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12/06/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Fentanyl : l’usage de drogues comme politique

  Sergio Rodríguez Gelfenstein, 12/6/2025

Au cours de la dernière décennie du siècle dernier, après la disparition de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide, les USA se sont attelés à la tâche de trouver un nouvel ennemi qui servirait de pivot à la réorganisation de leur politique étrangère et militaire. Dans un premier temps, ils l’ont trouvé dans le trafic de drogue. Après le 11 septembre 2001, ils ont ajouté le terrorisme comme instrument pour organiser leur action interventionniste et agressive dans le monde, afin de soutenir leur hégémonie, en particulier en Amérique latine et dans la Caraïbe.

Dans la pratique, les USA - en plus de chercher une réponse à une question inscrite à l’ordre du jour international - ont ainsi trouvé un moyen de résoudre un problème intérieur, en transférant les coûts politiques à l’étranger. À partir de 1960, l’Anti-Drug Abuse Act a introduit une série de sanctions contre les pays producteurs, ainsi qu’un processus de militarisation de la lutte contre le trafic de drogue. Cela a modifié l’équilibre des pouvoirs en Amérique latine et dans la Caraïbe, affaiblissant les relations entre civils et militaires et affectant la gouvernance et la démocratie, qui avaient été soutenues avec plus ou moins de stabilité. Il s’agissait de la vieille politique “ eaux troubles, profits des pêcheurs” appliquée par Washington pour accroître son contrôle sur la région.

Ángel Boligan, Mexique

En revanche, on a peu parlé en profondeur de l’incapacité des USA à contrôler la demande de drogues afin de déplacer la pression des consommateurs vers les pays producteurs et les pays de transit.  À la fin des années 1980, un obscur sénateur usaméricain de l’État du Delaware, Joe Biden, a déclaré au Congrès qu’en dépit de l’intensification des programmes de lutte contre la drogue, la production de substances psychotropes avait considérablement augmenté : 143 % pour la cocaïne, 84 % pour l’opium et 33 % pour la marijuana. En d’autres termes, l’augmentation des moyens de contrôle de l’offre ne s’est pas accompagnée de programmes de réduction de la demande, ce qui démontre le manque d’intérêt de Washington pour la résolution du problème.

La première consiste à s’approprier les vastes ressources fournies par le commerce de la drogue, dont la majeure partie transite par le système financier usaméricain.  Selon le National Institute on Drug Abuse, à la fin des années 80, la vente annuelle de ces substances dépassait 110 milliards de dollars, dont la majeure partie servait à soutenir les finances des USA, un pays dans lequel - selon la même source - 37% de la population avait consommé une forme de drogue.

Le deuxième objectif est de maintenir la jeunesse abrutie et donc facilement contrôlable afin qu’elle ne pense pas et n’agisse pas face au mal que la société capitaliste génère. Le niveau élevé de stupidité de la jeunesse usaméricaine permet au système de la gérer par le biais du consumérisme, de la banalité, de la superficialité et de l’individualisme, entre autres mécanismes de contrôle sociétal. Dans cette mesure, les jeunes ne seront jamais les acteurs du changement dont la société a besoin. Pour Washington, la question de la drogue n’est pas une question de santé publique, c’est un domaine qui peut être utilisé pour exercer son contrôle, d’abord sur sa propre société, ensuite sur la région et le monde. C’est dans ce but qu’a été créée une organisation appelée Drug Enforcement Administration (DEA), dont l’objectif n’est pas d’empêcher le trafic de drogue, mais plutôt d’organiser, de réguler et de distribuer les revenus et la consommation de manière à servir les deux intérêts susmentionnés.

C’était le cas au siècle dernier et au début de celui-ci. Au cours de cette période historique, la Chine n’était pas un adversaire considérable, surtout tant que l’Union soviétique existait et était identifiée par les deux parties comme un ennemi commun. La disparition de l’Union soviétique a entraîné une ère de chaos systémique, Washington cherchant un nouvel ennemi. Les actions terroristes du 11 septembre 2001 ont amené les deux puissances à reconnaître à nouveau un autre ennemi collectif.

Une fois de plus, une période de rapprochement et de flirt s’est ouverte : les USA parce qu’ils ont entamé leur “guerre contre le terrorisme”, en plaçant le centre de cette dynamique en Afghanistan. Et la Chine, parce que ce pays a des frontières avec Pékin, qui craignait que Kaboul ne mette en place des mécanismes de soutien au Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM), une organisation reconnue comme terroriste par l’ONU et présente dans la province occidentale du Xinjiang, limitrophe du pays d’Asie centrale qui a produit à un moment donné entre 80 et 90 % des opiacés non pharmaceutiques de la planète. Washington et Pékin étaient à la fois inquiets et mal à l’aise à ce sujet.

Mais la crise financière de 2008 et l’accession de la Chine au rang de puissance mondiale ont donné à Washington le sentiment qu’il fallait accélérer le processus de transformation de Pékin en son principal ennemi en créant de nouveaux instruments. C’est ainsi qu’est née la doctrine du “pivot vers l’Asie” d’Obama, la création du Dialogue quadrilatéral de sécurité (QUAD) formé par les USA, le Japon, l’Australie et l’Inde, l’alliance militaire stratégique entre trois pays de la sphère anglophoneAustralieRoyaume-Uni et USA (AUKUS) et l’alliance de renseignement anglo-saxonne composée des USA, du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, appelée “Five Eyes”. Autant d’instruments militaires visant à contenir la Chine. Les deux guerres commerciales de Trump (qui ont toutes deux échoué) et les attaques contre Huawei et la technologie 5G de la Chine, entre autres actions menées par les récentes administrations usaméricaines, s’inscrivent également dans cette logique.

C’est dans la continuité de cette escalade contre la Chine que l’on peut comprendre l’argument en faveur de droits de douane plus élevés, motivé par l’“exportation” illégale de fentanyl de la Chine vers les USA. Le fentanyl est un opiacé synthétique qui agit sur les zones du cerveau qui contrôlent la douleur et les émotions. Il a la particularité d’être 80 fois plus puissant que la morphine. En clinique, son délai d’action est d’une minute et la durée maximale de l’effet clinique est de 30 à 60 minutes. 

En raison de ces caractéristiques, il est utilisé en anesthésie, comme analgésique puissant, dans les unités de soins intensifs (USI) pour les patients sous ventilation mécanique en perfusion continue, dans certaines procédures très spécifiques de courte durée et chez les patients souffrant de douleurs chroniques, en particulier dans les contextes oncologiques, sous forme de patchs ou de “sucettes” pour les enfants.

Il a une forte capacité d’accoutumance, de sorte que son utilisation dans d’autres contextes, tels que les services d’urgence, ne serait pas indiquée, car pour maintenir le soulagement de la douleur sur une période prolongée, des doses répétées sont nécessaires, ce qui augmente de manière exponentielle le risque d’accoutumance.

Les sociétés d’anesthésiologie du monde entier travaillent depuis des années sur le risque professionnel pour les travailleurs de la santé et en particulier pour les anesthésiologistes en raison du faible contrôle de ce médicament. La Confédération latino-américaine des sociétés d’anesthésiologie (CLASA) a déclaré qu’au cours des cinq dernières années, en Amérique latine, une cinquantaine d’anesthésistes sont morts d’une overdose de fentanyl. Dans certains pays, depuis plus de 20 ans, les anesthésistes travaillent sur des cas d’accoutumance à cette drogue par des anesthésistes, considérant qu’il s’agit d’une maladie professionnelle, puisque le produit est facile à obtenir et à manipuler.

Pour toutes ces raisons, la “crise du fentanyl” aux USA est très suspecte. La Dre Carla Pellegrín, spécialiste de la thérapie de la douleur consultée pour ce rapport, a trouvé très étrange que, sachant tout cela, il existe des protocoles de gestion de la douleur dans les services d’urgence et les unités d’ambulance aux USA, dans lesquels ce médicament est ouvertement utilisé. La spécialiste chilienne ajoute qu’il est très rare - c’est le moins que l’on puisse dire - que son utilisation soit induite. En fait, lors de la formation des spécialistes dans différents centres d’Amérique latine, les protocoles usaméricains sont suivis et ce médicament est considéré comme le “Gold Standard” (technique de diagnostic qui définit la présence de l’affection avec la plus grande certitude connue) pour la prise en charge de la douleur dans les services d’urgence.

“Le fentanyl est la première cause de mort chez les Américains de 18 à 45 ans”: Panneau publicitaire installé par Families Against Fentanyl sur l'autoroute 57 près d'Orangethorpe Ave, à Placentia, en Californie, le 6 avril 2023. Photo Paul Bersebach / Getty Images

Aujourd’hui, le fentanyl est devenu la cause la plus courante de décès par overdose aux USA. Il y a quelques années, une situation similaire, la crise de l’oxycodone, un autre opioïde très addictif, a été révélée lorsqu’il a été découvert que le laboratoire pharmaceutique qui le produisait avait falsifié l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) usaméricaine, et il est actuellement impliqué dans un important procès.

La production clandestine de fentanyl est facile et bon marché, ce qui a encore accru son utilisation. Aux USA, en 2022, sur les 115 000 décès par overdose, 73 838 (environ 200 par jour) étaient dus à l’utilisation du fentanyl. La responsabilité de ceux qui prescrivent et de ceux qui encouragent l’usage incontrôlé de ce médicament est clairement engagée. Dans cette mesure, il n’est pas surprenant que cette vague de décès et d’addictions dans les rues des USA ait été calculée pour augmenter les ventes des laboratoires. Cela augmente également la production et la vente de la naloxone, son antidote.

La dépendance aux substances chimiques génère un cercle vicieux dans lequel, après une première période de plaisir, le besoin de consommation se développe pour éviter les symptômes désagréables de la privation jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de plaisir, mais seulement un soulagement des symptômes de la privation. Cela génère une augmentation de la consommation jusqu’à franchir la ligne invisible de l’overdose et de la mort. Comme nous l’avons dit précédemment, il s’agit en fin de compte d’une manière dissimulée de transformer la population en êtres non pensants, ce qui pourrait même être caractérisé comme une forme de génocide.

L’utilisation par le président Trump de cette crise pour justifier l’imposition de droits de douane sur les marchandises en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine, transformant cette politique en un instrument de pression à l’égard de ces pays, n’a aucun fondement.

En fait, les décès par overdose ont commencé à diminuer rapidement au début de l’année dernière. Selon un rapport des journalistes Deidre McPhillips et Annette Choi pour CNN en espagnol, sous l’administration Biden « ... le ministère américain de la santé et des services sociaux a lancé une stratégie nationale coordonnée pour prévenir les overdoses. Ces efforts se sont concentrés sur la réduction des risques - comme l’utilisation de bandelettes de test pour le fentanyl, de médicaments inversant la tendance à l’overdose et de sites de consommation supervisée - ainsi que sur la prévention, le traitement et le rétablissement des troubles liés à l’utilisation de substances ». Interrogée à ce sujet, la Dre Sarah Wakeman, directrice médicale principale pour les troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives au Mass General Brigham, a déclaré : « Après tant d’années d’efforts et d’attention, le fait de considérer enfin ce problème comme un problème de santé publique commence peut-être à porter ses fruits ».


Cao Zhen, R.P. Chine

Il n’est donc pas compréhensible que si l’application de politiques de santé publique dans le cadre d’actions visant à répondre à la demande commence à fonctionner, elle soit maintenant utilisée pour générer une “guerre tarifaire” dans la poursuite d’objectifs politiques. Dans ce cas, il est clair que les millions de jeunes consommateurs usaméricains ne sont rien d’autre que des cobayes pour la tentative de l’administration actuelle de « rendre à l’Amérique sa grandeur ».

La décision des USA d’augmenter les droits de douane sur le commerce du fentanyl a immédiatement suscité la réaction de l’ambassade de Chine au Mexique, qui a qualifié la mesure d’“arbitraire” et a averti que ces sanctions détérioreraient la coopération entre les deux pays. Pour sa part, la présidente Claudia Sheinbaum, lors d’une conversation téléphonique avec son homologue usaméricain, lui a dit : « Les tarifs douaniers ne sont pas le moyen de résoudre ce problème, qui est un problème de consommation et de santé publique dans votre pays ».

Dans un article de la journaliste Ilaria Landini pour le journal La Nación de Buenos Aires, il est indiqué que « la crise du fentanyl s’est infiltrée dans les entrailles des USA : à la base de l’industrie pharmaceutique, dans les laboratoires clandestins et dans la dynamique de consommation de millions de personnes ».

Consultée par Landini, Guadalupe Correa-Cabrera, professeure de politique et de gouvernement à l’Université George Mason, estime que les mesures prises pourraient avoir l’effet inverse : « Si les précurseurs et les médicaments importés deviennent plus chers, les laboratoires usaméricains pourraient commencer à produire du fentanyl dans le pays pour répondre à la demande », ce qui « loin de résoudre le problème, ne ferait que le transférer à l’intérieur du pays ».

Cette possibilité est rejetée par la DEA. Son fonctionnement et son fondement existentiel reposent sur l’idée que le problème se situe en dehors des USA, et non en leur sein, et que la source de la crise provient de l’augmentation de l’offre, et non de celle de la demande. Tant que la DEA et les différentes administrations usaméricaines feront partie du problème et non de la solution, il n’y aura pas d’issue au problème en vue. Les jeunes USAméricains continueront d’être sacrifiés parce qu’il vaut mieux, pour l’administration, qu’ils meurent plutôt que meure le système qui crée le problème. Au contraire, elles ne travaillent pas pour assurer la santé des jeunes, mais pour donner de l’oxygène au système et ainsi pérenniser les bénéfices de ce 1% qui contrôle et domine la société. 


Virginia Basora-Gonzalez, une Dominicaine de 36 ans sans papiers, avait été arrêtée en 2019 aux USA et déportée pour possession de 40 grammes de Fentanyl. En mars 2025, elle a été de nouveau arrêtée, cette fois-ci à Philadelphie. Sa photo en pleurs a immédiatement été transformée par les services de la Maison Blanche en un meme réalisé par IA dans le style des animations du studio japonais Ghibli. « L'arrestation de Virginia Basora-Gonzalez démontre notre engagement à protéger nos communautés contre les étrangers criminels qui se livrent à des activités illégales graves qui constituent une menace pour la sécurité publique », a déclaré Brian McShane, directeur par intérim du bureau local de l’ICE chargé des opérations d'application de la loi et d'expulsion à Philadelphie, au moment de son arrestation.


SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Fentanilo : el uso de la droga como política

  Sergio Rodríguez Gelfenstein, 12-6-2025

Durante la última década del siglo pasado, tras la desaparición de la Unión Soviética y el fin de la guerra fría, Estados Unidos se dio a la tarea de buscar un nuevo enemigo que sirviera de eje para reorganizar su política exterior y su política militar. En primera instancia lo encontró en el narcotráfico. Después del 11 de septiembre de 2001 agregó al terrorismo como instrumento de ordenación de su acción intervencionista y agresiva en el mundo, a fin de sustentar su hegemonía en particular en América Latina y el Caribe.

En la práctica, Estados Unidos -además de buscar respuesta a un tema de la agenda  internacional- encontró de este modo, una salida a un problema interno, trasladando al exterior los costos políticos. Desde 1960 a partir de la Ley Antiabuso de Drogas se introdujo un conjunto de sanciones a los países productores, junto a ello comenzó un proceso de militarización de la lucha contra el narcotráfico. Así, se modificó el equilibrio de fuerzas en América Latina y el Caribe, debilitando además la relación cívico-militar y afectando la gobernabilidad y la democracia que se sostenían con diferentes grados de estabilidad. Era la vieja política de “ a río revuelto, ganancia de pescadores” aplicada por Washington para incrementar su control sobre la región.

Ángel Boligan, México

Por otro lado, poco se ha hablado en profundidad  del fracaso de Estados Unidos en el control de la demanda de drogas a fin de trasladar la presión de los países consumidores a los productores y de tránsito.  A finales de la década de los 80 del siglo pasado, un oscuro senador estadounidense por el estado de Delaware llamado Joe Biden dijo en el Congreso de su país que a pesar que los programas antidrogas se habían incrementado, la producción de sustancias sicotrópicas  había aumentado  de forma considerable: 143% la cocaína, 84% el opio y 33% la marihuana. Es decir, el aumento  de los recursos de control de la oferta no estaban acompañados de programas de reducción de la demanda, todo lo cual manifiesta el desinterés  de Washington por solucionar el problema.

Esto tiene dos razones: la primera, apropiarse de los ingentes recursos que proporciona el tráfico de drogas, la mayor parte de los cuales fluye por el sistema financiero de Estados Unidos.  De acuerdo al Instituto Nacional sobre Abuso de Drogas, a finales de la década de los 80 del siglo pasado,  la venta anual de estas sustancias superaba los 110 mil millones de dólares, la mayor parte de los cuales venía a sostener las finanzas de Estados Unidos un país en el que -según la misma fuente- el 37% de su población había consumido algún tipo de droga.

El segundo objetivo es mantener a la juventud idiotizada y con eso, fácilmente controlada para que no piense ni actúe frente al daño que la sociedad capitalista le genera. Los altos niveles de estupidización de la juventud estadounidense le permite al sistema manejarla a través del consumismo, la banalidad, la superficialidad y el individualismo entre otros mecanismos de control societal. En esa medida, los jóvenes jamás van a ser un actor para el cambio que la sociedad necesita. Para Washington, el tema de la droga no es un asunto de salud pública, es un área utilizable para ejercer su control, en primer lugar sobre su propia sociedad, y en segunda instancia sobre la región y el mundo. Para ello, fue creada una organización llamada Administración de Control de Drogas (DEA), que no se propone impedir el narcotráfico, sino organizar, regular y distribuir el ingreso y el consumo de manera que pueda servir a los dos intereses anteriormente planteados.

Esto ocurría en el siglo pasado y comienzos de éste. En ese período histórico, China no era un adversario considerable, sobre todo mientras existió la Unión Soviética a la que ambos identificaban como enemigo común. Su desaparición trajo una época de caos del sistema mientras Washington buscaba un nuevo enemigo. Las acciones terroristas del  11 de septiembre de 2001 hicieron que ambas potencias nuevamente reconocieran a otro enemigo colectivo.

Nuevamente se inició una etapa de acercamiento y flirteo: Estados Unidos porque comenzó su “guerra contra el terrorismo” ubicando el centro de esta dinámica en Afganistán. Y China porque este país tiene límites con Beijing que veía con preocupación que desde Kabul se pudieran establecer mecanismos de apoyo al Movimiento Islámico del Turquestán Oriental (MITO) organización reconocida como terrorista por la ONU y que tenía presencia en la occidental provincia de  Xinjiang fronteriza con el país del Asia Central que en algún momento llegó a producir entre el 80 y el 90 % de los opiáceos no utilizados en farmacia en el mundo. Washington y Beijing  coincidían en su intranquilidad y desasosiego por este dato.

Pero la crisis financiera de 2008 y el despegue de China hacia su encumbramiento como potencia global le hizo sentir a Washington que debía acelerar su proceso de transformar a Beijing en enemigo principal para lo cual debía crear nuevos instrumentos. Así, surgió la doctrina del “pivote asiático” de Obama, la creación del Diálogo de Seguridad Cuadrilateral (QUAD) formado por Estados Unidos, JapónAustralia e India, la alianza estratégica militar entre tres países de la angloesferaAustraliaReino Unido y Estados Unidos (AUKUS) y la alianza de inteligencia anglosajona integrada por Estados Unidos, Reino Unido, Canadá, Australia y Nueva Zelanda llamada “De los Cinco Ojos”. Todas ellas instrumentos militares orientados a la contención de China. En esa lógica también se inscriben las dos guerras comerciales de Trump (fallidas ambas) y los ataques contra Huawei y la tecnología 5G de China, entre otras acciones llevadas adelante por las últimas administraciones estadounidenses.

Dando continuidad a este escalamiento contra China es que se puede entender el argumento de la subida de aranceles motivado en la “exportación” ilegal de fentanilo de China a Estados Unidos. El fentanilo es un opiáceo sintético que actúa en las áreas del cerebro que controlan el dolor y las emociones. Se caracteriza por ser 80 veces más potente que la morfina. En su uso clínico, tiene un comienzo de acción de un minuto y una duración máxima en su efecto clínico de 30 a 60 minutos.

Por estas características es utilizado en la anestesia, como potente analgésico, en las Unidades de Cuidados Intensivos (UCI) para pacientes en ventilación mecánica en infusiones continuas, en algunos procedimientos muy específicos de corta duración y en pacientes con dolores crónicos, sobre todo en contextos oncológicos , como parches o  “paletas de caramelos” en niños.

Tiene una alta capacidad adictiva, por lo que su uso en otros escenarios, como servicios de urgencias, no estaría indicado ya que para mantener el alivio del dolor en un tiempo prolongado, se requiere repetir las dosis y por tanto aumentar exponencialmente el riesgo de adicción.

Las Sociedades de Anestesiología a nivel mundial vienen desde hace años trabajando en el riesgo laboral que significa para los trabajadores de la salud y especialmente para los anestesiólogos el bajo control sobre este fármaco. La Confederación Latinoamericana de Sociedades de Anestesiología (CLASA)  ha declarado que en los últimos 5 años en América Latina ha habido alrededor de 50 médicos anestesiólogos fallecidos por sobredosis de fentanilo. En algunos países, desde hace más de 20 años  se viene trabajando en casos de adicción a este fármaco por parte de médicos anestesiólogos, sobre la consideración de que esta es una enfermedad laboral, ya que es de fácil obtención y manipulación.

Por todo lo anterior, la “crisis del fentanilo” en Estados Unidos resulta altamente sospechosa. La doctora Carla Pellegrín especialista en terapia del dolor consultada para este informe, opinó que  resultaba muy extraño que, conociendo todo lo anterior, existieran protocolos para el manejo del dolor en los Servicios de Urgencia y en las Unidades de Ambulancias en Estados Unidos en los que se utiliza abiertamente este fármaco. La especialista chilena agrega que es muy rara -por decir lo menos-  la forma en que se ha inducido su uso. De hecho, en las formaciones de especialistas en distintos centros de América Latina, se siguen protocolos estadounidenses en los que este fármaco es considerado el “Gold Standard” (técnica diagnóstica que define la presencia de la condición con la máxima certeza conocida) para manejo de dolor en las urgencias.

"El fentanilo es la principal causa de muerte entre los usamericanos de entre 18 y 45 años": Cartel publicitario instalado por Families Against Fentanyl en la autopista 57 cerca de Orangethorpe Ave, en Placentia, California, el 6 de abril de 2023. Foto Paul Bersebach / Getty Images

Hoy,  el fentanilo se ha convertido en la droga más común en las muertes por sobredosis en Estados Unidos. Hace unos años atrás, una situación similar, la crisis de la oxicodona, otro opiáceo altamente adictivo quedó en evidencia al descubrirse que el laboratorio farmacéutico que lo producía había falseado la autorización de la Administración de Drogas y Alimentos de Estados Unidos (FDA), por lo que  actualmente se encuentra inmerso en un juicio de grandes proporciones.

La producción clandestina de fentanilo es fácil y barata, lo que ha potenciado aún más su consumo. En el año 2022, en Estados Unidos, de las 115.000 muertes producidas por sobredosis, 73.838 (alrededor de 200 diarios) tuvieron su origen en el consumo de fentanilo. Hay una responsabilidad evidente de quienes prescriben y quienes estimulan el uso de este fármaco sin control. En esa medida, no es de extrañar que esta ola de muertes y adicción en las calles de Estados Unidos haya sido calculada, para aumentar las ventas de los laboratorios. Con ello también, incrementar la producción y expendio de naloxona, su antídoto.

La adicción a sustancias químicas, genera un círculo nefasto en que luego de un tiempo inicial en que se siente  placer, la necesidad de consumo se desarrolla en función de no sentir síntomas desagradables de privación hasta el punto en que ya no se siente placer, solo alivio a los síntomas de privación. Esto genera un aumento del consumo hasta atravesar la línea invisible de sobredosis y muerte. Como se dijo antes, es finalmente una forma encubierta de convertir a la población en seres no pensantes lo cual hasta podría ser caracterizado como una forma de genocidio.

La utilización por parte del presidente Trump de esta crisis como una justificación para imponer aranceles a los bienes provenientes de México, Canadá y China transformando esta política  en un  instrumento de presión hacia esos países, no tiene asidero.

De hecho, las muertes por sobredosis comenzaron a disminuir rápidamente a inicios del año pasado. Según un reporte de las periodistas Deidre McPhillips y Annette Choi para CNN en Español, durante la administración Biden “… el Departamento de Salud y Servicios Humanos de Estados Unidos lanzó una estrategia nacional coordinada para prevenir las sobredosis. Estos esfuerzos se han centrado en la reducción de daños —como el uso de tiras reactivas para detectar fentanilo, medicamentos para revertir sobredosis y sitios de consumo supervisado— así como en la prevención, el tratamiento y la recuperación de trastornos por uso de sustancias”. Consultada al respecto la doctora Sarah Wakeman, directora médica sénior para Trastornos por Uso de Sustancias en Mass General Brigham opinó que: “Finalmente tratar esto como una condición de salud pública, después de tantos años de esfuerzo y atención, puede estar empezando a dar frutos”.

Cao Zhen, R.P. China

No se entiende entonces, que si la aplicación de políticas de salud pública como parte de acciones para enfrentar la demanda, comience a dar buenos resultados, ahora se utilice el hecho para generar una “guerra de aranceles” que persigue objetivos políticos. En este caso, no queda más que constatar que los millones de consumidores jóvenes en Estados Unidos no son más que conejillos de indias para que la actual administración intente “hacer grande a Estados Unidos de nuevo”.

La decisión sobre el incremento de aranceles  motivadas en el comercio de fentanilo por parte de Estados Unidos fue respondida de inmediato por la embajada de China en México que calificó la medida como “arbitraria” y advirtió que estas sanciones deteriorarían la cooperación entre ambos países. Por su parte,  la presidenta Claudia Sheinbaum,  en una conversación telefónica con su homólogo estadounidense le dijo: “No es con aranceles como se resolverá este problema, que es de consumo y salud pública en su país”.

En un reporte de la periodista Ilaria Landini para el periódico La Nación de Buenos Aires se señala que “la crisis del fentanilo se infiltró en las entrañas de Estados Unidos: en las bases de la industria farmacéutica, en los laboratorios clandestinos y en las dinámicas de consumo de millones de personas”.

Consultada por Landini , Guadalupe Correa-Cabrera, profesora de política y gobierno en la Universidad de George Mason opina que las medidas tomadas podrían generar el efecto contrario: “Si se encarecen los precursores y las drogas importadas, los laboratorios norteamericanos podrían comenzar a producir fentanilo internamente para suplir la demanda”, lo cual “lejos de resolver el problema, solo lo trasladaría al interior del país”.

Esta posibilidad es rechazada por la DEA. Su funcionamiento y sustento existencial parte de la noción de que el problema está fuera de Estados Unidos, no en su interior y que el origen de la crisis surge de la creciente oferta, no de la creciente demanda. En tanto la DEA y las diferentes administraciones estadounidenses sean parte del problema, no de la solución, el mismo no tiene salida a la vista. Los jóvenes estadounidenses seguirán siendo sacrificados porque para la administración es mejor que mueran ellos antes que muera el sistema que engendra el problema. Al contrario, no trabajan para proporcionar salud a los jóvenes, sino para dar oxígeno al sistema y así darle continuidad a los beneficios de ese 1% que controla y domina la sociedad.


Virginia Basora-González, una dominicana indocumentada  de 36 años ,  fue detenida en 2019 en USA y deportada por posesión de 40 gramos de fentanilo. En marzo de 2025, fue detenida de nuevo, esta vez en Filadelfia. Su foto llorando fue inmediatamente transformada por los servicios de la Casa Blanca en una imagen generada por IA al estilo de las animaciones del estudio japonés Ghibli. «La detención de Virginia Basora-González demuestra nuestro compromiso de proteger a nuestras comunidades de los extranjeros delincuentes que se dedican a actividades ilegales graves que constituyen una amenaza para la seguridad pública», declaró Brian McShane, director interino de la oficina local del ICE encargada de las operaciones de aplicación de la ley y expulsión en Filadelfia, en el momento de su detención.


28/02/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
De Bruxelles à Riyad en passant par Munich : huit jours qui ont ébranlé le monde (II)

 Sergio Rodríguez Gelfenstein, 27-2-2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

La semaine dernière, nous avons fait une observation descriptive des développements internationaux ; l'analyse de ces développements est un peu plus complexe. Il me semble que les difficultés proviennent de l'idée qu'il est possible de comprendre la situation actuelle sur la base d'une vision dichotomique entre unipolarité et bipolarité et que les catégories d'analyse utilisées pendant la guerre froide sont toujours valables. Certains analystes parlent même de l'émergence d'une nouvelle bipolarité Chine-USA.


Il y a quelques jours, un ami toujours bien informé et soucieux de suivre les développements internationaux m'a écrit pour me dire : « Je ne comprends pas ce qui se passe. Je suis perdu. Peut-être que l'empire veut redessiner le monde. Tu avais écrit quelque chose il y a de nombreuses années sur les répartitions... »

Tout cela m'a motivé à écrire cet article qui, en raison de sa longueur, a dû être publié en deux parties, ce qui n'est pas forcément avantageux. En effet, en mars 2014, mon livre a été publié d'abord au Chili puis en Argentine par la maison d'édition Biblos. “La balanza de poder. Las razones del equilibrio del sistema internacional”  [« L'équilibre des pouvoirs. Les raisons de l'équilibre du système international »]. Quelques mois plus tard, l'édition anglaise de L’ordre du monde d’Henry Kissinger est sortie en septembre.

Cherchant à établir ce que serait le système international du futur, j'ai passé en revue dans mon livre les variantes existantes basées sur l'étude des causes des conflits et de la coopération entre les États pour les résoudre. J'ai ensuite expliqué les propositions de bipolarité, de multilatéralisme, de multipolarité et d'apolarité qui étaient sur la table. Personnellement, j'ai osé affirmer que les différentes conditions existantes laissaient présager qu'à moyen terme, un système international d'équilibre des pouvoirs serait mis en place.

La définition la plus claire de l'équilibre est apparue dans les études du politologue usaméricain Morton Kaplan qui, dans un article de 1966 intitulé « Some Obstacles in International Systems Research », a établi que les acteurs de l'équilibre devaient être au moins cinq, avoir un caractère exclusivement national et entrer dans la catégorie des « acteurs nationaux essentiels au fonctionnement du système ».

Il a ensuite établi 6 règles fondamentales qui caractérisent le système d'équilibre des pouvoirs. Il s'agit de négocier avant de combattre, de combattre avant de ne pas augmenter les capacités, de ne pas combattre avant d'éliminer un acteur clé, de s'opposer à toute coalition qui tente de dominer, de limiter les acteurs qui acceptent les principes organisationnels supranationaux et de permettre aux acteurs qui sont vaincus ou limités de réintégrer le système.

Il s'agit là d'un résumé très succinct de la proposition présentée par Kaplan. Dans mon livre, publié il y a seulement 11 ans, j'ai soutenu que, de mon point de vue, pour la Chine, la recherche de l'équilibre fait partie de sa politique permanente, tandis que pour les USA, une bête blessée et jouant des griffes, l'équilibre est un impératif de survie.

Mon point de vue était et reste que le monde évolue vers un équilibre des pouvoirs. La possibilité de détruire la planète pour imposer le capitalisme n'est pas viable. Les capitalistes sont immoraux, pas suicidaires. L'accumulation a une limite - actuellement imposée par les puissances de confrontation - qui indiquent en fait une faiblesse croissante et la perte de l'hégémonie impériale. Une rationalité du capital - si elle existe et est possible - établit comme plus viable un équilibre qui lui permet de préserver une part de pouvoir plutôt que de recourir à une confrontation nucléaire dans laquelle ils peuvent difficilement obtenir des gains.

Comme je l'ai déjà dit, quelques mois après la publication de mon livre, le groupe d'édition Penguin Random House a publié le livre de Kissinger sous le titre suggestif de « World Order: Reflections on the Character of Nations and the Course of History». D'un autre point de vue, même antagoniste au mien, Kissinger affirme que l'équilibre est la seule alternative pour que USA conservent leur puissance.

Peu avant la publication de son livre, à la fin du mois d'août 2014, Kissinger a publié dans The Wall Street Journal un article intitulé « On the Assembly of a New World Order ». Dans ce texte, il donne un aperçu de certains éléments qu'il développe beaucoup plus longuement dans son livre. Il considère comme positif le fait que la démocratie et la gouvernance participative soient passées du statut d'aspiration à celui de “réalité universelle”. Notez la référence de Kissinger à la "gouvernance participative".

Il note que la majeure partie du monde est composée de pays qui forment des États souverains indépendants, mais ajoute que l'Europe n'a pas les attributs pour créer un État, offrant un “vide d'autorité tentant”. Il semble ici vouloir actualiser les caractéristiques des États-nations essentiels mentionnés par Kaplan, qui sont orientés vers la configuration d'un équilibre entre la Chine, la Russie, les USA, l'Inde et un pays européen qui émergera en tant que leader dans le conflit actuel - l'Allemagne ? le Royaume-Uni ? la France ? Peu importe lequel, mais ce sera l'un d'entre eux.

Kissinger était d'avis que l'ordre international était confronté à un paradoxe, en ce sens que - selon lui - la prospérité dépendait du succès de la mondialisation, mais que le processus produisait un contrecoup politique qui visait à remettre en cause ses objectifs. Pour remédier à cette anomalie, il a proposé la création d'un « mécanisme efficace permettant aux grandes puissances de se consulter et éventuellement de coopérer sur les questions les plus importantes ».

Pour ce faire, les USA devraient accepter l'existence de deux niveaux apparemment contradictoires : les principes universels d'une part et les particularités locales et régionales d'autre part. En tout état de cause, Kissinger ne renonce pas à ses fondements idéologiques impérialistes en affirmant que tout doit être envisagé sous l'angle du caractère exceptionnel des USA.

Sur le plan intérieur, cela signifie que les citoyens usaméricains doivent comprendre qu'ils ne sont pas les seuls à vivre sur cette planète, qu'ils doivent renoncer à certains de leurs droits pour faire progresser la mondialisation et que même ces droits doivent continuer à être violés [comme c'est le cas aujourd'hui aux USA] pour faire de la place aux opinions d'autres pays.

Dès le début du livre, Kissinger affirme que les différentes traditions culturelles permettent d'établir le concept d'ordre comme base des relations internationales. Il semble ainsi contredire Huntington, qui pensait que l'avenir serait marqué par des conflits civilisationnels. Il estime au contraire que les conflits actuels trouvent leur origine dans l'identification d'idées concurrentes sur la forme du système international à un moment où l'enjeu est d'organiser l'ordre régional tout en veillant à ce que cet ordre soit compatible avec la paix et la stabilité dans le reste du monde.

Sans que cela semble sortir de sa plume, Kissinger estime qu'il y a un grand risque à ce que l'Occident tente de répandre son modèle de démocratie dans le monde, avertissant notamment que “l'idéalisme américain” sans une stratégie claire pour le mettre en pratique ne conduira pas à une amplification de la présence de la “démocratie libérale” dans le monde.

Les notions d'impérialisme et d'équilibre peuvent sembler antagonistes, mais elles ne le sont pas. Je tiens à le répéter, pour les USA, il s'agit d'une question de survie. Il peut être nécessaire d'étudier le livre de Kissinger pour comprendre la performance internationale de la nouvelle administration usaméricaine. On sait que durant la première administration Trump, bien après l'âge de 90 ans, Kissinger était un visiteur régulier de la Maison Blanche. Décédé en 2023 à l'âge de 100 ans, ses idées et son empreinte constituent la colonne vertébrale de l'action internationale des USA à ce stade.

En décembre 2022, quelques mois après le début de l'opération militaire russe en Ukraine, alors que Joe Biden est au pouvoir à Washington, Kissinger, dans un article intitulé. “Comment éviter une nouvelle guerre mondiale ?” , a estimé que la paix devait être recherchée avec un double objectif : confirmer la liberté de l'Ukraine et définir une nouvelle structure internationale dans laquelle la Russie devrait avoir sa place. L'ancien secrétaire d'État n'était pas non plus d'accord avec l'idée que la Russie était obligée de devenir un pays impuissant après le conflit en Ukraine, car il était impératif de reconnaître que la Russie « avait contribué de manière décisive à la recherche de l'équilibre mondial et de l'équilibre des pouvoirs pendant plus d'un demi-millénaire » et que « son rôle historique ne devait pas être dégradé ».

Les questions qui ont été mises au premier plan de la dynamique internationale actuelle, telles que les immigrés déportés des USA, le canal de Panama et le Groenland, ne sont que des écrans de fumée destinés à “distraire” le monde et à le faire réfléchir et débattre sur des questions qui ne sont pas prioritaires. Selon le sénateur usaméricain Bernie Sanders, le véritable objectif de Trump est de « démanteler illégalement et inconstitutionnellement les agences gouvernementales » afin que les milliardaires et les « classes dirigeantes [qui] ont toujours voulu et cru que [le pouvoir] leur revenait de droit, [obtiennent] plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de richesse ». Pour ce faire, ils doivent dynamiter les institutions du pays et restructurer le système international selon les paramètres définis par Trump.

Certes, pour y parvenir, ils ont besoin que la Chine, et non la Russie, soit l'ennemi dans le nouveau système qu'ils entendent construire. Cependant, face à un approfondissement stratégique de la situation critique, la seule solution pour tenter d'éviter la catastrophe et de sauvegarder une certaine part de pouvoir est de se concentrer sur la recherche d'un équilibre, comme l'a souligné Kissinger.

Il y a presque deux ans, en mai 2023, Kathleen Hicks, la vice-secrétaire d'État à la défense des USA  l'a clairement indiqué. Lors d'une conférence à Washington, elle a déclaré que le Pentagone percevait la Chine comme le challenger militaire de son pays et « le seul concurrent stratégique ayant la volonté et, de plus en plus, la capacité de remodeler l'ordre international ». Elle a ajouté que la Chine constituait “un défi générationnel” qui, même s'il évoluera avec le temps, “n'ira nulle part”.

Rappelant l'empreinte de Kissinger au cours du XXe siècle, Hicks a évoqué l'expérience historique de la confrontation avec l'Union soviétique, un concurrent “lent et lourd”, alors qu'aujourd'hui, en matière de défense, les USA doivent “évoluer plus vite que les menaces”.

Hicks a déclaré que dans cette “nouvelle ère de compétition stratégique”, l'objectif des USA 3est de dissuader, car la compétition n'est pas synonyme de conflit"” Selon la sous-secrétaire, le Pentagone a réussi à faire en sorte que « les dirigeants chinois se réveillent chaque jour, considèrent les risques d'agression et concluent" : “Aujourd'hui n'est pas le jour” et qu’ils le pensent aujourd'hui et chaque jour entre aujourd'hui et 2027, aujourd'hui et 2035, aujourd'hui et 2049, et au-delà », soulignant curieusement les années phares pour lesquelles la RPC a entrepris d'atteindre des objectifs stratégiques.

À ce stade, Trump connaît les coûts liés au maintien de 800 bases militaires et de 1,32 million de militaires en dehors de son territoire, sans compter 11 groupes d'attaque de porte-avions dont 7 sont déployés et 4 en réparation, avec un fardeau économique très important conspirant avec l'objectif de faire de « l'Amérique à nouveau grande » une réalité. Pour cette raison, il a anticipé les circonstances et a exprimé le 20 février sa volonté de négocier avec la Russie et la Chine pour réduire le nombre d'ogives nucléaires, soulignant qu'il considère comme inacceptable l'utilisation d'armes atomiques et l'augmentation du nombre de puissances nucléaires. Pour paraphraser l'ancien président Bill Clinton, on pourrait dire “It's the economy, stupid”.

Il faut le dire clairement... et le répéter, le système international de l'après-guerre s'est effondré et est sur le point de céder la place à un nouveau système. Certes, l'OTAN existe encore formellement, mais la réalité est que, comme l'a certifié le président Macron en novembre 2019, elle est en « état de mort cérébrale ». Le Secrétariat général est un poste vide, créé uniquement pour faire croire aux Européens qu'ils peuvent décider de quelque chose. Le véritable pouvoir repose sur les épaules du commandant suprême des forces alliées en Europe, qui est toujours un général usaméricain. Il est déjà question que Trump ordonne le retrait de ses troupes déployées en Europe de l'Est, dans les pays qui faisaient partie de l'Union soviétique ou du Pacte de Varsovie. Cela reviendrait au statu quo de la fin de la guerre froide, lorsque l'Union soviétique a disparu et que l'Occident a pris des engagements envers la Russie qu'il n'a jamais tenus.

Aujourd'hui, alors que des délégations de haut niveau de la Russie et des USA se sont réunies à Riyad, la capitale de l'Arabie saoudite, « les eaux reviennent à la normale ». Marco Rubio sait que Sergueï Lavrov n'est pas le ministre des Affaires étrangères indigne et stupide du Panama et que Poutine n'est pas non plus le José Raúl Mulino qui fait des génuflexions. Il ne s'agit pas d'une question de taille et de puissance d'un pays par rapport à l'autre. Un dirigeant panaméen, le général Omar Torrijos, a forcé les USA à s'asseoir à la table du dialogue, a négocié d'égal à égal avec le seul pouvoir que lui conféraient la dignité et l'histoire du peuple panaméen héroïque, et a gagné : il les a obligés à restituer le canal.

À Riyad, Rubio a dû mesurer ses mots et même ses gestes. Il s'agissait d'un premier pas, qui avait plus à voir avec la politique bilatérale qu'avec une révision de l'agenda international, même si la question de l'Ukraine était sur la table. Mais le fait que les deux plus grandes puissances nucléaires de la planète se soient assises pour discuter et que certains de leurs principaux dirigeants se soient regardés dans les yeux, face à face, et aient éteint l'allumette qui, il y a quelques semaines à peine, menaçait d'allumer le feu de l'hécatombe nucléaire, est un signe de soulagement et une voie positive pour toute l'humanité éprise de paix et de vie.

Aujourd'hui, le doute, la confusion et l'incertitude règnent, et pour les Européens, la perplexité, mais nous devons nous y habituer : c'est la dynamique de Trump et il en sera ainsi pendant au moins les quatre prochaines années. En attendant, tout en reconnaissant et en applaudissant ce qui s'est passé à Riyad et les événements qui ont conduit à la possibilité d'une guerre nucléaire, nous devons toujours nous souvenir du Comandante Ernesto Che Guevara lorsque, le 30 novembre 1964, depuis Santiago de Cuba, il a recommandé que l'on ne fasse pas confiance à l'impérialisme “même un tout petit peu, pas du tout”.

 

 

21/02/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
De Bruxelles à Riyad en passant par Munich : huit jours qui ont ébranlé le monde (I)


Sergio Rodríguez Gelfenstein, 20-2-2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les développements internationaux ont pris un rythme extraordinairement rapide. J’ai consulté quelques collègues et nous avons conclu qu’il devenait difficile de suivre le mouvement des événements qui secouent, transforment et restructurent le système international à une vitesse inégalée au moins au cours des 80 dernières années. Ce qui est certain, c’est que le monde de l’après-guerre semble s’effondrer. Le consensus obtenu en 1945 à Yalta et à Potsdam vient de recevoir un coup fatal à Munich.


« Rendre l’Europe à nouveau petite » - Tom Janssen, Pays-Bas

Jetons un bref coup d’œil sur les événements de ces derniers jours pour confirmer cette affirmation qui reflète l’empreinte que l’administration Trump impose au monde :

12 février. Le président usaméricain a indiqué avoir eu un appel téléphonique “long et très productif” avec son homologue russe Vladimir Poutine. Il a déclaré que Poutine souhaitait la fin de la guerre en Ukraine et qu’il pensait qu’un cessez-le-feu interviendrait “dans un avenir assez proche”. Il s’agit de la première conversation connue entre les deux présidents depuis l’entrée en fonction de Trump le mois dernier.

12 février. Lors de sa réunion à Bruxelles avec les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le secrétaire usaméricain à la Défense, Pete Hegseth, a déclaré “directement et sans ambiguïté” que Washington n’accorderait plus la priorité à la sécurité de l’Europe et que la guerre entre l’Ukraine et la Russie “doit cesser”, sa priorité étant de sécuriser les frontières des USA et d’éviter une guerre avec la Chine.

Hegseth a affirmé que les réalités stratégiques actuelles empêchent les USA de rester le principal garant de la sécurité en Europe. Ces mêmes réalités imposent, selon le chef du Pentagone, une réduction des forces usaméricaines dans la région. La priorité pour Washington est de faire face à la Chine, qu’il a qualifiée de “concurrent majeur” parce qu’elle a la capacité et l’intention de menacer la sécurité nationale et les intérêts fondamentaux des USA dans la région indopacifique. Hegseth a souligné que la dissuasion d’un conflit avec la Chine dans le Pacifique était la mission la plus importante de son ministère. Il a reconnu la rareté des ressources et la nécessité de prendre des décisions difficiles pour garantir que le processus n’échoue pas.

Le secrétaire à la Défense a exhorté les alliés européens de l’OTAN à jouer un rôle actif. Il leur a dit sans ambages : « La Maison Blanche ne tolérera plus une relation déséquilibrée qui favorise la dépendance. Au lieu de cela, les relations américano-européennes se concentreront sur l’autonomisation des pays européens afin qu’ils prennent la responsabilité de leur propre sécurité ».

14 février. Le vice-président usaméricain J.D. Vance a prononcé un discours lors de la 61e conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février, surprenant à la fois les participants et les alliés européens de Washington. Dans son discours, le haut fonctionnaire usaméricain a déclaré : « La menace qui m’inquiète le plus pour l’Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace qui vient de l’intérieur, le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, des valeurs partagées avec les USA ». Ignorant la perplexité suscitée par ses propos, il a ajouté que « lorsque nous voyons des tribunaux européens annuler des élections, avec des hauts fonctionnaires menaçant d’en annuler d’autres, nous devons nous demander si nous nous imposons des normes suffisamment élevées ».

14 février. Le sénateur républicain du Texas, John Cornyn, a déclaré qu’il espérait que les Européens reconnaîtraient que leur privilège de profiter des USA avait pris fin, ajoutant : « Ils en ont bien profité, et cette époque est révolue ».

14 février. Keir Giles, chercheur principal au sein du groupe de réflexion Chatham House, basé à Londres, a déclaré à NBC News que l’Europe a ignoré des décennies de signes indiquant que la patience des USA s’était “épuisée” face à la dépendance de l’Europe à l’égard de la défense usaméricaine.

14 février. Patrick Wintour, rédacteur diplomatique du journal britannique The Guardian a noté que les remarques de M. Vance démontraient que « le différend préexistant entre l’Europe et les USA ne portait plus sur le partage des charges militaires ou la nature de la future menace de sécurité posée par la Russie, mais sur quelque chose de plus fondamental : le partenariat ».

16 février. Dans un article intitulé « Donald Trump’s assault on Europe », le journal en ligne londonien The Economist note que les dirigeants européens participant à la conférence de Munich ont été “stupéfaits” de voir l’administration Trump « saborder des décennies de diplomatie qui ont fait de l’OTAN l’alliance militaire la plus réussie de l’histoire moderne ».

18 février. Le Premier ministre hongrois déclare : « L’Union européenne (UE) a été “piégée dans la guerre” et apprendra les résultats des négociations sur l’Ukraine par la presse ».

18 février. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré que le sommet d’urgence de l’UE à Paris n’avait pris aucune décision sur le conflit ukrainien. Les contradictions entre les dirigeants réunis ont empêché l’émergence d’une solution commune. Le site politico indique qu’à l’issue des trois heures et demie de réunion, leurs réactions ont été “décevantes”.

19 février. Une réunion à Riyad, capitale de l’Arabie saoudite, entre des délégations de haut niveau de la Russie et des USA s’est achevée avec succès après un dialogue fluide et sans heurts, selon le conseiller présidentiel du Kremlin, Yuri Ushakov, qui a participé à la réunion avec le ministre des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov. Ushakov a souligné qu’au cours des discussions, toutes les questions ont été examinées sérieusement et en profondeur, et qu’un consensus a été atteint pour faire avancer les relations bilatérales.

19 février. Évoquant la réaction de l’Ukraine et de son dirigeant Volodymir Zelensky aux pourparlers entre les USA et la Russie à Riyad, en Arabie saoudite, le président Trump a déclaré : 3Pensez-y : un humoriste au succès modeste, Volodymir Zelensky, a convaincu les États-Unis d’Amérique de dépenser 350 milliards de dollars pour entrer dans une guerre ingagnable, qui n’aurait jamais dû commencer, mais une guerre que lui, sans les USA et Trump, ne sera jamais en mesure de résoudre. L’Amérique a dépensé 200 milliards de dollars de plus que l’Europe, et l’argent de l’Europe est garanti, alors que l’Amérique n’aura rien en retour. Pourquoi Joe Biden endormi n’a-t-il pas exigé l’égalité, puisque cette guerre est tellement plus importante pour l’Europe que pour nous ? Nous avons un grand et bel océan qui nous sépare. En outre, Zelensky admet que la moitié de l’argent que nous lui envoyons a disparu. Il refuse d’organiser des élections, sa cote de popularité est très basse et la seule chose pour laquelle il était doué, c’était de manipuler Biden “comme un violon”. Zelensky est un dictateur non élu qui doit agir vite sous peine de ne plus avoir de pays. Pendant ce temps, nous négocions avec succès la fin de la guerre avec la Russie, ce que tout le monde admet que seuls Trump et l’administration Trump peuvent faire. Biden n’a jamais essayé, l’Europe n’a pas réussi à apporter la paix et Zelensky veut probablement continuer à faire tourner le jackpot. J’aime l’Ukraine, mais Zelensky a fait un travail terrible, son pays est en lambeaux et des millions de personnes sont mortes inutilement. Et ainsi de suite... »

Pour paraphraser le titre du célèbre livre de John Reed, on pourrait parler des “huit jours qui ont ébranlé le monde”. Les Européens sont abasourdis et, comme l’a montré leur sommet de Paris, totalement désunis et sans réaction. Ils sont venus à Munich en s’attendant à ce que Vance parle des questions de sécurité et de défense pour le bloc européen, mais au lieu de cela, il a “attaqué violemment” les alliés de Washington en dénonçant “la désinformation, la mésinformation et les droits à la liberté d’expression”. Selon RT, « un haut fonctionnaire européen qui a parlé à Foreign Policy sous le couvert de l’anonymat, a déclaré que M. Vance « a fait en Allemagne quelque chose que les Allemands savent très bien faire : donner des leçons aux autres ».

La Russie n’a été ni surprise ni désarçonnée. Depuis 2014, avec patience et une vision à long terme, elle a élaboré un plan qu’elle applique à la lettre. Il y a quelques mois, le président Poutine a exposé sa conception de la paix et son idée d’un nouvel ordre international. Lors du forum « Interconnexion des temps et des civilisations, base de la paix et du développement » qui s’est tenu à Achgabat, capitale du Turkménistan, en octobre 2024, il a expliqué : « ...La paix mondiale ne peut être atteinte qu’en prenant en compte les intérêts de tous les peuples de la planète ». Dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion, le président russe a fait savoir que son pays était convaincu que « la paix universelle et le développement global ne peuvent être assurés qu’en tenant compte des points de vue de chaque peuple, tout en respectant le droit de chaque État à son propre cours souverain, à sa propre vision du monde, à ses propres traditions et idées religieuses », notant que la majorité des États du monde prônaient « une répartition plus équitable des bénéfices ».

C’est sur cette base que les dirigeants russes et usaméricains ont pu se parler au téléphone la semaine dernière et convenir de mettre fin à une période “absolument anormale” des relations entre les deux pays, au cours de laquelle il n’y avait pas de contacts mutuels.

À SUIVRE