Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le gouvernement a accepté un règlement historique visant à réparer le système et à indemniser les familles lésées par celui-ci. Ce règlement devrait mettre fin à de longues années de litiges.
Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones : « Il s'agit du plus important règlement de l'histoire du Canada. Mais aucune somme d'argent ne peut réparer les préjudices subis par les enfants des Premières Nations. Cependant, les injustices historiques exigent des réparations historiques. Les accords de principe que nous avons signés aujourd'hui soutiendront les enfants des Premières Nations, afin qu'ils puissent avoir les mêmes opportunités de grandir avec leurs familles et leurs communautés qui s'épanouissent grâce à leurs cultures et leurs langues ».
Cindy Woodhouse « Ce règlement historique de 40 milliards de dollars a mis du temps à arriver. Les Premières Nations de tout le Canada ont dû travailler très dur pour que ce jour vienne réparer les torts monumentaux causés aux enfants des Premières Nations. Des torts alimentés par un système intrinsèquement biaisé. Nous avons un long chemin à parcourir pour lutter contre la pauvreté dans nos nations. Et aucune somme d'argent ne sera jamais le bon montant, ni ne ramènera une enfance perdue. Mais aujourd'hui, il s'agit de reconnaissance, d'être vu et entendu ».
Le gouvernement canadien a annoncé mardi qu'il avait conclu ce qu'il a appelé le plus grand règlement de l'histoire du Canada, en versant 31,5 milliards de dollars dollars [=22 milliards d’€] pour réparer le système discriminatoire de protection de l'enfance du pays et indemniser les populations autochtones lésées par ce système.
L'accord de principe constitue la base du règlement définitif de plusieurs procès intentés par des groupes des Premières nations contre le gouvernement canadien. La moitié du montant total du règlement de 40 milliards de dollars canadiens, servira à indemniser les enfants qui ont été inutilement enlevés à leurs familles, ainsi que leurs familles et les personnes qui s'en occupaient, au cours des trois dernières décennies.
Le reste de l'argent servira à réparer le système de tutelle de l'enfance pour les enfants des Premières nations - qui sont statistiquement beaucoup plus susceptibles d'être retirés de leur famille - au cours des cinq prochaines années afin de garantir que les familles puissent rester ensemble.
« Les Premières nations de tout le Canada ont dû travailler très fort pour que cette journée permette de réparer les torts monumentaux causés aux enfants des Premières nations, torts alimentés par un système intrinsèquement biaisé », a déclaré Cindy Woodhouse, cheffe régionale du Manitoba à l'Assemblée des Premières Nations, la plus grande organisation autochtone du Canada.
« Ce n'était pas et ce n'est pas une question de parentalité. Il s'agit en fait de pauvreté », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, ajoutant que plus de 200 000 enfants et familles autochtones sont concernés par l'accord.
L'accord est une reconnaissance du fait que le système de tutelle de l'enfance disposait de meilleures ressources pour retirer les enfants que pour les soutenir sur place. Ce système était le produit de politiques discriminatoires mises en place et appliquées depuis des générations à l'encontre des communautés autochtones.
Parmi les personnes pouvant prétendre à une indemnisation, les experts engagés dans le cadre du litige ont estimé que 115 000 enfants ont été séparés de leur famille depuis 1991, a déclaré lors de la conférence de presse Robert Kugler, un avocat qui a représenté les plaignants des Premières nations dans deux procès différents.
Alors que moins de 8 % des enfants de moins de 14 ans au Canada sont autochtones, ils représentent plus de 52 % des enfants placés en famille d'accueil, selon les données du recensement de 2016.
L'affaire a été portée pour la première fois devant le Tribunal canadien des droits de la personne en 2007, par la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, un groupe de défense de la protection de l'enfance, et par la plus grande organisation autochtone du pays, l'Assemblée des Premières Nations.
Ils affirmaient que les enfants des Premières Nations vivant dans les réserves et dans un territoire du Nord étaient victimes de discrimination, car le gouvernement ne finançait pas leurs services de tutelle de l'enfance et de soutien aux familles au même rythme que pour les enfants non autochtones. En 2004, des rapports ont montré qu'il y avait trois fois plus d'enfants des Premières Nations pris en charge par l'État qu'à l'époque des pensionnats, lorsque les enfants autochtones étaient retirés de force de leur famille.
Le Tribunal canadien des droits de la personne, un organisme fédéral quasi-judiciaire qui statue sur les plaintes pour discrimination, a abondé dans le même sens et a statué en 2016 que le gouvernement devait réformer ses programmes de services à l'enfance et à la famille pour les Premières Nations. Cela comprenait des changements à la formule utilisée pour calculer les allocations de financement pour les services gouvernementaux dans les réserves, selon la décision du tribunal.
Mais le gouvernement fédéral a fait du surplace, faisant appel à plusieurs reprises pour que l'affaire soit rejetée pour des raisons techniques et ne parvenant pas à mettre en œuvre des changements significatifs. Au cours des cinq dernières années, le tribunal fédéral a émis une vingtaine d'ordonnances de non-conformité, selon un avocat de la First Nations Child and Family Caring Society.
Entre-temps, d'autres groupes des Premières nations ont intenté des recours collectifs contre le gouvernement pour des motifs similaires.
« Le Canada aurait pu régler cette affaire pour des centaines de millions de dollars en 2000, lorsque nous avons tiré la sonnette d'alarme sur le fait que les enfants des Premières nations recevaient 70 cents contre un dollar reçu par les autres enfants », a déclaré Cindy Blackstock, directrice générale de l'organisation à l'origine de l'affaire et professeure de travail social à l'Université McGill de Montréal.
« Mais le Canada a choisi de ne pas le faire », a ajouté Mme Blackstock. « Et maintenant, nous en sommes à des dizaines de milliards de dollars et, surtout, des enfants ont perdu leur vie et parfois leur enfance dans ce processus ».
En novembre, le respecté juge autochtone et ancien sénateur Murray Sinclair a été enrôlé pour aider à négocier un règlement à l'amiable.
« C'est le plus grand règlement de l'histoire du Canada », a déclaré Marc Miller, ministre canadien des relations entre la Couronne et les autochtones, lors d'une conférence de presse à Ottawa mardi. « Mais aucune somme d'argent ne peut inverser les préjudices subis par les enfants des Premières nations ».
Les termes précis du règlement pour l'indemnisation et les futures réformes de la tutelle de l'enfance sont encore en cours de négociation, a écrit le gouvernement dans un communiqué, bien que les fonds destinés à aider les jeunes qui sortent du système de garde d'enfants seront distribués dès le printemps.
Les adversaires politiques du Premier ministre Justin Trudeau ont critiqué les tactiques de son gouvernement dans le procès sur la titelle de l'enfance pendant la campagne électorale fédérale de l'été dernier. Jagmeet Singh, chef du Nouveau parti démocratique, a qualifié la bataille juridique de « procès aux enfants autochtones » par le gouvernement Trudeau.
Le Canada est aux prises avec son héritage colonial depuis 2015, lorsque la Commission de vérité et de réconciliation du pays a jugé que le retrait historique des enfants autochtones de leur famille pendant un siècle, lorsqu'ils ont été envoyés dans des pensionnats, équivalait à un « génocide culturel ». La commission a lancé des dizaines d'appels à l'action, dont le premier était de réduire le nombre d'enfants autochtones placés dans des établissements publics.
L'année dernière, la découverte de centaines de tombes non marquées sur les sites de deux de ces anciens pensionnats a ajouté une urgence émotionnelle à la réflexion, avec des appels à l'abandon des célébrations de la Fête du Canada [1er juillet].
On estime que 150 000 enfants autochtones ont fréquenté ces pensionnats, dont le dernier a fermé en 1996, où des centaines d'entre eux sont morts. Nombre d'entre eux ont été victimes d'abus physiques et sexuels.
L'accord de mardi est le deuxième accord de compensation de plusieurs milliards de dollars avec les communautés autochtones annoncé par le gouvernement fédéral au cours des dernières semaines. En décembre, la Cour fédérale du Canada a approuvé une poursuite de 6,3 milliards de dollars [=4,4 milliards d’€] contre le gouvernement pour des années de contamination de l'eau potable dans les réserves autochtones.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire