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14/02/2025

DANIEL BERGNER
Les militants noirs et juifs aux USA ont été des alliés pendant des décennies. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La cause palestinienne a ravivé un partenariat forgé à l’époque de la lutte pour les droits civiques, tout en créant de nouvelles tensions.

Daniel Bergner, The New York Times, 18/1/2024
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala


Daniel Bergner (1960) est un collaborateur du du New York Times Magazine et l’auteur de 7 livres, dont le plus récent est “The Mind and the Moon: My Brother’s Story, the Science of Our Brains, and the Search for Our Psyches”.

Eva Borgwardt a embrassé la cause palestinienne pour la première fois l’été suivant sa sortie du lycée. C’est arrivé à cause de Michael Brown. C’était en août 2014, et à Ferguson, dans le Maryland, non loin du quartier aisé de sa famille à Saint-Louis, des manifestations éclataient après que Michael Brown eut été tué par un policier. À la maison, Borgwardt s’est souvent demandé qui elle aurait été à l’époque du mouvement pour les droits civiques. Aurait-elle vraiment défendu ce qui était juste ? Aujourd’hui, alors que les manifestations pour la justice raciale et contre les brutalités policières dominent l’actualité, sa mère, professeure d’histoire et spécialiste des droits humains, lui dit : « C’est un moment de ‘Où étais-tu dans l’histoire’ ».


Eva Borgwardt à Manhattan en décembre 2023 lors d’un événement appelant à un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Photo Jessica Dimmock pour le New York Times

Borgwardt s’est rendue aux manifestations avec une grande glacière et a distribué des bouteilles d’eau en marge de la manifestation. « J’étais une jeune fille blanche de 18 ans qui essayait de se rendre utile » Lorsque les manifestants défilaient, elle tirait sa glacière disgracieuse le long du défilé.

À Ferguson, jour après jour, Borgwardt a été confrontée pour la première fois au racisme systémique. « J’ai dû me rendre compte que dans ces manifestations, dans les rues, les policiers ne sont pas les gentils. Que les structures, comme la police, qui m’ont servi toute ma vie sont littéralement mortelles et conçues pour opprimer les gens qui vivent dans ma ville. Je n’avais jamais été confronté à ça auparavant ».

Lors des manifestations, elle a été confrontée à autre chose : le lien entre la lutte pour la justice raciale dans ce pays et le mouvement pour la libération de la Palestine. Il y avait des Palestiniens aux rassemblements, dont les banderoles proclamaient « Palestine Stands With Ferguson » et « Palestinian Lives Matter ». Sur Twitter, Borgwardt a vu que les Palestiniens tweetaient leur soutien à plus de 6 000 kilomètres de là, ainsi que des conseils sur la manière de faire face aux gaz lacrymogènes lancés par la police. Cet été-là, une attaque palestinienne meurtrière et les représailles de l’armée israélienne en Cisjordanie ont entraîné des semaines de guerre entre Israël et le Hamas à Gaza. « Soudain, se souvient Borgwardt, les parallèles m’ont paru évidents. Les Noirs usaméricains face à une police militarisée et les Palestiniens de Cisjordanie face à une armée chargée du maintien de l’ordre ».

Eva Borgwardt, qui est juive, a commencé à interpréter différemment le langage qu’elle a entendu lors des manifestations. « J’ai été socialisée à percevoir des phrases comme “Du fleuve à la mer” et “Palestine libre” comme menaçantes, comme signifiant “effacer les Juifs de la carte”, au lieu de parler de liberté et d’égalité ».

Mais alors qu’elle commençait à penser différemment, « la plupart des membres de ma communauté juive, même les juifs de ma congrégation qui sont allés aux manifestations », dit-elle, « paniquaient à propos de la solidarité avec la Palestine lors des manifestations ». À propos d’une banderole « Free Palestine », elle se souvient d’un commentaire d’un autre juif : « C’est une honte qu’elle soit là ».

Deux ans plus tard, alors qu’elle était étudiante à Stanford, cette tension est montée en flèche. Le Movement for Black Lives (Mouvement pour les vies noires), le consortium de groupes pour la justice raciale qui comprend Black Lives Matter, a publié une tribune déclarant qu’Israël était “un État d’apartheid” et que les USA étaient complices « du génocide perpétré contre le peuple palestinien ». Des dénonciations furieuses et des accusations d’antisémitisme sont venues de tout le monde juif. Borgwardt craignait que l’allégeance farouche des Juifs usaméricains à Israël ne les écarte facilement de l’action en faveur de la justice raciale.

Pendant et après ses études, elle a donc entrepris de persuader les jeunes juifs de voir réellement « l’oppression de l’occupation », les rapprochant ainsi de la façon dont les militants noirs ont tendance à considérer Israël et les Palestiniens. Dans les salles de réunion des universités et dans les centres communautaires, elle a mené des discussions informelles sur des articles concernant des villages palestiniens rasés par les forces israéliennes. Malgré le malaise institutionnel des juifs à l’égard du Mouvement pour les vies noires et de Black Lives Matter, elle a constaté que les juifs de son âge étaient « plus susceptibles de sympathiser avec la cause palestinienne sur la base de la politique de justice raciale menée dans leur pays ». Elle a mobilisé de jeunes Juifs pour faire pression sur la Fédération de la communauté juive et le Fonds de dotation de San Francisco afin qu’ils cessent de financer des groupes qui, selon des articles de presse, ont favorisé l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie. (La fédération dément ces informations).

Aujourd’hui, elle est d’autant plus passionnée. Borgwardt, de petite taille et aux cheveux noirs bouclés, est la porte-parole nationale d’IfNotNow, une organisation composée principalement de jeunes juifs à la pointe de l’activisme en faveur de la libération de la Palestine. À la mi-octobre, devant le nombre croissant de civils tués par les bombardements israéliens sur Gaza en réponse à l’attaque du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, qui a fait environ 1 200 morts, un nombre inconnu de viols [sic] et de mutilations [resic] et plus de 240 otages, IfNotNow est passé à l’action. L’organisation, ainsi que Jewish Voice for Peace, un groupe de progressistes juifs partageant les mêmes idées, a entraîné des milliers de personnes dans des rassemblements pro-palestiniens, bloquant les portes de la Maison Blanche et investissant la rotonde du Capitole, ce qui a donné lieu à des centaines d’arrestations. Tout au long de l’automne, dans la région de la baie, à Boston, à New York, à Chicago et à Los Angeles, IfNotNow a bloqué des ponts, organisé des sit-in aux heures de pointe sur les autoroutes et occupé des bâtiments gouvernementaux.

J’ai rencontré Eva Borgwardt à Washington au début du mois de novembre, lors de l’une des plus grandes manifestations pro-palestiniennes jamais organisées sur le sol usaméricain. Des cercueils factices, recouverts de drapeaux palestiniens, étaient alignés au pied d’une scène. Au-dessus des cercueils, une longue banderole rouge et noire exigeait : « Mettez fin au nettoyage ethnique de la Palestine financé par les USA ». La foule, qui comptait entre 100 000 et 300 000 personnes, scandait : «Five, six, seven, eight, Israel is a terrorist state” [ Cinq, six, sept, huit, Israël est un État terroriste].

Cette manifestation n’était pas organisée par IfNotNow, mais le groupe de Borgwardt a rassemblé un contingent assez important. Leurs pancartes se sont mélangées aux pancartes artisanales qui flottaient dans l’air : L’une d’entre elles, intitulée « Genocide Joe », fait référence au soutien apporté par le président Biden à Israël par le biais d’une aide militaire se chiffrant en milliards de dollars. « Cessez le feu maintenant », « Pas de paix sur une terre volée », « Les Juifs disent non au génocide ! », « Révolution Intifada ! »

« Près de 40 % des Juifs usaméricains de moins de 40 ans considèrent Israël comme un État d’apartheid », m’a dit Borgwardt, fière d’avoir contribué à amener les jeunes Juifs à cette conclusion. Cette statistique est issue d’un sondage réalisé en 2021 par l’Institut de l’électorat juif ; elle suppose que ce chiffre est en augmentation.

28/10/2023

New York, New York : si loin, si près de Gaza

Fausto Giudice, Basta!يكف,
28/10/2023

Deux événements presque simultanés ont eu lieu le vendredi 27 octobre à 800 mètres l’un de l’autre dans la ville de New York. Ils avaient un thème commun mais des approches diamétralement opposées : lune den haut, lautre den bas.

 


Premier événement : le vote d’une résolution non-contraignante proposée par les États arabes appelant à une “ trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue” entre Israël et le Hamas et demandant la fourniture “continue, suffisante et sans entrave” de matériel et de services de survie aux civils pris au piège dans l'enclave. Le lieu : la salle de l’Assemblée générale de l’ONU, dans le Palais de verre au bord de l’Hudson. Les acteurs : les délégations des 193 États membres. Résultat du vote : 120 votes en faveur, 45 abstentions et 14 votes contre. Les États européens étaient minoritaires parmi les votants favorables, puisque seuls 13 (Arménie, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Espagne, France, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monténégro,  Norvège, Portugal, Russie, Suisse) des 46 membres du Conseil de l’Europe ont voté la résolution, alors que 22 d’entre eux se sont abstenus, de l’Allemagne au Royaume-Uni. La liste des 14 délégations qui ont voté contre mérite d’être connue : Autriche, Croatie, Tchéquie, Fidji, Guatemala, Hongrie, Israël, Îles Marshall, Micronésie, Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Tonga, USA. Il y a longtemps que le ridicule ne tue plus. Les motivations des abstentionnistes étaient diverses, certains estimant que le texte ne condamnait pas clairement le Hamas, d’autre, comme la Tunisie, qu’il mettait sur le même les bourreaux (Israël) et les victimes (la Palestine).

Deuxième événement : pendant quelques heures, le hall de la gare ferroviaire Grand Central a été littéralement noir de monde, rempli qu’il était à craquer de New-Yorkais arborant tous un T-shirt noir [vendu au prix coûtant de 12,95$] portant deux inscriptions : « Des Juifs disent : cessez-le-feu maintenant » dans le dos et « Pas en notre nom » sur la poitrine. Des banderoles proclamaient le droit à la liberté et à la vie des Palestiniens. La majorité des manifestants étaient jeunes, blancs et en grande partie juifs, mais on voyait aussi des personnes du 2ème et du 3ème âge ainsi que des non-Blancs. La manifestation était organisée par une organisation relativement jeune, qui a connu un développement expansif considérable, Jewish Voice for Peace [Voix juive pour la Paix]. Ils se présentent comme « la plus grande organisation juive progressiste antisioniste au monde. Nous organisons un mouvement populaire, multiracial, interclassiste et intergénérationnel de juifs américains solidaires de la lutte pour la liberté des Palestiniens, guidés par une vision de justice, d'égalité et de dignité pour tous les peuples ». En somme, une réponse et une alternative aux multiple lobbys sionistes aux USA, dont le plus tonitruant est l’AIPAC [American Israel Public Affairs Committee]. La police new-yorkaise s’est comportée correctement, ne faisant usage ni de lacrymogènes ni de balles en caoutchouc, se contenant de menotter et d’embarquer poliment environ 200 manifestants. On n’avait quand même pas à faire à des sauvageons des ghettos noirs, n’est-ce pas ?

Que conclure de ces deux événements ?

Pour le premier : les résolutions non-contraignantes d’en haut ont en général le même effet que pisser dans un violon. Mais elles ont au moins l’intérêt de donner une idée de l’état des rapports entre les gouvernements représentés à l’ONU et l’opinion régnant dans leurs pays.

Pour le second : 3300 manifestants d’en bas [une estimation fondée sur la surface du hall central : 3300 m2] en majorité juifs manifestant pour le droit à la vie et à la liberté des Palestiniens dans une métropole comptant 1,6 million de Juifs, c’est une goutte d’eau dans un très grand bassin. Rien de comparable avec les 100 000 manifestants de Londres aujourd’hui. La diffusion sur les médias électroniques des vidéos de la manif touche et touchera des millions de personnes et en amènera (peut-être) certaines à réfléchir avant de continuer à gober les horreurs déversées par le Propagandaministerium mondialisé. (voir vidéos du sit-in)