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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio?
04/01/2024
GIDEON LEVY
Aucun soldat israélien ne s’est levé pour refuser de participer à cette guerre infernale
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Personne ne s’est levé. Jusqu’à présent, pour autant que l’on sache, aucun cas de désobéissance n’a été enregistré au sein de Tsahal depuis le début de la guerre, à l’exception d’un jeune homme avant son recrutement.
Les pilotes bombardent comme jamais auparavant, les opérateurs de drones tuent à distance dans des quantités jamais atteintes auparavant, les artilleurs bombardent plus que jamais, les opérateurs de matériel lourd détruisent comme jamais auparavant, et même les gardiens de prison maltraitent les prisonniers comme jamais auparavant - et personne ne s’est levé.
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir leur part de nourriture offerte par des bénévoles, dans un contexte de pénurie alimentaire dans le sud de la bande de Gaza, le mois dernier. Photo : IBRAHEEM ABU MUSTAFA/ REUTERS
Parmi les centaines de milliers de réservistes et d’engagés - laissons de côté les soldats appelés en raison de leur âge, de leur statut et du lavage de cerveau dont ils font l’objet - il n’y a pas un seul soldat ou officier, pilote ou artilleur, parachutiste ou soldat de Golani qui ait dit : « C’est assez : Ça suffit. Je ne suis pas prêt à continuer à participer au massacre, je ne suis pas prêt à être associé à la souffrance inhumaine ». Aucun gardien de prison ne s’est non plus levé pour dire la vérité sur ce qui se passe entre les prisons de sécurité de Sde Teiman et de Megiddo, et poser les menottes sur la table.
A priori, les FDI devraient se réjouir d’une guerre totalement consensuelle, sans bruits de fond. Mais l’absence totale de désobéissance devrait susciter des réflexions inquiétantes ; elle témoigne d’une obéissance automatique plutôt que d’une bonne citoyenneté. Une guerre aussi brutale qui n’a pas encore suscité de doutes parmi les combattants témoigne d’un aveuglement moral. Les pilotes et les opérateurs de drones sont une chose, ils voient leurs victimes comme de petits points sur un écran. Mais les soldats et les officiers au sol à Gaza voient ce que nous avons fait. La plupart d’entre eux sont des réservistes, des parents d’enfants.
Des Palestiniens déplacés s’abritent dans un camp de tentes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, vendredi. Photo : Shadi Tabatibi/REUTERS
Ils voient plus d’un million de personnes dépourvues de tout s’entasser à Rafah. Ils voient les corps dans les rues, les restes de vie dans les ruines, les poupées des enfants et leurs lits, les haillons en lambeaux et les meubles cassés. Tous les soldats pensent-ils que le Hamas est à blâmer, que tout Gaza est le Hamas, qu’ils méritent tout cela et que cela profitera à Israël ?
L’absence d’insubordination est encore plus évidente si l’on considère ce qui s’est passé ici l’année dernière, avant le 7 octobre. La désobéissance était devenue une arme plus légitime et plus courante que jamais ; des milliers de pilotes et de réservistes ont menacé de l’utiliser.
En juillet, le mouvement des Frères et Soeurs d’armes a annoncé qu’environ 10 000 réservistes de 40 unités ne se porteraient pas volontaires pour le service de réserve si le coup d’État judiciaire du régime était adopté. Ils ont rejoint les 180 pilotes et navigateurs qui avaient déjà déclaré en mars qu’ils ne se présenteraient pas aux exercices d’entraînement, ainsi que 300 médecins militaires et 650 soldats de réserve des opérations spéciales et de la cybernétique. Avec autant de personnes menaçant de désobéir, l’absence totale de désobéissance aujourd’hui est particulièrement tonitruante.
Les manifestants de Frères et Sœurs d’armes au carrefour Hemed en juillet 2023 Photo : Olivier Fitoussi
La conclusion est que de nombreux soldats de carrière et de réserve sont convaincus que le coup d’État du régime était une cause juste et appropriée d’insubordination, contrairement à l’effusion de sang et à la destruction de Gaza. L’armée saccage une région entière avec ses habitants, et cela ne dérange pas la conscience de nos forces. La clause de raisonnabilité a davantage dérangé certains d’entre eux. Où sont les 10 000 soldats qui avaient menacé de désobéir à cause de Benjamin Netanyahou et de Yariv Levin ? Où sont les 180 pilotes ?
Ils sont occupés à bombarder Gaza, à l’aplatir, à la détruire et à tuer ses habitants sans distinction, y compris ses milliers d’enfants. Comment se fait-il qu’en juillet 2002, le bombardement de la maison de Salah Shehadeh, qui avait tué 14 habitants, dont 11 enfants, ait conduit à la “lettre des pilotes”, dans laquelle 27 pilotes déclaraient qu’ils refuseraient de participer à des missions d’attaque - et qu’aujourd’hui, il n’y ait pas même une carte postale d’un seul pilote ? Qu’est-il arrivé à nos pilotes depuis 2003, et qu’est-il arrivé aux soldats ?
La ville de Khan Younès, dans le sud de Gaza, le mois dernier. Photo : Mohammed Salem/Reuters
La réponse semble claire. Israël affirme qu’après l’horreur du 7 octobre, il est autorisé à faire n’importe quoi, et que tout ce qu’il fait est digne, moral et légal. L’insubordination en temps de guerre est une mesure beaucoup plus radicale que l’insubordination à l’entraînement, et elle frise même la trahison. Elle peut nuire aux frères et sœurs au combat. Mais l’absence totale de désobéissance après quelque 90 jours de guerre infernale n’a rien de réjouissant. Ce n’est pas bon. Peut-être que dans quelques années, certains le regretteront. Peut-être que certains en auront honte.