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06/11/2024

EMMANUELE BRAGA
Le temps où nous pouvions nous prétendre de gauche est révolu
Quelques mots sur les raisons de la victoire de Trump

 Emmanuele Braga, 5/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Emmanuele Braga (1975) est un artiste, philosophe et activiste italien, opérant dans divers contextes sur la relation entre l’art, l’économie, le travail et les nouvelles technologies.Il est cofondateur de la compagnie de danse Balletto Civile, de Macao, nouveau centre pour l’art et la culture à Milan, de Landscape Choreography et de l’IRI - Institut d’imagination radicale. Il est professeur de Big Data et de méthodes numériques à l’université d’État de Milan.


Les démocraties occidentales ne sont pas réformables parce qu’il n’est plus possible d’être progressistes ou verts sans renoncer à ses privilèges coloniaux.
C’est un lent glissement vers la droite de l’Europe et des USA parce que cela reflète notre rôle dans le monde.
Les candidats de droite l’emportent parce qu’ils disent la vérité (si on met de côté langage basé sur les « fake news », les gens de droite ne prétendent pas être autre chose que ce que nous faisons déjà dans le monde).
L’époque où nous pouvions prétendre être de gauche est révolue. Et en fait, la gauche essaie d’être de plus en plus patriotique, de plus en plus sécuritaire, de plus en plus sioniste, de plus en plus favorable à la guerre. Mais la droite fait la même chose, donc c’est elle qui gagne.

Oh God, no!, par Emmanuele del Rosso

Il y a un vent de droite dans le monde, me semble-t-il, au vu et au su que tout le monde regarde. Et alors ?
La seule façon de créer une alternative aujourd’hui est de faire les comptes avec nos privilèges coloniaux occidentaux.
Si l’on ne remet pas ça en question, parler de migration inclusive est hypocrite. Et de fait, c’est la droite qui l’emporte.
Si l’on ne remet pas en question notre privilège, parler de coexistence pacifique entre colons et Palestiniens est hypocrite.
Et de fait, c’est la droite qui gagne. Il est évident que si la droite dit qu’il faut mettre les migrants dans des camps de concentration, et que la gauche dit qu’il faut les intégrer parce que nous avons besoin d’eux dans les usines et dans les champs, la gauche parle un langage colonial, donc fasciste, donc une variante de la droite, et donc la droite gagne.
Nous devons nous réveiller de ce cauchemar et de cette torpeur, nous devons ouvrir les yeux et commencer appeler un chat un chat. Notre problème est de vouloir être progressistes sans cesser d’être colonialistes.
Il n’est pas possible d’être antifasciste en ne parlant que de droits civiques, décontextualisés du rôle que nous jouons dans le monde. Les droits civiques déconnectés des rapports de pouvoir de classe, de race et coloniaux,  ça n’est que du pinkwashing et du greenwashing.
Il n’y a pas d’alternative, ce qui sera de plus en plus évident avec l’actuelle tendance nationaliste, protectionniste et fondamentaliste qui est en train de s’emparer  de toutes les puissances occidentales, dans ce siècle où elles perdent leur hégémonie mondiale et où le monde s’effondre sous les effets toxiques d’une nouvelle forme de capitalisme mondialisé.
Kamala perd parce qu’elle a envoyé se faire voir les pro-Gaza dans les universités, et que les non-blancs ne votent pas pour elle, et elle leur a préféré la classe moyenne et les patriotes. Trump gagne parce que le lobby des armes et du pétrole l’a financé, Musk était de son côté, mais surtout Amazon, le Washington Post et les GAFAM  n’ont pas choisi Kamala, restant en substance « neutres ».
Musk a tout gagné. Il est le vrai gagnant, il est le vrai futur. Musk, c’est le techno-solutionnisme qui réussit à unir au nom du privilège blanc le fascisme russe au fascisme sioniste et celui de l’OTAN avec celui de Modi. Celui qui possède la technologie est le véritable héritier du colonialisme de peuplement et ce n’est que grâce à cette technologie qu’ils pourront se sauver de l’effondrement climatique imminent. L’idée de nation recouvre l'image d’un bunker bien aménagé, peut-être vert, dans lequel seuls les riches survivent. Et pour se sentir vraiment en sécurité, ils ont aussi une fusée prête à partir pour coloniser Mars. La bonne nouvelle pour les fascistes, c’est que sur Mars, il n’y a pas de terroristes palestiniens.
C’est l’imagerie qui fait les beaux jours de la droite dans le monde.
L’autre vrai gagnant est Bibi, qui a profité hier de l’occasion pour se débarrasser du traître Yoav Gallant, trop proche de Biden. Bibi risquait son poste sans Trump, maintenant en revanche il se consolide, et avec lui la présence impunie de l’occupation coloniale sur Gaza et la Cisjordanie.
Dans les démocraties occidentales nées du colonialisme, aujourd’hui contestées par le multipolarisme, il le seul choix est entre  l’extrême droite et la droite qui fait semblant d’être de gauche. Que faire ?