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17/01/2025

FRANCISCO CARRIÓN
Le nouvel ami et protecteur de Mohamed VI : Youssef Kaddour, le champion espagnol qui a juré “fidélité jusqu’à la mort” au roi du Maroc


Sportif accompli, il était devenu une idole à Melilla. Il fut un éphémère conseiller du gouvernement local. Il a tout abandonné pour répondre à l’appel du monarque alaouite.

Francisco Carrión, El Independiente, 12 / 01 / 2025
 Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

 

Mohamed VI et Youssef Kaddour | GV

Certains ont été incrédules lorsqu’ils ont entendu parler de « sa nouvelle mission ». Au cours de la dernière décennie, il a remporté une demi-douzaine de championnats du monde et d’Europe d’arts martiaux sous les couleurs espagnoles. Il était devenu une idole à Melilla, un modèle pour les jeunes de la ville autonome. Youssef Kaddour reçoit hommages et récompenses dans son « coin de terre » et devient même un éphémère conseiller du gouvernement local. Jusqu’à ce que Mohamed VI croise son chemin.

Youssef Abdesselam Kaddur (Melilla, 1985) a fêté ses 40 ans le 2 janvier. Il est devenu l’un des plus fidèles confidents de Mohamed VI. Un écuyer et garde du corps qui a rejoint l’entourage formé par le clan des boxeurs Azaitar, les trois frères Abu Bakr, Ottman et Omar qui accompagnent le monarque dans tous ses déplacements depuis son divorce avec Lalla Salma en 2018 et qui jouissent d’une vie de haut niveau, dans les résidences et les dépenses luxueuses du monarque.

Shopping avec le monarque à Abu Dhabi

Sa présence imposante, sculptée par des heures en salle de sport, n’est pas passée inaperçue. L’été dernier, il a passé ses vacances avec Mohammed VI à Medik, une ville côtière près de Tétouan. Début janvier, Kaddour a accompagné le roi lors de sa visite à Abou Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis. Sur les images qui ont été diffusées, le natif de Melilla se promène avec le monarque alaouite dans un centre commercial de la ville. Tous deux descendent un escalator au milieu de la foule présente dans le centre. Mohammed VI, le bras en écharpe, porte une chemise orange vif et un bas de survêtement ; Kaddour, lui, porte une chemise blanche.

Ce n’est pas la première fois qu’il est filmé en train d’accompagner le monarque malade. À Melilla, cette amitié ne surprend pas. « Je me souviens avoir reçu une photo de cette relation étroite avec le pouvoir marocaine, mais je ne me souviens pas d’autres détails », admet Eduardo de Castro, l’ancien président de Melilla. Kaddour a été conseiller à la jeunesse dans son premier gouvernement, fruit de l’accord entre Ciudadanos, PSOE et Coalición por Melilla qui a évincé Juan José Imbroda. Il a été nommé le 4 juillet 2019 et est resté en poste jusqu’en novembre de la même année.

« Il ne s’est ni bien ni mal comporté. Il n’a pas joué un rôle important. Il n’avait pas le temps de faire quoi que ce soit », se souvient De Castro. Kaddour a rejoint l’exécutif dans le quota de Coalición por Melilla, la formation fondée en 1995 par Mustafa Aberchán en tant que scission du PSOE Melilla et qui fait l’objet d’une enquête depuis 2023 pour un complot présumé de fraude électorale, de corruption et de vol de votes par correspondance. « Dès que j’ai su qu’il était lié au Maroc, je lui ai retiré la médaille de la ville et tout autre avantage. C’est de la déloyauté », dit De Castro, aujourd’hui retiré de la vie politique. « Dès que j’ai eu connaissance de tout cela, j’ai dit qu’il devait être démis de ses fonctions. C’est ce que j’ai fait lors du premier changement de gouvernement », ajoute-t-il.

Kaddour avec le président de la ville autonome de Melilla, Juan José Imbroda (Parti Populaire, droite) en 2018, lors de la remise de la Médaille d'or

Une enfance marquée par les brimades à l’école

Jusqu’à la fin de la dernière décennie, Kaddour était une figure importante de Melilla. Ses réseaux sociaux attestent de cette idylle avec sa ville natale. En 2017, après que des groupes locaux ont dénoncé le manque de soutien du gouvernement local à sa carrière sportive, il reçoit une série d’hommages signés par le Centre UNESCO de Melilla et l’Association de la presse sportive de la ville autonome. Un an plus tard, le gouvernement de la ville lui a décerné la Médaille d’or de Melilla, la plus haute décoration. Cette distinction a été acceptée à l’unanimité par les groupes politiques représentés à l’Assemblée.

À l’époque, Kaddour se vantait de ses origines mélilliennes. Dans l’une des vidéos publiées sur son compte Youtube, il reconnaît avoir été victime de brimades à l’école. « Mon enfance n’a pas été facile. J’ai été victime de brimades. Je me souviens encore de choses comme être battu à l’école, qu’on me prenne des choses, qu’on m’appelle par des noms, qu’on me donne des surnoms, j’ai vraiment vécu des moments difficiles », explique-t-il. Ces souvenirs amers sont confirmés par sa mère. « Il n’a pas passé de très bons moments à l’école lorsqu’il était enfant. Il était toujours très en colère. Nous savions qu’il vivait mal et c’est pourquoi nous avons eu l’idée géniale de lui faire faire du karaté pour qu’il sache se défendre », raconte sa mère. « J’ai commencé à nager et à faire du karaté pour gagner en confiance et savoir me défendre. Une fois que j’ai essayé le sport, c’était comme une drogue pour moi. Il s’agissait avant tout de m’améliorer : essayer d’être le meilleur en tout, que ce soit en classe ou dans n’importe quel sport ».

Intime avec les frères Azaitar
Kaddour collectionne les photos sur les réseaux sociaux avec les frères Azaitar, devenus la « nouvelle famille » de Mohamed VI après son divorce.

Une ambition et une compétitivité qu’il a conservées intactes à l’âge adulte, sur les tatamis où il s’entraînait et affrontait ses rivaux. Alejandro Liendo, l’un de ses entraîneurs pendant ses années au sommet de la discipline, le confirme : « Nous avons préparé ensemble le championnat d’Espagne de grappling et le championnat du monde de BJJ [jiu-jitsu brésilien] . Il a été champion dans les deux et son implication en tant qu’athlète a été exceptionnelle ». « Très discipliné, avec une très grande capacité d’effort et de sacrifice, comme cela est exigé d’un athlète d’élite de ce niveau. Il ne se plaignait jamais, il était toujours prêt à donner 100 % de sa journée et il avait une personnalité irrésistible », se souvient-il dans une conversation avec ce journal.

Kaddour a régné sur le grappling (sans kimono), le grappling gi (avec kimono) et le jiu-jitsu brésilien. Entre 2016 et 2018, il a bénéficié de l’ADO, le programme de soutien au développement et à la promotion des athlètes espagnols de haut niveau au niveau olympique. Sa dernière médaille remonte au printemps 2019 à Bucarest. Dans la capitale roumaine, il a remporté le bronze au championnat d’Europe de grappling. Les succès de sa carrière sportive, qui a débuté en 2011 avec une médaille d’or aux championnats d’Europe de Lisbonne, se sont achevés à Bucarest.

Kaddour à l’académie des frères Azaitar en 2020

Le Maroc, sa nouvelle patrie

Le jeune homme, qui a étudié les sciences de l’environnement à l’université de Grenade et a passé de longues périodes de formation aux îles Canaries, a inauguré quelques mois plus tard son éphémère carrière politique, dont il n’existe pratiquement pas de photos ou de vidéos. En 2020, ses pas l’ont conduit au Maroc, sous la houlette d’Aboubakr Azaitar, un ancien détenu en Allemagne devenu boxeur, qu’il considère comme « un frère ». Aboubakr est l’un des membres de « cette nouvelle famille » - comme certains l’appellent avec un malaise évident au palais - qui suit Mohammed VI dans ses absences prolongées du trône.

En août 2020, Kaddour annonçait dans ses réseaux « une nouvelle étape ». « « Avec beaucoup d’enthousiasme et de nouveaux objectifs. Alhamdulillah pour les personnes qui chaque jour font ressortir la meilleure version de moi, comme cette grande équipe. De grandes nouvelles sont à venir. Insha’allah. Focus sur la mission », écrit-il. Il l’accompagne d’un cliché sur lequel il pose torse nu avec d’autres « camarades de mission » sur un fond dominé au centre par le portrait de Mohammed VI en costume. De part et d’autre de l’image figurent les portraits des boxeurs qui composent l’entourage du monarque.

Depuis lors, il a éliminé toute mention de son origine melillienne et les mentions « Maroc » et le drapeau du pays sont reproduits dans tous les messages qu’il publie. Au cours des quatre dernières années, sa présence sur les médias sociaux s’est limitée à rappeler ses exploits et à diffuser des messages de motivation : « S’entraîner en s’amusant, persévérer en se reposant et vivre ce dont on rêve. Ma plus grande motivation et ma plus grande force, c’est la foi. La foi pour Allah » ; la reproduction de citations du prophète Mohamed ; le récit de ses voyages et de ses sorties avec les frères Azaitar ; ou encore la vassalité à Mohammed VI. « Que Dieu protège sa majesté le roi Mohammed VI et lui accorde la victoire, ô Allah tout-puissant, que Dieu le protège, prolonge sa vie et guide ses yeux vers l’héritier du prince secret, le puissant Moulay Hassan, et bénisse la vie de tous les membres de l’estimée famille », a-t-il posté lors de l’un des anniversaires de son accession au trône.

Youssef avec son défunt frère dans une image d’archive

La mort de son frère qui a scellé son destin avec Mohammed VI

Contacté par ce journal, Kaddour n’a pas souhaité s’exprimer. « Il n’y a pas lieu d’attendre, je n’ai pas l’habitude de parler de mes affaires, mais je vous remercie de votre intérêt », a-t-il répondu à une demande d’interview. Une tragédie familiale, la mort de son frère Souli Abdesselam en 2021, a scellé ce lien avec le monarque alaouite qu’il ne cache plus. Le roi alaouite est intervenu personnellement dans le rapatriement du corps.

« Aucun mot ne saurait exprimer notre gratitude pour l’amour et le soutien qui nous ont été témoignés après le décès de mon frère Souli. En particulier à Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui, dès le moment du décès, a tout mis en œuvre pour le rapatriement de mon frère, sans tarder plus d’une journée, amenant les proches à l’enterrement, s’occupant de tous les détails et de l’état de la famille, montrant ainsi qu’il est une grande personne. Ma famille et moi-même lui serons éternellement reconnaissants, il aura notre amour et notre loyauté jusqu’à notre mort. Nous lui sommes profondément reconnaissants ».

Un serment qu’il réalise aujourd’hui en tant que garde du corps et complice de Mohammed VI, protagoniste de relations avec les frères Azaitar que le makhzen - le cercle dirigeant du roi - et sa famille biologique considèrent avec beaucoup de suspicion. « Toutes ces relations cachent quelque chose », affirme un membre de l’opposition marocaine, conscient du cercle alternatif d’amis et de fidèles que le roi s’est constitué, loin de tout protocole ou des cercles traditionnels de Rabat.

« À Melilla, nous l’avons perdu de vue. C’était une personne de prestige jusqu’au moment où cette relation avec le Maroc a circulé. Depuis, je n’ai plus de nouvelles de lui. Il continuera à être espagnol, bien que pour le Maroc, la double nationalité n’existe pas. Pour eux, c’est un Marocain qui a choisi de gagner sa vie avec Mohamed VI », conclut De Castro. Dans l’un de ses derniers messages sur Instagram, à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte d’occupation du Sahara alors espagnol, Kaddour résume l’idéal de sa nouvelle vie : « Dieu, la patrie et le roi ».


Le Kaddour new look

Lire aussi
➤ On le savait dissolu, le voilà dissous : le mystère de la déliquescence du roi du Maroc, par Nicolas Pelham, avril 2023 

16/12/2024

VALÉRIE K ORLANDO
La littérature et le cinéma francophones du « nouveau » Maroc, reflets d’une société en transition
Nouveau livre des éditions The Glocal Workshop

“Seul le palmier se tient encore droit, implorant le Ciel, profitant du vent chaud pour dire ses prières d’un léger hochement de tête. Comme la première lettre de l’alphabet, l’Alif, il se tenait droit parmi toutes ces courbes, ces points épars, ces lignes brisées.”

Youssouf Amine Elalamy Amour nomade

Valérie K Orlando étudie dans ce livre la production écrite et filmée de langue française durant la première décennie du règne de Mohamed VI, dans le Maroc d’après les Années de plomb (1963-1999). Une décennie marquée par un florilège d’œuvres de fiction et documentaires brisant les tabous politiques, sociaux et culturels. Le fait sans doute le plus remarquable de cette période est la prise de parole féminine. Mais les œuvres ici analysées mettent aussi en scène les déshérités et les laissés pour compte. Les espoirs énormes exprimés durant cette première décennie du “nouveau” Maroc ont souvent été déçus, mais les Marocain·es ont su et savent faire preuve de persévérance et de résilience. Ils et elles le démontrent chaque jour, par la plume, par le clavier et par la caméra.

Valérie K. Orlando

La littérature et le cinéma francophones du « nouveau » Maroc
Reflets d’une société en transition

Traduit de l’anglais (USA) par Isa Rousselot
Édité par Fausto Giudice

Éditions The Glocal Workshop/L’Atelier Glocal

Collection “Tezcatlipoca” n° 6
408 pages, format A5
Décembre 2024

Classification Dewey : 070 - 440 – 492 – 791 - 840 – 843.08.083 - 892 – 928 - 964


Tout soutien bienvenu

21/08/2023

JOSÉ ANTONIO GONZÁLEZ ALCANTUD
La gauche marocaine et le Makhzen : indépendance et allégeance

José Antonio González Alcantud, Viento Sur nº 189, 17/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

José Antonio González Alcantud (Grenade, 1956), anthropologue et historien espagnol, est professeur d’anthropologie sociale à l’université de Grenade. Auteur entre autres de Historia colonial de Marruecos, 1894-1962 (2019) et Qué es el orientalismo. L’Orient imaginé dans la culture mondiale (2021).  Bio-bibliographie

Les observateurs extérieurs sont frappés par la mansuétude de la gauche marocaine à l’égard du régime politique actuel, autoritaire, policier et expansionniste, et en particulier à l’égard de son sommet, le Makhzen. Avant d’aborder les raisons de cette soumission de la gauche marocaine, il convient de s’interroger sur ce qu’est le Makhzen, une formulation singulière de l’État, spécifique au Maroc, avec des profils historiques propres.

Allah, El Watan, El Malik : Dieu, la Patrie, le Roi, devise officielle du royaume depuis 1962. Ici, au-dessus d’Agadir

Le Makhzen est souvent désigné dans la presse quotidienne comme un État parallèle, dans l’ombre, dont il est difficile d’interpréter les intentions ultimes. Le mot makhzen est accepté depuis des années par l’Académie royale de la langue espagnole, avec le sens littéral de “au Maroc, anciennement, gouvernement ou autorité suprême”. Mais on sent bien que cette définition n’est pas très claire, car la question n’est pas seulement historique, mais surtout politiquement actuelle.

En réalité, le Makhzen est littéralement le Dar El Makhzen, au sens de maison-entrepôt. C’est l’espace palatial et défensif où se trouve le siège du pouvoir, la sultaniya, du sultan lui-même - en réalité, ou au figuré, puisque de nombreux palais royaux sont vides de sa présence - qui remplit les fonctions de citadelle, en termes de construction, et de cour en termes de politique. Espace urbain séparé des médinas, siège des corporations d’artisans et de marchands, toujours ouvert à la fronde, au soulèvement. A Fès, par exemple, entre Fès El Jdid [Nouvelle Fès], où se trouve Dar El Makhzen, et aussi le mellah ou ghetto juif qui lui est annexé, et Fès El Bali [Vieille Fès], la médina, il y a une distance topographique et sociale : la première est l’espace fermé, le centre névralgique du pouvoir ; la seconde, la ville labyrinthique, mais ouverte, dans laquelle le visiteur peut déambuler à sa guise. Un exemple de dar-al-Makhzen historique dans la péninsule ibérique est l’Alhambra de Grenade, conçu par les Nasrides d’après leurs parents, les Marinides de Fès, au XVe siècle.

En plus d’être le siège du gouvernement, du sultan et des diwans, présidés par des vizirs, le makhzen historique a également servi de silo dans une économie de subsistance, un lieu pour fournir des ressources alimentaires à la population dans les années de mauvaises récoltes. La relation entre la ville-médina, avec ses élites urbaines, ses centres de culte et de savoir, et le Makhzen a été problématique tout au long de l’histoire. Le pouvoir des sultans exigeait pour être légitimé l’allégeance (bayâa) des habitants du bourg, et ces derniers étaient attentifs aux mouvements de la cour dans le complexe du Makhzen. La ritualité de la bayâa, rituel d’allégeance, renouvelle le pacte sacral entre la monarchie divine et ses sujets (Tozy, 2008:75-102). Cependant, le Makhzen n’était pas une structure despotique, comme on l’imagine parfois avec une mentalité orientaliste, mais plutôt un système clientéliste, à l’image du nôtre.

Ainsi, dans la structure du makhzen, une grande importance est accordée aux figures intermédiaires telles que le secrétaire privé du sultan, le hajib, qui est un élément fondamental de médiation entre le cercle intérieur du sultan et le reste des courtisans. Le makhzen fait partie d’une structure d’autorité socialement apprise, à travers l’assujettissement clientéliste, qui repose sur la dyade maître/disciple, de telle sorte qu’il s’agit d’un mécanisme d’acquiescement et de coercition qui pénètre tous les pores de la société (Hammoudi, 2007).

Le Makhzen a cependant subi des transformations. Mohammed V (1909-1961), le seul sultan alaouite à avoir réellement tenu tête à la puissance coloniale française, a aboli le titre de sultan après l’indépendance en 1956 dans une tentative de modernisation du Makhzen, le transformant en malik ou roi. Il a également supprimé les diwans et leurs vizirs, les remplaçant par des ministères et des ministres de style occidental. Mais il n’a pas renoncé au leadership religieux (amir al mu’minin, commandeur des croyants) (Waterbury, 1975) ni à l’allélgeance ou bayâa, fondamentaux dans la structure makhzénienne. Il n’a pas non plus supprimé un lieu essentiel des intrigues du palais, qui conditionnait l’héritage du trône : le harem. C’est ce qu’a fait plus tard son petit-fils, Mohammed VI, l’actuel roi depuis 1999.

Le Makhzen n’a pas non plus cessé d’évoluer en fonction de l’époque. En effet, après l’indépendance en 1956, les bases du Makhzen ont été modifiées en fonction du degré de collaboration avec le régime du protectorat. La question de parler l’arabe, le français ou seulement le tamazight (berbère) a été fondamentale dans la réorganisation. Les notables d’origine rurale, dont le pouvoir reposait presque exclusivement sur l’entretien de réseaux tribaux et clientélistes, furent remplacés par des fonctionnaires qui, tout en maintenant les mêmes relations hiérarchiques, les rendaient plus opaques au nom de la modernisation de l’État (Leveau, 1985 : 217-219).

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16/04/2023

NICOLAS PELHAM
On le savait dissolu, le voilà dissous : le mystère de la déliquescence du roi du Maroc

Nicolas Pelham, 1843Magazine/The Economist
Illustrations Michelle Thompson. Images : Getty
Traduit par  Tafsut Aït Baâmrane


Nicolas (“Nick”) Pelham écrit sur le monde arabe pour The Economist et la New York Review of Books. Depuis son premier poste de rédacteur en chef du Middle East Times, basé au Caire, il a passé 20 ans à étudier et à travailler dans la région. Il a été correspondant pour la BBC, le Financial Times et The Economist à Rabat, Amman, Jérusalem et en Irak, emmenant souvent avec lui son infatigable famille. Il est l’auteur de A New Muslim Order : The Shia and the Middle East Sectarian Crisis (2008), co-auteur de A History of the Middle East (2010) et auteur de Holy Lands : Reviving Pluralism in the Middle East (2016). S’éloignant parfois du journalisme, il a été analyste principal pour l’International Crisis Group et a travaillé pour les Nations unies et le Royal Institute of International Affairs, réalisant des reportages sur l’économie des tunnels de Gaza et la montée des Bédouins dans la péninsule du Sinaï.

En 2018, un kick-boxeur allemand s’est lié d’amitié avec Mohammed VI. Le monarque a rarement été vu depuis


Il y a cinq ans, une image inhabituelle est apparue sur Instagram. On y voyait Mohammed VI, le roi du Maroc âgé de 54 ans, assis sur un canapé à côté d’un homme musclé en tenue de sport. Les deux hommes étaient serrés l’un contre l’autre avec des sourires assortis, comme deux enfants en colonie de vacances. Les Marocains étaient plus habitués à voir leur roi seul sur un trône doré.

L’histoire qui se cache derrière la photo est encore plus étrange. Abou Azaitar, l’homme de 32 ans assis à côté du roi, est un vétéran du système pénitentiaire allemand ainsi qu’un champion d’arts martiaux mixtes (MMA). Depuis qu’il s’est installé au Maroc en 2018, son fil Instagram rempli de blingbling a fait frémir l’élite conservatrice du pays. Il ne s’agit pas seulement des voitures clinquantes, mais aussi du ton étonnamment informel avec lequel il s’adresse au monarque : « Notre cher roi », écrit-il à côté d’une photo d’eux deux. « Je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour nous ».

Une crise se prépare au Maroc, et le kick-boxeur rayonnant en est le cœur. Le pays est considéré comme l’une des réussites du monde arabe. Son industrie automobile est florissante, ses souks médiévaux et ses riads tranquilles séduisent les touristes occidentaux. Le Maroc semble avoir tout le charme du Moyen-Orient [sic], sans son agitation.

Un ancien fonctionnaire estime que le roi a été absent du pays pendant 200 jours l’année dernière

Mais les 37 millions d’habitants du Maroc sont confrontés aux mêmes problèmes que ceux qui ont secoué une grande partie du monde arabe au cours de la dernière décennie : manque d’emplois, inflation galopante et services de sécurité oppressifs. Jusqu’à présent, ces problèmes n’ont pas entraîné de graves bouleversements, en partie grâce à l’introduction rapide de réformes constitutionnelles par le roi au plus fort du printemps arabe en 2011. Mais aujourd’hui, l’agitation se profile à l’horizon et le roi, selon les initiés, ne se montre guère.

Depuis quatre ans, Azaitar et ses deux frères monopolisent l’attention du monarque. Selon un initié de la Cour, les conseillers ont tenté de réduire l’influence des Azaitar, mais en vain. Certains fonctionnaires semblent même s’être entendus pour publier des articles exposant le passé criminel et les extravagances présumées d’Azaitar. Le roi semble imperméable.

Mohammed n’est pas seulement distrait, il est souvent totalement absent. Il aimait voyager et prendre des vacances avant de rencontrer les Azaitar, mais cette tendance semble s’être nettement accentuée. Parfois, il se cloître avec les frères dans un ranch privé de la campagne marocaine. Parfois, le groupe s’échappe dans un refuge en Afrique de l’Ouest. Lorsque le Gabon s’étiole –“"tellement ennuyeux, il y a une plage mais rien d’autre à faire”, se lamente un membre de l’entourage - ils descendent à Paris. Un ancien fonctionnaire estime que le roi a passé 200 jours hors du pays l’année dernière.

“Nous sommes un avion sans pilote”, s’inquiète un fonctionnaire

M6 est apparu pour la première fois en public avec les Azaitar le 20 avril 2018, lors d’un événement célébrant leurs prouesses en MMA. Sur les photos communiquées à la presse, le roi et les trois frères se pressent ensemble en tenant une ceinture de championnat de MMA.

Au fur et à mesure que leur amitié se renforçait, Azaitar a commencé à poster des photos de lui avec le roi. Lui et ses frères ont rejoint la maison itinérante du roi - en tant qu’“entraîneurs personnels”, aurait-on dit aux fonctionnaires - et ont amené leur famille et leurs amis avec eux. À certains égards, cette amitié a été salutaire. Le roi, qui avait un peu d’embonpoint lorsqu’il a rencontré les frères, a souffert d’asthme et de problèmes pulmonaires. Les combattants en cage ont installé une salle de sport dans le palais et il a commencé à s’entraîner. Son visage a commencé à perdre ses bouffissures et il est apparu de plus en plus détendu, presque en forme.

Le roi, quant à lui, a comblé les frères de largesses. À la mort de leur mère, il leur a permis de l’enterrer dans l’enceinte de son palais à Tanger. Les frères ont acquis de précieux biens immobiliers en bord de mer et ont fait étalage de leur mode de vie sur les réseaux sociaux. « Ils utilisent des jets militaires, ils ont carte blanche pour fonctionner dans le palais comme ils l’entendent, ils peuvent aller au garage et prendre les voitures qu’ils veulent », explique un initié de la famille royale. « C’est vraiment bizarre ». (Le magazine 1843 a transmis les allégations de cet article aux Azaitar et au gouvernement marocain, mais n’a reçu aucune réponse).

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19/03/2022

Torturas y prácticas inhumanas contra el preso político saharaui Mohamed Lamine Haddi
Tortures et pratiques inhumaines à l'encontre du prisonnier politique sahraoui Mohamed Lamine Haddi

 Liga para la protección de los presos saharauis en las cárceles marroquíes, El-Aaiún ocupado / Sáhara Occidental, 18-3-2022

En un precedente peligroso e ilegal, el miércoles 16 de marzo de 2022 los funcionarios de la prisión local Tiflet 2, al este de Rabat, la capital marroquí, allanaron la celda del preso político saharaui del grupo de Gdeim Izik Mohamed Lamine Haddi que ha sido objeto de tortura y otras prácticas agresivas durante una huelga de hambre limitada el 16 y 17 de marzo.

Después de recibir una llamada telefónica de su hijo el viernes 18 de marzo de 2022, la madre del preso político saharaui Mohamed Lamine Haddi contó a la Liga para la Protección de los Presos Saharauis que su hijo había sido sometido a tortura física en la prisión local de Tiflet 2: fue golpeado por funcionarios y guardias penitenciarios que le arrancaron la barba con tenazas. Haddi había presentado una notificación por escrito el martes 15 de marzo de 2022, informando a la administración penitenciaria de una huelga de hambre limitada y las razones que la motivaban, en preparación de una huelga indefinida.

Durante los últimos tres días, la administración penitenciaria ha prohibido a Mohamed Lamine Haddi llamar y utilizar el teléfono fijo de la prisión, por lo que no podía informar a la familia de las torturas y prácticas ilegales de que se valen para que deje la huelga de hambre. Y es que las ONG internacionales siguen con mucho interés las huelgas de hambre de Haddi.

La tortura y el maltrato cruel infligido por la administración penitenciaria al preso político saharaui Mohamed Lamine Haddi se consideran un delito punible por la ley y confirman de forma tangible la persistencia del fenómeno de la tortura en el interior de las cárceles marroquíes y la falta de respeto de todas las convenciones contra la tortura y protocolos relacionados. Esto constituye un peligro real para la seguridad de los prisioneros civiles saharauis y viola su derecho a la integridad física, y amenaza su derecho a la vida.

En consecuencia, la Liga para la Protección de los Presos Saharauis y todas las familias de los presos civiles saharauis han lanzado un llamamiento urgente a las Naciones Unidas, al Comité Internacional de la Cruz Roja y a todas las organizaciones internacionales preocupadas por los derechos humanos para que intervengan y trabajen con urgencia por la liberación de todos los presos políticos saharauis, y responsabilicen a todos los que están involucrados en las prácticas ilegales de tortura de los saharauis.


 Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines, El-Aayoun occupée / Sahara Occidental, 18/3/2022

Dans un précédent dangereux et illégal, le mercredi 16 mars 2022 les fonctionnaires de la prison locale Tiflet 2 à l'est de Rabat, la capitale marocaine, ont perquisitionné la cellule du prisonnier politique sahraoui  du groupe de Gdeim Izik Mohamed Lamine Haddi qui a été soumis à des formes de tortures et d'autres pratiques agressives alors qu'il était en grève de la faim limitée aux 16 et 17 mars.

Après avoir reçu un appel téléphonique de son fils le vendredi 18 mars 2022, la mère du prisonnier politique sahraoui Mohamed Lamine Haddi a déclaré à la Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis que son fils avait été soumis à des tortures physiques à l'intérieur de la prison locale de Tiflet 2 : il a été battu par les fonctionnaires et les gardiens de la prison qui lui ont arraché la barbe avec des tenailles, après qu’il eut déposé un avis écrit le mardi 15 mars 2022 informant l'administration pénitentiaire d'une grève de la faim limitée et les motifs qui y étaient associés, en préparation d’une grève illimitée.

Au cours des trois derniers jours, l'administration de la prison a interdit à Mohamed Lamine Haddi d'utiliser le téléphone fixe de la prison, afin qu'il ne puisse pas informer la famille de la torture et des pratiques illégales qui lui ont été infligées et pour qu’il arrête la grève de la faim, car les ONG internationales suivent avec beaucoup d’intérêt les grèves de la faim de Haddi.

La torture et les mauvais traitements cruels infligés par l'administration pénitentiaire au prisonnier politique sahraoui Mohamed Lamine Haddi sont considérés comme un crime punissable par la loi et confirment de manière tangible la persistance du phénomène de la torture à l'intérieur des prisons marocaines et le manque de respect de toutes les conventions contre la torture et les protocoles qui s'y rattachent. Ceci constitue un réel danger pour la sécurité des prisonniers civils sahraouis et porte atteinte à leur droit à l'intégrité physique et menace leur droit à la vie.

En conséquence, la Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis et toutes les familles de prisonniers civils sahraouis ont lancé un appel urgent aux Nations unies, au Comité international de la Croix-Rouge et à toutes les organisations internationales concernées par les droits humains pour qu'ils interviennent, travaillent d'urgence à la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis et demandent des comptes à tous ceux qui sont impliqués dans les pratiques illégales de torture des Sahraouis.