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23/04/2023

ALLISON KAPLAN SOMMER
Pourquoi Netanyahou a choisi une “fière raciste” pour représenter Israël à New York

Allison Kaplan Sommer,  Haaretz, 20/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si elle avait choisi une autre voie politique, May Golan - la députée d’extrême droite du Likoud à la Knesset que le Premier ministre Benjamin Netanyahou veut nommer consule générale à New York* - aurait pu être considérée par la plupart des Israéliens comme une figure de Cendrillon inspirante : une jeune femme défavorisée qui a réussi.

May Golan et Itamar Ben-Gvir au poste de police de Kafr Qasem en 2021. Photo Moti Milrod

Golan, 36 ans, a commencé son parcours au plus bas de l’échelle socio-économique israélienne, élevée par une mère célibataire dans l’un des quartiers les plus pauvres du sud de Tel-Aviv, gangrené par la drogue et la criminalité.

Elle a fait irruption dans la conscience publique à un jeune âge, en apparaissant à la télévision à une heure de grande écoute en 1996 en tant qu’invitée âgée de 10 ans. Lors de cette émission, elle a parlé de sa vie et a ensuite été sélectionnée pour fréquenter une école secondaire prestigieuse de l’autre côté de la voie ferrée, dans le nord de la ville. C’est là, a déclaré Golan, que sa volonté de devenir une femme politique a été marquée de manière indélébile par le racisme auquel elle a été confrontée de la part de ses camarades de classe ashkénazes privilégiés, qui la “détestaient” et lui “faisaient vivre un enfer”, la qualifiant de “sale et contaminée”. [sa mère est née en Irak, NdT]

Cette expérience n’a cependant pas déclenché de sympathie pour tous les éléments des classes opprimées, et l’a lancée dans la direction de Marjorie Taylor Green [blondasse facho, représentante de Géorgie au Congrès US, NdT] plutôt que dans celle d’Alexandria Ocasio-Cortez [brunette hispanique, membre socialiste démocrate du Congrès]

Lorsque les caméras filment les cris rauques des membres likoudniks de la Knesset attaquant l’opposition, Golan est souvent au centre, augmentant parfois les insultes avec des sons d’animaux - comme lorsqu’elle s’est mise à glousser et à traiter sa collègue députée de “poule caquetante”.

Il y a dix ans, Golan s’est fait un nom en tant que jeune opposante très active sur les réseaux sociaux à ce qu’elle appelait “l’infiltration” de son quartier par des demandeurs d’asile originaires du Soudan et de l’Érythrée. Elle les a qualifiés de violeurs, de voleurs et de “groupe terroriste à tous points de vue” dans ce qu’elle a présenté comme une bataille pour son quartier contre les demandeurs d’asile et les “groupes gauchistes” qui les soutiennent.

Golan a rapidement fait cause commune avec les franges les plus extrêmes de la droite politique, d’abord avec les militants qui allaient devenir le parti Otzma Israel - dont l’actuel ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et ses comparses encore plus à droite, Baruch Marzel et Michael Ben-Ari - où elle a été placée au 10e  rang sur leur liste pour la Knesset en 2013.

Lors d’un rassemblement contre les réfugiés, elle s’est exclamée : « Si je suis raciste pour préserver ma vie, alors je suis fière d’être raciste ». Elle a également déclaré qu’elle ne mangerait pas dans un restaurant qui emploie des travailleurs africains parce qu’ « un infiltré sur trois a le sida ou la tuberculose ». Elle a en outre déclaré que ce fut un “grand honneur” de prendre la parole lors d’un rassemblement à la mémoire du rabbin Meir Kahane et que “le fait d’être qualifiée de kahaniste ne m’insulte pas le moins du monde”.

Sans abandonner ses opinions extrêmes, elle est passée d’Otzma Yehudit au camp droitier et populiste du Likoud et est entrée à la Knesset en 2020. Récemment, elle a été nommée à la tête d’un nouveau ministère pour la promotion de la femme, ce qui a suscité l’hostilité des féministes. La législatrice a en effet déclaré que “le féminisme radical est un mouvement de haine” et a voté contre une loi visant à aider les victimes de viol et à protéger les femmes de la violence domestique. TikTok a retiré la vidéo d’un discours dans lequel elle attribuait aux décisions de la Cour suprême israélienne concernant les demandeurs d’asile le viol d’une jeune femme à Tel-Aviv, qualifiant le pouvoir judiciaire de « dictature la plus dangereuse qui soit dans cette fausse démocratie dans laquelle nous vivons ».

En l’envoyant à New York pour remplacer Asaf Zamir - le précédent consul général qui a démissionné pour protester contre la “révolution judiciaire” - Netanyahou cherche apparemment à soulager un mal de tête politique. Nommer Golan enlèverait un soldat politique au camp du Likoud qui fait pression sur lui pour qu’il ne fasse pas de compromis sur la refonte judiciaire complète qui déchire Israël, en dépouillant la cour qu’elle méprise tant d’une grande partie de son pouvoir.

Mais le message le plus fort, si Golan est nommée, ne sera pas un message de politique intérieure, il reflétera la façon dont. Netanyahou considère les relations d’Israël avec le camp démocrate usaméricain qui domine la région desservie par le consul général de New York - et auquel appartient la grande majorité des juifs usaméricains.

Golan parle couramment l’anglais, comme le soulignent ses défenseurs.

Mais son aisance n’a aucune chance de jeter des ponts avec le grand nombre d’USAméricains - juifs et non juifs - qui regardent l’Israël de Netanyahou avec un niveau croissant de détresse et d’inquiétude.

NdT
* Selon les médias israéliens, Netanyahou aurait finalement renoncé à nommer May Golan consule à New York, pour calmer l’indignation suscitée parmi les notables juifs et démocrates de New York et effacer la grimace saluant sa décision à Washington

27/10/2022

“Ras-le-bol des machines à laver ! Vivement qu’on en revienne à la polygamie !” : Meir Mazzouz, le rabbin tunisien de Bnei Brak, n’en rate pas une

 


Haaretz, 26/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT : Meir Mazzouz, illustre rejeton de Matsliah Mazzouz, le rabbin et posseq [docteur ès halakha-loi juive] de Djerba, assassiné en 1971 en Tunisie (son meurtrier était, selon les sources, un “nationaliste arabe” ou un “fanatique musulman” ou même un Palestinien), est le doyen de la yeshiva Kissé Rahamim à Bnei Brak, capitale du sionisme religieux, et pourrait fort bien se retrouver ministre en cas de victoire de Netanyahou aux prochaines élections, étant donné que l’ensemble des partis et groupes  dits orthodoxes se sont coalisés derrière Bibi et son Likoud. Ce partisan de la lapidation des gays et lesbiennes a trouvé l’explication au fait que selon lui, les pays arabes avaient été épargnés par le COVID-19 : ils ont interdit les gay prides ! En revanche, il a expliqué la propagation du virus en Iran par le fait que les Iraniens sont des “tordus” qui “haïssent Israël”. Cet allumé du bocal vient d’en remettre une couche.

“Aujourd'hui, nous avons quatre femmes à la maison. Nous avons une machine à laver, c’en est une. Nous avons une cuisinière à gaz, c’en est une autre. Nous avons un séchoir...” : le chef de la communauté juive tunisienne en Israël, le rabbin Meir Mazzouz, lors de son cours hebdomadaire de Torah diffusé en direct.

Un éminent dirigeant ultra-orthodoxe proche de nombreux députés du camp pro-Netanyahou a été filmé en train de comparer les femmes à des machines à laver et des cuisinières et de pleurer la fin de la polygamie sanctionnée par le rabbinat.

Dans une vidéo de l'une de ses conférences qui a été partagée en ligne, le rabbin Meir Mazzouz, chef de la communauté juive tunisienne en Israël et figure influente dans le monde de la politique nationaliste et ultra-orthodoxe, se plaint qu’« autrefois, la femme faisait tout, même la lessive. Pourquoi était-il permis, à l'époque [talmudique], à un homme de prendre jusqu'à quatre épouses ? Il était fou de chaque femme une semaine par mois ».

« Aujourd'hui, nous avons quatre épouses à la maison. Nous avons une machine à laver le linge, c'en est une. Nous avons une cuisinière à gaz, c’en est une autre. Nous avons un sèche-linge... Autrefois, une femme était un lave-linge, une cuisinière, une meunière, une couturière ».

Mazuz a fait les gros titres cet été lorsqu'il a qualifié les ministres Yair Lapid et Avigdor Liberman de “pires que des nazis”, exprimant l'espoir de leur mort en raison de leur soutien à des changements au statu quo religieux de longue date du pays.

« Il y a beaucoup de mauvaises personnes et nous attendons qu'elles disparaissent un jour du monde », a déclaré Mazzouz lors de sa conférence biblique hebdomadaire diffusée en direct.

« Les nazis aimaient leur peuple. [Lieberman et Lapid] détestent leur peuple. Ils veulent détruire les enfants et les personnes âgées » et fermer les écoles orthodoxes, a-t-il accusé.

Mazzouz est connu pour ses opinions controversées et ses critiques acerbes à l'égard des hommes politiques avec lesquels il est en désaccord. Il avait déjà traité l'ancien Premier ministre Naftali Bennett de "traître" et déclaré que voter pour le ministre des affaires étrangères Yair Lapid revenait à "faire de l'idolâtrie".

En novembre dernier, Mazzouz s'est emporté contre plusieurs groupes au sein du judaïsme, affirmant que les Juifs de l'ancienne Union soviétique et les Juifs réformés sont des non-croyants qui détruisent le judaïsme en Israël.

« Vous devez savoir que ce qui nous arrive n'est pas moins grave que ce qui s'est passé en Russie. Lieberman vient de Russie et en Russie il n'y a pas de religion, il n'y a pas de Dieu, rien, [ce sont] des hérétiques complets », a déclaré Mazzouz à l'époque, ajoutant que « les juifs réformés ont détruit le peuple d'Israël. »

En mars 2020, Mazzouz a affirmé qu'Israël souffrait de la pandémie de coronavirus parce qu'il avait autorisé les parades de gay pride, tandis qu'en 2016, il a prétendu que l'effondrement d'un parking en construction à Tel-Aviv, qui a fait six morts, était dû au manque de respect du shabbat. À l'époque, il était le chef spirituel du parti Yachad, fondé par l'ancien chef du parti ultra-orthodoxe Shas, Eli Yishai.

En 2014, Ynet a rapporté qu'il avait déclaré que les juifs séfarades n'avaient pas péri pendant l'Holocauste parce qu'ils étudiaient la Torah et que l'évasion fiscale des étudiants à plein temps de yeshiva pouvait être autorisée.

14/08/2022

GIDEON LEVY
La condescendance de la gauche israélienne

 

Gideon Levy, Haaretz, 13/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Quiconque a une alternative idéologique à offrir doit combattre la droite jusqu'au bout. Quiconque a un meilleur leadership à offrir doit faire tout son possible pour se retrouver au pouvoir. Le centre-gauche israélien, malheureusement, n'a ni l'une ni l'autre. Et pourtant, il mène une guerre contre la droite dirigée par le Likoud. Cette guerre est légitime, mais elle est en grande partie fondée sur la condescendance. C'est la seule munition qui reste lorsque le carquois est vide. C'est comme ça quand il n'y a pas d'alternative idéologique ou de leadership. La condescendance est l'arme des bidonneur·ses.

Les députés du parti travailliste entourent la cheffe du parti, Merav Michaeli, après les élections primaires du parti, mardi 9 août. Photo : Moti Milrod

 Le bloc de centre-gauche n'a aucune raison, et aucune justification, pour faire preuve de condescendance envers le Likoud, de se moquer de ses représentants et de ridiculiser ses électeurs. La qualité de la liste du Likoud à la Knesset, en moyenne, n'est pas inférieure à la qualité moyenne des listes de la plupart des autres partis. Le mécanisme qui sélectionne la composition de la liste est certainement le plus impressionnant de tous les partis par son ampleur et son caractère démocratique.

La condescendance envers le Likoud est non seulement infondée, mais elle contribue également à unir et à renforcer la droite. Il n'y a rien de tel que des sentiments d'infériorité et un sentiment d'humiliation pour remplir tout un camp politique d'une juste colère contre ceux qui suscitent ces émotions.

Les insultes ouvertes et cachées qu'une grande partie des médias continue de proférer à l'encontre des Bibi-istes, des babouins ou des Likoudniks de jardin sont un combustible dont le feu ne s'éteindra pas facilement. Ils n'oublieront pas ces humiliations, tout comme ils n'ont pas oublié les humiliations du Mapai dans les années 50 et 60. La droite est au pouvoir depuis une génération, mais la lutte contre elle est toujours celle de ceux qui se considèrent supérieurs à leurs propres yeux et des gens qu'ils considèrent inférieurs à eux.

Le Likoud a organisé une primaire. Elle a été aussi correcte, populaire et démocratique qu'il est possible de le faire dans un État d'apartheid et compte tenu des marchandages politiques qui ont cours en Israël. Avant même que les votes ne soient comptés, le refrain a commencé : le parti d'un seul homme, une mauvaise liste remplie de béni-oui-oui. Il est inutile de mentionner comment les candidats sont choisis à Yesh Atid, Nouvel Espoir, Blanc-Bleu ou Yisrael Beiteinu. On peut d’ailleurs se demander comment il se fait que la règle du règne d'une seule personne de ces partis, qui a également des éléments d'un culte de la personnalité, ne suscite guère de critiques de la part des fervents de la démocratie vantée d'Israël.

Il y a autant de béni-oui-oui dans ces partis que dans le Likoud, et toute personne qui sort du rang est renvoyée sommairement. Le régime du Mapai, avec ses infâmes comités d'arrangements, était un modèle de démocratie comparé à la méthode soi-disant démocratique de sélection des candidats de Yair Lapid, Avigdor Liberman, Benny Gantz ou Gideon Sa'ar, ces guerriers déterminés contre Benjamin Netanyahou au nom du souci de la démocratie.

Le centre-gauche n'a pas non plus matière à condescendance envers le Likoud en termes d'élus. La qualité des politiciens israéliens est faible, et souvent honteuse, mais le Likoud n'a pas à rougir de la comparaison avec les autres listes. Amir Ohana est-il une figure moins impressionnante que Nitzan Horowitz ? Galit Distal Atbaryan est-elle vraiment une députée aussi ridicule qu'elle est souvent dépeinte ? En quoi est-elle pire qu'Efrat Rayten ? Et David Amsalem, en quoi est-il pire que Mickey Levy ? Et Danny Danon que Meir Cohen ? Merav Ben Ari est-elle meilleure, à tous points de vue, que Gila Gamliel ?

Si seulement nous avions des candidats plus impressionnants, sérieux et courageux sur les listes - tel est le visage de la politique israélienne - mais penser que nous avons une liste de Bibi-istes face à une liste de réformateurs, de babouins contre des démocrates, d'invertébrés contre des vertébrés est ridicule et exaspérant.

Les prochaines élections ne sont porteuses d'aucune promesse, quels que soient leurs résultats. Israël continuera sur sa lancée. Il n'y a pas lieu de prêter beaucoup d'attention aux campagnes d'épouvante anti-Likoud. Le ciel ne tombera pas. Il n'y a pas non plus de raison d'aspirer à un régime centriste. Aucune nouvelle aube ne se lèvera. Mais lorsqu'un camp est condescendant envers un autre, sans raison apparente, il dit en fait : je n'ai rien à t'offrir, à part de la condescendance.