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09/09/2025

JUDY MALTZ
Alors que des réservistes israéliens appellent à mettre fin à la guerre de Gaza, ces Juifs de la diaspora sont enthousiastes à l’idée de se battre

Judy Maltz, Haaretz, 9/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La semaine dernière, 350 jeunes hommes et femmes juifs, volontaires pour le service militaire en Israël, ont reçu un accueil triomphal à Tel-Aviv. Le lourd bilan humain de la guerre qui fait rage depuis le 7 octobre ne les a pas dissuadés, affirment-ils. Bien au contraire.

Mardi dernier, 350 réservistes israéliens ont annoncé qu’ils refuseraient de servir si on les appelait à participer à la conquête de Gaza Ville. Lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv, des représentants du groupe ont décrit cette nouvelle phase de la guerre – approuvée par le cabinet de sécurité malgré l’opposition des plus hauts responsables sécuritaires du pays – comme une « étape politique, cynique et dangereuse » qui mettrait en péril la vie des otages, des soldats israéliens et des civils innocents à Gaza.


Familles et nouvelles recrues lors de la cérémonie d’accueil de Garin Tzabar à Tel-Aviv la semaine dernière. Photo Noam Feiner

Deux jours plus tard – à l’autre bout de la ville, mais comme dans un univers parallèle – des responsables israéliens ont organisé un accueil triomphal pour 350 Juifs de la diaspora qui n’avaient aucune obligation de servir dans l’armée ni de participer à cette guerre de plus en plus impopulaire à Gaza. Pourtant, ils ont choisi de quitter famille et amis – précisément en ce moment – pour se porter volontaires au service militaire dans un pays lointain en guerre.

Lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv mardi dernier, 350 réservistes israéliens ont signé une déclaration contre la conquête de Gaza Ville, promettant : « Nous ne viendrons pas ». Photo Tomer Appelbaum

À en juger par l’ambiance lors de cette cérémonie, ils sont remarquablement enthousiastes.

Âgés pour la plupart de la fin de l’adolescence ou du début de la vingtaine, ces jeunes hommes et femmes participent au programme Garin Tzabar [« Graine de sabra »], qui amène chaque année des centaines de volontaires dans les Forces de défense d’Israël (FDI). Ce programme fournit à ces « soldats seuls » des services d’orientation dans leurs pays d’origine, ainsi que des cours d’hébreu et un logement une fois arrivés en Israël. Ils arrivent en plusieurs vagues organisées au cours de l’année, la plus importante étant celle de l’été.

À tout moment, environ 3 500 soldats venus de l’étranger servent dans les FDI, dont plus d’un tiers par l’intermédiaire de Garin Tzabar.

La cérémonie de bienvenue de cette année, organisée dans un grand auditorium de l’université de Tel-Aviv, portait le titre « La Tkuma, c’est maaintenant» – Tkuma étant le mot hébreu pour « renaissance » (le Premier ministre Benjamin Netanyahou appelle souvent la guerre qui a suivi l’attaque du Hamas du 7 octobre « la guerre de la Tkuma »).


Participants de Garin Tzabar lors de la cérémonie d’accueil à l’université de Tel-Aviv mardi dernier. Photo Noam Feiner

Parmi les 900 soldats israéliens tués depuis le 7 octobre, six étaient des participants de Garin Tzabar (deux autres étaient conseillers du programme). Parmi eux, Omer Neutra, un soldat seul tué le 7 octobre dont le corps est toujours retenu par le Hamas. Parmi les otages libérés, Edan Alexander, originaire du New Jersey, faisait également partie de Garin Tzabar. Citoyen usaméricain, il doit sa libération après 584 jours de captivité à l’intervention directe du président Donald Trump.

Pour les Juifs de la diaspora qui considèrent souvent le service dans les FDI comme une sorte d’année sabbatique prolongée, les expériences de ces soldats seuls ont révélé la véritable signification de la guerre. Mais loin d’entamer leur enthousiasme, ces épreuves semblent avoir eu l’effet inverse. En effet, depuis le 7 octobre, la participation à Garin Tzabar a fortement augmenté. En août 2023, à peine deux mois avant l’attaque du Hamas, 230 soldats seuls étaient arrivés via ce programme. En août 2024, ils étaient 320, et en août 2025, 350. Au total, le nombre de participants de la cohorte d’été – la plus importante de l’année, et donc le meilleur indicateur des tendances – a augmenté de 40 %.

« Nous voyons clairement une motivation accrue », déclare Hait Gilad, nouveau directeur général de Tzofim Olami, le mouvement international des scouts israéliens qui gère Garin Tzabar.

Saul Rurka, entrepreneur britanno-israélien dans la high-tech et le social, qui soutient divers projets de protection sociale pour les soldats seuls, partage cette impression.

« Cette année, quand je leur demande – et je pose toujours cette question – ce qui les a poussés à venir en Israël et à rejoindre les FDI, la réponse est : ‘le 7’. Cela a secoué beaucoup de jeunes qui n’étaient pas vraiment connectés au judaïsme et qui disent maintenant vouloir protéger leur peuple et leur pays. »

L’endroit où il faut être

C’était assurément le cas pour ce nouveau groupe de futurs soldats des FDI, qui doivent commencer leur service en novembre, et qui assistaient à la cérémonie de la semaine dernière.

« J’ai toujours aimé Israël, et après le 7 octobre, j’ai senti que c’était l’endroit où je voulais être. J’ai donc décidé de m’installer ici et de devenir soldate seule », a déclaré Yehudit Quigley, 18 ans, de la région de Washington, D.C.

Eden-Li Chajmovic, fille d’Israéliens originaire de l’Ohio, vivait dans un kibboutz à la frontière de Gaza le 7 octobre 2023, où elle allait au lycée. « Après l’attaque du Hamas, j’ai dû retourner aux USA pour finir le lycée, mais cela n’a fait que renforcer mon envie d’être ici », explique la jeune femme de 18 ans. « Je connaissais des gens qui ont été tués, y compris des camarades de classe, et je voulais revenir protéger le pays. »

Michelle Shkolnekov, 19 ans, d’Allemagne, a elle aussi passé la majeure partie de son lycée en Israël. « J’ai ressenti un lien profond avec Israël et j’ai voulu donner quelque chose en retour au pays », explique-t-elle pour justifier sa décision de s’enrôler.

Interrogée sur la peur d’être soldate dans un pays en guerre, Shkolnekov répond : « Nous avons tous certaines craintes, mais en dehors d’Israël, même s’il n’y a pas de bombes ni de roquettes, il y a la haine et l’antisémitisme. Donc, aussi étrange que cela paraisse, je me sens beaucoup plus libre ici. »

Ces sentiments sont partagés par Daniel Gurt, 18 ans, de Russie : « Toute ma vie, j’ai attendu de venir en Israël et de rejoindre l’armée. »

Aucun de ces futurs soldats n’a déclaré avoir eu des doutes après le 7 octobre.

« Une nouvelle famille »

Alors qu’ils prennent place dans l’auditorium, les futurs soldats des FDI répondent par des applaudissements nourris au « Bienvenue à la maison » lancé depuis la scène.

Le ministre de l’Alya et de l’Intégration, Ofir Sofer – membre du parti d’extrême droite Sionisme religieux – ouvre la série de discours officiels en félicitant les participants rayonnants, les qualifiant de « meilleure jeunesse juive, qui choisit de venir en Israël en cette heure difficile – accomplissant l’acte le plus sioniste qui soit ».

Un groupe de soldats seuls en uniforme rejoint un rappeur sur scène, tandis que des images du massacre du 7 octobre défilent à l’écran. Lisa et Andrew, un couple britannique qui se présente comme « les fiers parents de Theo », un participant de Garin Tzabar présent dans l’auditoire, prennent la parole au nom des familles.

« Nous sommes convaincus que nous confions nos enfants à une nouvelle famille ici », déclare la mère, exprimant sa certitude que cette nouvelle cohorte de soldats seuls « servira Eretz Israël avec courage ».

Dans un défilé rappelant la parade des nations aux Jeux olympiques, la cérémonie s’achève par la marche de dizaines de participants de Garin Tzabar à travers l’auditorium, chacun portant le drapeau de son pays natal au rythme de chansons hébraïques entraînantes.

« Un vrai sentiment d’urgence »

Bien que les USAméricains constituent le groupe le plus important, la cohorte de cet été compte aussi des participants venus d’Australie, du Canada, de Russie, d’Ukraine, de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, du Danemark et de Hollande.

Fondé il y a plus de 30 ans, Garin Tzabar visait à l’origine les enfants d’expatriés israéliens vivant aux USA. Au fil des années, cependant, le programme a attiré de plus en plus de Juifs de la diaspora sans lien familial direct avec Israël, beaucoup étant motivés après avoir participé à des voyages organisés par Birthright en Israël. Aujourd’hui, les enfants d’Israéliens ne représentent plus qu’environ la moitié des participants.

Ces dernières années, le nombre de participants orthodoxes a également fortement augmenté, et cette année, pour la première fois, Garin Tzabar a mis en place un programme spécial pour les jeunes filles religieuses désireuses de combiner service militaire et études religieuses. Cette semaine a aussi marqué l’inauguration d’un dortoir inédit pour les participants affiliés aux mouvements conservateur et réformé. Le site est situé au kibboutz Hanaton, dans le nord d’Israël, qui abrite une importante congrégation égalitaire.

Dans une étude universitaire publiée il y a quelques années, le Dr Lior Yohanani, sociologue politique à l’Institut israélien de la démocratie, a exploré les motivations des enfants d’Israéliens aux USA devenus soldats seuls. Il affirme ne pas être surpris que la participation à Garin Tzabar ait fortement augmenté depuis le 7 octobre.

« Je ne m’attendais pas à autre chose », dit-il. « Il y a aujourd’hui beaucoup de sentiments antisémites et anti-israéliens, et sans vouloir paraître cynique, cela est utilisé pour recruter ces jeunes. »

« C’est aussi vraiment la première fois depuis de nombreuses années qu’il y a un véritable sentiment d’urgence dans le pays, et donc ces jeunes ressentent qu’il y a un vrai sens à ce qu’ils font. »


Le PDG de l’Agence juive, Yehuda Setton (à droite), avec le ministre de l’Alya et de l’Intégration, Ofir Sofer, et le président du Mouvement des scouts hébreux en Israël, Raz Pearl. Photo Noam Feiner

Howard Zaretzky faisait partie d’un petit groupe de parents venus en Israël pour assister à la cérémonie d’accueil. Il s’est décrit comme « extatique, exalté et fier » qu’un deuxième de ses six enfants se soit porté volontaire pour servir dans les FDI.

Interrogé sur son inquiétude de voir son fils servir si loin de chez lui dans une guerre dangereuse, ce New-Yorkais jovial a répondu : « Pas du tout. Il est entre de bonnes mains. J’encourage son petit frère, qui est en première au lycée, à faire de même. Si je pouvais, je partirais avec lui. Mais je suis trop vieux – ils ne voudront pas de moi. »