit dure depuis près de dix ans, il semble avoir atteint une situation qui
pourrait conduire à une éventuelle cessation du conflit. Bien que la situation
reste tendue et que des actions de guerre de toutes sortes se poursuivent, les
actions militaires ont diminué au cours des derniers mois. Il ne s’agit plus
d’une guerre totale, mais il n’y a pas non plus de paix. Avec la médiation de
la Chine, l’Arabie saoudite et l’Iran se sont réconciliés, ouvrant la voie au
règlement de plusieurs conflits en Asie occidentale et dans le nord de l’Afrique
[Soudan]. Celui du Yémen est apparemment l’un d’entre eux.
Aujourd’hui,
après l’invasion israélienne de Gaza, le Yémen, avec le Hezbollah libanais et
d’autres forces révolutionnaires arabes et musulmanes, a joué un rôle actif
dans la solidarité avec la Palestine. Une fois de plus, le Yémen a surpris tout
le monde en prenant des décisions qui ont un impact non seulement local, mais
aussi régional et mondial. Une fois de plus, le monde s’est demandé comment
cela avait pu se produire. Je fournirai ici quelques éléments qui permettront aux
lecteurs de connaître le Yémen, la lutte historique et l’héroïsme de son
peuple, afin de les aider à comprendre la portée et la dimension de la décision
du Yémen de soutenir la juste lutte du peuple palestinien avec toutes les
ressources à sa disposition.
La République
du Yémen occupe une position stratégique sur la planète, dans une région où se
croisent les routes commerciales reliant l’Asie, l’Afrique de l’Est et la
Méditerranée. Son territoire, situé sur les rives de la mer d’Arabie et aux
portes de la mer Rouge, donne sur le détroit de Bab el Mandeb, ce qui lui
confère une position privilégiée sur le globe, surtout depuis le XXe siècle,
lorsque, d’une part, d’importants gisements d’énergie (pétrole et gaz) ont été
découverts dans la région et, d’autre part, compte tenu de l’énorme croissance
économique et du développement de l’Asie orientale, qui ont transformé le Yémen
en un passage obligé pour la plupart des échanges commerciaux du monde.
Les cités
antiques du territoire ont été unifiées dans l’Antiquité au sein du royaume
biblique de Saba. La lutte pour la libération et l’indépendance des habitants
de l’actuelle région du Yémen a commencé dès le 1er siècle de l’ère
chrétienne, lorsqu’ils ont dû affronter l’Empire romain. La puissante Rome a
été vaincue dans sa tentative de domination.
Contrairement
au reste de la péninsule arabique, le Yémen d’aujourd’hui possédait une
végétation prodigieuse qui procurait à sa population une grande richesse en
raison des vastes possibilités de consommation et de commerce qu’elle offrait.
C’est ainsi que le mathématicien et géographe grec Ptolémée aurait appelé le
Yémen “l’Arabie heureuse”.
Atlas Teatrum Orbis Terarum, Abraham Ortelius, Anvers, 1570
Au cours de
l’histoire, les Yéménites ont dû lutter contre les Himyarites qui, convertis au
judaïsme en 380, ont persécuté la population majoritairement chrétienne
jusqu’à l’intervention des Éthiopiens au VIe siècle. L’islam est
arrivé dans la région au cours du VIIesiècle et a commencé à façonner une culture
basée sur l’entrelacement de diverses formes de connaissances qui ont apporté
de grandes contributions à l’humanité.
Cependant,
pendant de nombreux siècles, le Yémen est resté en marge du développement
culturel et économique instauré par l’Islam. C’est au XVe siècle que
le territoire de l’actuel Yémen a commencé à prendre une valeur stratégique.
Dans leur quête d’expansion commerciale, les Européens ont commencé à dominer
des territoires à travers le monde. Les premiers Européens à arriver dans la
région sont les Portugais, qui dominent le pays afin de contrôler la voie
maritime qui leur permet de faire le commerce des épices entre l’Asie et
l’Europe via la mer Rouge.
Carte du
royaume d’Yémen dans l’Arabie heureuse, Guillaume Delisle, 1715
Le XVIe
siècle a vu le début de la conquête ottomane avec l’occupation d’une partie de
la côte de la mer Rouge, tandis que l’intérieur et la côte sud restaient
indépendants, gouvernés par un imam. Peu après, les Britanniques font leur
apparition dans la région, en établissant un comptoir de la Compagnie des Indes
orientales dans le port de Mokha, sur la mer Rouge [d’où le terme moca, ou
mocca, pour désigner une variété de café, NdT].
Vue de Moka du côté de la mer. Dessin anonyme publié en 1737 après la
première expédition militaire française des
deux navires Le Curieux et Le Diligentcontre ce port
Au XIXe
siècle, les Britanniques ont étendu leur présence en occupant toute la pointe
sud-ouest du pays, s’installant en 1839 à Aden, le meilleur port de la région,
tandis qu’en 1872, les Turcs ont réussi à consolider leur emprise sur
l’intérieur du pays en installant une monarchie héréditaire de facto portant le
nom d’un imam local. Cette division a de fait scindé le Yémen en deux pays.
Dans les
années 1870, avec l’ouverture du canal de Suez et la consolidation de la
domination turque sur le nord du Yémen, Aden revêt une importance nouvelle pour
la stratégie globale de la Grande-Bretagne : c’est la clé de la mer Rouge et
donc du nouveau canal.
Au début du XXe
siècle, la Turquie et le Royaume-Uni ont tracé une frontière entre leurs
territoires, rebaptisés respectivement Yémen du Nord et Yémen du Sud.En 1934, la Grande-Bretagne a pris le
contrôle de toute la partie sud du pays jusqu’à la frontière avec Oman.
Pendant la
Première Guerre mondiale, l’imam s’allie à l’Empire ottoman et lui reste fidèle
jusqu’à la fin de la guerre. La défaite des Turcs permet au Yémen de retrouver
son indépendance en novembre 1918. Cependant, la Grande-Bretagne, après avoir
reconnu l’indépendance du Yémen, fait d’Aden un protectorat en 1928 et, en
1937, une colonie. Une fois de plus, les Yéménites ont dû recourir à la lutte
armée pour obtenir leur indépendance. En 1940, le mouvement nationaliste “Yémen
libre” voit le jour pour lutter contre le contrôle du pays par les imams
qui se sont alliés à la Grande-Bretagne.
La révolution de 1967
La lutte a
pris des voies distinctes au nord et au sud. En 1962, la République arabe du
Yémen est créée au nord, tandis qu’au sud, le Front de libération nationale,
créé en 1963, s’empare d’Aden en 1967 et proclame l’indépendance, initiant une
révolution socialiste.
Soldats britanniques
des Northumberland Fusiliers, fer de lance de la contre-insurrection
britannique, en action à Adenen 1967
Le Yémen du
Sud est rebaptisé République démocratique populaire du Yémen, il ferme toutes
les bases britanniques en 1969, prend le contrôle des banques, du commerce
extérieur et de l’industrie maritime, tout en entreprenant une réforme agraire.
En matière de politique étrangère, il a maintenu une alliance étroite avec
l’Union soviétique. Il a également encouragé une lutte antisioniste ouverte et
un soutien au peuple palestinien.
En octobre
1978, lors d’un congrès bénéficiant d’un soutien populaire considérable, le
Front de libération nationale fonde le Parti socialiste yéménite. En décembre,
les premières élections populaires depuis l’indépendance sont organisées pour
désigner les 111 membres du Conseil révolutionnaire du peuple.
Dès les
premières années de son existence, la République démocratique populaire du
Yémen a été confrontée à l’hostilité constante de l’Arabie saoudite, qui
cherchait à contrôler certaines parties du territoire, en particulier celles où
des gisements de pétrole avaient été découverts. Les tensions ont été
exacerbées par la présence militaire croissante des USA en Arabie saoudite.
Pendant ce
temps, au nord, le Front démocratique national (FDN), qui regroupe toutes les
forces progressistes du pays, mène une lutte armée contre Ali Abdullah Saleh,
arrivé au pouvoir en 1978. Alors que le FDN est sur le point de prendre le
pouvoir, l’Arabie saoudite intrigue pour détourner le conflit en une guerre
contre la République démocratique populaire du Yémen. La médiation des pays
arabes aboutit à un cessez-le-feu et à un accord sur la reprise des négociations
de réunification, suspendues depuis 1972.
Enfin, le 22
mai 1990, les deux républiques se sont unies pour former la République du
Yémen, qui a fait de Sanaa (ancienne capitale de la République arabe du Yémen)
sa capitale politique et d’Aden (ancienne capitale de la République
démocratique populaire du Yémen) sa capitale économique. Lors d’une session
conjointe des assemblées législatives des deux États à Aden, un conseil
présidentiel dirigé par le général Ali Abdullah Saleh a été élu. L’unification
du Yémen n’a pas été bien accueillie par l’Arabie saoudite, qui a entamé une
politique de soutien à la sécession. En mai 1994, des sécessionnistes ont
proclamé une république yéménite dans le sud du pays, mais ont été vaincus par
les forces loyales au gouvernement.
Entre juin et
août 2004, un mouvement exprimant les croyances d’une branche spécifique de
l’islam d’orientation chiite est apparu : les zaïdites, dont le chef était le
religieux Hussein al-Houthi. En son honneur, après sa mort au combat en
septembre de la même année, le mouvement a pris le nom de Houthi, Huthi ou
Ansar Allah (partisans de Dieu). Bien que ce mouvement soit l’expression d’une
minorité au Yémen, son histoire n’est pas récente puisqu’elle remonte au milieu
du VIIIe siècle. Le zaïdisme se caractérise par l’éducation
supérieure de ses membres et est associé à la lutte pour la justice et à la
défense de l’éthique musulmane. Cette idéologie, ainsi que la marginalisation à
laquelle ils ont été soumis après avoir perdu le pouvoir en 1962, constitueront
le substrat sur lequel la pensée houthie se développera à l’avenir.
La lutte des
Houthis contre le gouvernement pro-occidental et pro-saoudien d’Ali Abdullah
Saleh a été longue et sanglante. Ils ont dû prendre les armes à cinq reprises
entre 2006 et 2008 pour défendre leur territoire dans le nord du pays jusqu’à
ce qu’ils commencent à étendre leur base de soutien et l’espace géographique
qu’ils contrôlent. En 2009, Saleh, tentant d’arrêter les Houthis, s’est tourné
vers l’Arabie saoudite pour obtenir son soutien.
Pour les
Houthis, le fait qu’un pays comme l’Arabie saoudite, aux tendances wahhabites
extrêmement conservatrices, soit présent et interfère dans les affaires du pays
était perçu comme une menace pour la souveraineté de la nation en général et
pour la leur en tant que minorité en particulier.À partir de ce moment, leur lutte, qui avait
un caractère strictement interne, s’est transformée en une confrontation contre
l’intervention étrangère.
Bien que les
combattants houthis aient initialement subi de lourdes défaites, y compris
(comme mentionné ci-dessus) la chute de leur principal dirigeant, ils se sont
renforcés au fil du temps et, à partir de 2011, sous la nouvelle direction du
frère cadet d’Al Houthi, Abdul Malik, ils ont commencé à infliger des revers
importants à l’ennemi. La rhétorique anti-impérialiste et antisioniste a été
renforcée en identifiant l’Arabie saoudite comme un partenaire dans la mise en
œuvre des plans usaméricains et israéliens dans la région.
Le mal nommé “printemps
arabe”a été particulièrement influent dans la croissance du soutien
à la pensée houthi dans sa lutte contre le gouvernement répressif de Saleh. Au
Yémen, le tremblement de terre qui a secoué une partie importante du monde
arabe a suscité une réaction beaucoup plus organisée que dans les pays voisins.
Face à la force des protestations, Saleh a fui le pays et s’est réfugié
en Arabie Saoudite, pour être remplacé par son vice-président, Abdo Rabu Mansour
Hadi, qui a tenté de ramener l’ordre dans le pays en concluant un accord
avec les factions opposées à Saleh “pour que tout change sans que rienne change”, en laissant de côté le mouvement houthi.
Fin 2014, les
Houthis ont décidé de lancer une offensive sur la capitale. Dans ce contexte,
Saleh - dans une tentative étonnante de reconquête du pouvoir - a établi une
alliance avec les Houthis pour affronter Hadi. Les Houthis, qui n’avaient pas
soutenu les accords de paix signés par Hadi, se sont alliés à leur plus grand
ennemi pour prendre la capitale. La Garde républicaine, une force loyale à
Saleh, a encouragé les Houthis à entrer dans Sana’a. Hadi s’est réfugié à
Riyad, la capitale saoudienne, d’où il “commande” les territoires non
encore contrôlés par Ansar Allah, agissant de fait comme une marionnette de la
monarchie wahhabite.
Une fois au
pouvoir, les Houthis ont formé un comité révolutionnaire pour diriger le
pays.Ils ont également été contraints
de combattre simultanément les forces terroristes d’Al Qaïda et l’Arabie
saoudite, qui les protège.
Estimant que
les Houthis n’avaient pas respecté les accords qui, selon lui, lui permettaient
de reprendre le pouvoir, Saleh s’est retourné contre eux, avec le soutien de
l’Arabie saoudite. Lorsque la trahison a été consommée, les Houthis ont attaqué
la maison de Saleh, le tuant au passage.
Depuis Riyad,
Hadi a demandé une intervention saoudienne au Yémen. En réponse à cette
demande, la monarchie saoudienne a organisé une coalition
de pays sunnites pour lancer l’opération “Tempête décisive” en
2015, structurée autour de frappes aériennes sur les principales
enclaves contrôlées par les Houthis, qui ont fait des milliers de morts.
Cette action
était envisagée comme une offensive définitive pour prendre le contrôle du pays
afin de lancer une seconde opération appelée “Restaurer l’espor”, qui se
concentrait davantage sur le rapprochement diplomatique. En revanche, les
actions terrestres, aériennes et maritimes de l’alliance ont été renforcées par
un blocus naval qui a empêché l’entrée de l’aide internationale, plongeant le
pays dans la pire crise humanitaire de l’histoire jusqu’au déclenchement des
actions sionistes actuelles à Gaza, toutes deux avec le soutien explicite des USA.
Les Houthis,
utilisant une large marge de manœuvre basée sur une connaissance de plus en
plus grande du terrain et maniant des tactiques de guérilla inspirées - selon
eux - de la lutte de libération au Vietnam et des “mouvements de résistance
en Amérique latine”, ont démontré une grande capacité à frapper une armée
d’invasion manquant de volonté, de moral, de discipline et de motivation pour se
battre. De même, le large éventail de soldats de la coalition, qui a inclus la
participation d’un très grand contingent de mercenaires engagés par des
sociétés privées, a sapé la capacité de combat de l’alliance dont l’Arabie
saoudite est le fer de lance.
Riyad a reçu
des coups durs même sur son territoire, car les opérations de combat d’Ansar
Allah ont pénétré profondément dans la géographie saoudienne grâce à un système
avancé de drones et de missiles à longue portée qui ont frappé des casernes des
forces armées, des raffineries de pétrole et des infrastructures critiques à
des distances éloignées de la frontière commune.
Rahma
Cartoons, Turquie
II
Les médias transnationaux ont fait circuler
l’idée que les Houthis agissent sous l’influence du gouvernement iranien. Si ni
l’Iran ni les Houthis n’ont nié leur appartenance à un axe de résistance à
l’impérialisme, au colonialisme et au sionisme qui intègre également des forces
politiques du Liban, de la Syrie, de Bahreïn et de la Palestine elle-même,
simplifier l’équation à une relation de “subordination” est à la fois
superficiel et banal, compte tenu de l’histoire des luttes du peuple yéménite.
En Asie occidentale, l’agressivité croissante
d’Israël et la présence interventionniste des USA ont polarisé la situation
politique. Le récent accord règlement du différend entre l’Iran et l’Arabie
saoudite, ainsi que d’autres accords qui ont rapproché l’Égypte et la Turquie,
le Qatar et l’Arabie saoudite, entre autres, après des années d’éloignement, et
l’enlisement de la guerre au Yémen, indiquent l’affaiblissement du pôle
impérialiste-sioniste et le renforcement de la résistance.
Dans ce contexte, le Yémen et le mouvement houthi
jouent un rôle décisif, tant sur le plan historique que géographique. Il
convient de noter qu’Ansar Allah n’a jamais caché ses relations avec l’Iran.
Ils sont unis par leur appartenance commune à la branche chiite de l’islam.
Tant le fondateur du mouvement Ansar Allah que son frère, qui le dirige
aujourd’hui, ont passé une partie de leur vie à Qom (Iran), se formant
politiquement et idéologiquement, tout en étudiant la doctrine chiite, basée
sur l’idée que la succession légitime de Mohammed appartient aux descendants de
son gendre Ali, par opposition aux sunnites qui estiment que les successeurs de
Mohammed doivent être les compagnons du prophète. Sunnite vient de “Ahl
al-Sunna”, qui se traduit par “les gens de la tradition” et chiite vient de “Chiat
Ali”, qui signifie “partisans d’Ali”.
Mais cela ne signifie pas que les Yéménites sont
de simples “accessoires” de l’Iran. Au-delà du soutien financier, militaire,
communicationnel et politique qu’il a reçu de Téhéran, le mouvement Ansar Allah
a fait preuve d’autonomie et d’autodétermination dans la conception et
l’exécution de ses actions, que ce soit dans la guerre contre l’Arabie saoudite
et ses alliés depuis 2015 ou aujourd’hui dans le soutien à la cause
palestinienne.
Il faut savoir
qu’en plus de son aide à la Palestine, le Yémen est en conflit direct avec
Israël pour le soutien que l’entité sioniste a apporté aux Émirats arabes unis
(EAU) lors de la guerre lancée en 2015 qui leur a permis d’occuper les îles
stratégiques yéménites de Socotra, situées en mer d’Arabie à quelque 350
kilomètres au sud des côtes du pays, afin d’y établir une série de bases
d’espionnage dans le but de collecter des renseignements dans toute la région,
en particulier dans le détroit de Bab El Mandeb.
Hamzeh Hajjaj
Il est important de noter que la base
israélo-émiratie de Socotra profite également aux USA, car elle leur permet de
contrôler le port de Gwadar au Pakistan, qui fait partie du corridor économique
Chine-Pakistan (CPEC), dans le cadre duquel Pékin a développé un port afin que
les marchandises qui y sont déchargées puissent être expédiées par voie
terrestre vers la Chine, en particulier vers sa région occidentale.
Mais, pour ce qui est des événements actuels, les
actions du Yémen en faveur de la Palestine ont commencé presque immédiatement
après le 7 octobre. Le 19 octobre, un navire de guerre usaméricain a abattu des
missiles et des drones tirés par les Houthis contre Israël, selon des
informations du Pentagone publiées à l’époque.
Quelques jours plus tard, le 27 octobre, six
personnes ont été blessées lorsque deux drones ont atterri au-dessus de Taba,
ville égyptienne frontalière d’Israël, après avoir été interceptés par l’armée
de l’air israélienne. Le 31 octobre, les Houthis ont revendiqué une attaque de
drone contre l’entité sioniste. L’armée houthie a déclaré avoir intercepté un
missile lancé depuis le sud.
Le porte-parole militaire des Houthis, le général
Yahya Sari, a déclaré dans un communiqué télévisé que le groupe avait lancé un “grand
nombre” de missiles balistiques et de drones en direction d’Israël et qu’il y
aurait d’autres attaques à l’avenir “pour aider les Palestiniens à remporter la
victoire”. En réponse, le conseiller en chef à la sécurité nationale d’IsraÊL,
Tzachi Hanegbi, a déclaré que les attaques des Houthis étaient intolérables,
mais il a refusé de donner des détails lorsqu’on lui a demandé comment Israël
réagirait.
À la
mi-novembre, Ansar Allah a annoncé que ses forces armées attaqueraient tous les
navires battant pavillon israélien ou exploités ou détenus par des sociétés
israéliennes. Quelques jours plus tard, le général Sari a déclaré que « les
forces armées yéménites continueront d’empêcher les navires de toutes
nationalités à destination des ports israéliens de naviguer en mer d’Oman et en
mer Rouge jusqu’à ce qu’ils transportent la nourriture et les médicaments
nécessaires aux Palestiniens de la bande de Gaza ».
Ossama
Hajjaj
En réponse à cette décision, et après les
premières attaques contre des navires à destination d’Israël, quatre grandes
compagnies maritimes (la plus grande compagnie de transport de conteneurs au
monde, Mediterranean Shipping Co [MSC], basée en Suisse, la compagnie danoise
Maersk, la compagnie française CMA CGM et la compagnie allemande Hapag-Lloyd)
ont suspendu le passage de leurs navires par la mer Rouge. Ces compagnies
transportent environ 53 % des conteneurs maritimes du monde et environ 12 % du
commerce mondial en termes de volume. Il convient de noter que 30 % du trafic
mondial de conteneurs passe par le Bab El Mandeb.
En réponse, les USA ont décidé, le 19 décembre,
de créer une alliance navale pour lancer une opération baptisée “Guardian of
Prosperity”, censée « assurer la liberté de navigation en mer Rouge ».
En pratique, cela signifie déclarer la guerre au Yémen et militariser la mer
Rouge. Mais le pays arabe n’a pas fléchi dans sa position. Ses forces armées
ont affirmé que « toute attaque contre les biens yéménites ou les bases de
lancement de missiles du Yémen ferait couler du sang sur toute la mer Rouge »,
affirmant qu’elles possédaient « des armes capables de couler vos
porte-avions et vos destroyers ».
Liu Rui, Global Times
L’escalade des actions depuis lors est manifeste.
Dans un discours prononcé le 20 décembre, le chef d’Ansar Allah, Sayyed Abdul
Malik Al Houthi, a déclaré que la responsabilité du monde islamique dans le
conflit en Palestine était grande, en particulier celle de la région arabe, qui
est « le cœur de ce monde" » À cet égard, il a déploré la
position arabo-islamique lors des sommets organisés pour discuter de la
question, en particulier celui qui s’est tenu en Arabie saoudite. Al Houthi a
qualifié cette position de faible. Il a déclaré que les peuples arabes et
musulmans devraient s’engager à soutenir la Palestine, tout en déplorant
l’approche de certains pays à l’égard de ce qu’il a appelé la « conspiration
contre la Palestine ». Le dirigeant yéménite a déclaré que son pays
n’attendait pas des USA et des pays européens une position ou un rôle positif à
l’égard de la Palestine. Pour ces raisons, il a estimé que la perspective de
l’axe de la résistance devrait viser à élever le niveau de soutien militaire à
la Palestine.
Dans ce contexte, Al Houthi a averti qu’Ansar
Allah « attaquerait les navires de guerre usaméricains si ses forces
étaient attaquées par Washington après le lancement de l’opération Prosperity
Guardian ». Selon Al Houthi, les USA n’essaient pas de protéger la
navigation mondiale, mais cherchent à militariser l’espace maritime.
Toutefois, les USA ne sont pas parvenus à un
consensus sur la manière de mener à bien les missions de l’alliance navale
ainsi créée. Les désaccords avec les pays arabes appelés à rejoindre la
coalition ont empêché une réponse cohérente aux attaques des Houthis contre les
navires transitant par la mer Rouge. Deux pays clés de la région impliqués dans
la longue guerre contre le Yémen - les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite
- ont des positions opposées à l’égard des Houthis, ce qui a constitué un
obstacle majeur au plan usaméricain visant à mettre fin aux attaques maritimes.
L’une des possibilités envisagées par Washington est une réponse militaire aux
Houthis, mais certains alliés arabes ont refusé de le faire. Ils préfèrent
insister sur la voie diplomatique et renforcer la protection maritime des
navires.
Les analystes spécialisés consultés sur le sujet
s’accordent à dire que les objectifs de l’opération sont vagues si l’on
considère que les commandants navals n’ont pas reçu de missions précises. De
même, les navires de guerre de la coalition, bien qu’équipés d’un armement de
pointe, ne peuvent que se limiter à repousser les attaques de missiles en
escortant les navires marchands, ce qui est discutable étant donné que
l’arsenal de missiles du Yémen est inépuisable à la lumière des actions
entreprises au cours des huit dernières années, De plus, « ni les
dirigeants des compagnies maritimes mondiales, ni les capitaines des navires
marchands, ni les assureurs ne seront prêts à jouer à la loterie », selon
Ilya Kramnik, expert russe des forces navales.
De même, Michael Horton, cofondateur de Red Sea
Analytics International, une société de conseil indépendante qui se consacre à
l’analyse impartiale de la dynamique de la sécurité en mer Rouge, a noté que
les Houthis « n’ont déployé qu’une fraction de leurs armes, n’utilisant
pas de missiles à plus longue portée, de drones plus avancés et de mines
marines difficiles à détecter ».
Dans cette situation, le vice-amiral usaméricain
Kevin Donegan a noté que « les USA ont également accepté comme normales
les attaques persistantes [...] des Houthis ». Selon le New York Times,
cette situation a contraint le président Biden à faire un choix difficile
concernant les futurs plans de dissuasion à l’égard des Houthis. Pour ce faire,
il doit se demander si l’Arabie saoudite ne cherche pas une escalade du conflit
qui pourrait faire échouer une trêve durement négociée avec les rebelles. Pour
sa part, Tim Lenderking, l’envoyé spécial des USA pour le Yémen, a déclaré à la
mi-décembre : « Tout le monde cherche un moyen de désamorcer les tensions ».
De l’autre côté du conflit, le 24 décembre, le
commandant des Gardiens de la révolution iraniens, le général de division
Hossein Salami, a annoncé que le blocus naval d’Israël pourrait évoluer vers un
blocus naval total si la mer Méditerranée, le détroit de Gibraltar et d’autres
voies d’eau étaient fermés. À ce jour, le Yémen a déjà réussi à bloquer la
quasi-totalité du port israélien d’Eilat, sur la mer Rouge, qui ne fonctionne
qu’à 15 % de sa capacité. Il convient de noter que les milices d’Ansar Allah ont
réussi à frapper un navire israélien en mer d’Oman, près de l’Inde, loin du
territoire yéménite. De son côté, l’Iran dispose de drones et de missiles
hypersoniques à longue portée qui, en cas de guerre totale contre le sionisme,
pourraient facilement viser les navires commerciaux traversant la Méditerranée
en direction des ports israéliens.
De même, en préparation d’une bataille plus large
contre Israël, l’armée yéménite a annoncé qu’elle disposait de 20 000 soldats
réservistes entraînés, prêts à combattre aux côtés des forces armées du pays
contre l’entité sioniste et la coalition dirigée par les USA.
Le 28 décembre, le Yémen a mis en garde les USA
et ses partenaires contre la militarisation de la mer Rouge et a déclaré qu’il
intensifierait ses attaques contre ses ennemis si le blocus de Gaza se
poursuivait. Dans ce contexte, un jour plus tôt, les hauts commandants des
forces armées du Yémen se sont réunis pour discuter des derniers développements
régionaux et examiner l’état de préparation au combat des troupes. À l’issue de
la réunion, ils se sont déclarés prêts à exécuter les ordres du chef d’Ansar Allah.
Le 4 janvier, après qu’un contingent naval
yéménite s’est retrouvé face à face avec des forces militaires usaméricaines en
mer Rouge, perdant trois petits bateaux et dix combattants, le commandant des
forces de défense côtière yéménites, le général de division Mohhamed Al Qadiri,
a averti que le Yémen ne se réservait pas le droit de répondre, mais qu’il
répondrait en déterminant la cible dans chaque cas sur les îles, en mer Rouge
et dans « les bases où sont stationnés les sionistes et les USAméricains ».
Si les USA et leur alliance décident finalement
de défier directement les Houthis en mer Rouge, ils devront faire face à une
vaste guerre navale dans le golfe d’Aden, la mer d’Arabie et l’océan Indien. Si
cela devait se produire, cela déclencherait une spirale de confrontation inarrêtable
aux dimensions incalculables.
En tout état de cause, le Yémen a déjà réussi à
utiliser sa position stratégique en tant que force dans les équilibres mondiaux
et à s’affirmer comme un élément important de l’équation conflictuelle en cours
et à exprimer l’une des formes les plus courageuses de soutien au peuple
palestinien face à la machine de guerre israélienne soutenue par les USA et le
Royaume-Uni, constituant ainsi une monnaie d’échange importante contre le
sionisme et son mentor usaméricain.
Contrôler le canal de Suez, c’est contrôler 90 %
du commerce mondial, ce qui affecte directement Israël en frappant son
économie. En ce sens, les Houthis ont réussi à faire ce qu’Israël et les USA
ont jusqu’à présent essayé d’éviter à tout prix : « transformer le
génocide à Gaza en une crise mondiale ».
Le journaliste libanais Khalil Harb, citant la
Banque mondiale dans un article du magazine en ligne The Cradle, a écrit
qu’Israël importe et exporte « près de 99 % des marchandises par voie
fluviale et maritime » et que « plus d’un tiers de son PIB dépend du
commerce de marchandises ».
Pour sa part, le journaliste brésilien spécialisé
en politique internationale Eduardo Vasco a souligné qu’en plus de l’impact
direct du mouvement Houthi en Asie occidentale, ses actions « paralysent
l’économie mondiale, c’est-à-dire le fonctionnement même du régime capitaliste,
qui est à l’origine du problème de la guerre d’agression au Moyen-Orient ».
Dans ce contexte, Vasco estime que les UA et Israël ne peuvent pas attaquer
directement le Yémen parce qu’il pourrait y avoir des représailles contre les
alliés des USA dans la région 3principalement contre leurs champs pétroliers,
ce qui aggraverait brutalement la crise économique avec une crise pétrolière
(qui a déjà commencé) ». C’est pourquoi, alors que les Émirats arabes unis
souhaitent une action forte contre les Houthis, les Saoudiens se montrent
prudents.
En dernière heure et presque au moment de
conclure cet article, on apprend que le Yémen a attaqué un navire usaméricain
transportant des fournitures pour Israël, en réponse aux récentes attaques usaméricaines
contre les forces navales yéménites.
Répondant également aux déclarations du
secrétaire d’État usaméricain Anthony Blinken, le vice-ministre des affaires
étrangères du Yémen, Hussein Al Ezzi, a réaffirmé « la sécurité de la
navigation vers toutes les destinations, à l’exception des ports de la
Palestine occupée », démentant catégoriquement les fausses informations
diffusées par Washington, Londres et Berlin au sujet de la sécurité de la
navigation.
Les lignes qui
précèdent illustrent la capacité et la détermination du peuple yéménite à jouer
un rôle de premier plan dans la guerre d’Israël contre la Palestine. En fait,
elles montrent que, bien qu’il s’agisse d’un petit pays globalement et
régionalement marginalisé par rapport au développement économique, il conserve
une volonté de se battre qui exprime le sentiment séculaire d’exister en tant
que nation indépendante, défiant les principales puissances mondiales en
entravant et en empêchant l’exécution de leur politique impériale dans la
région par le biais de leur soutien inconditionnel à Israël.