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09/01/2025

FRANCISCO CARRIÓN
“Quiconque a une once d’humanité doit soutenir les Sahraouis”
Interview de Greta Thunberg

Francisco Carrión, El Independiente, 9/1/2024
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala

Francisco Carrión (Grenade, 1986) est un journaliste espagnol qui travaille pour El Independiente. Au cours de la dernière décennie, il a été correspondant du quotidien El Mundo au Caire, couvrant les années les plus dramatiques de l'histoire de l'Égypte. Il a reçu une vingtaine de prix pour son travail et ses chroniques.

Elle vient de prendre le chemin du retour. Une semaine de voyage s’annonce, d’abord par la route à travers l’Algérie, puis par bateau jusqu’à la côte espagnole. L’activiste suédoise Greta Thunberg rentre chez elle après quelques jours sous les tentes de l’exil sahraoui, les yeux encore fascinés par la rencontre avec la cause du Sahara occidental, dernière colonie d’Afrique.

« Ma première impression est la détermination des Sahraouis à lutter sans relâche pour leurs droits, même s’ils ont été privés et dépouillés de leurs droits humains les plus fondamentaux et se voient constamment refuser le droit à l’autodétermination, le droit à la dignité et à la liberté, et sont privés de justice », déclare l’activiste climatique dans une conversation avec El Independiente avant d’entamer son voyage de retour.

Thunberg a participé à une réunion d’activistes climatiques organisée par Solidarity Rising, une organisation créée par les activistes suédois Sanna Ghotbi et Benjamin Ladraa, qui ont parcouru 30 000 kilomètres à vélo à travers 26 pays en deux ans et demi pour sensibiliser au Sahara occidental, l’ancienne province espagnole occupée par le Maroc depuis 1975. L’activiste suédoise de 22 ans (qu’elle a eu le 3 janvier), qui est devenue le visage de l’activisme climatique, a passé trois jours dans le camp de Boujdour.

Des enfants sahraouis lors d’un des événements organisés avec Greta Thunberg

De la Palestine au Kurdistan et au Sahara

Cette expérience lui a permis d’être captivée par l’hospitalité des Sahraouis. « J’ai été surprise de voir à quel point ils ont essayé de nous faire sentir chez nous, et ils ont réussi », a-t-elle déclaré à ce journal. Après avoir défendu la cause palestinienne l’année dernière, en pleine opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, et s’être rendue au Kurdistan - le plus grand peuple sans État-nation de la planète - fin 2024, Greta  a visité les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf (Algérie), où vivent quelque 175 000 personnes. En 2025, cela fera 50 ans que l’Espagne s’est retirée de l’ancien Sahara espagnol, la 53e  province espagnole.
Selon Thunberg, le soutien à la cause sahraouie devrait être un exercice universel. « Il devrait être évident pour toute personne qui prétend avoir la moindre parcelle d’humanité de se solidariser avec le peuple du Sahara occidental et tous les groupes marginalisés, occupés ou opprimés ». « Bien sûr, leur lutte est notre lutte. Personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas. Et tant que des gens souffrent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à cette souffrance.
Thunberg, qui, adolescente, a inspiré les Fridays for Future et est devenue une éveilleuse de consciences pour une génération préoccupée par les ravages du changement climatique et la santé de la planète, affirme qu’« il n’y a pas de justice climatique sans droits de l’homme » et s’en prend au Maroc et à ses politiques. « En tant qu’activiste climatique, il existe des liens tels que le fait que cette région est l’une des plus durement touchées par la crise climatique alors que ses habitants sont parmi les moins responsables de celle-ci ».
Le séjour de Thunberg dans la hamada algérienne a laissé des traces. « Il lui a fallu une semaine pour venir de Stockholm en train, en voiture et en ferry, y compris un court séjour à Paris », explique Benjamin Ladraa, l’un des organisateurs. « Sa participation a été une occasion importante de discuter de la manière dont nous incluons et impliquons le mouvement climatique dans la lutte pour un Sahara occidental libre. Le Maroc fait de l’écoblanchiment en construisant de l’énergie « verte » dans le territoire occupé sans le consentement du peuple sahraoui. En tant qu’organisateurs, nous avons pensé qu’il était important de favoriser les relations entre le mouvement de solidarité, le peuple sahraoui et le mouvement climatique et nous ne pouvions pas penser à une meilleure personne que Greta pour faciliter cela », ajoute Ladraa.
Tant que les gens souffrent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à cette souffrance.

« Sans droits de l’homme, il n’y a pas de justice climatique »

« Il est difficile de trouver des exemples plus clairs de l’injustice climatique et, bien sûr, de la surextraction et du pillage des ressources naturelles auxquels se livre le Maroc, qui vont de pair avec l’occupation et constituent eux-mêmes une étape de l’occupation. « En tant qu’activistes climatiques, nous devrions nous préoccuper et parler de questions telles que le Sahara occidental, le conflit et l’occupation parce qu’en fin de compte, nous sommes passionnés et soucieux du bien-être humain et de mettre fin aux injustices, qu’elles soient sociales ou climatiques », affirme-t-elle.

Nous devons nous joindre aux appels pour un Sahara occidental libre. Nous n’avons tout simplement pas d’autre choix

Pour Thunberg - qui a été la cible d’attaques israéliennes au cours de l’année et demie écoulée et qui devra maintenant ajouter les attaques du régime marocain - les injustices sociales, politiques et climatiques « font partie de la même lutte » dans un monde confronté aux conséquences dramatiques du réchauffement dû aux combustibles fossiles.
« Nous luttons contre les mêmes systèmes. Ce sont les mêmes systèmes qui alimentent le colonialisme et les occupations qui alimentent aussi l’exploitation capitaliste et la surexploitation de la nature et des êtres humains. Et tous ceux qui ont une plateforme, tous ceux qui ont la possibilité d’agir doivent élever leur voix, faire connaître le Sahara occidental et le peuple sahraoui, et se joindre aux appels pour un Sahara occidental libre. Nous n’avons tout simplement pas d’autre choix », conclut-elle.

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