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03/04/2024

LE MONDE
« Quarante bébés décapités » : itinéraire d’une rumeur au cœur de la guerre de l’information d’Israël contre le reste du monde

,  (Jérusalem, correspondance) et , Le Monde, 3/4/2024

Les faits
Le 10 octobre, les comptes officiels israéliens se font le relais d’une allégation sordide, mais infondée. Six mois plus tard, celle-ci continue de circuler, alimentant les accusations de désinformation israélienne.

Après l’attaque du Hamas contre Israël qui a fait environ 1 160 victimes le 7 octobre 2023, les images du massacre ont inondé les réseaux sociaux et les médias du monde entier.

Mais dans ce flot de témoignages de meurtres, pillages, mutilations, une rumeur a pris une ampleur extraordinaire : 40 bébés décapités auraient été retrouvés dans le kibboutz de Kfar Aza, l’une des localités israéliennes les plus meurtries. Ce récit, et ses variantes, a connu une viralité inédite, jusqu’à être évoqué à la Maison-Blanche. Pourtant, dans l’horreur qu’a constituée ce massacre, où 38 mineurs dont deux nourrissons ont été tués, il n’y a jamais eu 40 bébés décapités. Ni à Kfar Aza, ni dans aucun autre kibboutz, a confirmé au Monde le bureau de presse du gouvernement israélien.

Comment cette fausse information est-elle née ? Peut-on la comparer à l’affaire des couveuses du Koweït, un récit fabriqué de toutes pièces de bébés kidnappés et massacrés, qui avait en partie servi à justifier la première guerre du Golfe ? L’enquête du Monde met en lumière une rumeur née de manière organique, d’un mélange d’émotion, de confusion et d’exagération macabre. Mais Israël n’a rien fait pour lutter contre, et a plus souvent tenté de l’instrumentaliser que de la démentir, alimentant les accusations de manipulation médiatique.

Aux origines

Mardi 10 octobre, 13 heures

Trois jours après l’attaque du Hamas, l’armée convie des dizaines de journalistes et correspondants étrangers, dont celui du Monde, dans le kibboutz de Kfar Aza, où les terroristes du Hamas ont tué plus de 60 civils. Richard Hecht, plus haut porte-parole de l’armée israélienne et coorganisateur de cette visite, veut « montrer à la presse internationale que ce qui s’est passé est sans précédent. »

Le territoire n’a été repris par l’armée que depuis quelques heures, et les cadavres sont encore partout : des victimes israéliennes enveloppées dans des sacs mortuaires, des combattants du Hamas gisant là où ils sont tombés, une odeur de mort, témoignent une dizaine de journalistes, secouristes et soldats interrogés par Le Monde.

Témoignage de notre journaliste

Samuel Forey, correspondant du « Monde » à Jérusalem et coauteur de cet article, a participé à la visite de presse du 10 octobre à Kfar Aza.

« Nous ne sommes pas intégrés à une unité militaire, c’est une visite pour la presse, sous bonne escorte (…) Comme souvent dans les zones de conflit, le contrôle serré se relâche au bout de quelque temps. Nous pouvons parler à tous les soldats qui le veulent bien. Nous pouvons entrer dans les maisons déjà inspectées par l’armée, car les autres peuvent être piégées.

La visite se termine. Elle a duré une heure et trente minutes. Je rentre à Jérusalem. Mon responsable au Monde m’appelle. Ai-je vu des bébés décapités ? Je lui réponds que j’ai vu passer l’information sur les réseaux sociaux, alors que j’étais sur le chemin du retour, mais que rien ne semblait l’affirmer. Aucun soldat ne m’en a parlé – j’ai échangé avec une demi-douzaine d’entre eux. En m’asseyant à mon bureau, je vois l’emballement médiatique. Je ne pense pas cette histoire possible. Les soldats étaient présents dans le kibboutz depuis la veille, au moins. Un événement aussi atroce aurait été documenté, et pas confié par certains soldats à certains journalistes.

Je contacte deux organisations de secourisme déployées lors de l’attaque. Aucune ne mentionne de décapitation – sans dire que ça n’a pas existé. Au 11 octobre, date de parution de mon reportage, je ne peux pas confirmer de décapitations. Je ne le fais donc pas. Mais l’image, forte, prend le pas sur la réalité. Elle sert notamment à faire du Hamas l’incarnation du mal absolu – qui mérite une réponse du même ordre. Je ne veux pas minimiser les exactions de ce mouvement islamiste palestinien. Je veux les documenter, le plus précisément possible.

Le problème, c’est que si l’image des bébés décapités sert une certaine propagande israélienne, elle sert aussi à ses ennemis pour nier d’autres exactions, par exemple l’existence de violences sexuelles – avérées – ou le fait que des victimes ont été brûlées vives ; voire à réfuter l’ensemble du massacre. C’est le fond de mon message publié sur X, le lendemain de la visite à Kfar Aza. J’ai constaté, quelque temps après, que mon post n’était plus accessible en France et dans certains pays européens. Depuis, l’histoire des bébés décapités s’est révélée être une fausse information. »

Itai Veruv, le général qui a mené la contre-attaque, multiplie les parallèles avec les camps de la mort. Il évoque un bilan provisoire de 100 à 150 morts. Des cérémonies funéraires sont parfois réalisées sous l’œil des caméras. Certains reporters ont confié au Monde un sentiment de malaise face à la théâtralisation du site du massacre.

En raison du risque de pièges explosifs, les journalistes ne peuvent entrer que dans quelques maisons. Les seuls cadavres israéliens qu’ils voient sont dans des sacs mortuaires, tous de taille adulte. Sur place, selon des journalistes présents, l’état-major n’évoque pas de bébés morts, mais les reporters sont libres d’interroger les militaires et premiers secours présents, dont les récits sont plus troubles, et troublants.

Les approximations et exagérations des secouristes

Sur les lieux opèrent des secouristes de Zaka, une organisation non gouvernementale (ONG) ultraorthodoxe chargée de récupérer les corps dans le respect des préceptes juifs. Ils étaient aussi présents le matin dans un autre kibboutz, Be’eri, où le photographe Tomer Peretz a décrit « des bouts de corps, des bébés, des enfants » et a pris la photo d’un berceau ensanglanté, très partagée, qui a alimenté la confusion de certains journalistes, qui l’ont utilisée pour parler de Kfar Aza.

Dans les maisons ravagées, les bénévoles de Zaka découvrent des corps rendus méconnaissables par les projectiles, les explosions et les incendies. Dénués de formation médicale, certains se méprennent sur l’identité ou l’âge des victimes. Un secouriste évoque une famille de cinq personnes, mortes fusillées, mais prend la mère pour une grand-mère, et les deux adolescents pour des enfants. D’autres affirment à la presse qu’une femme enceinte aurait été éventrée et son fœtus poignardé, ce qui n’a jamais été le cas, comme l’a confirmé au Monde Nachman Dyksztejn, volontaire francophone de Zaka. Dans un rapport sur les violences sexuelles commises le 7 octobre, l’Organisation des Nations unies soulignera le « défi » qu’a représenté « les interprétations imprécises et peu fiables des preuves par des non-professionnels ».

Ces approximations ne sont pas toujours volontaires. « Les secouristes ont vu tellement de morts, des cadavres de femmes et d’enfants, des morceaux de corps, peut-être qu’ils ont dit des choses qu’ils ont imaginées », explique aujourd’hui Nachman Dyksztejn. Mais sur le moment, les porte-parole de l’ONG font preuve de surenchère macabre. Auprès de différents médias, Yossi Landau, son fondateur, déclare avoir « vu de ses propres yeux des enfants et des bébés qui avaient été décapités ». Le quotidien israélien Haaretz a révélé plus tard que l’association, à la santé financière précaire, avait essayé de profiter de la tragédie pour drainer des dons.

07/02/2024

Réponse préliminaire du Hamas à la proposition d'“Accord-cadre” entre les parties

Original:

Ci-dessous le texte intégral de la réponse à la proposition des 4 chefs des services de renseignement (Égypte, Qatar, Israël, USA) réunis à Paris, remise par le Hamas aux médiateurs qatari et égyptien hier, mardi 6 février. Les parties usaméricaine et israélienne ont reçu une copie de la réponse, qui comprend des amendements à la proposition d'“accord-cadre”, ainsi qu'une annexe spéciale de garanties et d'exigences visant à mettre fin à l'agression et à remédier à ses effets.-Tlaxcala


Réponse du Hamas

Cet accord vise à mettre fin aux opérations militaires mutuelles entre les parties, à parvenir à un calme complet et durable, à échanger des prisonniers entre les deux parties, à mettre fin au blocus de Gaza, à reconstruire, à assurer le retour des résidents et des personnes déplacées dans leurs foyers et à fournir un abri et des secours à tous les résidents dans toutes les zones de la bande de Gaza, selon les étapes suivantes :

 

Première étape (45 jours) :

Cette étape humanitaire vise à libérer tous les détenus israéliens, y compris les femmes et les enfants (de moins de 19 ans, non enrôlés), les personnes âgées et les malades, en échange d'un nombre déterminé de prisonniers palestiniens, ainsi qu'à intensifier l'aide humanitaire, à redéployer les forces hors des zones peuplées, à permettre le début de la reconstruction des hôpitaux, des maisons et des installations dans toutes les zones de la bande de Gaza, à autoriser les Nations unies et leurs agences à fournir des services humanitaires et à établir des camps d'hébergement pour la population, selon les modalités suivantes :

- Arrêt temporaire des opérations militaires, arrêt de la reconnaissance aérienne et redéploiement des forces israéliennes hors des zones peuplées de la bande de Gaza, afin de les aligner sur la ligne de démarcation, ce qui permettra aux parties d'achever l'échange de détenus et de prisonniers.

- Les deux parties libéreront les détenus israéliens, y compris les femmes et les enfants (de moins de 19 ans, non enrôlés), les personnes âgées et les malades, en échange d'un certain nombre de prisonniers palestiniens, en garantissant la libération de toutes les personnes dont les noms ont été convenus à l'avance au cours de cette étape.

- Intensification de l'afflux quotidien des quantités nécessaires et suffisantes pour les besoins de la population (à déterminer) d'aide humanitaire et de carburant, permettant à des quantités adéquates d'aide humanitaire d'atteindre toutes les zones de la bande de Gaza, y compris le nord de la bande, et le retour des personnes déplacées à leurs domiciles dans toutes les zones de la bande.

- Reconstruction des hôpitaux dans toute la bande et mise en place de ce qui est nécessaire pour établir des camps/tentes pour loger la population, et reprise de tous les services humanitaires fournis à la population par l'ONU et ses agences.

- Début des négociations (indirectes) sur les conditions nécessaires au rétablissement du calme.

- L'annexe ci-jointe contenant les détails de la première phase fait partie intégrante du présent accord, les détails des deuxième et troisième phases étant convenus pendant la mise en œuvre de la première phase.

 

Deuxième étape (45 jours) :

Avant la mise en œuvre de la deuxième phase, l'achèvement des négociations (indirectes) sur les conditions nécessaires à la poursuite de la cessation des opérations militaires mutuelles et au retour à un état de calme complet doit être annoncé.

Cette étape vise à libérer tous les détenus masculins (civils et conscrits), en échange d'un nombre déterminé de prisonniers palestiniens, à poursuivre les mesures humanitaires de la première étape, à retirer les forces israéliennes hors des frontières de toutes les zones de la bande de Gaza et à entamer la reconstruction complète des maisons, installations et infrastructures détruites dans toutes les zones de la bande de Gaza, selon des mécanismes spécifiques garantissant leur mise en œuvre et la fin complète du siège de la bande de Gaza, comme convenu lors de la première étape.

 

Troisième phase (45 jours) :

Cette phase vise à échanger les corps et les dépouilles des personnes décédées entre les deux parties après leur identification et la poursuite des mesures humanitaires des première et deuxième phases, comme convenu lors des première et deuxième phases.

 

Annexe à l’Accord-cadre : détails de la première phase

- Arrêt complet des opérations militaires par les deux parties et arrêt de toutes les activités aériennes, y compris la reconnaissance, tout au long de cette phase.

- Redéploiement des forces israéliennes hors des zones peuplées de la bande de Gaza, afin de s'aligner sur la ligne de démarcation à l'est et au nord, ce qui permettra aux parties d'achever l'échange de détenus et de prisonniers.

- Les deux parties libéreront les détenus israéliens, y compris les femmes et les enfants (de moins de 19 ans, non enrôlés), les personnes âgées et les malades, en échange de tous les prisonniers des prisons de l'occupation, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées (plus de 50 ans) et les malades qui ont été détenus jusqu'à la date de signature de cet accord, sans exception, en plus de 1 500 prisonniers palestiniens, dont le Hamas désignera 500 personnes condamnées à la prison à vie ou à de lourdes peines.

- Achèvement des procédures juridiques nécessaires pour garantir que les prisonniers palestiniens et arabes libérés ne soient pas arrêtés à nouveau pour les mêmes motifs que ceux pour lesquels ils ont été arrêtés.

- Libération mutuelle et simultanée d'une manière qui garantisse la libération de tous ceux qui figurent sur les listes convenues à l'avance au cours de cette phase, les noms et les listes étant échangés avant la mise en œuvre.

- Améliorer les conditions de détention dans les prisons de l'occupation et lever les mesures et les sanctions imposées après le 7 octobre 2023.

- Mettre fin aux incursions et aux agressions des colons israéliens dans la mosquée d'Al-Aqsa et ramener la situation dans la mosquée d'Al-Aqsa à ce qu'elle était avant 2002.

- Intensifier l'entrée des quantités nécessaires et suffisantes pour les besoins des résidents (au moins 500 camions) d'aide humanitaire et de carburant sur une base quotidienne, permettant à des quantités adéquates d'aide humanitaire d'atteindre toutes les zones de la bande, en particulier le nord de la bande de Gaza.

- Le retour des personnes déplacées à leur domicile dans toutes les zones de la bande de Gaza, en assurant la liberté de mouvement des résidents et des citoyens par tous les moyens de transport sans entrave dans toutes les zones de la bande de Gaza, en particulier du sud au nord.

- Assurer l'ouverture de tous les points de passage avec la bande de Gaza, la reprise du commerce et permettre la libre circulation des personnes et des biens sans entrave.

- Lever toutes les restrictions israéliennes à la circulation des voyageurs, des patients et des blessés par le point de passage de Rafah.

- Veiller à ce que tous les blessés, hommes, femmes et enfants, puissent être soignés à l'étranger sans restriction.

- L'Égypte et le Qatar mèneront les efforts avec toutes les parties nécessaires pour gérer et contrôler l'assurance, la réalisation et l'achèvement des questions suivantes :

   1. Fournir et mettre en place l'équipement lourd nécessaire à l'enlèvement des débris et des épaves.

   2. Fournir des équipements de défense civile et répondre aux besoins du ministère de la Santé.

   3. Le processus de reconstruction des hôpitaux et des boulangeries dans toute la bande de Gaza et l'introduction de ce qui est nécessaire pour établir des camps de tentes pour loger la population.

   4. Introduire pas moins de 60 000 unités de logement temporaires (caravanes/conteneurs), de sorte que 15 000 unités de logement entrent dans la bande de Gaza chaque semaine à partir du début de cette phase, en plus de 200 000 tentes, à raison de 50 000 tentes par semaine, pour loger les personnes dont les maisons ont été détruites par l'occupation pendant la guerre.

   5. Commencer la reconstruction et la réparation des infrastructures dans toutes les zones de la bande de Gaza et remettre en état les réseaux d'électricité, de télécommunications et d'eau.

   6. Approuver un plan de reconstruction des logements, des installations économiques et des services publics détruits par l'agression, en programmant le processus de reconstruction dans un délai n'excédant pas trois ans.

 

- Reprise de tous les services humanitaires fournis à la population dans toutes les zones de la bande de Gaza, par l'ONU, ses agences, en particulier l'UNRWA, et toutes les organisations internationales opérant dans toutes les zones de la bande de Gaza avant le 7 octobre 2023.

- Réapprovisionner la bande de Gaza avec le carburant nécessaire pour reprendre le fonctionnement de la centrale électrique et de tous les secteurs.

- Engagement de l'occupation à fournir à Gaza l'électricité et l'eau dont elle a besoin.

- Entamer des négociations (indirectes) sur les conditions nécessaires à la poursuite de la cessation des opérations militaires mutuelles et au retour à un état de calme total et mutuel.

- Le processus d'échange est étroitement lié au degré d'engagement mentionné et convenu pour l'entrée d’aides, de secours et d’abris suffisants.

Garants de l'accord : Égypte, Qatar, Turquie, Russie, ONU