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07/10/2025

The People Without a Map: Diaspora, Conscience, and Palestinian Recognition

Two years after the onset of the Gaza genocide, the State has vanished, but the people remain. Across the world, the Palestinian diaspora embodies a conscience that refuses erasure.

François Vadrot, Oct. 7, 2025                           


Silhouette of Gaza, void at the heart of a sky saturated with stars. Around the darkness, the light — that of the living dispersed.

On October 7, 2023, what was first presented as a new “war” between Israel and Hamas marked instead one of the most violent episodes in a process that began in 1947: the progressive destruction of the Palestinian people. Two years later, the military fiction has collapsed. It was not a war, but an annihilation.
And yet, beyond the ruins, Palestine endures through its diaspora — a people without a map, but not without memory. This recognition, the acknowledgment of the Palestinian People on the same moral level as the Jewish People, now defines the century’s deepest moral fault line.

Gaza, Destruction, and the Return of the Real

Two years after October 7, 2023, the truth can no longer be evaded: Gaza did not endure a war but a genocide. The report of the United Nations Independent International Commission of Inquiry, published on September 16, 2025, formally concludes that Israel has committed, and continues to commit, acts constituting genocide as defined by the 1948 Convention. The experts document, with evidence, the four legal criteria: “killing members of the group, causing serious bodily or mental harm, inflicting conditions of life calculated to bring about its destruction, imposing measures to prevent births,” with the intent to destroy, in whole or in part, the Palestinian people of Gaza.

The report dismantles the fiction of a “war”: these are not “disproportionate operations,” but a systematic campaign of destruction. Civilians were the target — bombings on evacuation zones, executions inside shelters, hospitals and schools razed, water and power infrastructures annihilated, the deliberate use of starvation as a weapon (the blockade of infant formula, fuel, and water). The report details the targeting of children — “including toddlers shot in the head and chest” —, the destruction of Gaza’s only in-vitro fertilization clinic, and the repeated use of sexual violence as a tool of domination. Even symbols of continuity — mosques, churches, cemeteries, universities — were deliberately obliterated.

The numbers defy language: over 50,000 dead, 83% civilians, 200,000 homes destroyed, and 1.5 million people displaced in a strip rendered uninhabitable. A military expert cited by the UN notes that Israel “dropped in one week more bombs than the United States did in an entire year in Afghanistan.” The report concludes: “There was no military necessity to justify this pattern of conduct. The people of Gaza, as a whole, were the target.”

What has been destroyed is not merely life, but the very condition of living. What collapses under the ruins is not a political entity — it is the possibility of inhabiting the world.
Yet precisely in this total negation appears the trace of survival: where the land is destroyed, memory expands.

A Global Diaspora, Mirror of Erasure

Le peuple sans carte : diaspora, conscience et reconnaissance palestinienne

Deux ans après le déclenchement du génocide à Gaza, l’État s’efface, mais le peuple demeure. Partout dans le monde, la diaspora palestinienne incarne une conscience qui refuse l’effacement.

François Vadrot, 7/10/2025 

Silhouette de Gaza, vide au cœur d’un ciel saturé d’étoiles. Autour du noir, la lumière : celle des vivants dispersés.

Le 7 octobre 2023, ce qui fut d’abord présenté comme une nouvelle « guerre » entre Israël et le Hamas marquait en réalité l’un des épisodes les plus violents d’un processus engagé depuis 1947 : celui de la destruction progressive du peuple palestinien. Deux ans plus tard, la fiction militaire s’est dissipée. Ce n’était pas une guerre, mais un anéantissement.

Et pourtant, au-delà des ruines, la Palestine demeure à travers sa diaspora : un peuple sans carte, mais non sans mémoire. C’est cette reconnaissance, celle du Peuple palestinien au même rang que le Peuple juif, qui dessine désormais la ligne de fracture morale du siècle.

Gaza, la destruction et le retour du réel

Deux ans après le 7 octobre 2023, la réalité ne peut plus être contournée : Gaza n’a pas connu une guerre, mais un génocide. Le rapport de la Commission internationale d’enquête indépendante des Nations unies, publié le 16 septembre 2025, conclut formellement qu’Israël a commis et continue de commettre des actes constitutifs de génocide au sens de la Convention de 1948. Les experts y documentent, preuves à l’appui, les quatre critères légaux : « tuer les membres du groupe, infliger des atteintes graves physiques ou mentales, infliger des conditions de vie destinées à entraîner sa destruction, empêcher les naissances », avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, le peuple palestinien de Gaza.

Le rapport balaie la fiction d’une « guerre » : il ne s’agit pas d’« opérations disproportionnées », mais d’une entreprise de destruction systématique. La population civile fut la cible : bombardements sur les zones d’évacuation, exécutions dans les abris, hôpitaux et écoles rasés, infrastructures hydrauliques et électriques anéanties, usage de la faim comme arme (blocus du lait pour nourrissons, coupures de carburant et d’eau). Le document détaille aussi le ciblage d’enfants (« y compris des tout-petits, atteints à la tête et à la poitrine »), la destruction du seul centre de fécondation in vitro et l’usage répété de la violence sexuelle comme instrument de domination. Même les symboles de continuité, mosquées, églises, cimetières, universités, ont été délibérément pulvérisés.

Les chiffres dépassent tout ce que le langage peut contenir : plus de 50 000 morts, dont 83 % de civils, 200 000 logements détruits, un million et demi de personnes déplacées dans une enclave rendue inhabitable. Un expert militaire cité par l’ONU note qu’Israël « a largué en une semaine plus de bombes que les États-Unis en une année en Afghanistan ». Le rapport conclut : « Il n’y avait aucune nécessité militaire pour justifier ce schéma de conduite. Le peuple de Gaza, dans son ensemble, était la cible. »

Ce n’est donc pas seulement la mort, mais la condition de vie elle-même qui a été détruite. Ce qui s’effondre sous les ruines n’est pas une entité politique : c’est la possibilité d’habiter le monde.

Mais c’est justement dans cette négation absolue qu’apparaît la trace d’une survie : là où la terre est détruite, la mémoire s’étend.

Une diaspora mondiale, miroir de l’effacement

Depuis la Nakba de 1948, la Palestine se disperse et se recompose dans l’exil. Sur près de quinze millions de Palestiniens, plus de la moitié vivent hors de la terre d’origine. Six millions sont enregistrés comme réfugiés auprès de l’UNRWA : un peuple déraciné dont la condition d’exilé est devenue héréditaire.

06/10/2025

TIGRILLO L. ANUDO
Les flottilles qui sont kidnappées chaque jour

Tigrillo L. Anudo, 6 octobre 2025
Traduit par Tlaxcala

Español English Italiano عربية

Le monde change peu. Les schémas historiques se répètent. Le passé n’est jamais parti. La chosification des êtres humains continue. La colonisation est toujours à l’ordre du jour. La piraterie en eaux internationales renaît avec d’autres acteurs (qui a finalement gardé les aides et les biens des passagers de la flottille humanitaire en route vers Gaza ?). On qualifie de “terroristes” ceux qui entreprennent des actions en faveur de la justice.


L’arraisonnement de la Global Sumud Flotilla, qui transportait une aide humanitaire au peuple martyrisé de Gaza, est ce qui se produit quotidiennement dans de nombreux pays. Cela se passe en ce moment même en Équateur, au Pérou, en Argentine, où les politiques néolibérales soumettent la population à la faim, au manque d’accès à la santé, à l’éducation, au logement, à l’emploi — à une mort lente.

La différence, c’est qu’il ne s’agit pas de flottilles naviguant sur la mer. Ce sont des flottilles d’investissements sociaux, kidnappées dans des congrès et assemblées ploutocratiques corrompues. Cette pratique du capitalisme global est plus visible dans une nation envahie, massacrée et humiliée par l’idéologie sioniste : conception d’un État suprémaciste menant un nettoyage ethnique contre ceux qu’il considère comme “inférieurs” et “terroristes”.

Dans les pays cités, ce sont les droits humains d’autres ethnies (indigènes, afrodescendants, paysans, ouvriers métis) sont séquestrés. Des régimes dictatoriaux et répressifs y opèrent. Ils ne tuent pas avec des bombardiers ou l’intelligence artificielle, mais par la négation de la dignité humaine — ignominie invisibilisée par les médias capitalistes et les systèmes éducatifs programmant des analphabètes politiques.

Tout est lié. Daniel Noboa (Équateur), Dina Boluarte (Pérou) et Javier Milei (Argentine) sont alliés du gouvernement sioniste de Netanyahou. De même, Donald Trump et plusieurs dirigeants européens font affaire avec le régime israélien et défendent. Bien que certains gouvernements d’Europe aient verbalement condamné les actions terroristes de l’État israélien (comme l’Italie ou l’Espagne), ils ont fini par baisser la tête face au génocide. Ils manquent de courage. Ils craignent de sortir du club des puissants complices du monde.

Le gouvernement des USA suit l’idéologie sioniste, c’est son modèle. C’est l’allié naturel de ceux qui incarnent le capitalisme 2.0 : usure, contrôle bancaire et financier, industries lucratives, production d’armes, surveillance, espionnage, exploitation accrue du travail. Le capitalisme 2.0 fait progresser la technologie, mais régresser l’humanité.

Israël enseigne aux USA comment faire des affaires, en l’associant à des projets hôteliers sur le territoire palestinien. Ni le droit international ni les droits humains ne freinent le taux de profit. L’élite politique mondiale reste permissive face au génocide de Gaza, par intérêt économique et diplomatique.

Même les romans dystopiques du XXe siècle n’avaient pas imaginé l’utopie négative actuelle : un petit pays, armé jusqu’aux dents et soutenu par l’empire usaméricain, défend son “droit” à commettre un génocide. Il considère même l’envoi d’eau, de nourriture, de médicaments à Gaza comme des actes “terroristes” financés par le Hamas. Il impose un blocus maritime depuis 17 ans, condamnant Gaza à la soif, à la faim, au manque de soins, violant le droit maritime international. Qui se soucie de la Palestine ?

Comment affronter le danger que représente le terrorisme d’État d’Israël ? Les marches et les flottilles humanitaires sont plus symboliques qu’efficaces. Cependant, elles sont précieuses et doivent continuer car elles rendent visible l’infâme offensive d’une machine qui tue enfants et femmes. Il existe aussi des campagnes de boycott contre les entreprises qui financent le terrorisme de l’armée sioniste. Leur portée est limitée, mais elles s’ajoutent au cri pour la paix. Le président Petro a proposé une Armée de Salut de l’Humanité, mais il n’y a pas eu de réponse opportune pour la concrétiser. Le président Trump a annoncé un “plan de paix” recolonisateur pour freiner la “guerre” (il ne dit pas “génocide”) et administrer avec Tony Blair (tueur d’Asiatiques) la bande de Gaza. Une tromperie et une moquerie envers le monde. Ils annulent l’autodétermination des peuples d’un trait de plume, ils décident pour la Palestine.

Tout indique que le désordre qui détruit le droit international ne pourra être compensé que par l’usage de la force par de nouveaux acteurs audacieux. Les Houthis du Yémen, un pays pauvre ravagé par la guerre, ont osé lancer des drones et missiles vers Israël ; ils le font par solidarité avec la Palestine, pour se faire entendre comme nation ignorée et frappée, pour des motifs historiques et religieux, pour la stratégie, le calcul politique, et parce qu’ils ont la dignité et le courage qui manquent aux nations riches. Ces actions, ainsi que les réponses avec missiles supersoniques de l’Iran qui ont mis en pièces le Dôme de fer d’Israël, encouragent d’autres pays à intervenir pour arrêter les massacres impunis commis quotidiennement par les militaires fanatiques dirigés par Netanyahu. Israël n’est pas si invulnérable ; cela a été démontré. Et un pays minuscule comme le Yémen comprend qu’il peut jouer un rôle en contrôlant la mer Rouge, par où navigue une grande partie des combustibles et marchandises du commerce international. Dans un monde où sont violées les règles de coexistence et de respect entre nations, on autorise la continuation de ces violations par d’autres intéressés. Israël risque d’être effacé de la carte pour son défi persistant à la paix et à la moralité internationales.

Ahmed Rahma, Türkiye

Si l’armée israélienne s’arroge le droit de kidnapper des bateaux dans les eaux internationales, elle valide le fait que les Houthis attaquent les navires transportant des armes, marchandises ou combustibles par le détroit de Bab el-Mandeb, l’entrée sud de la mer Rouge, par où transitent les navires chargés de pétrole qui approvisionnent non seulement Israël, mais aussi l’Europe et les USA. Les navires de ce dernier pays souffriront aussi. Les prix du pétrole peuvent augmenter. L’économie mondiale pourrait être affectée. La loi de la jungle s’étend sur la planète ; un avenir incertain pourrait marquer les relations internationales.

La dispute des marchés et des routes commerciales mondiales place dans un jeu d’échecs la Russie, la Chine, l’UEurope et les USA. Aucun d’entre eux ne se soucie du sort de la Palestine. Ils se préoccupent de la manière dont ils se positionnent face à leurs adversaires. Chaque fois qu’un nouveau front de guerre s’ouvre pour les USA, Russes et Chinois en profitent. Ils veulent que les USA s’épuisent en aidant leurs partenaires israéliens. Voilà pourquoi ours et dragons n’entrent pas énergiquement en scène pour défendre la Palestine. C’est ainsi que fonctionne l’économie politique. De petits pays comme le Yémen et le Liban (Hezbollah) font plus pour les Gazaouis que les grandes puissances. Les gouvernements arabes ne parviennent pas non plus à s’entendre sur la manière d’aider leurs frères palestiniens, ni sur la façon de faire face au défi sioniste.

Seuls les peuples sauvent les peuples. D’autres initiatives seront indispensables pour freiner le génocide. Il n’y a aucune puissance militaire qui sauve des vies à Gaza. Aucun gouvernement n’ose intercéder pour les Palestiniens massacrés. Aucun ne veut “avoir des problèmes”, chacun regarde son propre intérêt. Jusqu’à présent, seule l’Indonésie a proposé 20 000 soldats pour une improbable armée de salut. Personne ne croit aux armées de salut.

Gaza est seule. Ses habitants continuent de tomber sous les balles assassines de Netanyahou. Après Hiroshima et Nagasaki, le génocide palestinien est le plus grand échec de l’humanité.
La coupole sioniste est déterminée à exterminer les habitants de Gaza.
Elle le fait depuis 1947, lorsque ses alliés britanniques les ont placés délibérément sur le territoire palestinien.
Sa haine et sa peur (manque d’amour) l’ont amenée à considérer tous les Palestiniens comme des terroristes.
Elle dit la même chose de ceux qui tentent de leur apporter de l’aide.
Le fascisme est en train de régner, et nous ne nous en sommes pas rendu compte.

 

TIGRILLO L. ANUDO
The Flotillas That Are Kidnapped Every Day

Tigrillo L. Anudo, October 6, 2025
Translated by Tlaxcala

Español Français Italiano عربية

The world changes little. Historical patterns repeat themselves. The past never left. The objectification of human beings continues. Colonization is the order of the day. Piracy in international waters is revived with other actors (who finally kept the aid and belongings of the occupants of the humanitarian flotilla bound for Gaza?). Those who undertake actions in favor of justice are labeled “terrorists.”

The hijacking of the Global Sumud Flotilla, which was carrying humanitarian aid to the tormented people of Gaza, is what happens every day in many countries. It is happening right now in Ecuador, Peru, Argentina, where neoliberal policies subject the population to hunger, lack of healthcare, education, housing, employment — to a slow death.

The difference is that these are not flotillas traveling by sea. They are flotillas of social investment, which remain kidnapped in plutocratic and corrupt Congresses and Assemblies. The difference lies in the fact that this practice of global capitalism becomes more visible in a nation invaded, massacred, and humiliated by Zionist ideology, the conception of a supremacist State that carries out ethnic cleansing against those it considers “inferior” and “terrorists.”

In the countries mentioned, the human rights of other ethnic groups (indigenous peoples, Afro-descendants, peasants, mestizo workers) are kidnapped; repressive and anti-democratic dictatorial regimes operate there. They do not kill with bomber planes and artificial intelligence, but with the denial of human dignity — an ignominy made invisible by corporate media and educational apparatuses that program political illiterates.

Everything is interconnected. Daniel Noboa (President of Ecuador), Dina Boluarte (President of Peru), and Javier Milei (President of Argentina) are allies of the Zionist government of Netanyahu. Like them, Donald Trump (President of the United States) and other presidents of European nations have business interests and defend the Israeli regime. Although some European governments verbally rejected the terrorist actions of the Israeli State in Palestine (among them Italy and Spain), they ended up bowing their heads before the genocide. There is no integrity in their rejection. They are afraid to assume upright positions; they do not want to leave the Club of the world’s powerful accomplices.

The United States government follows Zionist ideology; it is its point of reference. It is the natural ally of those who embody the most characteristic features of capitalism 2.0: usury, control of banking and the financial system, management of the most lucrative industries, production of weapons and surveillance technologies, espionage services and techniques for combating “internal enemies,” developments in artificial intelligence that increase labor exploitation and unemployment. Capitalism 2.0 advances technology and diminishes humanity.

Israel teaches the United States how to do business, involving it as a partner in an ambitious hotel project on Palestinian territory. Neither International Law nor Human Rights stop the rate of profit. The elitist political world continues, for the most part, to be very permissive toward the genocide in Gaza. It suits them. Invisible threads of commercial and diplomatic interests predominate in the agenda of foreign policy. Political economy prevails, not ethics nor international solidarity.

Not even the dystopian novels of the 20th century foresaw the negative utopia the world lives in today. A small country with a powerful army, backed by the U.S. empire, “defends” its right to commit genocide. Furthermore, it considers the act of bringing food, water, medicine, and other humanitarian aid to a besieged people as terrorist acts financed by Hamas. It grants itself permission to impose a maritime blockade on the Gaza Strip (for 17 years), subjecting it to thirst, hunger, and lack of medicine. It also allows itself to violate the right to the sea by boarding vessels in international waters.
Who cares about Palestine?

How to confront the danger posed by Israel’s State terrorism? Marches and humanitarian flotillas are more symbolic than effective. However, they are valuable and must continue because they make visible the infamous offensive of a machine that kills children and women. There are also boycott campaigns against companies that finance the terrorism of the Zionist army. Their reach is limited, but they add to the cry for peace. President Petro proposed an Army of Salvation of Humanity, but there was no timely response to make it a reality. President Trump announced a recolonizing “Peace Plan” to stop the “war” (he does not say genocide) and administer the Gaza Strip with Tony Blair (killer of Asians). A deception and mockery of the world. They cancel the self-determination of peoples with a stroke of the pen; they decide for Palestine.

Ahmed Rahma, Türkiye

Everything indicates that the disorder that destroys International Law can only be compensated by the use of force by new and daring actors. The Houthis of Yemen, a poor country devastated by war, have dared to launch drones and missiles at Israel; they do so out of solidarity with Palestine, to make themselves felt as a neglected and beaten nation, for historical-religious motives, for strategy, political calculation, and because they have the dignity and courage that rich nations lack. These actions, along with the supersonic missile responses from Iran that shattered Israel’s Iron Dome, are encouraging other countries to intervene to stop the massacres committed daily with impunity by the fanatical soldiers led by Netanyahu. Israel is not so invulnerable; it has already been demonstrated. And a tiny country like Yemen understands that it can play a role by controlling the Red Sea, through which navigates a large part of the fuel and goods of international trade. In a world where the rules of coexistence and respect between nations are violated, the continuation of such violations by other interested parties is authorized. Israel is risking being erased from the map because of its persistent defiance of peace and international morality.

If the Israeli army arrogates to itself the right to kidnap ships in international waters, it is validating the Houthis attacking ships carrying weapons, goods, or fuel through the Bab el-Mandeb Strait, the southern entrance to the Red Sea, through which pass ships loaded with oil that supply not only Israel but also Europe and the United States. The ships of this last country will also suffer. Oil prices may rise. The world economy could be affected. The law of the jungle is expanding across the planet; an uncertain future could mark international relations.

The dispute over markets and global trade routes is a chessboard for Russia, China, Europe, and the United States. None of them cares about the fate of Palestine. They are concerned with how they position themselves against their rivals. Each time a new war front opens for the U.S., Russians and Chinese take advantage of it. They are interested in seeing the U.S. exhausted by helping its Israeli partners. Hence, bears and dragons do not enter energetically to defend Palestine. That is how political economy works. Small countries like Yemen and Lebanon (Hezbollah) do more for Gazans than the great powers. Arab governments also fail to agree on how to support their Palestinian brothers or how to confront the Zionist challenge.

Only the peoples save the peoples. Other initiatives will be indispensable to halt the genocide. There is no military power that saves lives in Gaza. No government dares to intercede for the massacred Palestinians. None wants to “get into trouble”; each one looks to its own interest. So far, only Indonesia has offered 20,000 soldiers for an improbable army of salvation. No one believes in armies of salvation.

Gaza is alone. Its inhabitants continue to fall under the murderous bullets of Netanyahu. After Hiroshima and Nagasaki, the Palestinian genocide is the greatest failure of humanity.
The Zionist leadership is determined to exterminate the people of Gaza. It has been doing so since 1947, when its British partners deliberately settled them in Palestinian territory.
Their hatred and fear (lack of love) have led them to consider all Palestinians as terrorists.
They say the same about those who try to bring them aid.
Fascism is reigning, and we have not realized it.

RICARDO MOHREZ MUVDI
Quand la cause palestinienne devient une affaire de convenance

Ricardo Mohrez Muvdi, 6 /10 /2025
Traducido por Tlaxcala

Ricardo Mohrez Muvdi est palestinien, né à Beit-Jala, en Palestine (1952). Réfugié en Colombie, il est administrateur d’entreprises et président de l’Union Palestinienne d’Amérique Latine (UPAL), créée en 2019 à San Salvador, au Salvador. Il est également président de la Fondation Culturelle Colombo-Palestinienne.

Beaucoup de palestino-descendants, enfants et petits-enfants de ceux qui ont été expulsés de leur terre natale par l’occupation, se proclament défenseurs de la cause palestinienne. Cependant, cette loyauté s’efface souvent lorsque la cause entre en conflit avec leurs intérêts personnels, économiques ou politiques. À ce moment-là, la mémoire historique devient un ornement que l’on exhibe quand ça arrange, mais que l’on range dans un tiroir lorsqu’elle dérange.


La différence avec les sionistes est abyssale. Le sioniste, sans se soucier du coût humain ou de la vérité historique, ne doute jamais de son soutien à l’État génocidaire d’Israël. Il le fait avec une cécité idéologique, une discipline et une cohérence qui frôlent la complicité. Pendant ce temps, certains descendants palestino-descendants préfèrent se taire, s’accommoder ou même justifier l’oppresseur lorsqu’ils sentent leurs positions de privilège menacées.

La cause palestinienne n’est pas un slogan pour les réseaux sociaux ni un symbole culturel vide que l’on arbore avec un keffieh pour une photo complaisante. La cause, c’est la résistance, la dignité, la justice et la mémoire d’un peuple toujours massacré, dépouillé et réduit au silence. Elle ne tolère ni doubles discours ni silences lâches.

Les sionistes ont compris que leur force réside dans l’unité sans faille, même si c’est une unité autour du crime. La Palestine, en revanche, a besoin que ses enfants et petits-enfants soient à la hauteur du sacrifice de leurs ancêtres. Il ne s’agit pas de vivre dans la nostalgie, mais de rester cohérents : être avec la Palestine, toujours, même si cela implique l’inconfort, la perte de contrats, d’amitiés ou de faveurs politiques.

La véritable loyauté ne se mesure pas lorsque soutenir la Palestine est facile, mais quand ça a un coût. Voilà la différence entre ceux qui font de la cause un drapeau de vie et ceux qui la réduisent à un accessoire éphémère.

Parce que la Palestine n’est ni une mode ni un souvenir : c’est une plaie ouverte qui nous appelle à la dignité et à l’action permanente.



25/09/2025

GERALDINA COLOTTI
Italie : la révolution bolivarienne et la Flottille de la liberté

Geraldina Colotti, Resumen Latinoamericano, 24/9/2025
Traduit par Tlaxcala

 


Dans le port d’Otrante, le drapeau vénézuélien flotte aux côtés des drapeaux palestiniens. Un jeune homme grimpe au mât du navire Ghassan Kanafani, dédié à l’un des écrivains palestiniens les plus importants du siècle dernier, journaliste et homme politique, assassiné à Beyrouth par une bombe placée dans sa voiture par le Mossad, le 8 juillet 1972. Il était une figure importante du Front populaire de libération de la Palestine. Aujourd’hui, le drapeau du Venezuela flotte au vent, aux côtés de celui de la Palestine. D’autres militants montent sur le pont, saluent le poing levé devant la caméra pour la campagne « Le Venezuela est un espoir, pas une menace », et crient à tue-tête : « Je m’engage avec Maduro, gringos go home ! » et « Palestine-Venezuela, un seul drapeau ».

Depuis la ville apulienne du Salento, située sur la côte adriatique et considérée comme le point le plus oriental de l’Italie, la Flottille de la liberté se prépare également à partir pour Gaza. « Il y a un équipage maritime, mais aussi un équipage terrestre, qui prépare le voyage et le suivra dans toutes ses phases », explique Schoukri Hroub, qui est ici le coordinateur logistique de l’Union démocratique arabe-palestinienne (UDAP).

La plupart des bateaux, réunis au sein de la Global Sumud Flotilla, ont pris la mer en direction de la ville martyre de Palestine, chargés d’aide humanitaire pour une population affamée et décimée par un génocide que personne ne parvient à arrêter. Global signifie que l’équipage provient de dizaines de pays, et « Sumud » est un mot arabe qui signifie « résilience » et « persévérance inébranlable », pour indiquer la détermination des militants à ne pas se laisser intimider par les menaces du criminel Netanyahou : menaces qui sont toutefois prises au sérieux, compte tenu de la liberté d’action que lui ont laissée ses maîtres occidentaux, en lui permettant d’étendre et de multiplier une occupation à des fins évidentes d’épuration ethnique et d’extermination, qui a maintenant atteint son paroxysme.

La « Sumud » a déjà reçu plus d’un drone d’avertissement et, au moment où nous écrivons ces lignes, il a de nouveau été attaqué. Certains députés de la gauche institutionnelle ont symboliquement occupé la salle du Parlement italieb pour demander au gouvernement d’extrême droite, grand sponsor du régime sioniste, de garantir la sécurité de la flottille sur laquelle des députés ont également embarqué.

Le ministre italien de la Défense a assuré avoir envoyé un navire de sauvetage, mais les conditions obligent les militants à abandonner l’aide à d’autres mains. Netanyahou avait déjà demandé aux navigants de remettre l’aide aux mains sanglantes de ses forces armées qui, a-t-il déclaré sans la moindre honte, la remettraient certainement aux Palestiniens. Proposition rejetée par les militants, unis dans cette affaire malgré la diversité de leurs appartenances.




Compte tenu de la situation, l’ambiance est également joyeuse, mais concentrée, dans le port d’Otrante. La Flottille de la liberté a déjà fait ses preuves sur le plan politique en tentant de briser le blocus naval de Gaza. Schoukri se souvient du prix payé le 31 mai 2010. À l’époque, les forces spéciales sionistes avaient attaqué le navire turc Mavi Marmara, qui faisait partie du convoi, dans les eaux internationales. L’opération, qui s’était déroulée à environ 120 km des côtes israéliennes, avait causé la mort de neuf militants et fait des dizaines de blessés, provoquant une vive réaction internationale et entraînant une crise diplomatique entre la Turquie et Israël.

À Otrante, la Flottille de la liberté bénéficie du soutien des différentes composantes territoriales, ainsi que des autorités ecclésiastiques et politiques, qui ont participé aux journées de rencontres, d’information et de débats en préparation du départ, avec des attitudes plus nuancées et des accents humanitaires.

« Nous avons une attitude inclusive et ouverte, la lutte doit s’intensifier car ce combat est mondial et concerne l’humanité tout entière, mais il n’y a aucune ambiguïté sur la nature du génocide et sur le modèle capitaliste qui le détermine dans sa férocité coloniale », déclare Boris Tremolizzo, l’un des coordinateurs.

C’est pourquoi, dans les deux débats centraux, le comité organisateur s’est efforcé d’inviter, outre les personnes qui luttent pour la défense du territoire – paysans, pêcheurs, précaires, étudiants, ouvriers, féministes et écologistes – également des représentants de Cuba et du Nicaragua (alors occupés à d’autres activités), et surtout du Venezuela, attaqué par l’impérialisme usaméricain, qui a envoyé sur les côtes des Caraïbes une flotte opposée à celle de la flottille de la paix, qui dénonce le génocide de Gaza.

Au nom de l’ambassadrice Marilyn Di Luca, Estalina Báez, première secrétaire de la mission diplomatique vénézuélienne auprès de la FAO, a participé aux deux débats – « La faim comme arme de guerre et outil de domination » et « De la Palestine au Venezuela en passant par l’Afrique, la guerre de l’impérialisme ne s’arrête pas » – et a reçu un accueil très favorable.

En compagnie de plusieurs médecins palestiniens, connectés à distance, Estalina a présenté avec précision les données, les initiatives et les dénonciations internationales présentées par le Venezuela pour accompagner les actions de paix entreprises par le président Maduro et le gouvernement bolivarien face à l’agression impérialiste de Donald Trump et Marco Rubio.

Elle a montré l’adhésion populaire résolue à la défense de la souveraineté du Venezuela, qui a impliqué tous les secteurs sociaux : des pêcheurs aux paysans, des ouvriers aux jeunes, avec les femmes productrices toujours en première ligne. Des personnes qui voient leur propre survie et leur travail menacés, comme cela a été le cas pour les pêcheurs, pris pour cible par les navires de guerre sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue.

Trump, a-t-elle déclaré, bombarde les bateaux de pêche sans avertissement, ce qui fait que beaucoup ont peur de prendre la mer, ce qui compromet leurs activités de pêche habituelles, leur économie, et pourrait même menacer la souveraineté alimentaire du pays, en les empêchant de se procurer de la nourriture. Une fois de plus, a-t-elle ajouté, l’impérialisme utilise à nouveau l’alimentation comme une arme de guerre contre la révolution bolivarienne.

Le même mécanisme criminel est à l’œuvre contre la population de Gaza, à qui l’occupant empêche de se procurer de la nourriture sur ses propres côtes, en les prenant pour cible avec ses fusils. Que dirait, a-t-elle demandé à l’assistance, un pêcheur de ces côtes en signe de solidarité avec les pêcheurs vénézuéliens, attaqués comme ceux de Gaza ? Depuis le public, les comités territoriaux ont répondu sans hésiter : « Gringos go home ! » Et, dans la soirée, lors d’une réunion de paysans et d’écologistes avec la représentante diplomatique vénézuélienne, ils se sont déclarés prêts à impliquer dans cette lutte les pêcheurs des autres côtes et à organiser des jumelages avec les communes et les pêcheurs vénézuéliens.

« Nous défendrons toujours la souveraineté du Venezuela », a répété Schoukri Hroub, rappelant que la liberté de la Palestine a toujours été présente et la solidarité toujours active, tant au niveau international que populaire, de Chávez à Maduro.

Le Venezuela est un espoir, pas une menace. Mais pour l’impérialisme usaméricain et les gouvernements européens hypocrites qui le soutiennent, la véritable menace est celle de l’exemple, qui doit être enterré sous un voile de mensonges avec la complicité des médias hégémoniques qui ont cautionné les fausses informations du prétendu Cartel des Soleils, initialement pour calomnier le capitaine Diosdado Cabello, puis le président Maduro.

La menace que représente le socialisme bolivarien est celle d’avoir lancé un modèle alternatif au capitalisme dominant grâce auquel le Venezuela avait réussi à atteindre les premiers objectifs du millénaire de la FAO en deux fois moins de temps, et c’est pourquoi on a tenté de le bloquer et de l’étouffer par tous les moyens.

C’est pourquoi, comme à Gaza, l’impérialisme utilise la faim et l’alimentation comme arme de guerre. Mais sans succès, car, tout comme en Palestine, malgré les agressions et les « sanctions », le Venezuela a toujours répondu avec créativité, à commencer par la création des Clap, les comités locaux d’approvisionnement et de production, qui sont également des instruments d’auto-organisation sociale.

Aujourd’hui, le pays produit 90 % de ce qu’il consomme, et les données sur la croissance économique, illustrées ces derniers jours par la vice-présidente exécutive, Delcy Rodríguez, sont encore plus prometteuses. Une offense insupportable pour un impérialisme qui bafoue le droit international, comme nous le voyons avec le génocide en Palestine, mais qui a ainsi éveillé la conscience des peuples.



 


13/08/2025

LYNA AL TABAL
Anas Al-Sharif : la couverture continue

 Lyna Al-TabalRai Al Youm, 12/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Chers lecteurs, vous n’êtes donc pas encore fatigués de ces vieux mensonges sur la mer qui protégerait la ville ? Allons… la mer ne protège personne. Elle n’a ni parti, ni camp, ni mémoire. Elle n’est que de l’eau, vouée à s’évaporer, et ses vagues ne sont rien d’autre qu’un balancement physique dénué de sens. Gaza, noyée dans son sel, dans son sang, c’est pas une légende… Gaza, c’est du vrai, du dur, une réalité qui fait mal.

Enterrement de l'équipe d'Al Jazeera assassinée. Photo Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

C’est de là qu’il est sorti, Anas al-Sharif. Qui a dit que c’était le héros d’une vieille histoire ? Non… C’était un jeune homme du camp de Jabaliya, il filmait le réel, rien que ça. C’est la seule histoire qui compte. Anas, pas un héros des contes, mais le type qui fabrique une nouvelle légende : celle de la vérité.
Le voilà, Anas, venu de là-bas, l’armure sur le dos, avec marqué dessus : « PRESS » Une armure en tissu épais, dessous des plaques serrées, compressées… une amulette moderne, en kevlar, en céramique… censée tenir les balles à distance. Mais, comme toutes les amulettes de cette époque pourrie, ça sert à rien… quand c’est Israël qui tire. Anas… comme Ismaël… comme Shireen .. Hamza, Abdel Hadi, Salam, Hani, Mohammed, Ahmed, Majid, Shimaa, Ola, Duaa, Hanan, Samer... comme des centaines d'autres journalistes pris pour cible par Israël, a été témoins de ses crimes et de ceux de son armée qui se discrédite chaque jour en tuant les témoins.

Israël, l'État qui se vend au monde comme un havre de démocratie, bat un nouveau record au Guinness des records de la mort...

Imaginez-vous qu'en moins de deux ans, Israël a tué à Gaza plus de journalistes que toutes les guerres entre 1861 et 2025 ? Pouvez-vous accepter ce chiffre ? Cette période comprend la guerre civile américaine, la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, la guerre du Cambodge et la guerre du Laos... Ajoutez à cela les guerres de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et du Kosovo, la guerre d'Afghanistan, la guerre d'Irak et la guerre en Ukraine...

Hier, c'était le tour d'Anas... Anas al-Sharif est tombé en martyr... C'est la phrase habituelle, le slogan que nous répétons pour tenir le coup. Car ici, à Gaza, la mort est une routine quotidienne, comme le pain, ou plutôt comme l'absence de pain. C'est comme la faim, comme la peur, comme la couleur sombre du sang lorsqu'il se mélange à la cendre. Tout ce qui est mauvais ici se répète... Tout ce qui est mauvais se répète sans cesse, sauf le sourire d'Abou Mazen, qui s'élargit à mesure que le siège sur Gaza se resserre.

De loin, Gaza ressemble à un tableau aux couleurs cendrées, ses rues sont des trous noirs sans début ni fin, et le vent transporte une odeur de poudre mêlée à un peu de sel marin... Un mélange que connaissent bien les Gazaouis, mais aussi les pilotes israéliens... qui reviennent bombarder.

Ici, à Gaza, la parole est interdite, la nourriture aussi... La liberté d'expression pour les Israéliens signifie la liberté de tuer tous ceux qui parlent. Israël ne parle pas de déontologie, il ne connaît qu'un seul métier : l'occupation... et le meurtre. Israël tue les journalistes parce qu'il a peur de ce que la caméra montre : des cadavres d'enfants, des visages de mères, des yeux qui disent au monde : « Regardez, c'est un génocide ». Israël tue les journalistes parce qu'il sait que l'histoire sera écrite à travers leurs objectifs et que les procès seront documentés par leurs photos.

Finalement, Anas al-Sharif a été tué et enterré. C'est désormais une image gravée dans la mémoire de Gaza : un corps recouvert d'un linceul blanc, des mains qui le soulèvent rapidement avant que le prochain raid ne commence, une caméra silencieuse qui accompagne le corps, son objectif toujours ouvert, témoin de la mort de son propriétaire comme elle a été témoin de sa vie... Mais désormais, elle ne filme plus rien. Sans image ni son, mais #la_couverture_continue, comme tu l'as demandé, Anas... La vérité ne meurt pas, elle passe d'un objectif à l'autre, d'un collègue à l'autre, d'un martyr à un encore vivant en direct... Et nous sommes tous des martyrs qui attendons notre tour sur la route de Jérusalem.

À cette heure même, les fonctionnaires de l'ONU se disputent la formulation d'une déclaration exprimant leur profonde inquiétude. Certains pleureront, d'autres feindront d'être émus, puis ils retourneront boire leur café infect dans leurs bureaux climatisés.

Netanyahou, noyé jusqu'aux oreilles dans les dossiers de corruption et les rêves de grandeur, sait que l'image transmise par Anas est plus dangereuse que n'importe quel missile, plus dangereuse que mille déclarations des Nations unies. La caméra était la dernière arme dont disposait Anas face au monde, quelque chose que le dôme de fer ne pouvait arrêter. Il tirait avec son appareil photo comme un combattant tire un missile Yassin, des images et des vidéos que ni la fronde de David ni les Patriot ne pouvaient intercepter.

Netanyahou s'est tenu debout, avec un sourire à moitié déformé, pour déclarer qu'Israël combattait le terrorisme. Le monde écoutait en silence, comme toujours. Mais Anas savait que la fin allait venir, et il savait peut-être aussi que le monde allait faire la risette à Israël quelques heures après son martyre. Il savait qu'après sa mort, rien ne changerait. Le blocus resterait un blocus, et les Palestiniens resteraient en vie, juste assez pour mourir le lendemain.


Anas avec Sham et Salah

Savez-vous qu'Anas avait appelé sa fille « Sham* » pour dire que la Palestine ne connaît pas de frontières ? Il l'avait fait pour dire au monde : la Palestine ne se résume pas à une ligne de cessez-le-feu, ni à un mur de séparation, ni à une carte sur laquelle s'amusent des politiciens obsédés. La Palestine est contre toute occupation et contre toute violation du droit de l'homme à être libre. La patrie est plus grande que Gaza, et la blessure arabe est unique, à Khartoum assiégée, à Beyrouth détruite, à Bagdad sinistrée, à Damas survolée par les avions ennemis qui bombardent et repartent... Partout où il y avait de la douleur, il y avait la Palestine.

Non, mon ami, nous n'avons pas besoin d'un miracle. Les miracles n'existent plus, et s'ils existent, ils sont ennuyeux. Nous avons besoin d'autre chose, de beaucoup moins romantique, de beaucoup plus cruel : du temps, par exemple... ou peut-être l'effondrement complet du système mondial. En réalité, les héros de Gaza sont le miracle qui n'étonne personne, car le monde s'est habitué à les voir mourir.

Nous avons besoin d'un droit international qui poursuive Israël et lui impose des sanctions, et d'un monde qui cesse de jouer les sympathisants. Ce que nous voulons, c'est que le monde cesse de se mentir à lui-même... même si ce n'est qu'une courte pause avant le prochain mensonge. Y a-t-il une trêve dans les mensonges ?

Au final, la mer restera, la ville restera, mais les visages disparaîtront. C'est toujours ainsi que les choses se passent. La mer est témoin de la mort de ceux qu'elle ne peut sauver, et la ville s'effondrera encore, encore et encore. Tout reviendra comme avant, car le temps à Gaza tourne en rond et n'avance pas... Ici, le temps se répète sans pitié.

Mais ce n'est pas si mythique que ça. La survie de Gaza n'est pas un miracle, c'est simplement une réalité dérangeante. Et la vérité, c'est que la survie de Gaza est une victoire en soi. Gaza vaincra parce qu'il y a des choses qui ne peuvent pas être tuées.

Vous entendez ?

Des choses qui ne peuvent pas être tuées...

Il y a des choses plus simples et plus décourageantes : comme la vérité, comme la mer qui, contrairement à la plupart des politiciens de la région, comprend que la prochaine vague sera inévitablement plus grande que la précédente.

Oui, la mer de Gaza qui, malgré votre silence et votre complicité, continue d'envoyer des vagues plus grandes que les précédentes, signe évident que cette fin est le début de Gaza et votre fin.

NdT

*Sham : Bilad al-Sham, le pays “à main gauche” (depuis le Hijaz) par opposition au Yemen, le pays “à main droite”, désignait traditionnellement la “Grande Syrie“, englobant la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie d’aujourd’hui.

12/08/2025

LYNA AL-TABAL
Anas Al-Sharif: media coverage goes on

Lyna Al-Tabal, Rai Al Youm, Aug. 12, 2025

Translated by Tlaxcala

Dear readers, aren't you tired of these old lies about the sea protecting the city? Let's not be naive. The sea protects no one, the sea knows nothing of politics, the sea is just water, destined to evaporate, and the waves are nothing but meaningless physical movements. Gaza, drenched in salt and blood, is not a myth... Gaza is a painful reality.


Mourners march with the bodies of journalists who were killed in an overnight Israeli strike on their tent outside a hospital in Gaza City. Photograph: Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

From there emerged Anas al-Sharif. Who said he was a hero in an old story? He was a young man from the Jabaliya camp who photographed the truth. This is the only story. Anas is not a legendary hero, but he is the creator of a new legend: the legend of truth.

Here comes Anas, wearing a vest with “PRESS” written on it, a heavy cloth vest that hides compressed panels, a modern talisman made of Kevlar and ceramic, trying to protect his body from bullets... But like all talismans of this gloomy era, it is useless when Israel is the one firing the shots. Anas, like Ismail, Shireen, Hamza, Abdulhadi, Salam, Hani, Muhammad, Ahmed, Majid, Shimaa, Ola, Duaa, Hanan, Samer... like hundreds of other journalists targeted by Israel, they witnessed its crimes and the crimes of its army, which defeats itself every day by killing witnesses.

Israel, the state that sells itself to the world as an oasis of democracy, is setting a new Guinness World Record for death...

Can you imagine that in less than two years, Israel has killed more journalists in Gaza than were killed in all the wars between 1861 and 2025? Can you comprehend that number? This period includes the USAmerican Civil War, World War I, World War II, the Korean War, the Vietnam War, Cambodia, and Laos... Add to that the wars in Bosnia and Herzegovina, Croatia, Kosovo, Afghanistan, Iraq, and Ukraine...

Yesterday, it was Anas's turn... Anas al-Sharif was martyred... martyred... martyred on the road to Jerusalem. It is the usual phrase, the slogan we repeat to endure. Because death here, in Gaza, is a daily routine like bread, or rather, like the absence of bread. It is like hunger, like fear, like the dark color of blood when mixed with ash. Everything bad here repeats itself... Everything bad repeats itself without stopping, except for Abu Mazen's smile, which widens as the siege on Gaza tightens.

From a distance, Gaza looks like a painting in shades of gray, its streets black holes with no beginning and no end, and the wind carries the smell of gunpowder mixed with a little sea salt... a mixture familiar to Gazans, and familiar to Israeli pilots... who return to bomb again.

Here in Gaza, words are forbidden, and food is also forbidden... Freedom of expression for Israelis means the freedom to kill anyone who speaks out. Israel does not talk about professional ethics, because it knows only one profession: occupation... and killing. Israel kills journalists because it fears what the camera reflects: the bodies of children, the faces of mothers, and eyes that say to the world, “Look, this is genocide.” Israel kills journalists because it knows that history will be written through their lenses and that trials will document their images.

In the end, Anas al-Sharif was martyred and buried. It is now a scene etched in Gaza's memory: a body covered with a white shroud, hands quickly lifting it before the next raid begins, a silent camera accompanying the body, its lens still open, witnessing the death of its owner as it witnessed his life... but now it is not filming anything. No sound, no image, but #coverage_continues, as you instructed, Anas... The truth does not die, it moves from one lens to another, from one colleague to another, from one martyr to another still alive... And we are all martyrs waiting for our turn on the road to Jerusalem.

At this very moment, UN officials are arguing over the wording of a statement of deep concern. Some will cry, others will pretend to be moved, and then they will go back to drinking bitter coffee in their air-conditioned offices.

Netanyahu, mired in corruption and dreams of grandeur, knows that the image Anas conveyed is more dangerous than any missile, more dangerous than a thousand UN statements. The camera was the last thing Anas had against the world, something the iron dome could not stop.

He fired his camera like a fighter fires a Yassin missile, a camera and broadcasts and images that neither David's slingshot nor Patriot missiles could intercept. Netanyahu stood with a half-crooked smile to declare that Israel was fighting terrorism.

The world listened in silence, as it always does. But Anas knew that the end would come, and perhaps he also knew that the world would smile at Israel hours after his martyrdom. He knew that after his death, nothing would change. The siege would remain a siege, and the Palestinians would remain alive enough to die tomorrow.


Anas with Sham and Salah

Did you know that Anas named his daughter “Sham”* to say that Palestine knows no borders? He did so to tell the world: Palestine cannot be reduced to a ceasefire line, a separation wall, or a map tampered with by obsessed politicians. Palestine is against all occupation and against all violations of the human right to be free. The homeland is bigger than Gaza, and the Arab wound is one, in besieged Khartoum, in destroyed Beirut, in devastated Baghdad, in Damascus, over which enemy planes fly, bomb and return... Everywhere there was pain, there was Palestine.

No, my friend, we do not need a miracle. Miracles no longer exist, and if they do, they are boring. We need something else, something much less romantic and much more brutal: extra time, for example... or perhaps the complete collapse of the world order. The truth is that the heroes of Gaza are a miracle that surprises no one, because the world is used to seeing them die.

We need international law to prosecute Israel and impose sanctions on it, and we need a world that stops playing the role of sympathizer. What we want is for the world to stop lying to itself... even if it is only a short respite before the next lie. Is there a truce for lying?

In the end, the sea will remain, and the city will remain, but the faces will disappear. That's how things always go. The sea bears witness to the death of those who cannot be saved, and the city will collapse again, and again, and again. Everything will return to the way it was, because time in Gaza revolves and does not move forward... Time here repeats itself mercilessly.

But it's not that mythical. Gaza's survival is not a miracle, it's simply an uncomfortable truth. And the truth is that Gaza's survival is a victory in itself. Gaza will prevail because there are things that cannot be killed.

Did you hear that?

Things that cannot be killed...

There are simpler and more frustrating things: like the truth, and like the sea, which, unlike most of the region's politicians, understands that the next wave will inevitably be bigger than the last.

Yes, the sea of Gaza, which, despite your silence and complicity, continues to send waves bigger than the last, as a clear sign that this end is the beginning of Gaza and the end of you.

 

Translator's note
Sham: Bilad al-Sham, the “left-hand” country (seen from the Hijaz) as opposed to Yemen, the “right-hand” country, traditionally referred to
“Greater Syria,” encompassing today’s Syria, Lebanon, Palestine, and Jordan.

06/06/2025

“Je suis à peine de retour que me submerge déjà la tragédie de ce territoire assiégé” : l’historien Jean-Pierre Filiu raconte son séjour à Gaza

 Dans son livre « Un historien à Gaza », paru le 28 mai aux Arènes (224 pages, 19 euros), Jean-Pierre Filiu évoque son voyage de trente-deux jours, du 19 décembre 2024 au 21 janvier 2025, au sein du territoire palestinien. Un témoignage rare, dont « Le Monde » publie des extraits en avant-première.

[« Rien ne me préparait à ce que j’ai vu et vécu à Gaza. Rien de rien. De rien. » Ainsi débute l’ouvrage de l’historien Jean-Pierre Filiu, récit des semaines passées dans la bande de Gaza au sein d’une équipe de Médecins sans frontières, en partie cantonnée à la « zone humanitaire » dans le centre et le sud de l’enclave, entre décembre 2024 et janvier 2025. Ce spécialiste du Proche-Orient se rend régulièrement à Gaza depuis les années 1980. En complément de son témoignage direct des ravages et des souffrances causés par la guerre déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, il propose une mise en perspective historique du conflit entre Israël et ce territoire occupé ou sous blocus depuis sa conquête en 1967. Un récit d’autant plus nécessaire que les autorités israéliennes interdisent à la presse étrangère l’accès à l’enclave. Qu’il s’achève sur les images de liesse lors de la trêve déclarée le 19 janvier rend plus déchirants les espoirs de paix, rompus par le blocus humanitaire décidé par l’Etat hébreu le 2 mars et la reprise des bombardements israéliens le 18 mars.]

Le choc

Redécouvrir Gaza dans la nuit de la guerre est déjà troublant. Mais ce sont des zones ravagées qui émergent de l’ombre à mesure de l’avancée du convoi [des humanitaires, coordonné avec l’armée israélienne]. Un paysage dantesque dont seuls se distinguent des éclats vite engloutis par l’épaisse noirceur. Une litanie de ruines plus ou moins amassées, plus ou moins effondrées qui défilent sans trêve jusqu’à acquérir la consistance d’une séquence continue d’épouvante. Ici c’est un pylône abattu aux branches tordues, là c’est une maison éventrée, plus loin un immeuble écroulé. Le convoi progresse à l’allure la plus vive que lui permet la chaussée défoncée. (…) Les radios crépitent de Jeep à Jeep des messages rassurants. Jusqu’ici tout va bien, relaient-ils en écho. L’invisible ligne de front a été franchie, affirment-ils. La zone d’attaque des pillards [qui s’en prennent régulièrement aux convois d’aide] est elle aussi bientôt dépassée, constatent-ils, sans masquer leur soulagement.

Il est près de minuit quand j’entends des témoignages poignants de la tragédie en cours à Beit Lahya, tout au nord de l’enclave, pratiquement coupée du monde depuis le début du mois d’octobre 2024. L’expression de nettoyage ethnique ne semble pas excessive pour qualifier l’expulsion méthodique de la population, la destruction tout aussi méthodique des bâtiments et le ciblage des derniers lieux de vie organisés que sont les hôpitaux. Je suis à peine de retour dans la bande de Gaza que me submerge déjà la tragédie de ce territoire assiégé.

Le ciel est couvert le lendemain matin, avec des averses intermittentes, tandis que je repars vers Khan Younès, cette fois par la route côtière. De part et d’autre, les tentes se succèdent sur des kilomètres, certains déplacés ayant planté leurs abris de fortune sur la plage, bravant les bourrasques et les rouleaux. Des enseignes surnagent, annonçant un salon de coiffure, une cafétéria ou une boutique aux noms d’autant plus alléchants qu’ils ne masquent que le manque. (…)

Dès le premier contact, les souvenirs de tant d’épreuves endurées débordent, dominés par l’invocation du foyer perdu, là-bas, ailleurs, dans les zones de combat et d’occupation, au nord, au centre, au sud, jusqu’à se retrouver parqués dans ce qui n’était auparavant qu’un immense terrain vague. On me raconte les morts, les disparus, les dépouilles toujours ensevelies sous les décombres, les fuites affolées, la peur au ventre, en serrant contre soi les enfants, les déplacements une fois, deux fois, dix fois, la douleur et la perte, le deuil et l’horreur. J’avais compris depuis longtemps que la Gaza que j’avais connue et arpentée n’existait plus. Maintenant je le sais. Et il me reste un mois pour appréhender une réalité aussi poignante.

En cette fin de 2024, les évaluations par l’ONU de la catastrophe humanitaire donnent le tournis : 87 % des bâtiments d’habitation (soit 411 000) ont été détruits totalement (141 000), sévèrement ou partiellement (270 000). Plus de 80 % des commerces et deux tiers du réseau routier sont hors d’usage. 1,9 million de femmes, d’hommes et d’enfants ont dû fuir d’une à dix fois, une enquête menée auprès des 800 employés locaux de MSF livrant une moyenne de cinq déplacements consécutifs.

Mais, derrière les données patiemment collectées par les organisations humanitaires, il y a la réalité des décharges à ciel ouvert où grouillent des enfants nu-pieds. Il y a les tentes de plastique qui vacillent sous le vent et la pluie, avec un simple balai pour soutenir l’ersatz de plafond et écluser les fuites à répétition. Il y a les trous creusés dans le sable en guise de sanitaires, avec une sommaire cloison de bâches pour préserver une illusion d’intimité. Il y a les puits domestiques forés à l’arrache au coin de la tente. Il y a la puanteur des cloaques de boue stagnante que l’humidité persistante interdit d’assécher.

[Le jour de Noël,] je pénètre dans Khan Younès en passant entre l’hôpital de campagne jordanien et un cimetière ouvert à tout vent. (…) Encore un virage, et un panorama s’offre à moi de ce qui fut Khan Younès. Et là, je chavire à la recherche de repères aujourd’hui pulvérisés, vacillant entre les cratères béants et les amoncellements de décombres. J’ai beau avoir fréquenté par le passé quelques théâtres de guerre, de l’Ukraine à l’Afghanistan, en passant par la Syrie, l’Irak et la Somalie, je n’ai jamais, au grand jamais, rien expérimenté de similaire. (…) Et je comprends mieux pourquoi Israël interdit à la presse internationale l’accès à une scène aussi bouleversante.

Alors je préfère me raccrocher aux éclats de vie qui surnagent d’un tel naufrage. Des fillettes, cartable au dos, surgissent du fond d’une venelle, où elles restent scolarisées dans un établissement soutenu par le sultanat d’Oman. Un rescapé, la tente fichée au milieu des gravats, préserve la décence de son abri en vidant un seau de déchets sur le seuil de sa « porte ». Une famille a trouvé refuge à l’étage d’un immeuble défiguré, avec son linge qui sèche sur un balcon branlant. Des tentes jettent des taches de couleur verte, bleue et rouge dans cet environnement de cendre. (…) Et si l’hôpital Dar Essalam, la « maison de la paix », se dresse encore de toute sa hauteur, il ne subsiste de lui qu’une carcasse vide et ravagée, calcinée de l’intérieur. Ci-gît la ville de Khan Younès en ce jour de Noël.

La survie

[Après de fortes pluies,] il faut ferrailler sur tous les fronts, rafistoler les toiles des tentes, combler les fuites généralisées, réparer les poteaux sur lesquels reposent les fragiles demeures. Les hommes taisent leur fatigue et leur peine, mais une vénérable grand-mère, grelottant dans un châle usé, prend le ciel à témoin qu’elle n’a « jamais eu aussi froid, jamais eu aussi faim ». Une femme, trempée de la tête aux pieds, pleure sur ses matelas gorgés d’eau et jure qu’elle est prête à ne plus rien manger : « Nous ne voulons plus de nourriture, nous voulons juste être au sec. » (…)

Pendant que l’eau du ciel dévaste à l’aveugle, il faut quand même recueillir l’eau potable de la consommation quotidienne. On se presse autour des points de distribution, avec des jerricans de 5, 10 et 25 litres, en plastique transparent, jaune ou bleu. Certains apportent des cuvettes ouvertes, des bidons de tôle et des récipients en tous genres, quitte à renverser un peu du précieux liquide, sous les sarcasmes de l’assistance. (…)

Une telle désolation en ferait oublier que Gaza a été durant des millénaires une oasis réputée pour la richesse de sa végétation et la douceur de son climat. (…) C’est l’occupation de 1967 qui fait basculer les ressources hydrauliques de Gaza sous la coupe d’Israël, avec d’abord l’implantation de Mekorot, la compagnie nationale des eaux de l’Etat hébreu, puis le détournement vers les colonies de peuplement. Celles-ci ont beau n’accueillir que quelques milliers de colons plutôt radicaux, elles accaparent un quart des terres de l’enclave et une allocation disproportionnée de l’eau.

La politique de la terre brûlée qui marque le retrait unilatéral de 2005 interdit à la population de Gaza de profiter des infrastructures établies au profit des colons. L’armée israélienne veille à maintenir l’ensemble du territoire sous son étroite dépendance, un étau qui se resserre en 2007 après la prise de contrôle par le Hamas et l’instauration d’un blocus rigoureux. (…)

A la veille du conflit en cours, l’allocation quotidienne en eau dans la bande de Gaza est d’environ 80 litres par personne, trois fois moins qu’en Israël. Elle a chuté, en ces derniers jours de 2024, à 9 litres par personne et par jour, dont seulement 2 litres d’eau potable.

Le Hamas

[Yahya] Sinouar [tué par l’armée israélienne le 16 octobre 2024, à Rafah] est le premier chef du Hamas à concentrer entre ses mains la direction à la fois politique et militaire du mouvement. Il entérine, en mai 2017, un programme qui envisage un Etat palestinien sur les seuls territoires occupés par Israël un demi-siècle plus tôt. Sinouar continue de refuser toute négociation avec Israël, se bornant à ne pas interdire à [Mahmoud] Abbas [le président de l’Autorité palestinienne (AP)] de mener de tels pourparlers et à en accepter par avance les conclusions. La clause est de pur style, [Benyamin] Nétanyahou [le premier ministre israélien] ayant depuis longtemps réduit les échanges avec l’AP à la simple « coopération sécuritaire », avant tout contre le Hamas.

Sinouar est bien conscient de la rancœur que suscitent, chez les habitants de Gaza, l’arbitraire, la brutalité et le népotisme du Hamas. Il n’en est que plus inquiet du calendrier électoral que des formations indépendantes du Fatah comme du Hamas ont réussi à leur imposer. Un scrutin législatif, en mai 2021, est censé être suivi, deux mois plus tard, par une élection présidentielle à laquelle le Hamas ne présentera pas de candidat. Mais Abbas suspend l’ensemble du processus en avril 2021. Les Etats-Unis et l’Union européenne, plutôt que de s’insurger contre ce déni de démocratie, sont soulagés d’avoir évité une éventuelle victoire islamiste en Cisjordanie. Peu leur importe à l’évidence que la population de Gaza soit alors prête à renverser dans les urnes le gouvernement du Hamas. C’est que le monde entier s’est accoutumé à ne considérer la bande de Gaza qu’au prisme du blocus, quitte à l’aménager de manière plus ou moins « humanitaire ». (…)

[Fin 2024, le gouvernement israélien] reste tiraillé entre des militaires qui estiment avoir depuis longtemps atteint leurs objectifs et des suprémacistes qui prônent à cor et à cri la recolonisation de l’enclave, un scénario de cauchemar pour l’état-major israélien.

Vue de Gaza en ce 2 janvier 2025, une telle impasse ne peut que faire le jeu du Hamas. Les ravages infligés à la bande de Gaza ont littéralement décimé la classe moyenne, ainsi que les milieux intellectuels, artistiques et universitaires qui, je peux en témoigner sur la durée, nourrissaient une distance critique, voire une contestation multiforme de la domination du Hamas. L’alternative de la société civile à la mainmise islamiste a tout bonnement sombré dans la mer des camps de tentes. La survie au jour le jour a renforcé la dépendance des foyers envers leur clan de rattachement, mais chacun de ces clans poursuit ses intérêts localisés et s’avère incapable de s’allier à d’autres clans pour constituer un contrepoids sérieux au Hamas

Les acteurs hors sol [du] Fatah pèsent relativement peu face à l’appareil, même résiduel, du Hamas. Certes, le mouvement a été décapité avec l’élimination par Israël [du chef politique du Hamas] Ismaïl Haniyeh, en juillet 2024, à Téhéran, puis de Sinouar. Quant aux brigades [Ezzedine Al-]Qassam, aux effectifs estimés entre 25 000 et 30 000 combattants en octobre 2023, elles ont subi des pertes considérables. Mais le chiffre de 17 000 tués, martelé par la propagande israélienne, n’a pas grand sens ; [il] permet en outre d’affirmer que les « terroristes » représenteraient un tiers des victimes à Gaza, soit une proportion « raisonnable », voire « humanitaire », de deux tiers de morts civiles. La compilation des sources israéliennes elles-mêmes aboutit en fait à un bilan d’environ 8 500 « militants » tués. Et c’est sans compter les nouvelles recrues que la soif de vengeance attire massivement vers les brigades Qassam. Israël a en outre une définition extensive des « terroristes » du Hamas qui inclut les dirigeants politiques, les cadres administratifs et les policiers.

Les profiteurs de guerre

Il est 2 h 30 du matin, le 4 janvier 2025, lorsque je suis réveillé par d’intenses échanges de tirs. L’accrochage se déroule à quelques centaines de mètres, sur la côte, entre la limite méridionale de la « zone humanitaire » et la frontière égyptienne. Cela fait déjà trois semaines que l’armée israélienne ratisse méthodiquement ce « bloc » qui porte le numéro 2360 dans sa nomenclature de la bande de Gaza. Elle en a progressivement chassé la population qui s’y était réfugiée (…). Cette nuit est claire et les quadricoptères israéliens peuvent de nouveau entrer en action. Leur cible est l’escorte de sécurité d’un convoi de 74 camions d’aide humanitaire affrété par l’ONU.

[Après le pillage de plusieurs convois humanitaires en décembre 2024,] l’armée israélienne a pourtant imposé cet itinéraire qui, à partir de Kerem Shalom [point de passage entre Israël et la bande de Gaza], suit le « corridor de Philadelphie » de la frontière égyptienne, avant de remonter le long de la côte. (…)  Les Nations unies accusent Israël d’avoir « lancé un drone sur un véhicule de la communauté locale qui assurait la protection d’une partie du convoi ». Une telle frappe ne peut qu’encourager les pillards qui se heurtent eux-mêmes à la sécurité du convoi, tandis que des habitants, attirés par le vacarme, se précipitent pour s’emparer d’une partie du butin. Le bilan est de onze tués, cinq par l’armée israélienne et six dans les échanges de tirs inter-palestiniens. Cinquante camions sur 74 sont finalement pillés, certaines marchandises se retrouvant sur le marché de Mawassi dès le lendemain matin, évidemment au prix fort. (…) Ces pillages, de plus en plus fréquents et de mieux en mieux organisés, en disent long sur la désintégration de l’ordre public dans la bande de Gaza. (…)

Les militaires israéliens prennent acte de leur incapacité à promouvoir une alternative clanique au Hamas et décident de miser plus ou moins ouvertement sur le crime organisé. La figure-clé de cette manœuvre est un membre jusque-là mineur d’une famille de Rafah, Yasser Abou Shebab, que le Hamas a emprisonné par le passé du fait, déjà, de ses différents trafics. Mais la protection israélienne permet à Abou Shebab d’étendre substantiellement ses activités et de débaucher, dans d’autres clans, une centaine de fidèles prêts à tout, souvent des repris de justice. Ce qu’il faut bien appeler un gang opère sous les yeux de l’armée israélienne, peu après le passage de Kerem Shalom, et il est doté d’armes flambant neuves, un indice irréfutable de sa collaboration avec les occupants. (…)

Durant le mois d’octobre 2024, ce sont 40 % des camions d’aide internationale qui sont pillés, peu après leur entrée par Kerem Shalom. A deux reprises, les 8 et 15 octobre, des drones israéliens ciblent les escortes des convois, tout en épargnant les pillards, qui n’hésitent pas à brutaliser, voire à tuer les chauffeurs.

Ce cercle vicieux du crime organisé aboutit à une hausse spectaculaire du prix des produits de première nécessité sur les marchés de Gaza, ce qui encourage en retour la participation de simples civils aux pillages organisés. (…) Dès le 18 novembre 2024, le Hamas riposte en tuant au moins vingt hommes de main d’Abou Shebab, dont son propre frère. Les autorités locales déclarent que cette opération contre les « gangs de voleurs » a été menée par « les forces de sécurité en coopération avec les conseils des clans ». (…)

Au fil de mes années à séjourner régulièrement à Gaza, j’ai recueilli de nombreux récits de dépossession et de fuite, de bombardements et de blessures. Mais jamais on ne m’a confié tant d’histoires de pillages avec un tel luxe de détails sordides. Chaque jour de cette fin de 2024 m’apporte son lot de bandes prenant d’assaut des convois humanitaires, de barrages improvisés par des coupeurs de routes, d’enfants s’accrochant aux camions pour en dérober un sac de farine ou deux. (…) Les bombardements israéliens ont permis à des milliers de délinquants de s’évader des prisons éventrées. Leur brutalité de prédateurs est leur meilleur atout dans l’effondrement de Gaza. (…)

Les tabous chutent les uns après les autres dans une société jusque-là aussi conservatrice que protectrice. Les femmes, très majoritairement voilées, laissent leur traditionnel sac à main à la maison pour ne plus porter qu’un modeste sac à dos, moins vulnérable aux voleurs à la tire. Des bandes d’enfants des rues, le visage noir de crasse, les vêtements rapiécés et les pieds nus, hantent les ronds-points pour mendier à coups de coups de poing dans les voitures. Les différends sur la redistribution des rares salaires et sur la répartition de l’aide minent les clans, quand ils ne les opposent pas les uns aux autres. Il ne se passe pas une journée sans que j’entende des rafales d’armes automatiques, vite identifiées comme des « disputes familiales ». (…)

Chaque jour aussi me reviennent, toujours insoutenables, des témoignages et des images de tirs dans les rotules. Le Hamas a en effet recours de manière publique et systématique au châtiment qu’il réservait, lors de la guerre civile de 2007, à ses ennemis du Fatah. Il s’agit cette fois de sanctionner les pillards, ou ceux qu’une parodie de justice a désignés comme tels, en les mutilant à vie. Des miliciens masqués traînent leur victime en pleine rue et tirent dans sa rotule à bout portant, tandis qu’un comparse cagoulé filme la scène. (…)

Nétanyahou et son gouvernement déclarent volontiers, quinze mois après le début de cette guerre, que « la solution politique à Gaza n’est pas à l’ordre du jour ». Cet acharnement israélien fait paradoxalement le jeu du Hamas, qui se pose en gardien de ce qui reste d’ordre face à la rapacité des pillards. Mais il s’agit d’un Hamas sensiblement dégradé par l’élimination de ses dirigeants historiques et de ses cadres les plus exposés, donc souvent les plus politiques. La liquidation d’une telle hiérarchie laisse un vide que la piétaille du mouvement, jusque-là chargée des basses œuvres, a occupé par défaut. Et l’aveuglement des envahisseurs finit par livrer le territoire à ces islamistes de choc, plus enclins aux tabassages qu’aux sermons.

Les témoins

L’historien sait d’expérience comment les opinions s’accommodent progressivement des conflits qui s’installent dans la durée. Il n’en est pas moins troublant de constater que la guerre de Gaza s’est banalisée encore plus vite que celle de l’Ukraine. (…)

Vu depuis la bande de Gaza, c’est bel et bien sur le front médiatique qu’Israël a remporté sa seule victoire incontestable du conflit. Une victoire d’autant plus facile que la presse internationale ne s’est pas beaucoup battue pour exercer son droit à l’information libre à Gaza. (…) C’est ainsi que les victimes de Gaza sont tuées deux fois. La première fois quand la machine de guerre israélienne les frappe directement dans leur chair ou les étouffe à petit feu sous leurs tentes. La seconde quand l’intensité de leur souffrance et l’ampleur de leurs pertes sont niées par la propagande israélienne, quand elles ne sont pas accusées d’être collectivement ou individuellement des « terroristes ».

Les médias occidentaux qui ont accepté d’être interdits de Gaza continuent pourtant de professer un improbable équilibre entre l’envahisseur et les populations qu’il refoule et affame sur leur propre terre. Et ils sont encore nombreux à ne pas traiter sur un pied d’égalité les journalistes palestiniens qui risquent leur vie, jour après jour, pour informer le monde sur l’enfer de Gaza.

Les femmes et les enfants

Un tiers de la population de la bande de Gaza, le tiers le plus jeune et le plus prometteur, est déscolarisé. (…) Les enfants de la Gaza d’avant avaient uniformes et cartables, près de la moitié d’entre eux fréquentaient les établissements de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, dont Israël a décidé d’interdire les activités à la fin de janvier 2025. Alors ce sont des enfants des rues qu’accompagne la mort d’aujourd’hui dans leurs nouvelles errances. Dans les décharges à ciel ouvert qu’ils fouraillent en quête de papier, de carton, de nylon, de tout ce qui pourrait servir à nourrir un peu de feu et donner un peu de chaleur. Aux points d’eau où ils traînent des jerricans à peine moins grands qu’eux. Sur les bords poussiéreux des routes, où ils haranguent le chaland avec un langage de charretier, où ils écoulent la farine à l’assiette et où ils fourguent des bricoles glanées on ne sait où. (…)

L’Unicef estime depuis des mois que pratiquement tous les enfants de la bande de Gaza ont un besoin pressant de soutien psychosocial et de santé mentale. Et ce qui vaut pour les jeunes vaut aussi pour les adultes. Il n’y a que quatre psychiatres dans toute l’enclave, un dans la ville de Gaza, deux dans la « zone humanitaire » et un à Rafah. (…)

La dégradation désastreuse de l’hygiène frappe les femmes encore plus que les hommes. Elles sont deux fois plus nombreuses qu’eux à souffrir d’infections de la peau et elles représentent deux tiers des victimes de l’hépatite A et des infections gastro-intestinales, sans doute du fait de leur rôle essentiel dans le soin des malades. Quant aux pénuries calamiteuses de serviettes hygiéniques, elles ajoutent une souffrance supplémentaire à quelque 700 000 femmes de Gaza, contraintes de recourir à de simples chiffons.

La descente aux enfers des femmes de l’enclave palestinienne pourrait s’arrêter là. Mais les Nations unies lancent dès mai 2024 un cri d’alarme sur la vulnérabilité croissante des femmes et des filles de Gaza aux violences sexuelles et sexistes. Le confinement d’une marée humaine dans la prétendue « zone humanitaire » ne fait depuis lors qu’aggraver la promiscuité, avec tous ses risques et ses zones d’ombre. Le tabou de la dénonciation des violences domestiques commence à tomber. Quant aux violences sexuelles, elles ont atteint une telle gravité que le ministère de la santé édicte, en octobre 2024, les procédures à suivre en cas de viol, avec avortement « facilité » jusqu’au 120e jour de la grossesse. Par ailleurs, certaines familles, effrayées par l’absence d’intimité dans leurs abris de fortune, décident de marier au plus tôt leurs filles pour qu’elles jouissent d’une forme de protection. Comme si le mariage n’était plus qu’un réflexe de survie face à la mort nouvelle qui s’est abattue sur Gaza. (…)

L’impasse et l’abandon

Le peuple de Gaza se sait abandonné du monde. Il a d’abord cru que les images du carnage bouleverseraient l’opinion internationale et la contraindraient à agir pour y mettre fin. Réaliser qu’il n’en serait rien fut une douloureuse prise de conscience, qui ajouta ses plaies à celles des corps blessés. On maudit la passivité des régimes arabes, voire leur complicité. On n’attend pas grand-chose des Etats européens, dont pas un représentant n’a exigé d’être admis à Gaza. (…)

Cela faisait déjà seize années, au 7 octobre 2023, que la bande de Gaza et son peuple étouffaient d’une triple impasse, une impasse israélienne, une impasse palestinienne et une impasse humanitaire. L’impasse israélienne découlait et découle du refus de traiter Gaza autrement que du strict point de vue de la sécurité de l’Etat juif, sans aucun égard pour la réalité humaine de Gaza et ses dynamiques sociopolitiques. Un tel aveuglement, en soi discutable en termes éthiques, n’a pas épargné à Israël la journée la plus sanglante de son histoire. (…) L’impasse palestinienne découlait et découle de la précédente, ainsi que de la priorité absolue que les factions palestiniennes ont accordée à leurs intérêts propres, sans égard pour les droits nationaux et l’intégrité physique du peuple palestinien. (…) L’impasse humanitaire découlait et découle des deux précédentes, puisqu’il est vain de prétendre assister dans la durée une population privée de perspective politique et livrée, même à distance, aux diktats de l’occupant. (…)

Non, rien n’a changé sous le ciel de Gaza, qui ne s’ouvrira vraiment que lorsque s’ouvrira, elle aussi, la route vers un Etat palestinien vivant en paix aux côtés d’Israël. Non, ce qui a changé par rapport aux conflits précédents, relativement limités dans le temps et dans leurs destructions, c’est que les ravages se sont cette fois poursuivis avec méthode et système, semaine après semaine, mois après mois. Non, ce qui a changé, c’est que notre monde ne pouvait cette fois prétendre ignorer l’ampleur d’un tel désastre et que notre monde a laissé faire quand il n’a pas applaudi. (…)

Gaza ne s’est pas juste effondrée sur les femmes, les hommes et les enfants de Gaza. Gaza s’est effondrée sur les normes d’un droit international patiemment bâti pour conjurer la répétition des barbaries de la seconde guerre mondiale. (…) Gaza est désormais livrée aux apprentis sorciers du transactionnel, aux artilleurs de l’intelligence artificielle et aux charognards de la détresse humaine. Et Gaza nous laisse entrevoir l’abjection d’un monde qui serait abandonné aux Trump et aux Nétanyahou, aux Poutine et aux Hamas, un monde dont l’abandon de Gaza accélère l’avènement.