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01/02/2024

Jürgen Habermas, le “Hegel de la République fédérale”, a enfin trouvé son Napoléon, et il s'appelle Benjamin Netanyahou
Misère de la philosophie allemande au XXIème Siècle

Ci-dessous trois textes illustrant le désastre de la pensée européenne au temps du génocide commis par l'armée la plus morale du monde avec la bénédiction et le soutien armé des dirigeants des puissances les plus éclairées de la planète. Traductions de Fausto Giudice, Tlaxcala

 Grâce à Gaza, la philosophie européenne a révélé sa faillite éthique

Hamid Dabashi, Middle Easte Eye, 18/1/2024

 Du nazisme de Heidegger au sionisme de Habermas, la souffrance de l’“autre” n’a que peu d’importance

Imaginez que l’Iran, la Syrie, le Liban ou la Turquie - pleinement soutenus, armés et protégés diplomatiquement par la Russie et la Chine - aient la volonté et les moyens de bombarder Tel-Aviv pendant trois mois, jour et nuit, d’assassiner des dizaines de milliers d’Israéliens, d’en mutiler d’innombrables autres, de faire des millions de sans-abri et de transformer la ville en un amas de décombres inhabitables, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza.

Imaginez quelques secondes : l’Iran et ses alliés ciblant délibérément des quartiers peuplés de Tel-Aviv, des hôpitaux, des synagogues, des écoles, des universités, des bibliothèques - ou tout autre lieu peuplé - afin de faire un maximum de victimes civiles. Ils diraient au monde qu’ils ne font que chercher le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son cabinet de guerre. 

Demandez-vous ce que feraient les USA, le Royaume-Uni, l’Union européenne, le Canada, l’Australie et l’Allemagne en particulier dans les 24 heures suivant l’assaut de ce scénario fictif.

Revenons maintenant à la réalité et considérons le fait que depuis le 7 octobre (et pendant des décennies avant cette date), les alliés occidentaux de Tel-Aviv ont non seulement été témoins de ce qu’Israël a fait au peuple palestinien, mais lui ont également fourni du matériel militaire, des bombes, des munitions et une couverture diplomatique, tandis que les médias usaméricains ont offert des justifications idéologiques pour le massacre et le génocide des Palestiniens. 

Le scénario fictif susmentionné ne serait pas toléré un seul jour par l’ordre mondial existant. Avec la puissance militaire des USA, de l’Europe, de l’Australie et du Canada qui soutiennent pleinement Israël, nous, les peuples sans défense du monde, tout comme les Palestiniens, ne comptons pas. Il ne s’agit pas seulement d’une réalité politique ; elle concerne également l’imaginaire moral et l’univers philosophique de ce qui s’appelle « l’Occident ».

Ceux d’entre nous qui se trouvent en dehors de la sphère de l’imagination morale européenne n’existent pas dans leur univers philosophique. Arabes, Iraniens et musulmans, ou peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, nous n’avons aucune réalité ontologique pour les philosophes européens, si ce n’est celle d’une menace métaphysique qu’il faut maîtriser et faire taire.

Depuis Emmanuel Kant et Georg Wilhelm Friedrich Hegel jusqu’à Emmanuel Levinas et Slavoj Zizek, nous sommes des bizarreries, des choses, des objets connaissables que les orientalistes étaient chargés de déchiffrer. À ce titre, le meurtre de dizaines de milliers d’entre nous par Israël, ou par les USA et leurs alliés européens, ne suscite pas la moindre réflexion dans l’esprit des philosophes européens. 

Publics européens tribaux

Si vous en doutez, il suffit de jeter un coup d’œil au philosophe européen Jurgen Habermas et à quelques-uns de ses collègues qui, dans un acte stupéfiant de vulgarité cruelle, se sont prononcés en faveur du massacre des Palestiniens par Israël [Voir leur texte ci-dessous]. La question n’est plus de savoir ce que nous pouvons penser d’Habermas, aujourd’hui âgé de 94 ans, en tant qu’être humain. La question est de savoir ce que nous pouvons penser de lui en tant que chercheur en sciences sociales, philosophe et penseur critique. Ce qu’il pense a-t-il encore de l’importance pour le monde, si tant est que ça en ait jamais eu ? 

Le monde s’est posé des questions similaires au sujet d’un autre grand philosophe allemand, Martin Heidegger, à la lumière de ses affiliations pernicieuses avec le nazisme. À mon avis, nous devons maintenant poser de telles questions sur le sionisme violent de Habermas et les conséquences significatives sur ce que nous pourrions penser de l’ensemble de son projet philosophique.

Si Habermas n’a pas un iota d’espace dans son imagination morale pour des personnes telles que les Palestiniens, avons-nous une raison de considérer que l’ensemble de son projet philosophique est lié de quelque manière que ce soit au reste de l’humanité - au-delà de ses publics européens tribaux immédiats ? 

Dans une lettre ouverte à Habermas [voir ci-dessous], l’éminent sociologue iranien Asef Bayat a déclaré que celui-ci « contredit ses propres idées » en ce qui concerne la situation à Gaza. Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d’accord. Je pense que le mépris de Habermas pour la vie des Palestiniens est tout à fait cohérent avec son sionisme. Il est parfaitement cohérent avec la vision du monde selon laquelle les non-Européens ne sont pas complètement humains, ou sont des « animaux humains », comme l’a ouvertement déclaré le ministre israélien de la défense Yoav Gallant.

Ce mépris total pour les Palestiniens est profondément ancré dans l’imagination philosophique allemande et européenne. Il est communément admis que la culpabilité de l’Holocauste a poussé les Allemands à s’engager fermement en faveur d’Israël.

Mais pour le reste du monde, comme le montre le magnifique document que l’Afrique du Sud a présenté à la Cour internationale de justice, il y a une parfaite cohérence entre ce que l’Allemagne a fait à l’époque nazie et ce qu’elle fait aujourd’hui à l’époque sioniste.

Je pense que la position d’Habermas est conforme à la politique de l’État allemand, qui participe au massacre des Palestiniens par les sionistes. Elle est également conforme à ce qui passe pour être la « gauche allemande », avec sa haine tout aussi raciste, islamophobe et xénophobe, et son soutien total aux actions génocidaires de cette colonie de peuplement qu’est Israël.

Nous devons être pardonnés si nous pensons que l’Allemagne n’est pas coupable de l’Holocauste, mais qu’elle a la nostalgie du génocide, puisqu’elle a assisté avec complaisance au massacre des Palestiniens par Israël au cours du siècle dernier (et pas seulement au cours des 100 derniers jours).