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26/07/2022

LA JORNADA
Le pape François, le pardon et le passé colonial

 Éditorial, quotidien La Jornada, Mexico, 26/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 


« Je demande humblement pardon pour le mal commis par tant de chrétiens à l'encontre des peuples autochtones », a déclaré le pape François aux membres des Premières nations, des Métis et des Inuits lors d'un événement à Maskwacis, dans la province de l'Alberta, au Canada. Le lieu choisi pour la première rencontre du pontife avec les natifs sur le sol canadien est hautement symbolique car il s'agit de l'un des endroits où la politique d'assimilation forcée de ces peuples a été mise en pratique : de 1863 à 1998, les autorités canadiennes ont financé un programme dans le cadre duquel 150 000 enfants ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats où il leur était interdit de parler leur propre langue et où ils étaient contraints d'adopter les coutumes occidentales.

En 2015, quelques années après la fermeture de la dernière "école" de ce type, une Commission Vérité et Réconciliation a constaté que les enfants enlevés avaient souffert de malnutrition, de violences verbales et d'abus physiques et sexuels généralisés (selon les termes du Parlement canadien) de la part des directeurs et des enseignants. Les conditions dans ces instituts, gérés par des associations religieuses, étaient si déplorables qu'entre 3 200 et 6 000 enfants (selon les sources) sont morts des suites de mauvais traitements et de négligence. Le rapport de la commission avait déjà choqué la société canadienne, mais la demande de justice est devenue véhémente il y a un peu plus d'un an, lorsque des enterrements clandestins et des tombes anonymes contenant les restes de centaines d'enfants ont été découverts sur le terrain de trois centres résidentiels qui avaient été gérés par l'Église catholique.

Mis sous pression par ces révélations, François a reçu une délégation de peuples autochtones au Vatican en avril, et leur a exprimé son "indignation et sa honte" face à ces événements et a annoncé la visite qui a eu lieu ce dimanche. Il condamnait déjà à l'époque les méthodes de colonisation qui tentaient d'uniformiser les indigènes en les "extirpant de leur identité, de leur culture, en séparant les familles" et en induisant une homogénéisation au "nom du progrès et de la colonisation idéologique". Hier, en présence de victimes de ces centres, il a réitéré sa condamnation en présentant ses excuses "pour la manière dont de nombreux membres de l'Église et des communautés religieuses ont collaboré, également par indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d'assimilation forcée", politiques qu'il a qualifiées de "néfastes pour les populations de ces terres".

L'attitude du pontife devrait servir d'exemple aux institutions et aux individus qui, aujourd'hui encore, tentent de relativiser, voire de nier, des vérités indéniables : que le processus de colonisation des puissances européennes et de leurs descendants sur le continent américain s'est traduit par un génocide physique, mais aussi culturel, systématique à l'encontre des peuples indigènes ; que les actes des colonisateurs ne méritent pas une qualification plus douce que celle de crimes contre l'humanité, et que c'est dans ces siècles de discrimination, d'exclusion, d'assujettissement et de privation de droits qu'il faut chercher des explications au retard dont souffrent les communautés indigènes dans divers domaines, de l'éducation aux finances.

Dans le même temps, l'accueil chaleureux réservé par les Premières nations, les Métis et les Inuits au leader catholique démontre que le passé ne peut être laissé derrière soi que lorsque les crimes perpétrés sont reconnus, que le repentir est exprimé et qu'une véritable volonté de réparer les dommages est manifestée.

Prétendre que les communautés historiquement lésées accordent leur pardon sans être passées par ce processus ne guérit pas les blessures et ne favorise pas la réconciliation, mais minimise de manière ignominieuse la douleur des groupes subjugués, disculpe les responsables et ouvre la porte à la répétition des oppressions.

05/01/2022

Le Canada s'engage à verser 31,5 milliards de dollars pour régler le litige concernant le système de tutelle des enfants autochtones


Catherine Porter et Vjosa Isai, The New York Times, 4/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le gouvernement a accepté un règlement historique visant à réparer le système et à indemniser les familles lésées par celui-ci. Ce règlement devrait mettre fin à de longues années de litiges.

  

Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones : « Il s'agit du plus important règlement de l'histoire du Canada. Mais aucune somme d'argent ne peut réparer les préjudices subis par les enfants des Premières Nations. Cependant, les injustices historiques exigent des réparations historiques. Les accords de principe que nous avons signés aujourd'hui soutiendront les enfants des Premières Nations, afin qu'ils puissent avoir les mêmes opportunités de grandir avec leurs familles et leurs communautés qui s'épanouissent grâce à leurs cultures et leurs langues ».

Cindy Woodhouse « Ce règlement historique de 40 milliards de dollars a mis du temps à arriver. Les Premières Nations de tout le Canada ont dû travailler très dur pour que ce jour vienne réparer les torts monumentaux causés aux enfants des Premières Nations. Des torts alimentés par un système intrinsèquement biaisé. Nous avons un long chemin à parcourir pour lutter contre la pauvreté dans nos nations. Et aucune somme d'argent ne sera jamais le bon montant, ni ne ramènera une enfance perdue. Mais aujourd'hui, il s'agit de reconnaissance, d'être vu et entendu ».

Le gouvernement canadien a annoncé mardi qu'il avait conclu ce qu'il a appelé le plus grand règlement de l'histoire du Canada, en versant 31,5 milliards de dollars dollars [=22 milliards d’€]  pour réparer le système discriminatoire de protection de l'enfance du pays et indemniser les populations autochtones lésées par ce système.

L'accord de principe constitue la base du règlement définitif de plusieurs procès intentés par des groupes des Premières nations contre le gouvernement canadien. La moitié du montant total du règlement de 40 milliards de dollars canadiens, servira à indemniser les enfants qui ont été inutilement enlevés à leurs familles, ainsi que leurs familles et les personnes qui s'en occupaient, au cours des trois dernières décennies.

Le reste de l'argent servira à réparer le système de tutelle de l'enfance pour les enfants des Premières nations - qui sont statistiquement beaucoup plus susceptibles d'être retirés de leur famille - au cours des cinq prochaines années afin de garantir que les familles puissent rester ensemble.

« Les Premières nations de tout le Canada ont dû travailler très fort pour que cette journée permette de réparer les torts monumentaux causés aux enfants des Premières nations, torts alimentés par un système intrinsèquement biaisé », a déclaré Cindy Woodhouse, cheffe régionale du Manitoba à l'Assemblée des Premières Nations, la plus grande organisation autochtone du Canada.

« Ce n'était pas et ce n'est pas une question de parentalité. Il s'agit en fait de pauvreté », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, ajoutant que plus de 200 000 enfants et familles autochtones sont concernés par l'accord.

29/06/2021

Murray Sinclair : pour guérir, le Canada doit faire la lumière sur les « vérités occultées » des pensionnats pour enfants autochtones


Leyland Cecco, The Guardian, 27/6/2021

Traduit par Fausto Giudice

 

Leyland Cecco est un journaliste indépendant basé à Toronto, au Canada. Il a principalement travaillé au Moyen-Orient, en Asie du Sud et au Canada, et s'est intéressé en particulier à la sécurité de l'eau. @LeylandCecco

L'homme qui a dirigé la Commission Vérité et Réconciliation du Canada insiste sur la nécessité d'une enquête indépendante sur des décennies de mauvais traitements infligés aux enfants autochtones.


Thundersky Justin Young, à gauche, et Daryl Laboucan jouent du tambour et chantent des chants de guérison à devant un mémorial improvisé en l'honneur des 215 enfants dont les restes ont été découverts enterrés près de l'ancien pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique, au début du mois de juin. Photo Cole Burston/AFP/Getty Images

Le Canada a besoin de toute urgence d'une enquête indépendante sur la mort de milliers d'enfants autochtones dans des pensionnats gérés par l'Église si le pays veut enfin affronter les horreurs de son passé colonial, a déclaré au Guardian l'homme qui a dirigé la Commission de vérité et réconciliation du pays.

Murray Sinclair, ancien sénateur et l'un des premiers juges autochtones du pays, a prévenu que les « vérités cachées »  des écoles sont probablement beaucoup plus dévastatrices que ne le pensent de nombreux Canadiens - notamment le meurtre délibéré d'enfants par le personnel scolaire et la probabilité que ces crimes aient été couverts.

Sinclair a demandé la création d'un organe d'enquête puissant, libre de toute interférence gouvernementale et ayant le pouvoir de citer des témoins à comparaître.

 « Nous devons savoir qui est mort, nous devons savoir comment ils sont morts, nous devons savoir qui était responsable de leur mort ou de leur prise en charge au moment où ils sont morts », a déclaré Sinclair, membre de la Première Nation Peguis. « Nous devons savoir pourquoi les familles n'ont pas été informées. Et nous devons savoir où les enfants sont enterrés ».

Le Canada a été ébranlé par la découverte de près d'un millier de tombes anonymes sur les sites des pensionnats gérés par l'Église que les enfants autochtones ont dû fréquenter dans le cadre d'une campagne d'assimilation forcée.

Jeudi, la Première nation de Cowessess a déclaré que les restes de 751 personnes avaient été retrouvés sur le site d'un ancien pensionnat en Saskatchewan, quelques semaines seulement après que la nation Tk'emlúps te Secwépemc eut découvert 215 tombes anonymes en Colombie-Britannique.

25/06/2021

Nouvelle découverte horrible de restes d'enfants autochtones au Canada


Ian Austen et Dan Bilefsky, Le New York Times, 24/6/2021

Traduit par Fausto Giudice

Un groupe autochtone a déclaré que les restes de 751 personnes, principalement des enfants, avaient été découverts dans des tombes anonymes sur le site d'un ancien pensionnat de la Saskatchewan.

« En 1898, le pensionnat Marieval a ouvert ses portes et il a fermé ses portes en 1996. L'église catholique romaine supervisant le site des tombes, les catholiques et la prière et la religion supervisant le site des tombes, nous avons commencé nos recherches par géoradar le 2 juin 2021. Jusqu'à hier, nous avons trouvé 751 tombes non marquées. Sur ces 751 résultats, la machine a un pourcentage d'erreur de 10 à 15 %. Nous ne nous baserons donc que sur les 751 résultats. Mais nous savons qu'il y en a au moins 600. Nous ne pouvons pas affirmer que ce sont tous des enfants. Mais il y a des histoires orales selon lesquelles il y a aussi des adultes dans ce site funéraire. Une agression contre un peuple des Premières Nations - nous sommes un peuple fier. Le seul crime que nous ayons commis en tant qu'enfants est d'être nés indigènes. Il y aura beaucoup de travail, beaucoup de guérison. Il y a de nombreux sites sur lesquels nous allons faire un travail similaire. Et nous en trouverons d'autres ».

CALGARY, Alberta - Pendant des décennies, les enfants autochtones ont été arrachés à leur famille, parfois par la force, et placés dans des pensionnats surpeuplés, gérés par l'Église, où ils étaient maltraités et interdits de parler leur langue. Des milliers d'entre eux ont complètement disparu.

Aujourd'hui, une nouvelle découverte apporte la preuve effrayante que de nombreux enfants disparus sont peut-être morts dans ces écoles : les restes de 751 personnes, principalement des enfants autochtones, ont été découverts sur le site d'une ancienne école dans la province de Saskatchewan, a déclaré jeudi un groupe autochtone.

Ce site funéraire, le plus grand à ce jour, a été mis au jour quelques semaines seulement après la découverte des restes de 215 enfants dans des tombes non marquées sur le terrain d'une autre ancienne école confessionnelle pour élèves autochtones en Colombie-Britannique.

Ces découvertes ont ébranlé une nation aux prises avec des générations d'abus généralisés et systématiques à l'encontre des populations autochtones, dont beaucoup sont des survivants des pensionnats. Pendant des décennies, ils ont suggéré, à travers leurs histoires orales, que des milliers d'enfants avaient disparu de ces écoles, mais ils ont souvent été accueillis avec scepticisme. La révélation de deux sites de tombes anonymes est un autre rappel brûlant de cette période traumatisante de l'histoire.

« C'est un crime contre l'humanité, une agression contre un peuple des Premières nations », a déclaré le chef Bobby Cameron, de la Fédération des nations autochtones souveraines de la Saskatchewan. 3Le seul crime que nous ayons commis en tant qu'enfants est d'être nés autochtones », a-t-il ajouté.

Le site funéraire met également une nouvelle pression sur le gouvernement actuel de Justin Trudeau, le premier ministre canadien, qui s'appuie encore aujourd'hui sur un ensemble de lois qui régissent la vie des populations autochtones et qui remontent au XIXe siècle. Les dirigeants autochtones disent espérer que les dernières révélations seront un catalyseur pour l'autonomie qu'ils recherchent depuis longtemps.

« Nous en avons assez qu'on nous dise quoi faire et comment le faire », a déclaré le chef Cadmus Delorme, de la Première nation de Cowessess.

La découverte récente de restes humains au Canada a eu des répercussions dans le monde entier, y compris aux USA, où le ministre de l'intérieur a déclaré cette semaine que le pays allait fouiller les pensionnats fédéraux à la recherche d'éventuels sites de sépulture d'enfants amérindiens. Des centaines de milliers d'entre eux ont été arrachés à leurs communautés pour être assimilés culturellement dans ces écoles pendant plus d'un siècle.



 Un mémorial pour les 215 enfants dont les restes ont été découverts sur le site de l'ancien pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique. Photo Amber Bracken pour The New York Times