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30/09/2021

Mohamed Majadleh, journaliste vedette palestinien d’Israël, veut que les Juifs sachent la vérité

Hilo Glazer, Haaretz, 24/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

À 28 ans, Mohamed Majadleh, le premier Arabe à devenir un commentateur régulier d'un grand journal télévisé israélien, n'a pas l'intention de gaspiller la rare plateforme qui lui a été offerte au cœur du prime time israélien. Mais il sait aussi que la moindre erreur pourrait le faire passer de star à ennemi...

 

Mohamed Majadleh : « Je me suis dit, pourquoi moi ? Pourquoi ai-je besoin de ça ? Puis un collègue juif dira que les Arabes ont aidé les prisonniers, "et je dis : "Tu as un rôle ici, arrête de pleurnicher". » Photo : Emil Salman

 
 

Un calme apaisant règne sur la pelouse devant les studios de Channel 12 News à Neve Ilan, environ une heure et demie avant le début d'"Ulpan Shishi" ("Studio du vendredi"), le magazine d'information hebdomadaire de la chaîne de télévision la plus populaire d'Israël. Ici, à l'extérieur de Jérusalem, on a l'impression que l'automne est arrivé tôt, mais Mohamed Majadleh s'attend à ce que les choses se réchauffent.

« Pour moi, c'est une zone de guerre », déclare le nouveau commentateur résident de la chaîne. « Quand les commentateurs juifs arrivent, c'est leur terrain de jeu. Ils peuvent se permettre de se tromper dans leurs évaluations, leurs informations et leurs faits, et ils s'en sortiront. Mais une erreur de ma part ne sera jamais pardonnée. En un instant, je peux passer du statut de journaliste et de star celui d'ennemi et de traître. Surtout un jour comme aujourd'hui, où l'on sait comment on va s'engager, mais où l'on n'a aucune idée de la façon dont on va s'en sortir ».

Nous sommes quatre jours après que six prisonniers de sécurité palestiniens se sont échappés d'une prison du nord d'Israël, quelques heures avant que quatre d'entre eux ne soient arrêtés. Et en effet, il ne s'écoule pas une minute avant qu'une femme de l'équipe de l'émission n'arrive et ne demande à Majadleh de rentrer et de se préparer à une bataille avec son principal adversaire du panel de commentateurs, Amit Segal, un juif pratiquant dont l'analyse a été préenregistrée. Majadleh met un casque et écoute Segal dénigrer les députés arabes, en particulier les dirigeants de la Liste commune, qui ont publié une déclaration appelant à la fin des mauvais traitements infligés aux Palestiniens incarcérés en Israël. Selon Segal, les membres arabes de la Knesset soutiennent effectivement l'évasion.

Le rédacteur en chef de l'émission, Ron Yaron, lui demande : "Alors, il vous a énervé ?" et prépare Majadleh à une autre question qui lui sera posée pendant l'émission, sur le fait que les évadés sont considérés comme des héros par la communauté arabe d'Israël. Majadleh sourit. Il est peut-être le petit nouveau du panel, mais il a beaucoup d'expérience dans le rôle pour lequel il a été choisi. "Je suis le type qui se présente toujours pour réfuter ce que les autres disent, et généralement pas pour dire ce que je pense", dit-il lorsque nous retournons sur la pelouse. "Ma position de départ est défensive".


Le commentaire de Segal ne semble pas lui poser un défi exceptionnel. "Il y a ceux qui opinent et ceux qui informent", s'amuse Majadleh, dans sa réponse. "La liste commune, dans ses déclarations, faisait référence à la punition collective qui a été imposée aux autres prisonniers de l'établissement. De là à prétendre qu'ils soutiennent les prisonniers qui se sont échappés ? L'une des choses irritantes dans les médias de langue hébraïque est la recherche incessante d'ennemis internes, d'une cinquième colonne. Comment [les autorités] expliquent-elles une défaillance systémique de l'administration pénitentiaire ? "Les Arabes sont des collaborateurs". Quelle excuse la police offre-t-elle pour justifier son incapacité à lutter contre la criminalité ? Les querelles entre clans arabes».

Et il y a toujours quelqu'un qui publiera ces briefings mot pour mot.

« Écoutez, c'est une méthode de travail de certains journalistes qui épousent certaines opinions. Ce qui me gêne, non seulement en tant qu'Arabe mais surtout en tant que journaliste, c'est l'imprécision - qu'elle soit délibérée ou non. Et ce qui me réjouit, c'est qu'alors que jusqu'à il n'y a pas longtemps, avant mon époque, cela passait tout simplement tel quel - aujourd'hui, ce n’est plus le cas ».

 

Vendredi soir au studio. "C'est déprimant de voir que les personnes les plus puissantes de l'industrie essaient de vous faire passer pour un menteur", dit Majadleh . "Quand il y a un Arabe dans le panel, tout le monde se dispute pour savoir qui est le plus grand patriote. Photo : Emil Salman