Quelle social-démocratie n’a pas
donné l’ordre de tirer quand la misère sort de son territoire ou ghetto ? Gilles
Deleuze, Qu’est-ce que la philosophie ?
Le 27 février 1989, débute à
Caracas l’un des évènements historiques les plus signifiants du changement de
période politique de la fin des années 80. Quelques mois avant la chute du mur
de Berlin, les Vénézuéliens vivant majoritairement dans les quartiers pauvres
(80% de la population) se révoltent contre l’application brutale des mesures du
FMI par le vice-président de l’Internationale Socialiste de l’époque : Carlos
Andrés Pérez (CAP). La réponse politique du gouvernement vénézuélien est brutale
: déploiement l’armée et autorisation de tirer sur la foule. La répression se
solde par un terrible bilan : près de 3000 morts en quatre jours. Cette révolte spontanée marque le réel début du processus révolutionnaire
bolivarien et celui d’une longue série de révoltes dans le monde contre le
visage libéral du capitalisme.
Caracas,
après le massacre de février 1989 qui a fait 3 000 morts... Voir plus de photos
Le bolivar,
la monnaie vénézuélienne, a inspiré Ian Fleming, qui dans son livre Opération
Tonnerre - dont James Bond est le héros - écrit : « Le soi-disant
Venezuela saoudien a été incubé dans la manne pétrolière qui s’est produite
dans les années 1970 en raison des conflits au Moyen-Orient. Le monde, et
surtout les USA, avaient besoin de pétrole. Les conflits créés au Moyen-Orient,
précisément pour le contrôle du pétrole,
ont provoqué des pénuries et donc une formidable hausse des prix ».
Voilà le
paradis qu’était le Venezuela avant l’arrivée d’Hugo Chávez.
« Le
revenu total à ce jour, en excluant notre dernier dividende non distribué, s’est
élevé à environ un million et demi de livres sterling en francs suisses et en
bolivars vénézuéliens, dans lesquels nous convertissons nos revenus, parce que
ce sont toujours les monnaies les plus dures du monde ».
Une phrase
prononcée par le chef de l’organisation criminelle SPECTRE, Ernst Stavro
Blofeld, lorsqu’il fait le point sur les bénéfices de ses méfaits. Mais il n’y
a pas que SPECTRE qui aIT commis des méfaits...
La renommée de la monnaie vénézuélienne a disparu le 18 février 1983, jour
connu sous le nom de « vendredi noir ».
Les médias et leurs sources
ont mal compris le fonctionnement de la direction du Hamas, en établissant des schémas
binaires simplistes entre le « modéré » Ismail Haniyeh et l’« extrémiste »
Yahya Sinwar. En réalité, le processus décisionnel du Hamas est beaucoup plus
institutionnalisé.
Hanna Alshaikh (1993),
est née à Chicago dans une famille originaire du village palestinien de Yalu,
près de Latroun, nettoyé ethniquement partiellement en 1948 et entièrement en
1967, les sionistes le rasant entièrement. Elle est chercheuse en histoire
intellectuelle arabe et palestinienne dans le cadre du programme de doctorat
conjoint d’histoire et d’études du Moyen-Orient de l’Université de Harvard (Cambridge,
USA). Ses recherches portent sur le rôle de la diaspora palestinienne dans le
discours politique du monde arabe, et plus particulièrement sur les
Palestiniens des USA et leur participation transnationale à la formation du
mouvement national palestinien. Son travail se situe à l’intersection de l’histoire
intellectuelle arabe et palestinienne, de l’histoire des activistes, des études
sur la diaspora, des études arabo-usaméricaines et de l’histoire des mouvements
sociaux usaméricains. Hanna est titulaire d’une maîtrise du Center for Middle
Eastern Studies de l’université de Chicago, où elle a rédigé un mémoire sur l’histoire
sociale palestinienne à la fin de la période ottomane. Auparavant, Hanna était
professeure adjoint d’études religieuses à l’université DePaul (Chicago), où
elle a donné un cours sur l’islam et un cours sur la religion et la politique
au Moyen-Orient. Elle est aussi la coordinatrice du projet Palestine à l’Arab
Center Washington DC. @yalawiya
Après l’assassinat
à Téhéran d’Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, l’organe
consultatif suprême du mouvement, le conseil de la Choura, a rapidement et
unanimement choisi Yahya Sinwar pour lui succéder. Au moment de son assassinat,
Haniyeh dirigeait les efforts du Hamas dans les négociations de cessez-le-feu
avec les médiateurs, et de nombreux analystes ont affirmé que l’ascension de
Sinwar marquait une rupture totale avec les politiques de Haniyeh et d’autres
membres importants du bureau politique.
Une grande
partie de cette analyse est mal informée.
Elle
trahit une compréhension superficielle non seulement des dirigeants du
Mouvement de résistance islamique (Hamas), mais aussi du Mouvement plus large
dans son ensemble. L’hypothèse selon laquelle le leadership de Sinwar constitue
une rupture avec le passé suit une tendance de l’analyse occidentale à
considérer les dirigeants palestiniens à travers des couples binaires vagues et
simplistes tels que « faucon contre colombe » ou « modéré contre partisan de la
ligne dure ». Ces étiquettes cachent plus qu’elles ne révèlent.
Yahya
Sinwar (à droite) et Ismail Haniyeh (à gauche) assistant aux funérailles d’un
responsable du Hamas, Mazen Foqaha, dans la ville de Gaza, le 25 mars 2017. Photo
: Ashraf Amra/APA Images
La fixation sensationnaliste
sur la psychologie de Yahya Sinwar ne fait qu’aggraver ce défaut d’analyse.
Cette approche réduit la complexité de la politique à des personnalités et
suppose que la prise de décision du Hamas est largement dictée par la
personnalité plutôt que le produit de débats internes et d’élections robustes,
de délibérations et de consultations complexes et d’une responsabilité
institutionnelle.
Malgré ces
failles dans la conversation générale, il est néanmoins intéressant d’explorer
la mesure dans laquelle le mandat de Sinwar sera différent de celui de Haniyeh
à la tête du Bureau politique. S’agit-il d’un signe de rupture ?
Défier l’isolement
Pour évaluer
la question de la rupture, il convient d’examiner certains parallèles dans les
trajectoires de Haniyeh et de Sinwar. Au niveau le plus évident, chacun d’entre
eux a fini par devenir le chef de la direction de Gaza, puis le chef du bureau
politique du Hamas. Nés dans les camps de réfugiés de la bande de Gaza au début
des années 1960, Haniyeh et Sinwar sont entrés dans le monde en tant que
réfugiés, ce qui impliquait une existence fondée sur l’exclusion, la
dépossession et la marginalisation. Au mépris de ces conditions, les deux
dirigeants ont rejoint le mouvement islamique à Gaza et se sont retrouvés
encore plus isolés et disloqués : Haniyeh a été exilé dans la ville libanaise
de Marj al-Zouhour en 1992, et Sinwar a été emprisonné en 1988 et condamné à
une quadruple peine de prison à vie l’année suivante. Ces difficultés n’ont pas
empêché ces deux dirigeants de développer non seulement leurs propres
connaissances politiques, mais aussi de jouer un rôle dans le développement du
Hamas lui-même.
Dans les
conditions difficiles de son exil à Marj al-Zouhour, Haniyeh a acquis de l’expérience
dans la coordination des efforts avec les Palestiniens en dehors du Hamas, dans
le renforcement des liens avec le Hezbollah et dans l’engagement avec les États
arabes et la communauté internationale - ce qui a abouti à l’adoption d’une
résolution du Conseil de sécurité des Nations unies demandant leur retour, qu’ils
ont pu obtenir un an plus tard. Cette expérience de la diplomatie et de la
négociation avec les groupes palestiniens suivra Haniyeh plus tard dans sa
carrière. En 2006, Haniyeh est devenu le premier Premier ministre palestinien
démocratiquement élu. Alors que la mise en échec de ce gouvernement d’unité
palestinienne a conduit à des combats brutaux entre factions et au début du
blocus israélien de Gaza, il a passé des années à travailler à la réconciliation
et à l’unité nationales,
en plus de ses efforts sur le plan diplomatique.
Yahya
Sinwar (à gauche), Ismail Haniyeh (au milieu) et Khalil al-Hayya (à droite)
arrivent du côté palestinien du poste-frontière de Rafah, le 19 septembre 2017,
avant de recevoir un gouvernement d’unité palestinienne. Photo : Yasser
Qudih/APA Images
Depuis sa
prison, Sinwar a continué à développer les capacités de contre-espionnage du
Mouvement, un processus qu’il a entamé avec la création de l’« Organisation de
sécurité et de sensibilisation » connue sous le nom de « Majd » en 1985, dans
le but de fournir une formation en matière de sécurité et de contre-espionnage
et d’identifier les collaborateurs présumés. Lorsque Sinwar est arrêté en 1988,
un mois seulement après le début de la première Intifada, il est accusé d’avoir
exécuté douze collaborateurs. En tant que prisonnier, Sinwar a poursuivi ses
efforts pour renforcer le contre-espionnage du mouvement et investir dans les
capacités des prisonniers palestiniens. Il parle couramment l’hébreu et est un
lecteur passionné. Cette expertise a eu un impact sur le développement du
Mouvement au fil du temps et a contribué à consolider la place de Sinwar en
tant qu’autorité du Mouvement en prison.
Un chapitre
important et plus connu de l’expérience politique de Sinwar est le rôle clé qu’il
a joué dans les négociations qui ont conduit à la libération de plus de 1 000
prisonniers palestiniens en 2011, dont Sinwar lui-même, en échange de Gilad
Shalit, un soldat israélien capturé par des combattants des Brigades Ezzeddine
Al Qassam en 2006. Un aspect moins connu du temps passé par Sinwar en prison
est l’habileté avec laquelle il s’est engagé et a rallié les Palestiniens
au-delà des lignes de faction dans le cadre des grèves et des manifestations
dans les prisons. Immédiatement après sa libération, il a été en mesure d’utiliser
ces compétences pour créer un effet de levier auprès d’Israël et trouver des
points d’unité avec les Palestiniens d’autres factions.
Négociations
après la prison
Peu après
son retour à Gaza, Sinwar a été élu au bureau politique du Hamas en 2012. En
2017, il a été élu à la tête de la direction du Hamas à Gaza, succédant à
Ismail Haniyeh. Les premières années de Sinwar à Gaza sont souvent évoquées
comme une période au cours de laquelle le Hamas a resserré les rangs en interne
et s’est engagé dans des campagnes publiques contre la collaboration avec
Israël, bien que sous une forme assez différente des premiers jours du Majd.
Moins
sensationnel et moins propice aux histoires dramatiques, Sinwar s’est également
engagé dans plusieurs négociations complexes qui ont changé la trajectoire du
mouvement en tant que chef de la direction basée à Gaza.
Dix ans
après le début du blocus israélien sur Gaza, les luttes quotidiennes de deux
millions de Palestiniens étaient sur le point d’empirer en 2017, lorsqu’une
série de décisions de Mahmoud Abbas a intensifié l’impact économique de l’isolement
de Gaza. En mars 2017, l’Autorité palestinienne (AP) basée à Ramallah a réduit
les salaires des employés de l’AP à Gaza jusqu’à 30 %, et en juin, les salaires
des prisonniers palestiniens « déportés » à Gaza en 2011 ont été complètement
supprimés. Ensuite, dans un geste controversé considéré comme une mesure de
punition collective, Abbas a effectivement coupé l’approvisionnement en
carburant de Gaza en annulant une exonération fiscale, provoquant une crise
énergétique qui a réduit l’approvisionnement en électricité disponible pour les
Palestiniens de Gaza d’environ huit à quatre heures par jour. Par la suite, la
seule centrale électrique de Gaza a été contrainte de fermer.
Dans un
geste qui a pris de nombreux observateurs par surprise, Sinwar a conclu un
accord avec l’ancien chef des forces de sécurité préventive de l’Autorité
palestinienne, Mohamed Dahlan, pour faire face aux crises provoquées par les
changements de politique de Ramallah. Dahlan, comme Sinwar, est né dans le camp
de réfugiés de Khan Younès, est devenu un dirigeant clé du Fatah jusqu’à ce qu’il
se brouille avec la direction du parti en 2011, et s’est ensuite installé aux
Émirats arabes unis. L’idée d’un accord entre le Hamas et l’homme qui a mis en
œuvre les souhaits de l’administration Bush de perturber le gouvernement d’unité
palestinienne dirigé par le Premier ministre récemment élu, Haniyeh, était
inconcevable au début de la scission entre Gaza et la Cisjordanie, il y a dix
ans. Les questions intérieures et régionales exigeaient cependant que les
dirigeants du Mouvement s’adaptent, et Sinwar était prêt à discuter.
L’accord
Hamas-Dahlan a connu un succès limité, mais il a mis en évidence deux aspects
essentiels du mandat de Sinwar à la tête de la bande de Gaza : aplanir les
divergences avec d’autres segments de la politique et de la société
palestiniennes et équilibrer les relations extérieures dans un nouveau paysage
régional. Plus précisément, grâce à ses liens étroits avec les gouvernements
des Émirats arabes unis et de l’Égypte, Dahlan a obtenu l’entrée de carburant
par le point de passage de Rafah. Ce point est important, car les relations
entre l’Égypte et le Hamas étaient les plus tendues au début du premier mandat
de Sinwar à la tête de la bande de Gaza.
Yahya
Sinwar avec des partisans alors qu’il visite le quartier d’Al Rimal dans la
ville de Gaza, le 26 mai 2021. Photo : Ashraf Amra/APA Images
Au fil du
temps, Sinwar a pu continuer à apaiser les tensions avec l’Égypte dans les mois
et les années qui ont suivi. En s’appuyant sur les mobilisations populaires
palestiniennes indépendantes connues sous le nom de Grande Marche du retour
(2018-19) et sur une tentative ratée du Mossad d’infiltrer et de placer des
équipements de surveillance à Gaza en novembre 2018, la direction du Hamas a
obtenu un certain nombre de concessions qui ont atténué l’impact du blocus
israélien sur Gaza, notamment l’assouplissement des restrictions sur les
déplacements au point de passage de Rafah avec l’Égypte, l’augmentation du
nombre de camions transportant des marchandises et de l’aide entrant
quotidiennement à Gaza, et de l’argent liquide pour payer les salaires des
fonctionnaires.
Il est
largement reconnu que Sinwar a joué un rôle majeur dans l’amélioration des
relations du Hamas avec les autres composantes de l’« axe de la résistance »
après que la direction du Hamas a quitté Damas en 2012 au milieu du soulèvement
et de la guerre civile en Syrie. Le rôle de Sinwar dans l’amélioration et la
renégociation des conditions des relations du Hamas avec d’autres acteurs
régionaux en dehors de ses alliances étroites n’est pas aussi largement
reconnu. L’accent mis sur ses liens avec l’« axe » limite la discussion sur le
leadership de Sinwar à l’intérieur d’un certain courant idéologique, mais sa
volonté de négocier signale une approche plus sophistiquée de l’équilibre des
pouvoirs régionaux que ces étiquettes arbitraires ne le permettent.
Sinwar et
ses prédécesseurs
Deux
concepts opérationnels du lexique politique du Hamas - l’accumulation et la
consultation - sont essentiels pour comprendre le fonctionnement du mouvement
et de ses dirigeants. Toute compréhension du Mouvement en général, ou du règne
de Sinwar sur Gaza en particulier, doit prendre en compte ces composantes indispensables
du dynamisme institutionnel et du pouvoir en constante évolution du Hamas.
L’accumulation
est couramment utilisée pour décrire les avancées militaires au fil du temps.
Il est également utile de considérer l’accumulation en termes de compétences et
d’expérience politiques que les dirigeants du Hamas apportent à la table pour
gérer les questions difficiles de la gouvernance sous blocus, de la
satisfaction des besoins humanitaires sous le siège, des moments d’isolement
régional, des moments de construction et d’étalonnage d’alliances régionales et
de la réconciliation nationale avec d’autres factions palestiniennes. Poser les
bases des succès politiques et de l’accumulation militaire se prête plus
souvent à la continuité qu’à la rupture.
La
consultation décrit les meilleures pratiques et structures au sein du Hamas. Le
mouvement dispose d’organes consultatifs à différents niveaux qui fonctionnent
comme des structures de responsabilité et de conseil pour la direction
politique. Les membres sont élus et représentent les Palestiniens de
Cisjordanie, de Gaza, de la diaspora et des prisons. L’organe consultatif de
haut niveau, le Conseil général de la Choura, nomme les membres d’un organe
indépendant qui coordonne et supervise les élections du Bureau politique afin
de garantir la transparence. Bien que peu d’informations sur ces structures
soient rendues publiques, un scénario d’urgence comme l’assassinat d’Ismail
Haniyeh a révélé que le Conseil général de la Choura pouvait nommer un
successeur dans des circonstances exceptionnelles (Sinwar a été choisi à l’unanimité).
La pratique
et la structure de la consultation ne se limitent pas à l’aile politique du
Hamas. L’aile militaire du mouvement, les Brigades Al Qassam, dispose également
de procédures de consultation - en fait, Sinwar a joué le rôle de coordinateur
entre l’aile militaire et l’aile politique après avoir rejoint le Bureau
politique. Zaher Jabareen, qui a créé les Brigades Qassam dans le nord de la
Cisjordanie, a expliqué que les récits sur la centralisation de l’appareil Majd
sont inexacts, car les décisions concernant les suspects ne sont pas entre les
mains d’une seule personne - elles font l’objet de procédures en plusieurs
étapes, ainsi que d’enquêtes supplémentaires menées par un « appareil
professionnel » distinct. Jabareen a fait remarquer qu’il existe de sérieuses
mesures de responsabilisation en cas de mauvaise gestion d’une affaire par le
personnel de sécurité.
Suivant
cette même dynamique, lorsqu’un dirigeant comme Sinwar ou Haniyeh prend une
décision majeure, non seulement il y parvient après avoir consulté des
personnalités expérimentées, mais il est également responsable devant les
groupes d’intérêt au sein du mouvement ou de la société en général qui font
pression sur lui pour qu’il prenne des mesures. En tant que chefs de la
direction et du bureau politique de Gaza, Sinwar et Haniyeh ont travaillé
ensemble et ont souvent participé à des réunions publiques avec divers groupes
d’intérêt afin de les rallier à la réconciliation nationale. Pour eux, la
réconciliation nationale ne consistait pas seulement à faire amende honorable
auprès du Fatah et à unir le corps politique palestinien, mais aussi à combler
d’autres formes de fossés politiques, ainsi qu’à résoudre les problèmes sociaux
et socio-économiques de la bande de Gaza. Tout cela pour se préparer à la
bataille à venir, pour accumuler la force militaire nécessaire, le soutien
populaire et l’unité politique. Il semble que la consultation se fasse à la
fois du haut vers le bas et du bas vers le haut.
Les
déclarations de Sinwar et de deux de ses prédécesseurs montrent comment l’accumulation
de forces et de réalisations a favorisé la continuité entre chaque nouvelle
ère. Khaled Meshaal a exposé les priorités de son dernier
mandat lors d’une interview en mai 2013 : la résistance ; le centrage de
Jérusalem comme cœur de la cause palestinienne ; la libération des prisonniers
; la lutte pour le droit au retour et la promotion du rôle de la diaspora dans
la lutte ; la réconciliation nationale entre les factions palestiniennes qui
unit et rassemble le corps politique palestinien autour de la résistance ; l’engagement
de la nation arabe et islamique ; l’engagement de la communauté internationale
aux niveaux populaire et officiel ; et le renforcement des institutions
internes du Hamas, l’extension de son pouvoir et l’ouverture du mouvement vers
d’autres formations palestiniennes, et vers d’autres Arabes et Musulmans en
général.
La remarque
de Meshaal concernant les prisonniers est remarquable. Il les a décrits comme
la « fierté de notre peuple ». Lorsqu’on lui a demandé des détails sur le plan
visant à garantir leur liberté et s’il impliquait la capture d’autres soldats
israéliens, Meshaal a refusé de s’étendre sur le sujet. Deux mois plus tard, le
renversement du gouvernement Morsi en Égypte allait complètement changer la
formule des opérations du Hamas, ce qui a probablement entraîné un recalibrage
de la direction du Bureau politique. Malgré les défis que cela représentait
pour le Hamas, juste un an plus tard, lors de la guerre israélienne de 51 jours
contre Gaza en 2014, des combattants de Qassam ont pénétré en Israël, visant
ses bases militaires à au moins cinq reprises, et ont capturé les corps de deux
soldats au cours de la guerre. Aujourd’hui, cette accumulation et cette
continuité se retrouvent dans les déclarations des dirigeants du Hamas qui
expliquent que l’objectif de l’opération du 7 octobre était de capturer des
soldats israéliens en vue d’un échange de prisonniers.
Au début du
dernier mandat de Meshaal, lui et Haniyeh ont publiquement rejeté les rumeurs
de tensions entre eux. Ces rumeurs ont persisté tout au long des années, sans
que l’on accorde suffisamment d’attention aux messages cohérents de chaque
dirigeant, qui indiquent des priorités communes.
La vision,
les messages et les priorités partagés se sont poursuivis avec Haniyeh à la
tête du Bureau politique. Après la guerre israélienne de 2021 contre Gaza,
surnommée « la bataille de l’épée de Jérusalem » par les Palestiniens - qui a
coïncidé avec un soulèvement palestinien connu sous le nom d’« Intifada de l’unité
», qui s’est étendu de Jérusalem à la Cisjordanie, aux citoyens palestiniens d’Israël
et aux communautés de réfugiés palestiniens au Liban et en Jordanie - Ismail
Haniyeh a prononcé un discours de
victoire qui souligne le rôle central de la continuité et de l’accumulation
au sein du Mouvement.
Haniyeh a
qualifié la bataille de « victoire stratégique » et a déclaré que la suite « ne
ressemblera pas à ce qui l’a précédée », ajoutant qu’il s’agit d’une « victoire
divine, d’une victoire stratégique, d’une victoire complexe » au niveau de la
scène nationale palestinienne, de la nation arabe et islamique, au niveau des
masses mondiales et au niveau de la communauté internationale. Le discours a
mis l’accent sur l’accumulation des forces et l’engagement envers les priorités
et les efforts des époques précédentes du Mouvement qui ont permis d’aboutir à
cette victoire. Il préfigurait également les changements majeurs à venir.
Dans la
période précédant le 7 octobre, Sinwar a prononcé un discours dans lequel il
déclarait :
« Dans une
période limitée de quelques mois, que j’estime ne pas devoir dépasser un an,
nous forcerons l’occupation à faire face à deux options : soit nous la forçons
à appliquer le droit international, à respecter les résolutions
internationales, à se retirer de la Cisjordanie et de Jérusalem, à démanteler
les colonies, à libérer les prisonniers et à assurer le retour des réfugiés,
pour parvenir à la création d’un État palestinien sur les terres occupées en
1967, y compris Jérusalem ; soit nous plaçons cette occupation dans un état de
contradiction et de collision avec l’ensemble de l’ordre international, nous l’isolons
de manière extrême et puissante, et nous mettons fin à son intégration dans la
région et dans le monde entier, en nous attaquant à l’état d’effondrement qui s’est
produit sur tous les fronts de la résistance au cours des dernières années ». »
Dans ce
contexte, il convient de se demander si Sinwar est vraiment aussi imprévisible
que le prétendent les experts. Ses déclarations remettent également en question
la présentation de l’ascension de Sinwar comme une rupture totale avec le passé
du mouvement.
Yahya
Sinwar (à droite) et Ismail Haniyeh (à gauche) assistent à un service
commémoratif pour le représentant du Hamas Mazen Foqaha, qui a été abattu par
des tireurs inconnus, dans la ville de Gaza, le 27 mars 2017. Photo : Ashraf
Amra/APA Images
Le Hamas
en tant que médiateur
La
personnalité de Yahya Sinwar a fait l’objet d’un sensationnalisme dans les
médias occidentaux (et même arabes). D’une manière générale, ces discussions
sur le Hamas ont souvent été basées sur des rumeurs, des insinuations et des
affirmations non fondées qui tendent à souligner les désaccords entre les
segments de sa direction, étiquetant les dirigeants selon des lignes telles que
« les modérés qui favorisent la diplomatie et les négociations » par rapport
aux « faucons militants ». En examinant certains aspects des carrières de
Sinwar et de Haniyeh, il devrait apparaître plus clairement que si les
personnalités et les spécificités du parcours de chaque dirigeant ont un impact
sur leur prise de décision, ce n’est qu’une partie de la manière dont ces
dirigeants, et le Mouvement dans son ensemble, prennent des décisions.
Au fil des
ans, le Hamas a démontré sa capacité à tirer parti de la diversité des parcours
de ses dirigeants pour renforcer ses capacités sur les fronts militaire,
politique, diplomatique et populaire. Enraciné dans les principes de
consultation et d’accumulation, le Hamas est à la fois un mouvement horizontal
et un mouvement d’institutions. Des institutions efficaces telles que le
Conseil de la Choura ont aidé le mouvement à traverser des moments d’incertitude,
comme l’assassinat d’Ismail Haniyeh.
Il s’agit là
du dernier exemple en date de la démonstration par le Hamas de niveaux inégalés
de dynamisme et de flexibilité institutionnels par rapport à l’histoire du
renforcement des institutions au sein des factions palestiniennes.
Dans ce
contexte, ce qui pourrait apparaître comme des différences importantes entre
les dirigeants peut devenir une source de force pour le mouvement, lui
permettant de trouver un équilibre entre les demandes parfois contradictoires
de divers groupes, en particulier lorsqu’il prend des décisions dans un
contexte de haute surveillance, de menace constante d’assassinat et d’emprisonnement
de ses dirigeants, et d’attaques permanentes contre ses structures et ses
institutions.
Il ne s’agit
pas de nier qu’il existe parfois des désaccords entre les dirigeants du
mouvement. Ce facteur est en jeu depuis la fondation de l’organisation en 1987.
Cependant, le Hamas est aussi un mouvement d’institutions, de procédures et de
mécanismes de responsabilité. La règle générale a été la consultation, l’accumulation
et l’équilibre entre les besoins des différents groupes d’intérêt. La preuve en
a été donnée publiquement et de manière cohérente dans les messages des
dirigeants de l’organisation, non seulement tout au long de la guerre
génocidaire en cours, mais tout au long de ses 37 ans d’histoire.
À la suite
de l’opération « Déluge d’Al Aqsa » du 7 octobre 2023 et du génocide qui s’en
est suivi à Gaza, de nouvelles questions ont été soulevées au sujet du Hamas en
général et de la personnalité de Yahya Sinwar en particulier. Nombreux sont
ceux qui considèrent encore Sinwar comme le cerveau imprévisible de l’opération,
insistant sur un récit dans lequel Sinwar aurait eu à lui seul le pouvoir de
mener une opération sans précédent contre Israël, avec toutes les implications
locales, régionales et internationales complexes qui résulteraient d’un tel
événement. Il ne s’agit pas de rendre service au Hamas, ni de rejeter la faute
sur une « pomme pourrie » pour permettre le retour d’un Hamas « démilitarisé »
à la tête de l’État. Pour certains experts autoproclamés, l’utilisation de
cette explication découle d’une compréhension superficielle du mouvement. Pour
d’autres, il s’agit de couvrir Israël pour ses échecs militaires au cas où il
capturerait Sinwar et de substituer cela à la « victoire totale ». Si Sinwar
est le Hamas et si le Hamas est Sinwar, l’élimination de l’un mettrait fin à l’autre.
En réalité,
ce que nous pensons savoir de la planification et de l’exécution de l’offensive
du 7 octobre - et des opérations ultérieures du Hamas face à la guerre
génocidaire d’Israël - n’est probablement qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Mais les éléments accessibles au public dont nous disposons nous indiquent que
Yahya Sinwar n’est pas si imprévisible que cela. À l’instar de ses
prédécesseurs, il s’est montré très ouvert et clair sur la direction que
prenait l’organisation. Les signes étaient partout depuis au moins deux ans,
tant au niveau officiel qu’au niveau de la base. Les grandes puissances ont été
choquées parce qu’elles ont sous-estimé et ignoré le mouvement, et non parce qu’elles
ont été trompées. Le récit autour de Sinwar fournit également une couverture
aux « experts » pour expliquer leur connaissance superficielle du mouvement, au
mieux, ou leur analyse fallacieuse, au pire.
Ce que les
analystes auraient dû savoir, c’est que le Hamas est un mouvement d’institutions
et que, comme tout autre mouvement de masse, il rassemble différents courants
et orientations politiques qui peuvent être en désaccord sur la tactique, mais
pas sur la stratégie. La règle de l’organisation a été celle de la continuité
malgré la fragmentation géographique et les différentes écoles de pensée sur la
façon d’aller de l’avant. Il y a eu des moments de débats acharnés et de
désaccords publics, mais ils ne sont pas secrets et se déroulent parfois dans
des lieux publics. Cela correspond à la dynamique d’une organisation dont les
élections internes sont robustes et concurrentielles.
Ismail Haniyeh
assiste aux funérailles du prisonnier libéré Majdi Hammad dans le nord de la
bande de Gaza, le 19 mars 2014. Majdi, le frère du ministre palestinien de l’intérieur
de la bande de Gaza, Fathi Hammad, était l’un des prisonniers libérés dans le
cadre de l’accord d’échange de prisonniers Gilad Shalit entre le Hamas et
Israël. Photo : Mohammed Asad/APA Images
Les
informations attribuées à des « sources anonymes proches du Hamas » sur les
désaccords internes au sein du Hamas ou sur la restructuration du mouvement par
Sinwar sont très peu étayées. Il est possible que les opérations du mouvement
changent en raison de la guerre en cours et que ses institutions se
transforment en conséquence. Toutefois, tant que des preuves tangibles ne
seront pas disponibles, les analystes seraient bien avisés de fonder leurs
réflexions sur les nombreux écrits, discours et interviews qui mettent en
lumière des aspects inutilement mystifiés du Hamas et de ses dirigeants. Il n’existe
aucune preuve crédible suggérant que Sinwar ait totalement remanié la structure
du mouvement et centralisé le pouvoir autour de sa personne. Cependant, de
nombreux éléments montrent que Sinwar n’est pas seulement un produit du
mouvement, mais quelqu’un qui a passé des décennies à le construire et qu’il
est peu probable qu’il ait négligé les personnes avec lesquelles il a grandi
politiquement et les processus qu’il a contribué à mettre en place.
Un jour,
après la fin de cette guerre génocidaire, il est possible que de nouveaux
détails apparaissent qui modifieront la compréhension du Hamas et contrediront
les hypothèses qui circulent actuellement. Dans ce cas, il sera judicieux de
replacer les nouveaux éléments dans leur contexte historique et d’exiger des «
experts » qui n’ont pas fait leur boulot qu’ils respectent des normes plus
strictes.
Alejandro Kirk est un
journaliste chilien, correspondant pour les chaînes HispanTV (Iran) et teleSur
(Venezuela). @kirkreportero
« L’anti-chavisme
réduit les capacités intellectuelles », disait à Caracas la célèbre
journaliste et universitaire vénézuélo-chileno-yougoslave Olga Dragnic, en
faisant référence aux “théories” qui avaient émergé à la suite de la victoire
du président Hugo Chávez lors du référendum révocatoire de 2004.
Tout le monde sait comment Edmundo pense...si on peut appeler ça penser Iván Lira
La thèse la
plus répétée à l’époque était qu’un pirate informatique russe avait capturé les
votes dans l’éther et les avait envoyés à Cuba, où ils avaient été modifiés
exactement à l’envers, en quelques secondes, sans que personne ne s’en
aperçoive. Ainsi, les 60 % de Chávez étaient en réalité 40 %.
Cela a été
chuchoté ou crié, selon le niveau, par des universitaires, des professionnels,
des hommes d’affaires ou des politiciens très sérieux, et a même fait l’objet
de questions de journalistes à l’ambassadeur russe, qui n’en croyait pas ses
oreilles.
Ce sont les
mêmes personnes qui ont refusé le remplacement gratuit des ampoules à
incandescence par des ampoules “à économie d’énergie”, parce que ces ampoules
contenaient des dispositifs d’espionnage de la “dictature”. Ceux qui se
réunissaient dans des réunions de copropriété animées pour discuter des
stratégies de défense de leurs immeubles contre les “hordes chavistes” qui
allaient inévitablement descendre des collines pour tout voler.
En 2004, le
leader du parti Acción Democrática, Henry Ramos Allup, avait rejeté les
résultats du référendum, dénonçant une fraude, et s’est engagé solennellement
devant les caméras, avec un air de dignité blessée, à remettre au ministère
public les preuves irréfutables qu’ils avaient recueillies.
Ces preuves
ne sont jamais arrivées, pas plus que les preuves des fraudes présumées
commises lors de toutes les élections organisées sous le chavisme, sauf deux :
2007, lorsqu’une proposition chaviste de changement constitutionnel a été
rejetée, et 2015, lorsque la droite a obtenu la majorité absolue aux élections
législatives.
Dans ces
deux cas, le même Conseil national électoral (CNE) qui a toujours pratiqué la
fraude a cessé de le faire, pour des raisons inconnues.
Il n’y a
jamais eu de plaintes formelles auprès du CNE ou de la Cour suprême de justice,
mais il y a eu des morts et des blessés, comme en 2014, lorsque le vaincu
Henrique Capriles Radonsky a appelé à “décharger la colère” dans les rues, et
que des scènes identiques à celles de la semaine dernière ont été observées :
meurtres, agressions contre des bâtiments publics, incendies criminels et
lynchages, à la recherche d’une définition violente de la question du pouvoir.
La grande
majorité des plus de 40 morts étaient des gens du peuple, des chavistes, qui
réclament encore aujourd’hui justice.
« Depuis plus de deux
mois, les forces israéliennes bombardent sans relâche la bande de Gaza,
commettant le plus grand massacre télévisé de personnes désarmées de l’histoire
du monde. Les dirigeants israéliens ont généralement utilisé un langage
génocidaire explicite pour décrire leurs plans, certains suggérant même l’utilisation
d’armes nucléaires pour anéantir complètement la population de Gaza, qui compte
plus de deux millions d’habitants. Des dizaines de milliers de bâtiments ont
été démolis, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles, des universités
et tous les bâtiments liés à une société et à ses activités, qui, lorsqu’ils
sont utilisés comme cibles d’artillerie dans des conflits militaires, ont
toujours été considérés [jusqu’à présent] comme des crimes de guerre. Même lorsque le
procureur général de la Cour pénale internationale s’est récemment rendu en
Israël », et l’on aurait pu supposer que cette visite était liée à l’attaque
surprise du 7 octobre et à la réaction sans précédent des commandants
israéliens qui ont assassiné à gauche et à droite, nous avons pu constater,
avec inquiétude, que leur objectif, rappelle Unz, « était de fabriquer des accusations et des actes d’accusation contre le
Hamas et d’autres groupes palestiniens pour la mort de civils israéliens au
début du mois d’octobre ».[1]
Et pourtant, ce scandale éthique, politique, médiatique (et militaire,
évidemment) est à peine discuté, car la grande majorité des médias d’incommunication
de masse n’abordent guère le sujet, et s’ils le font, ils le réduisent à une
confrontation à armes égales entre le Hamas et Israël.
Nous pourrions même la formuler comme une loi sur les médias : plus un
média se révèle établi et “honorable”, moins il s’intéressera à ce qu’Unz
considère comme “le plus grand massacre
télévisé d’une population désarmée dans l’histoire du monde”.
Parce que si la mort d’Israéliens a de l’importance sur la scène
internationale, la mort de Palestiniens n’en a pas.
À cet égard, je comprends qu’il est approprié de dire quelque chose au
sujet de l’action entreprise par les Palestiniens qui a
déclenché/justifié/favorisé l’action militaire en réponse à l’opération de prise
d’otages menée par le Hamas.
Au-delà de ma sympathie limitée pour les mouvements fondés sur des
croyances divines, le Hamas « rejette le droit d’Israël à avoir dépossédé
les Palestiniens de leur patrie en 1948 et de les avoir emprisonnés dans des
ghettos surpeuplés comme Gaza ». Des paroles impeccables de Jonathan Cook (extrait
de son article que je cite en note 3). Il convient de rappeler que même les
Nations unies reconnaissent un droit de résistance à l’oppression coloniale et
à la dépossession qui en découle. Et l’action du Hamas fait partie de cette
lutte. En ce qui concerne la réalité de cette journée clé du 7 octobre,
plusieurs enquêtes ont déjà noté qu’en plus de l’envahissement du quartier
général régional israélien et de l’assassinat de militaires plus ou moins
surpris qui s’en est suivi, le sang a coulé en raison de la réaction excessive
de l’armée israélienne (de nombreux Israéliens ont été tués par des "tirs
amis").
Bien qu’il y ait beaucoup d’occultation et que la partialité des médias
soit abyssale, l’homme est incorrigible et il y a des exceptions. Je
retranscris maintenant les paroles de René Pérez Joglar, le rappeur portoricain
connu sous le nom de Residente de Calle 13 : « Depuis octobre, j’ai décidé de reporter la sortie de mon album face à
tout le génocide macabre qui détruit lentement la Palestine. Je ne me sens pas
bien, ça me fait trop mal et je me demande quand nous nous sommes déshumanisés
au point de voir des têtes d’enfants exploser devant nous et de ne rien dire ».
Residente pose d’autres questions : « Pourquoi
ne pas tout arrêter comme pour la pandémie, tout arrêter et se concentrer sur
ce qui se passe à Gaza au lieu de mettre en ligne un article modélisant des vêtements [...] ou une soirée [...], s’arrêter
un instant, chercher des informations sur la Palestine et dénoncer le génocide
qu’Israël est en train de commettre avec le soutien des USA ». La citation
de Residente date du 12 décembre.
En effet, nous vivons, comme dans la fable du roi nu qui se sentait si bien
habillé, dans une situation schizoïde où de plus en plus de gens trouvent le
comportement israélien méprisable, mais face à l’épée de Damoclès qui pèse sur
eux s’ils osent critiquer quoi que ce soit de juif et s’exposent à l’accusation
d’antisémitisme, ils choisissent tout simplement d’éviter le sujet.
Mais il s’agit bien de ce que décrit Unz : un massacre télévisé à une échelle jamais vue auparavant. Il y a eu,
bien sûr, des massacres bien plus importants, mais le fait que nous les
"regardions" en même temps, qu’ils se déroulent en toute impunité au
vu et au su de tous et en particulier des références morales du monde, du
Conseil de sécurité, de l’Assemblée de l’ONU, de nos gouvernants en général, élus
par le vote des populations, de la Cour pénale internationale, dont on a déjà
vu ce qu’elle a fait à Israël (sans envisager d’enquêter sur le massacre
aveugle et massif de villageois palestiniens, hommes, femmes, enfants,
vieillards, bébés). Dans cette opération, à laquelle Israël a initialement attribué
1 400 Israéliens tués, il a fallu écarter les militaires israéliens tués
pendant l’opération, qui sont estimés entre 300 et 400, et ensuite, la traînée
de morts laissée par la contre-attaque israélienne, dont on sait déjà qu’elle a
éliminé des centaines d’êtres humains à partir d’hélicoptères, où un nombre
énorme d’Israéliens ont perdu la vie (ceux qui ont tenté de quitter la rave party en voiture, par exemple, et
surtout les Israéliens qui ont tenté de quitter la rave party en voiture), par
exemple, et surtout les Israéliens qui étaient pris en otage par des
Palestiniens et qui ont été tués avec leurs ravisseurs lors de la prétendue
opération de sauvetage, l’armée israélienne ayant ainsi brutalement mis un
terme à toute négociation. Les dernières estimations font état de dizaines de
victimes civiles israéliennes.
La prise d’assaut du quartier général israélien pour Gaza aux premières
heures du 7 octobre, qui gardait le camp de concentration, et immédiatement
après l’opération de prise d’otages ont rendu furieux les commandants
militaires (si l’on admet qu’ils ont été pris par surprise, car la thèse selon
laquelle Israël "a laissé faire le Hamas" pour justifier une terrible
riposte est également répandue). D’une manière ou d’une autre, l’“armée
brancaleone” (en armement, mais très efficace) a atteint une grande partie de
ses objectifs : payer les militaires de la même monnaie que celle dont les
Israéliens se servent impunément depuis des décennies,[2] et
"récolter" des otages pour en faire de futures monnaies d’échange.
Tout cela est épouvantable, mais semble être une évolution soi-disant
logique des mesures prises contre Gaza au moins depuis 2005, car rappelons-nous
les paroles du boucher Ariel Sharon lorsqu’il a dû retirer les colonies
sionistes de Gaza : « Nous partons, mais nous allons leur rendre la vie
impossible ».
Quelque six heures après l’attaque par les Palestiniens, l’armée renforce
avec encore plus de violence la dénégation qu’elle a entrepris depuis 17 ans
maintenant ; non seulement des libertés les plus élémentaires, comme le droit
de circuler, l’accès aux soins de santé ou à l’eau potable, mais maintenant le massacre
aveugle et généralisé sous le prétexte de rechercher et de se venger des
auteurs de l’opération. Mais, comme le rappelle à juste titre Cook, « Israël n’a jamais caché qu’il punit
les habitants de Gaza parce qu’ils sont gouvernés par le Hamas, qui rejette le
droit d’Israël à avoir dépossédé les Palestiniens de leur patrie en 1948 et de
les avoir emprisonnés dans des ghettos surpeuplés comme celui de Gaza ».
[3]
Comme l’explique Cook à juste titre, cette politique israélienne subvertit
tous les efforts déployés après la Seconde Guerre mondiale pour empêcher les
atteintes au droit le plus fondamental à la vie, comme le bombardement de
Dresde en 1945, qui n’avait aucun but militaire, mais servait simplement à
montrer qui commandait, et l’utilisation de bombes atomiques pour anéantir la
vie de centaines de milliers de Japonais à Nagasaki et à Hiroshima (avec une
mort immédiate et différée par contamination).
Cherchant à établir une base pour le droit international, les Conventions
de Genève ont interdit les “punitions collectives”. Cook résume ainsi la situation
: « Ce qu’Israël fait à Gaza est la définition même de la punition
collective. C’est un crime de guerre : 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 52
semaines par an, pendant 16 [maintenant 17] ans (ibid.) ».
Pour compléter l’observation précise de Cook, je pense que, dans le même
temps, la politique de massacre de la population civile, maintenant à un rythme
industriel, répond à la politique déjà employée de vidage de la population, qui
était la Nakba de 1948 et de “s’en tirer à bon compte”, pour garder “bibliquement”
cette terre (Gaza n’était pas juive selon la Bible ; les références bibliques
ne sont guère plus qu’une feuille de vigne).
Sur le site internet auquel participent le désormais nonagénaire Noam
Chomsky et de nombreux intellectuels attachés à la vérité, ils titrent l’un de
leurs derniers billets : « Une usine de meurtres de masse », en
référence aux bombardements hautement calculés – y compris avec des outils d’intelligence
artificielle - des villes et des routes de Gaza.[4]
Pour répugnante et monstrueuse qu’elle soit, cette expérience n’en est pas
moins inédite. Parce que jusqu’à présent, ces politiques génocidaires étaient
menées dans la discrétion, avec peu d’accès à ces événements, et en l’occurrence,
depuis le 7 octobre, grâce à la ténacité des journalistes sur le terrain,
presque tous palestiniens, mais aussi parce que les écrans technologiques
actuels rendent visible en permanence l’information qui circule, si ce n’est
sans restriction, avec beaucoup de dynamisme (malgré les digues de confinement
des maîtres de l’info), nous sommes de plus en plus nombreux à “être au
parfum”.
Et nous espérons que nous serons de plus en plus nombreux à remettre en
cause les journalistes oiseux qui parlent de choses “importantes” ou
insignifiantes en évitant autant que possible le mauvais sentiment d’être taxés
d’antisémitisme.
Comme le dit avec pédagogie Andrew Anglin : « La définition officielle
de l’“antisémitisme” avant le 7 octobre 2023 était “haïr les Juifs sans raison”
; la définition après cette date est “dire que les Juifs devraient arrêter de
tuer des bébés”.[5]
Ce qu’Israël commence à récolter pourrait être le début de la fin de son
impunité. Chutzpah comprise.
-"La mort des trois otages israéliens qui arboraient un drapeau blanc est due à une erreur lamentable. -"Nos soldats les ont pris pour trois civils palestiniens arborant un drapeau blanc."
C’est une tragique ironie de l’histoire
que ceux qui, dès le début, ont condamné les actions belliqueuses du Hamas et
du gouvernement israélien soient accusés d’être en faveur du terrorisme par
ceux qui ne font que condamner le Hamas et justifier le terrorisme massif,
historique et systématique du gouvernement israélien.
Heureusement, des centaines de
milliers de Juifs (surtout dans l’hémisphère nord) ont eu le courage que les
évangéliques ou les laïques politiquement corrects et prévisibles n’ont pas eu
de descendre dans la rue et dans les centres du pouvoir mondial pour clarifier
que l’État d’Israël et le judaïsme ne sont pas la même chose, une confusion
fondamentale, stratégique et fonctionnelle qui se trouve au cœur du conflit et
ne profite qu’à quelques-uns avec la complicité fanatique et ignorante de
beaucoup d’autres.
En fait, des dizaines de milliers
de studieux juifs des livres saints du judaïsme, tels que la Torah, ont affirmé
que le judaïsme était antisioniste. Beaucoup diront que c’est une question d’opinion,
mais je ne vois pas pourquoi leur opinion devrait être moins importante que
celle du reste des charlatans bellicistes.
Ce sont ces Juifs, qui savent que
leur coexistence avec les musulmans a été, pendant des siècles, bien meilleure
que cette tragédie moderne, qui ont crié à Washington et à New York “Pas en
notre nom”, “Arrêtez le génocide de l’apartheid” et qui, dans bien des cas, ont
été arrêtés pour avoir exercé leur liberté d’expression, qui, dans les
démocraties impériales, a toujours été la liberté de ceux qui n’étaient pas
assez importants pour défier le pouvoir politique, comme le montre, par
exemple, la liberté d’expression à l’époque de l’esclavage. Mais c’est à eux
que reviendra la dignité conférée par l’histoire.
Quand la lumière reviendra à Gaza
et que le monde apprendra ce qu’une des plus puissantes armées nucléaires du
monde, avec la complicité de l’Europe et des USA, a fait à un ghetto sans armée
et à un peuple qui n’a droit qu’à respirer, quand il le peut, il apprendra que
ce ne sont pas des milliers mais des dizaines de milliers de vies aussi
précieuses que les nôtres, écrasées par la haine raciste et mécanique de
malades, dont quelques-uns disposent d’un grand pouvoir politique,
géopolitique, médiatique et financier, qui, en fin de compte, gouvernent le
monde.
Naturellement, la propagande
commerciale tentera de le nier. L’histoire ne le pourra pas. Elle sera
implacable, comme elle l’est généralement lorsque les victimes ne dérangent
plus.
Beaucoup se tairont, tremblant
devant les conséquences, devant les listes noires (journalistes sans travail,
étudiants sans bourses, hommes politiques sans dons, comme l’ont même rapporté
des médias comme le New York Times), devant l’opprobre social dont
souffrent et souffriront ceux qui oseront dire qu’il n’y a pas de peuples ni d’individus
choisis par Dieu ou par le Diable, mais de simples injustices d’une puissance
déchaînée.
Qu’une vie vaut autant et de la
même manière qu’une autre.
Que le peuple palestinien (avec une
population huit fois supérieure à celle de l’Alaska, quatre ou cinq fois
supérieure à celle d’autres États usaméricains), coincé dans une zone
invivable, a les mêmes droits que n’importe quel autre peuple à la surface de
la sphère planétaire.
Que les Palestiniens, hommes,
femmes et enfants écrasés par les bombes aveugles, ne sont pas des “animaux à
deux pattes”, comme le prétend le Premier ministre Netanyahou (s’ils étaient
des chiens, ils seraient au moins mieux traités). Les Israéliens ne sont pas
non plus “le peuple de la lumière” combattant “le peuple des ténèbres”.
Que les Palestiniens ne sont pas
des terroristes parce qu’ils sont nés Palestiniens, mais l’un des peuples qui a
le plus souffert de la déshumanisation et du siège constant, du vol, de l’humiliation
et du meurtre en toute impunité depuis près d’un siècle.
Mais
ceux qui osent protester contre un massacre historique, un parmi tant d’autres,
sont, comme par hasard, ceux qui sont accusés de soutenir le terrorisme. Il n’y
a là rien de nouveau. C’est ainsi que les terroristes d’État ont toujours agi
dans toutes les parties du monde, tout au long de l’histoire et sous des
drapeaux de toutes les couleurs.