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02/05/2025

DANIEL LARA
Le gouvernement d’Espagne affirme que la panne électrique totale a excédé la capacité des pare-feux

Daniel Lara, InfoLibre, 30/4/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Daniel Lara (Móstoles, Madrid, 1997) est journaliste en charge de l’environnement et de l’énergie au site ouèbe espagnol Info Libre. X


 

Au moment du black-out, il y avait une capacité de perdre, sans préavis, l’équivalent de 60% de l’énergie du pays

La déconnexion en chaîne de dizaines de centrales électriques à travers le pays a eu raison des pare-feux et a mis le réseau hors service



Le ministère de la Transition écologique (MTÉ) a déclaré mercredi que les pare-feux censés empêcher une panne sur le réseau « ont fonctionné et ont été activés » normalement, et qu’ils auraient été capables de résister à une forte baisse de la production. Mais l’ampleur de la panne a été si rapide et si importante que les systèmes de protection du réseau n’ont pas pu y faire face. Plus précisément, le système espagnol avait la capacité, lundi, de couvrir une baisse imprévue de la production de 15 gigawatts (GW), soit l’équivalent de 15 réacteurs nucléaires, mais la panne imprévue a été encore plus importante.

Des sources ministérielles de haut niveau expliquent que la capacité de “délestage” du réseau était immense à l’époque, équivalant à 60 % de la demande d’électricité de l’Espagne. La production et la demande d’énergie devant toujours être en parfaite adéquation pour que le système fonctionne, le délestage permet de compenser une baisse surprise de la production - par exemple, le black-out d’une centrale nucléaire, qui se produit plusieurs fois par an - par une réduction de la consommation afin d’équilibrer la balance. Techniquement, il s’agit d’obliger les grandes industries à se déconnecter immédiatement.

Le réseau espagnol a pu dégrouper 10 GW d’électricité à l’approche du black-out, en plus d’arrêter l’exportation de 5 GW d’électricité vers la France, afin de couvrir un effondrement de la production. Tout cela a été activé, selon les techniciens, « mais l’effet de contagion [certaines centrales s’arrêtent et les autres suivent en chaîne] a été plus important et plus rapide », et tout le système s’est effondré. Les sources du ministère reconnaissent qu’elles ne savent toujours pas quelle était l’ampleur du trou de production, mais seulement qu’il était supérieur à 15 GW. Ils ne connaissent pas non plus l’emplacement exact, mais ils savent qu’il se situe dans le sud-ouest.

Tout cela s’est produit pendant les fameuses cinq secondes de l’incident. Comme Red Eléctrica l’a expliqué précédemment, tout allait bien jusqu’à ce qu’à 12 heures, 33 minutes et 16 secondes, une oscillation de la fréquence du réseau se produise, causée par ce qui semble être une baisse de production. Lorsqu’une grande centrale électrique est déconnectée du réseau de manière inattendue, ce décalage entre l’offre et la demande d’énergie provoque une variation de fréquence qui est rapidement corrigée et, si elle est faible, n’a pas de conséquences. Cet incident a été surmonté normalement.

Mais 1,5 seconde plus tard, un autre événement similaire s’est produit, avec une variation de fréquence beaucoup plus importante, qui a provoqué un arrêt de la production d’électricité dans le sud-ouest de la péninsule, probablement à partir de centrales solaires en Estrémadure. La fréquence du réseau électrique européen est de 50 Hz, mais en cas d’écart important, les centrales électriques sont automatiquement mises hors service pour des raisons de sécurité, conformément aux règles de l’opérateur, Red Eléctrica. D’après ce que l’on sait de ces moments, ce black-out localisé a “généré un effet de chaîne” qui a entraîné l’arrêt du reste des centrales électriques. Au même moment, la France s’est déconnectée de l’Espagne pour ne pas contaminer l’Europe.

Selon le MTÉ, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir ce qui a provoqué ces fortes oscillations de fréquence. Pour cela, ils doivent encore analyser des tonnes de données, milliseconde par milliseconde, qu’ils recevront de Red Eléctrica et des grandes entreprises dans les prochaines heures.

La possibilité qu’une cyberattaque en soit à l’origine n’a pas encore été exclue par le gouvernement, et des experts en cybersécurité du ministère de la Défense enquêtent actuellement au siège de Red Eléctrica et d’autres entreprises pour trouver une réponse. Cette faille aurait pu donner l’ordre à un grand nombre de centrales électriques de s’arrêter, déclenchant ainsi un black-out en chaîne.

José Luis Domínguez, expert en réseaux électriques à l’Institut de recherche énergétique de Catalogne (IREC), exclut toutefois ce scénario. « Je le considère comme irréalisable, car il faudrait une connaissance approfondie du réseau pour déconnecter autant de centrales en même temps ». Il rappelle que la Russie, pour fermer une seule centrale électrique en Ukraine en 2022, a piraté son système et a mis deux mois à comprendre comment elle pouvait la mettre hors service. 

Les énergies renouvelables ne sont pas à la traîne

Les fonctionnaires du MTÉ ont également affirmé qu’un excès d’énergies renouvelables n’était pas à l’origine de la panne, même s’ils ont reconnu que des changements réglementaires devront désormais être envisagés pour rendre cette énergie plus sûre. Peut-être en installant des systèmes d’inertie synthétique, une sorte de tampon pour réguler la fréquence du réseau, dans les centrales solaires et éoliennes d’Espagne.

Depuis la panne, on a beaucoup parlé de l’instabilité que les énergies renouvelables apportent au système électrique, une question qui est débattue par les experts et les gestionnaires de réseau depuis des années. La production d’énergie traditionnelle (nucléaire, cycle combiné au gaz, hydroélectricité, géothermie...) utilise des moteurs rotatifs qui confèrent au système une inertie qui aide à réguler les petits déséquilibres entre l’offre et la demande. Ces technologies sont dites synchrones et leurs moteurs tournent tous à la même vitesse, soit 50 rotations par seconde, ou 50 Hertz (Hz).

Si l’on considère le système électrique comme une baignoire, le robinet (production) et le drain (consommation) doivent transporter la même eau pour que le niveau de la baignoire reste stable. Ce niveau est la fréquence du réseau, qui ne peut varier afin d’éviter les dysfonctionnements. Si le robinet de la baignoire réduit sa pression, mais que le bouchon reste ouvert, le niveau de l’eau baisse. C’est ce qui s’est passé lundi sur le réseau électrique espagnol : la production a baissé, mais pas la demande, ce qui a fait chuter la fréquence et déclenché les protections de toutes les centrales.

À ce système, il faut ajouter un facteur supplémentaire : les moteurs rotatifs, comme ceux des centrales à cycle combiné. Si la fréquence du réseau baisse - les moteurs de ces centrales tournent plus lentement que 50 tours par seconde - leurs turbines libèrent l’énergie cinétique sous forme d’énergie électrique et l’injectent dans le système, compensant ainsi la perte d’approvisionnement et augmentant à nouveau la fréquence. Plus le poids de la production synchrone dans le mix électrique est important, plus la fréquence du réseau a du mal à baisser, et donc plus il a du mal à s’effondrer car il est autorégulé.

Le problème est que les centrales photovoltaïques n’ont pas de moteur rotatif et ne peuvent pas arrêter une baisse ou une hausse de la fréquence du réseau. Les éoliennes ont une rotation, mais elles ne sont pas connectées à la synchronisation du système. Au moment de la panne de lundi, ces deux technologies représentaient plus de 60 % du mix électrique et certains experts estiment que s’il y avait eu plus de sources synchrones, la puissance zéro aurait pu être évitée car les pics de fréquence auraient été mieux contrôlés.

Interrogés à ce sujet, les techniciens du ministère ont souligné qu’un jour sur sept de l’année, le mix de production en Espagne est similaire à celui de ce lundi et que cela ne s’était jamais produit auparavant, de sorte qu’il n’est pas logique de blâmer ces technologies. En fait, ils ont souligné que cet incident ne modifie pas le plan national pour l’énergie et le climat (PNIEC), la feuille de route pour l’installation d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Cependant, ils estiment que des modifications réglementaires devront être proposées à l’avenir. Il existe différents systèmes sur le marché pour ajouter de la synchronisation au photovoltaïque et au solaire au moyen de batteries ou de logiciels, mais ils ne sont pas encore obligatoires en Espagne.

En fait, la seule technologie qui a posé problème est le nucléaire, qui a été arrêté pour des raisons de sécurité pendant la période d’absence d’énergie et qui n’a pas réussi à se remettre en marche avant mercredi. Les responsables ont souligné que non seulement cette technologie n’a pas fourni d’électricité lors du retour à la normale, mais qu’elle a également eu besoin d’une puissance supplémentaire pendant la panne pour éviter que le cœur des cinq centrales ne soit endommagé.

Ils ont également ajouté qu’une meilleure interconnexion avec la France aurait apporté de la « robustesse » au système avant la panne et constituera une autre tâche urgente. À l’heure actuelle, la France retarde l’extension de ce câble depuis deux décennies, car elle vise à devenir la centrale nucléaire de l’Europe et l’Espagne est un concurrent de par son abondante énergie renouvelable.