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08/11/2021

MAURICE ROUMANI
D'abord, les Juifs de Libye ont été déportés, puis les S.S. sont entrés en scène

Maurice M. Roumani, Haaretz, 8/2/20201
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Maurice M. Roumani, né à Benghazi, en Libye, est professeur émérite de politique et de relations internationales, de religion et de société au Moyen-Orient et fondateur du Centre J. R. Elyachar pour les études sur l'héritage sépharade à l'Université Ben-Gourion du Néguev en Israël. Il est spécialisé dans les relations ethniques en Israël, les Juifs des pays arabes, le conflit du Moyen-Orient, et il est un expert de l'histoire des Juifs libyens, des relations entre Juifs et Musulmans et de l'impact des politiques de l'Holocauste          en Afrique           du         Nord.               Auteur            de The Jews of Libya: Coexistence,Persecution,Resettlement, Sussex Academic, 2021 (inédit en français), dont l'article ci-dessous est un avant-goût.

 Un témoin de la déportation des Juifs de Libye, qui a perdu une grande partie de sa famille dans le bombardement d'un faubourg de Tunis en 1943, raconte l'histoire de cette communauté aujourd'hui disparue, victime à sa manière de la solution finale.

 

Enfants juifs avec des moutons pour le sacrifice de Pessah (Pâque) dans la Hara (quartier juif) de Tripoli, années 1940

J'étais un enfant lorsque j'ai été déporté dans un camion avec mes parents de Benghazi vers la Tunisie, et j'ai été témoin du bombardement (par les Alliés) de La Marsa, une banlieue de Tunis, le 10 mars 1943. Treize membres de ma famille y ont été tués, dont ma grand-mère, mes oncles et tantes et d'autres parents. Pendant de nombreuses années, j'ai enquêté sur les circonstances du bombardement, et au cours de mes recherches, j'ai découvert et reconstitué à partir d'archives de nouveaux détails sur l'évacuation et la déportation des Juifs libyens vers l'Afrique du Nord française pendant la Seconde Guerre mondiale.


La visite de Mussolini en Libye en 1937

Tout a commencé en 1938, lorsque l'Italie fasciste de Mussolini a promulgué les lois raciales contre les Juifs. Bien que la Libye soit sous domination italienne, ces lois n'y sont pas appliquées, grâce au gouverneur général italien du pays, Italo Balbo, qui considère les Juifs comme un élément important de l'économie libyenne et tente de réduire les mesures discriminatoires prises à leur encontre. Après la mort tragique de Balbo, en 1940, deux gouverneurs temporaires sont nommés et révoqués en rapidement l’un après l’autres, avant la nomination du général Ettore Bastico, en juillet 1941.

En septembre, Bastico a exigé que les 7 000 étrangers présents en Libye, dont de nombreux Juifs, soient transférés en Italie. Bastico affirmait que leur loyauté était douteuse et que leur présence aggravait la pénurie alimentaire. Le ministère italien de l'Intérieur oppose son veto à cette idée, invoquant le manque d'espace dans les prisons, le manque de matériaux de construction pour de nouveaux camps de concentration et les problèmes de transport. Le ministère a suggéré que les "ressortissants dangereux" soient internés dans des camps de concentration en Libye même - et sinon, que les citoyens français et tunisiens (juifs et musulmans confondus) parmi eux soient expulsés vers leurs pays d'origine : la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Malgré l'autorisation officielle du plan par Mussolini lui-même, le 20 septembre 1941, l'opération s'avère complexe et difficile à exécuter.