Michael Schneider,
2002
Traduit
par Rosa
Llorens, Tlaxcala
Lire notre interview de l’écrivain allemand Michael Schneider
Le débat contradictoire fictif* qui suit entre Craig Venter, le « Bill Gates des gènes », et Erwin Chargaff, le Grand Vieux Sage de la recherche génétique et critique de renommée internationale de la biotechnologie, a été rédigé par Michael Schneider en 2002 pour la Deutschland-Radio. Les avertissements et sombres prophéties d’Erwin Chargaff trouvent aujourd’hui une actualité vraiment effrayante, alors que les oligarchies transnationales, se trouvant en difficulté, ont, au moyen de la mise en scène d’une « pandémie », placé leurs populations dans l’étau qui s’installe au niveau de la gouvernance globale, et empiète profondément sur la souveraineté de l’individu. Nous avons affaire à une prise transnationale de pouvoir biopolitique, qui, à travers une vaccination de masse par un vaccin ARNm génétiquement manipulé, à peine expérimenté et à haut risque, attaque directement les mécanismes de régulation intracellulaires, et affaiblit durablement l’immunité naturelle, voire la détruit de façon irréversible.*Pour cette discussion fictive, on a utilisé de nombreuses citations originales des interviews et des ouvrages d’Erwin Chargaff (parus en allemand chez Klett-Cotta ; en français, le seul livre traduit est Le feu d’Héraclite, Viviane Hamy, 2006) et des interviews de Craig Venter.
Présentatrice : Un jour, Adam et Eve s’ennuyaient au Paradis. Alors ils ont goûté à l’arbre de la connaissance. C’est ainsi que, selon la version chrétienne, on est arrivé au péché. Avec les techniques génétiques, vivons-nous maintenant, Monsieur Chargaff, le deuxième péché originel ?
Chargaff : La pomme de l’arbre du Paradis, le premier fruit de la connaissance, avait encore un goût agréable. Le deuxième est assurément gâté, c’est un produit adultéré de la génétique, dû à la firme Monsanto ! Comprendre, dans l’émerveillement, l’ouvrage de Dieu était le but des premiers chercheurs, de Newton à Gregor Mendel. Arracher son outil des mains de Dieu pour en faire du fric, c’est le but des biologistes et chercheurs d’aujourd’hui. L’homme n’aurait pas dû mettre le doigt dans deux noyaux : le noyau atomique et le noyau cellulaire. La technique génétique va avoir des conséquences de loin plus lourdes que l’énergie atomique.
Présentatrice : Monsieur Venter, vous avez cassé plus de gènes que n’importe quel autre chercheur dans le monde. Avec votre firme Celera, financée par des fonds de l’économie privée, vous avez rattrapé et dépassé les chercheurs du projet Human Genom Projekt (HUGO), financé par des fonds publics. Vous êtes maintenant le premier à pouvoir annoncer au monde la bonne nouvelle : le « prototype du patrimoine humain » est sous nos yeux, la cartographie du génome est terminée ! Dans la presse US, on vous appelle le « Roi » ou le « Bill Gates des gènes »… Le Serpent tentateur porte-t-il aujourd’hui une blouse blanche ?
Venter : Je ne suis un prophète ni angélique ni apocalyptique, mais un médecin et un savant. Contrairement à tous les cris de Cassandre, les experts sont d’accord sur un point : le séquençage du génome va révolutionner la médecine du futur, de sorte qu’avec son aide nous pourrons guérir des maladies jusqu’ici incurables et que, pour la première fois, nous serons en situation de devenir, de simples observateurs, des architectes de l’évolution.
Présentatrice : Mais cela veut tout simplement dire que nous voulons maintenant jouer nous-mêmes le rôle de Dieu.
Venter : Nous le faisons depuis très longtemps – chaque fois que nous utilisons un préservatif ou que nous transplantons un rein.
Présentatrice : La technologie génétique et la biomédecine nous promettent de vrais miracles : la fin prochaine des grandes maladies endémiques et des épidémies comme le cancer, le SIDA et l’Alzheimer, …
Chargaff : Seules deux épidémies ont jusqu’ici échappé à la recherche : l’ivresse génétique et la fièvre boursière.
Présentatrice : … le retardement du processus de vieillissement et même la création de nouveaux êtres transgéniques et de chimères. Le huitième jour de la Création a-t-il commencé, Monsieur Chargaff ?
Chargaff : Au contraire : c’est l’époque des démiurges, des nains mégalomanes et des charlatans doués pour les affaires qui a commencé. La santé est le prétexte sous lequel les biologistes moléculaires, les technocrates du gène et les médecins cherchent aujourd’hui à justifier leurs dangereuses transgressions de frontières. On prend au fœtus quelque chose qui, transplanté dans le cerveau d’un malade de Parkinson, fait des miracles, du moins pour les chirurgiens. Des embryons congelés sont finalement condamnés à mort et jetés à la poubelle. Requiescant in dollaribus ! Des mères porteuses se disputent pour l’enfant et le profit. Des bébés in vitro ne connaissent ni père ni mère, des pipettes et des pincettes au doux sourire se tiennent auprès de leur berceau, ainsi peut-être qu’un gynécologue et un avocat avec leurs chèques. Maladie et mort ont perdu leur forme définie dans la vie humaine et, reconnues comme des erreurs du Destin, sont soumises à correction immédiate.
Venter : Chaque fois que l’Humanité se trouve devant une avancée majeure du progrès technique et scientifique, les pessimistes du progrès et les Cassandre professionnelles font leur grande scène. C’est alors qu’on pousse des cris d’orfraie : Blasphème ! ouvrage diabolique ! Il n’y a pas eu moins de criailleries en son temps contre l’introduction du chemin de fer qu’aujourd’hui contre les conquêtes de la technologie génétique, de la biomédecine et la médecine de la reproduction.
Chargaff : Le chemin de fer est certes très sale, mais il ne s’attaque pas à la Création : c’est simplement une diligence plus rapide. Par contre, la technique génétique d’aujourd’hui voudrait améliorer la Nature et l’Homme. Toutes les cultures précédentes ont montré dans leurs cosmologies, leurs religions et leurs mythes leur respect devant le miracle de la Création. Elles ont institué d’innombrables tabous pour protéger Mère Nature et la vie. Nous sommes la première civilisation de l’histoire mondiale qui a perdu le respect de la vie. Comme des enfants espiègles avec leurs boîtes de construction Lego, les généticiens manipulent les matériaux de la vie, qui sont apparus il y a des millions d’années. Ils font du monde vivant un pot-pourri génétique, transplantant par exemple des gènes humains sur des souris – avec pour résultat de voir pousser une oreille sur le dos d’une souris -, et encaissant encore pour ces effroyables parodies de la vie des millions de fonds pour la recherche. Oui, ils croient même pouvoir transformer et améliorer la vie à leur gré. C’est effrayant ; c’est en même temps risible et infiniment triste. Peut-être devons-nous réapprendre la peur et le tremblement, et, même sans Dieu, la crainte révérencieuse devant le sacré.