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Jaime Rafael Nieto López
El Reloj Político Latinoamericano 

Hoy sabemos que el mundo se está transformando desde el punto de vista geopolítico, obviamente también desde el punto de vista geoeconómico, lo cual reclama de los gobiernos progresistas una política regional e internacional cada vez más autónoma, soberana e integrada frente a los grandes poderes a nivel mundial… Es probable que aún no estén dadas las condiciones subjetivas para un giro revolucionario. Pero, ¿existe la voluntad política por parte del progresismo para efectuarlo?

Hamza Hamouchene
 Vietnam, Algeria, Palestine: passing on the torch of the anti-colonial struggle
 Vietnam, Argelia y Palestina: pasar la antorcha de la lucha anticolonial
Entre le Vietnam, l’Algérie et la Palestine, passer le flambeau de la lutte anticoloniale


Nir Hasson: A Massive Database of Evidence, Compiled by a Historian, Documents Israel's War Crimes in Gaza”

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22/10/2024

Yahya Sinwar, leader du Hamas, est mort
La nécrologie “nuancée” du New York Times

M. Sinwar a gravi les échelons du groupe militant palestinien pour préparer contre Israël l’attaque la plus meurtrière de son histoire 

Ben Hubbard, avec Jo Becker et Abu Bakr Bashir, The New York Times, 17/10/2024
English original

Leer en español

Traduit (fidèlement et sans commentaires) par Fausto Giudice, Tlaxcala (uniquement pour servir de base aux études futures sur le journalisme newyorktimesque en temps de génocide)

Ben Hubbard est le chef du bureau d’Istanbul du New York Times, couvrant la Turquie et une partie des territoires de l’ancien Empire ottoman. Il a étudié l’arabe.

Yahya Sinwar, le leader militant palestinien qui a émergé de deux décennies de prison en Israël pour se hisser à la tête du Hamas et aider à planifier l’assaut le plus meurtrier de l’histoire d’Israël, est décédé mercredi. Il était âgé d’une soixantaine d’années.

Son décès a été annoncé jeudi par l’armée israélienne, qui a déclaré qu’il avait été tué par une unité de commandants d’escadrons stagiaires qui l’avaient rencontré lors d’une opération dans le sud de la bande de Gaza.

Dirigeant de longue date du Hamas, qui a accédé à sa plus haute fonction politique en août, M. Sinwar était connu de ses partisans comme de ses ennemis pour sa ruse et sa brutalité. Il a renforcé la capacité du Hamas à nuire à Israël dans le cadre de l’objectif à long terme du groupe, qui est de détruire l’État juif et de construire à sa place une nation palestinienne islamiste.


Yahya Sinwar, le leader du Hamas, saluant le public lors du festival international de la Journée d’Al Qods dans la ville de Gaza l’année dernière. Photo Samar Abu Elouf/NYT

Il a joué un rôle central dans la planification de l’assaut surprise contre le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a tué environ 1 200 personnes, en a ramené 250 autres à Gaza en tant qu’otages et l’a placé en tête de la liste des personnes à abattre par Israël. Les dirigeants israéliens ont promis de le traquer et l’armée a largué des tracts au-dessus de Gaza offrant une récompense de 400 000 dollars pour toute information sur sa localisation.

Mais pendant plus d’un an, il est resté insaisissable, survivant dans les tunnels que le Hamas avait creusés sous Gaza, alors même qu’Israël tuait nombre de ses combattants et associés.

L’héritage de M. Sinwar parmi les Palestiniens est complexe. Il a mis sur pied une force capable de frapper l’armée la plus sophistiquée du Moyen-Orient malgré le blocus serré de Gaza par Israël et l’Égypte. Mais l’attaque du 7 octobre a conduit Israël à s’engager non seulement à mettre fin au règne du Hamas sur Gaza, qui dure depuis 17 ans, mais aussi à détruire complètement le groupe.

Selon les sondages, l’assaut a renforcé la position du Hamas en Cisjordanie occupée par Israël et ailleurs dans le monde arabe, mais pas parmi les habitants de Gaza, dont les vies et les maisons ont subi de plein fouet l’invasion israélienne qui s’en est suivie.

Et s’il a réussi à ramener la cause palestinienne à l’attention du monde, il n’a pas réussi à rapprocher son peuple de l’indépendance ou de la création d’un État, et ce à un coût énorme pour ceux qu’il prétendait vouloir libérer. Israël a réduit une grande partie de Gaza en ruines en réponse à l’attaque du Hamas, et plus de 42 000 Palestiniens ont été tués, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Des Israéliens en deuil rassemblés autour des cinq cercueils de la famille Kutz lors de leurs funérailles à Gan Yavne, en Israël, en octobre dernier. Les membres de la famille ont été tués le 7 octobre dans le kibboutz de Kfar Aza. Photo Avishag Shaar-Yashuv /NYT


Un bâtiment détruit par une frappe israélienne dans la ville de Gaza le 7 octobre. Photo Samar Abu Elouf/NYT

Lorsque la nouvelle de sa mort s’est répandue dans la bande de Gaza, de nombreuses personnes se sont réjouies.

Mohammed, un jeune homme de 22 ans qui avait été déplacé à plusieurs reprises pendant la guerre, a déclaré qu’il blâmait M. Sinwar pour la faim, le chômage et les sans-abri que le conflit avait causés.

« Il nous a humiliés, a déclenché la guerre, nous a dispersés et nous a déplacés, sans eau, sans nourriture et sans argent », a déclaré Mohammed, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles de la part des membres du Hamas. « C’est lui qui a poussé Israël à agir de la sorte ».

La nouvelle de la mort de M. Sinwar a marqué « le plus beau jour de ma vie ».

En tant que chef du Hamas à Gaza de 2017 à 2024, M. Sinwar a discrètement ravivé les relations du groupe avec l’Iran, un mécène de longue date, aidant le Hamas à développer la capacité de déjouer les défenses d’Israël. Tout en préparant secrètement une guerre géante avec Israël, il a fait croire à ce dernier qu’il souhaitait le contraire : pas exactement la paix, mais au moins un peu de calme.

De nombreux membres des services de sécurité israéliens ont passé les années précédant la guerre à se concentrer sur d’autres menaces et à supposer que Gaza était sous contrôle, ont déclaré certains d’entre eux lors d’entretiens après le début de la guerre.

La vie de M. Sinwar a été profondément marquée par le conflit israélo-palestinien.

Il était né en 1962 à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, un territoire surpeuplé et appauvri situé sur la côte méditerranéenne, à la frontière d’Israël et de l’Égypte.

Des informations sur ses parents n’étaient pas immédiatement disponibles, mais comme la plupart des habitants de Gaza, les membres de sa famille étaient des réfugiés palestiniens enregistrés. Ces personnes ou leurs ancêtres ont fui ou ont été chassés de leurs maisons pendant la guerre qui a entouré la création d’Israël en 1948 et souhaitent ardemment y retourner.

M. Sinwar a étudié l’arabe à l’université islamique de Gaza et s’est engagé dans la politique islamiste. Au début du premier soulèvement palestinien, ou intifada, contre l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza en 1987, les islamistes palestiniens ont fondé le Hamas, qui s’est engagé à détruire Israël et à le remplacer par un État palestinien. Israël, les USA et d’autres pays ont désigné M. Sinwar comme terroriste et le Hamas comme une organisation terroriste.

M. Sinwar, membre de la première heure du Hamas, dirigeait un groupe chargé de punir les Palestiniens accusés d’espionnage pour le compte d’Israël, souvent en les exécutant. Il s’est acquitté de cette tâche avec une telle brutalité qu’il a été surnommé le « boucher de Khan Younès ».

En 1988, Israël a arrêté M. Sinwar et l’a ensuite poursuivi pour le meurtre de quatre Palestiniens soupçonnés de collaborer avec Israël. Il a passé plus de vingt ans dans les prisons israéliennes, une expérience qui, selon lui, lui a permis d’étudier son ennemi.


M. Sinwar, à gauche, et le dentiste Yuval Bitton dans le complexe pénitentiaire de Beersheba, en Israël, lors des négociations en vue d’un échange de prisonniers qui devait aboutir à la libération de M. Sinwar en 2011

« Ils voulaient que la prison soit une tombe pour nous - un moulin pour broyer notre volonté, notre détermination et nos corps », a-t-il déclaré en 2011. « Mais, Dieu merci, grâce à notre foi en notre cause, nous avons transformé les prisons en sanctuaires de culte et en académies d’études ».

Il a appris l’hébreu, s’est documenté sur l’histoire et la société israéliennes et est devenu un leader de la prison, participant aux négociations entre les détenus et leurs geôliers.

« Il ne fait aucun doute qu’il est têtu et qu’il est un bon négociateur », a rappelé Sofyan Abu Zaydeh, qui a rencontré M. Sinwar en prison à la fin des années 1980 et qui a ensuite occupé un poste de ministre au sein de l’Autorité palestinienne.

Au fil des ans, Israël a manqué plusieurs occasions de tenir M. Sinwar à l’écart du champ de bataille, voire de l’éliminer complètement.

Pendant l’incarcération de M. Sinwar, Yuval Bitton, un dentiste de la prison, a appris à le connaître et à connaître ses efforts constants pour punir les Palestiniens qu’il soupçonnait de travailler avec Israël, a déclaré le Dr Bitton au Times en 2024.

En 2004, M. Sinwar a commencé à ressentir une douleur dans la nuque qui, selon le Dr Bitton, nécessitait une intervention médicale urgente. Les médecins ont retiré une tumeur cérébrale agressive qui aurait pu tuer M. Sinwar si elle n’avait pas été traitée, et M. Sinwar a remercié le Dr Bitton de lui avoir sauvé la vie.

« Il était important pour lui que je comprenne l’importance pour un musulman de cette question dans l’islam, et du fait qu’il me doive la vie », a déclaré le Dr Bitton, qui est devenu plus tard le chef des services de renseignements de l’administration pénitentiaire israélienne.

Par un douloureux coup du sort, lorsque le Hamas a frappé Israël en 2023, le neveu du Dr Bitton, Tamir Adar, faisait partie des otages ramenés à Gaza, où il est mort peu de temps après.

En 2011, Israël et le Hamas ont accepté d’échanger un soldat israélien capturé, Gilad Shalit, contre 1 027 prisonniers palestiniens. M. Sinwar était le prisonnier le plus ancien libéré dans le cadre de cet accord. Il est revenu de prison avec une connaissance plus approfondie d’Israël et un engagement plus ferme en faveur de la libération d’autres prisonniers palestiniens.

« Il a promis à ses collègues, lorsqu’il est parti, que leur liberté était son fardeau », se souvient M. Abu Zaydeh. « Le 7 octobre, à la base, c’était la libération des prisonniers ».


M. Sinwar saluant ses amis et sa famille lors d’une réception à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, en 2011, après sa libération de prison. Photo Lynsey Addario/NYT


Des membres des Brigades Ezzedine Al  Qassam, la branche armée du Hamas, applaudissent au retour des prisonniers libérés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en 2011 . Photo Lynsey Addario/NYT

À son retour à Gaza, il a découvert une nouvelle réalité. En 2007, le Hamas a pris le contrôle de l’Autorité palestinienne, plus modérée. Pour la première fois, le Hamas n’était plus seulement un groupe armé, mais aussi un gouvernement de facto qui supervisait l’électricité, le ramassage des ordures et d’autres services publics.

La prise de pouvoir du Hamas a incité Israël et l’Égypte à imposer un blocus à Gaza, limitant la circulation des biens et des personnes à l’intérieur et à l’extérieur du territoire et aggravant la pauvreté et l’isolement de la bande de Gaza.

M. Sinwar a gravi les échelons au sein du Hamas. En 2012, il est devenu le représentant de la branche armée du Hamas, les Brigades Al Qassam, un rôle proche de celui de ministre de la Défense. Cela l’a rapproché de la force de combat du Hamas et de son mystérieux commandant, Mohammed Deif, un autre architecte de l’attaque du 7 octobre, qu’Israël a tué lors d’un important bombardement à Gaza en juillet.

En 2017, M. Sinwar est devenu le chef du Hamas à Gaza, succédant à Ismail Haniyeh, qui s’est installé au Qatar et a été le principal dirigeant politique du groupe jusqu’à ce qu’Israël l’assassine à Téhéran en juillet. Dans ce rôle, M. Sinwar a cherché de nouveaux moyens de protester contre le blocus et d’attirer l’attention sur les griefs palestiniens. En 2018, le Hamas a pesé de tout son poids pour soutenir les grandes manifestations des Palestiniens de Gaza qui cherchaient à marcher vers leurs villages ancestraux à l’intérieur d’Israël, des manifestations qu’Israël a violemment réprimées.

Manifestants palestiniens à la frontière entre Israël et Gaza en 2018. Cette année-là, de nombreuses personnes ont participé à ce qui est devenu la “Grande Marche du retour”

M. Sinwar, avec Ismail Haniyeh, à gauche, lors des funérailles d’un autre dirigeant du Hamas dans la ville de Gaza en 2017. Cette année-là, M. Sinwar a succédé à M. Haniyeh à la tête du Hamas à Gaza. Photo Mohammed Salem/Reuters

M. Sinwar a également fait part de son intérêt pour l’amélioration de la vie des habitants de Gaza. Lors d’un rare entretien avec un journaliste italien en 2018, il a appelé à un cessez-le-feu à long terme.

« Je ne dis pas que je ne me battrai plus », a-t-il déclaré. « Je dis que je ne veux plus de guerre. Je veux la fin du siège. Vous marchez sur la plage au coucher du soleil et vous voyez tous ces adolescents sur le rivage qui discutent et se demandent à quoi ressemble le monde de l’autre côté de la mer. À quoi ressemble la vie », a-t-il ajouté. « Je veux qu’ils soient libres ».

En 2021, le Hamas a lancé une nouvelle guerre - son troisième conflit majeur avec Israël depuis 2008 - pour protester contre les efforts israéliens visant à expulser les Palestiniens de Jérusalem-Est et contre les raids de la police israélienne sur la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, pierre angulaire de la revendication de la ville par les Palestiniens. Pendant le conflit, Israël a bombardé son domicile pour tenter de le tuer, sans succès.

En direct à la télévision, après le cessez-le-feu, M. Sinwar a annoncé qu’il rentrerait chez lui à pied et a mis Israël au défi de l’assassiner. Il s’est ensuite promené dans Gaza, serrant des mains, saluant les propriétaires de magasins et s’arrêtant pour prendre des photos avec les passants.


Des secouristes à la recherche de victimes sur le site d’une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza, pendant la guerre de 2021. Photo Samar Abu Elouf/NYT


M. Sinwar lors d’un rassemblement dans la ville de Gaza à la suite d’un cessez-le-feu en 2021.

Sa rhétorique violente à l’encontre d’Israël ne s’est jamais atténuée. En 2022, il a prononcé un discours enflammé appelant les Palestiniens du monde entier, y compris à l’intérieur d’Israël, à « préparer leurs hachoirs, leurs haches ou leurs couteaux ». Moins d’une semaine plus tard, trois juifs israéliens ont été tués dans une attaque à la hache dans le centre d’Israël.

Mais M. Sinwar a également continué à chercher des accommodements avec Israël, négociant l’entrée d’une aide mensuelle d’environ 30 millions de dollars à Gaza en provenance du Qatar et l’augmentation du nombre de permis de travail en Israël pour les habitants de Gaza, deux éléments indispensables à l’économie chancelante du territoire.

Ces mesures, auxquelles s’ajoutait la décision de M. Sinwar de tenir le Hamas à l’écart des affrontements entre Israël et d’autres groupes armés, ont fait croire à l’establishment sécuritaire israélien que des mesures de sécurité strictes et des améliorations limitées de la qualité de vie des habitants de Gaza permettraient de contenir le Hamas.

Mais cet espoir a été anéanti le 7 octobre 2023, lorsque des combattants ont neutralisé les défenses frontalières d’Israël, fait irruption en Israël par la mer, l’air et la terre, et se sont déchaînés sur les communautés et les bases militaires israéliennes, tirant sur des soldats et des civils et montrant à quel point les évaluations de M. Sinwar par Israël étaient erronées.

Israël a répondu avec une force écrasante, détruisant de grandes parties de Gaza, lançant une invasion terrestre visant à détruire le Hamas et provoquant l’une des augmentations les plus rapides du nombre de morts de toutes les guerres de ce siècle.

Photo prise lors d’une tournée médiatique de l’armée israélienne en octobre dernier, montrant des taches de sang sur un lit suite à l’attaque du Hamas dans le kibboutz de Nir Oz. Photo Sergey Ponomarev/NYT 

Membres d’une famille palestinienne pleurant un enfant à Khan Younès en octobre dernier. Photo Yousef Masoud pour le New York Times/NYT

M. Sinwar n’est pas apparu publiquement pendant la guerre, laissant planer le doute sur ce qu’il pensait que le Hamas avait accompli par son attaque contre Israël et sur ce qu’il pensait de l’énorme coût en vies palestiniennes.



13/10/2024

RANDA ABDEL-FATTAH
“Je mise sur Gaza : elle est indestructible”
Échanges entre Palestiniens en diaspora après le 7 octobre 2023

Le 7 octobre a montré que nous Palestiniens et Arabes restons les héritiers légitimes de notre histoire Nous restons les premiers témoins de notre passé, de notre présent et de notre avenir.

Randa Abdel-Fattah, Mondoweiss, 12/10/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

La Dre Randa Abdel-Fattah est chercheuse au département de sociologie de l’université Macquarie, à Sydney, en Australie. Ses domaines de recherche sont la Palestine, l’islamophobie, les assignations raciales, la guerre contre le terrorisme, les identités juvéniles et les mouvements sociaux. Elle est également l’une des plus éminentes défenseuses de la Palestine en Australie, une ancienne avocate en contentieux et l’auteure de 12 livres publiés dans plus de 20 pays et traduits dans plus de 15 langues, qui ont reçu de nombreuses récompenses. Elle a été récompensée ou présélectionnée pour tous les principaux prix littéraires australiens. X.

Ce n’est pas la première fois que j’écris un texte d’anniversaire J’avais quelque chose à dire en mai 2023, en juin 2017, en mai 2018, en mai 2013, en mai 2008 et en mai 1998. J’avais quelque chose à dire cent ans après que Sykes et Picot eurent découpé nos patries avec leurs stylos rouges et bleus.  Je connais la marche à suivre. Commémorer un événement, marquer un point discret repose souvent sur certaines conventions narratives et certains procédés littéraires. Il s’agit notamment de faire la chronique de ce dont nous avons été témoins, de ce que sont les moments propices à la réflexion, du diagnostic et du remède ; une réflexion sur ce que je ressens à propos du passé, du présent et de l’avenir. Je respecte tout ce qui a trait à cet exercice.

 Une fissure dans l'eau suivie du retour, par Dima Srouji

Mais il ne s’agit pas ici d’un texte d’anniversaire.

Je ne peux pas écrire comme avant. Je ne peux pas rédiger un paragraphe de faits et de chiffres qui résument l’horreur apocalyptique dont nous avons été témoins au cours de l’année écoulée. Je veux résister à l’envie de faire le bilan de nos souffrances. Je ne peux pas mesurer la destruction et l’injustice alors que le génocide se poursuit et que le massacre industriel d’Israël s’est étendu au Liban, à la Syrie et au Yémen.

Depuis le 7 octobre, nous avons vu, en temps réel, diffusées en direct sur nos écrans, des scènes apocalyptiques de violence infligées méthodiquement à une population assiégée, sous le regard du monde entier, au service d’un projet politique qui n’a pas terminé son travail démographique, qui exige l’extermination des « brutes », l’élimination des autochtones, afin d’atteindre l’objectif d’une majorité juive et du contrôle de l’ensemble des terres volées, du fleuve à la mer et au-delà, jusqu’au sud du Liban et à la Syrie. Chaque jour a été une horrible chronique de génocide industrialisé, de domicide, de scolasticide, d’infanticide, de féminicide, de médicide et d’écocide. Je ne peux pas supporter de passer au crible mes tweets et mes messages sauvegardés - une bibliothèque d’une horreur insondable - et de décider quelle histoire d’horreur sera retenue alors que les bombes continuent de tomber et que les capitaux continuent d’affluer. Je ne peux pas supporter de passer au crible les infographies basées sur des faits, les discussions d’experts, les articles, les essais, les podcasts, les vidéos d’apprentissage, les interviews, les posts TikTok et les histoires instagram et de proposer un synopsis de ce paysage infernal. Comment résumer l’année écoulée ? Quelle atrocité se retrouve dans mon décompte de mots ?

Je ne peux pas non plus faire face à l’élaboration d’un arc narratif pour une année d’un génocide qui se poursuit à l’heure où j’écris ces lignes Comment pourrais-je ne serait-ce qu’esquisser des personnages et créer une intrigue à partir de Gaza ? Tous les protagonistes, tous les genres, tous les livres et films que vous avez lus ou regardés, tout ce que vous avez imaginé, se trouvent sur cette minuscule bande de terre. Gaza peut vous offrir un voyage de héros, une histoire pour enfants et jeunes adultes, une histoire d’horreur, dystopique, de science-fiction, une intrigue d’action, des drames politiques à foison, des tragi-comédies, des drames juridiques, des castings d’ensemble, une série dérivée au Liban

Et rien de tout cela n’a suffi à arrêter le massacre.

Au lieu de réfléchir à l’année écoulée, je me retrouve à penser à la responsabilité. Ce que cela implique pour nous lorsque le jour viendra et que nous assisterons à la chute d’un empire. Comment rendre compte de tous les crimes et garantir l’exercice de la justice ? Lorsque (et non pas si) Israël, le monde occidental et les régimes arabes s’effondreront et devront rendre des comptes à la population, ce sera l’heure des comptes où nous présenterons un registre de nos avertissements, de nos plaidoyers, de nos prévisions et de la chaîne de causalité

Si vous me demandez ce qu’est l’espoir, je vous dirai qu’il y a eu une lueur le 7 octobre Elle était palpable, réelle et exaltante Si vous me demandez ce qu’est la confusion, la peur et les attentes, elles étaient présentes dans les premières heures et les premiers jours Si vous me demandez ce qu’est un génocide, je vous dirai qu’il aurait pu être arrêté Si vous m’interrogez sur la liberté, la justice et la paix, je vous dirai qu’elles auraient pu être réalisées. C’est pour ces raisons que nous devons garder les pièces à conviction pour le moment de la reddition des comptes.

Pour cet essai, je propose non seulement mes mots, mais aussi certains des mots de mes amis et camarades de la diaspora dans la colonie australienne, dont les premières réactions au 7 octobre révèlent que nous Palestiniens et Arabes restons, et devons insister pour rester, les héritiers légitimes de notre histoire. Nous restons les premiers témoins de notre passé, de notre présent et de notre avenir Nous restons les propriétaires de notre récit. Nous avons prédit, nous avons analysé ; parfois nous avons surestimé, parfois nous avons sous-estimé. Je relis les messages que nous avons échangés au début du mois d’octobre et je pleure. Parce qu’à l’époque, alors que nous tapions des mots d’espoir, de peur et de confusion, nous ne savions pas que certains d’entre nous assisteraient à l’assassinat de membres de leur famille. Nous ne savions pas qu’un an plus tard, les maisons et les vies de certains de nos parents et amis seraient détruites Alors que certains d’entre nous écrivaient sur l’évacuation de leur famille et de leurs amis, nous ne savions pas qu’ils seraient contraints d’accomplir leur propre Nakba. Nous ne savions pas que nos victimes seraient un flux continu et mondial d’Israël déchiquetant, bombardant, décapitant et mutilant des enfants, des femmes, des hommes, des travailleurs de la santé, des journalistes, des étudiants, des enseignants et toutes les catégories d’êtres humains, uniquement parce que le Palestinien, l’Arabe, a été désigné comme non-humain.

Alors que nous étions inconsolables devant 1 000 enfants martyrs, nous ne pouvions imaginer que les gouvernements du monde entier autoriseraient le meurtre de 16 500, voire 100 000 enfants selon les calculs de Lancet.

Les messages ci-dessous sont tirés de discussions de groupe auxquelles j’ai participé. Des amis palestiniens, dont des militants, des universitaires, des artistes et des avocats. Les messages parlent d’eux-mêmes Et nous rappellent, un an après, que nos voix suffisent Si seulement le monde écoutait.

Choc, confusion, espoir

7 octobre 2023, 8h00 (Israël), 15h00 (Australie)

15 h 21 : « Je n’arrive pas à croire ce que je vois Une évasion massive de prison !

15 h 21 : « Les événements actuels sont décrits comme étant sans précédent depuis 1973, date à laquelle Israël a déclaré une “guerre”.

15:33 : « Je suis entre l’excitation totale et la crainte de l’effusion de sang On signale la capture de trois soldats vivants ou morts. Aljazeera essaie de confirmer.

15 h 37 : « Aljazeera confirme. Il semble qu’il y ait également un grand nombre de victimes.

15 h 41 : « Israël craint d’avoir perdu le contrôle du passage d’Eretz !

15 h 43 : J’ai l’impression que mon effroi nie la puissance de la résistance. Ils savent ce qu’ils affrontent et ce qu’ils risquent, et pourtant ils persistent. Néanmoins, j’éprouve toujours de l’effroi pour ce qui va suivre.

15 h 48 : « Des rapports font état de dizaines de victimes du côté israélien. Les détails sont flous.

15:48 pm : « Grande peur à Gaza de ce qui va arriver S’il vous plaît, pas de nouveau mai 2021 ou d’opération « Plomb durci ».

15 h 49 : « Israël a perdu le contrôle du point de passage d’Eretz avec Gaza !

15 h 50 : « Pas possible ! Ce n’est pas possible !

16 h 16 : « Gaza, nous ne l’avons pas vu venir. C’est incroyable !

16 h 22 : « Al Jazeera interviewe un commentateur israélien qui dit que cela va “renforcer la poigne de Netenyahou contre l’opposition”. Je pense que les voisins m’auraient entendu jurer contre la télé !

16:24 : « Cela n’a aucun sens.

16:28 pm : « Bien sûr, en anticipant une réponse d’Israël. Une population assoiffée de sang en Israël apprécierait maintenant le bombardement de Gaza, l’assassinat de dirigeants et la destruction qui s’ensuivra. Et ils iront sur la colline pour regarder !

4:29 pm : « Nous étions juste là et tout indiquait un accord de paix économique.

Personne à qui j’ai parlé n’en avait la moindre idée ... on avait l’impression que Gaza s’éloignait du reste de la Palestine.

16:30 : « Et maintenant, Gaza est de nouveau à l’ordre du jour.

16:30 : « Mais s’ils ont des otages ?

16:30 : « Ils seront heureux de faire des compromis avec eux. Ils l’ont fait pendant la dernière guerre.

16:31 : « C’est différent.

16 h 31 : « Peut-être.

16:33 : « Je mise sur Gaza. Elle est indestructible.

17h00 : « Est-ce mal de souhaiter qu’ils aillent jusqu’à Ramallah et qu’ils destituent Abbas ?

17 h 00 : « Mon père dirait qu’ils devraient alors libérer Barghouti et le placer au sommet.

17 h 33 : « Le Hamas fait état de 35 Israéliens capturés.

17:34 : « Soit Israël entre dans une guerre à grande échelle, soit, compte tenu du nombre de soldats et de colons kidnappés et de la pression interne, il s’abstient de mener une guerre et demande l’échange de prisonniers. Cette fois-ci serait différente des autres.

17 h 42 : « La reprise du point de passage d’Erez est une action tellement symbolique qu’elle donnera un coup de fouet au moral de tous les habitants de Gaza. Le point de passage est un symbole d’humiliation, d’emprisonnement et d’oppression

En outre, cela dissipera le mythe de la surveillance électronique, du repérage par satellite et du renseignement dont Israël se vante.

18:54 : « Des appels aux pogroms maintenant. Nous pourrions assister à des scènes similaires à celles de mai 2021.

20 h 51 : « Je n’arrive toujours pas à croire que c’est en train de se produire.

20 h 52 : « Moi non plus. Les images diffusées à la télévision sont sans précédent.

20:56 : « Alors, Israël va-t-il tenter de réoccuper la bande de Gaza ? La dernière fois, il y a eu 53 jours de guerre. Aucun objectif n’a été atteint.

21 h 05 : « Je vois des tweets où l’on compare ça au 11 septembre - ils utilisent toujours l’islamophobie mondiale pour s’attirer de la sympathie.

21:07 : « Nous devons nous préparer pour demain. Ils vont faire démarrer l’horloge le 7 octobre.

21 h 07 : « Oui, parce que le 6 octobre, c’était l’utopie pour les Palestiniens.

21:08 : « Nous devons trouver des citations de ministres israéliens qui, au fil des ans, ont expliqué qu’ils voulaient vivre par l’épée. Rien que cette année, il y a plus de 230 victimes, des enfants, des personnes âgées, des maisons détruites, des maisons occupées, etc. Rappeler aux gens le POURQUOI.

21:08 : « Je viens de regarder Netanyahou. Il se la joue Président Snow donnant des téléconférences dans La Révolte.

21 h 10 : « Ils parlent d’une force sans précédent, mais je ne peux pas imaginer que ce soit pire que tout ce qu’ils ont fait... C’est très effrayant.

22:29 : « Le bilan de l’assaut israélien sur Gaza s’élève à 161 Palestiniens tués. Au moins 1000 blessés selon des sources locales.

23 h 05 : « Ya rab facilite-leur la tâche.

1 h 28 : « Je crois que j’ai compris pourquoi le Hamas fait ça maintenant. Le discours de Haniyeh s’adresse clairement au monde arabe et musulman. Il redonne espoir dans la résistance palestinienne et ravive l’imagination des normalisateurs défaitistes. Il s’agit d’une démonstration de force qui espère remettre la Palestine au centre après qu’elle a été mise de côté.

Évacuer ou rester

13 octobre 2023

14:29 : « Les habitants de Gaza nous demandent de leur confirmer s’ils doivent partir. Ils ont perdu l’internet et la communication et ne savent pas quoi faire.

14 h 45 : « Ma famille refuse de partir. Ils disent que cette fois-ci, c’est différent. Gaza a montré qu’Israël n’est pas invincible Ils pensent que cette fois-ci, les Arabes et les dirigeants musulmans seront à la hauteur.

15:29 : « Ordre d’évacuation : quelqu’un peut-il vérifier les sources de cette information ? Il pourrait s’agir d’un bobard israélien faisant partie de la guerre psychologique.

15:39 : « Nos familles, en fait nos voisins aussi, se dirigent tous vers le sud. L’expulsion est en cours. On craint beaucoup le manque d’eau dans les jours à venir.

15 h 31 : « Je m’organise avec ma famille pour savoir comment partir.

15 h 31 : « Les miens refusent. Ils disent qu’ils vivront et mourront à Gaza. Mon cœur se brise.

15 h 35 : « L’ONU déclare qu’Israël demande l’expulsion de 1,1 million de personnes du nord au sud de Gaza. Ce n’est pas seulement un génocide, c’est un redécoupage géographique.

15:40 : « Oui - mes oncles sont au milieu de la bande de Gaza - 1,1 million de personnes vont déménager au milieu et au sud de la bande de Gaza - c’est de la folie, je ne peux pas l’imaginer.

16 h 48 : « Je suis tellement en colère. La folie de ce monde.

16 h 49 : « Où allez-vous trouver de l’eau, de la nourriture, un abri pour 1,1 million de réfugiés en 24 heures ?

16 h 52 : « Que pouvons-nous faire ? Il faut faire quelque chose !

16:56 : « Est-ce qu’ils nous placent dans une zone géographique plus restreinte pour nous éliminer avec moins d’armes ?

17 h 02 : « Il est incompréhensible que la deuxième Nakba se produise et que nous essayions de convaincre le monde que nous ne sommes pas des tueurs de bébés.

17:10 : « Le mode opératoire sioniste consiste à détourner l’attention et à nier l’existence du problème ».

Avertissement relatif au contenu

14 octobre 2023

8h19 : « Un message de Perth homeschooling [Éducation à la maison]]  avertissant les parents de supprimer les applications de médias sociaux de leurs téléphones alors que les terroristes du Hamas devraient publier des vidéos angoissantes d’otages israéliens suppliant pour leur vie. Comme l’a fait remarquer un psychologue, « les vidéos et les témoignages auxquels nous sommes actuellement exposés sont plus grands et plus cruels que ce que nos âmes peuvent contenir ». Il est conseillé aux parents australiens de surveiller de près l’utilisation des médias sociaux par leurs enfants et d’être conscients qu’ils peuvent tomber sur des contenus incroyablement pénibles. Posté sur le site féministe Mamamia, destiné aux femmes blanches. Évidemment.

8 h 25 : « Il est difficile de comprendre comment ils s’en sortent avec ces atrocités.

8 h 27 : « Parce que les atrocités commises sur les corps des Palestiniens ne nécessitent pas d’avertissement sur le contenu.

Liberté académique

14 octobre 2023

10 h 02 : « Je pense que les choses vont très mal se passer dans les universités.

10 h 02 : « La liberté académique va être le champ de bataille de l’ IHRA.

10 h 03 : « Notre existence sur le campus en tant que Palestiniens sera littéralement considérée comme un déclencheur.

10 h 05 : « Les gens ont droit à une sécurité réelle. Pas à un sentiment constant de sécurité. Je trouve que beaucoup de gens n’arrivent pas à faire la distinction entre les deux.

Droit international et courage

15 octobre 2023

12 h 40 : « J’ai réfléchi à ce qui pouvait être fait sur le plan juridique La meilleure chose à laquelle j’ai pu penser est une demande de mesures provisoires d’un État tiers ou d’un État ami auprès de la CIJ. Mais la question est de savoir quel État aurait le courage de le faire.

Le génocide en direct

15 octobre, 202

11:09 pm : « Je viens de voir des vidéos de bébés décapités à Gaza par Israël. Je vais vomir. C’est tellement horrible.

23 h 13 : « Je suis déchirée et je pense que les gens doivent voir et affronter ces horreurs, je veux témoigner et les habitants de Gaza nous demandent de témoigner C’est peut-être la seule chose qui les sauvera.

11:13 : « C’est un énorme avertissement sur le contenu ».

23 h 14 : « Cela ne fait aucune différence Je ne sais même pas pourquoi nous partageons ce genre de choses. Tout ce que cela fait, c’est contribuer à notre déshumanisation et à l’aggravation de nos traumatismes.

23h15 : « Je comprends. Mais c’est une preuve, en temps réel. Cela change la donne. Le Liban de 1982, Reagan et Israël ne peut pas maintenir sa hasbara. Les gouvernements ne pourront pas nier ce que nous voyons tous sur nos écrans Notre déshumanisation, oui, mais elle pourrait enfin inciter le monde à agir.

Pouvez-vous nous mettre en contact avec des habitants de Gaza ?

16 octobre 2023

16:55 : « Je crains que l’histoire ne sorte du cycle de l’information. Cela s’est passé en 2014. Vous remarquerez déjà que les demandes d’articles vont diminuer.

16:55 : « Ils veulent entrer en contact avec les habitants de Gaza. Que dois-je leur dire ? Entre deux tentatives pour trouver un abri, de la nourriture et de l’eau, pouvez-vous parler à ce journaliste de vos souffrances pour qu’il puisse modifier vos propos et les intégrer dans son histoire à double sens ?

16 h 59 : « Nos familles ne veulent pas parler aux médias, car elles ont peur qu’Israël bombarde les maisons dans lesquelles elles se trouvent.

17:05 : « L’ABC [télévision publique australienne] aurait dû se battre pour avoir ses journalistes sur le terrain plutôt que d’accepter les ordres israéliens d’oublier Gaza depuis des décennies. J’en ai assez de devoir passer la moitié de mes journées à mettre en relation des médias paresseux avec des personnes sur le terrain pour qu’elles correspondent à l’angle d’attaque qu’elles doivent colporter pour obtenir des clics et des vues. J’en ai assez, mais je ne vois vraiment pas d’autre solution.

17 h 10 : « Nous devons continuer à raconter l’histoire Nous ne sommes pas considérés comme des êtres humains.

1000 enfants

16 octobre 2023

20 h 06 : « 1000 enfants sont morts, mec. Je n’arrive vraiment pas à le supporter.

Ça se propage

18 octobre 2023

5h00 : « Mon Dieu Ça se propage.

10 h 46 : « Je pense que la Cisjordanie va bientôt s’enflammer J’ai parlé à ma famille à Jénine.

16 h 22 : « J’ai parlé à mon père et j’entendais des tirs d’obus en arrière-plan. Il m’a dit que depuis six heures, ils tirent des obus sur le Liban toutes les deux heures. Ils ont commencé à 2h15 du matin et toute notre maison tremble à cause de leur proximité car, comme en 2006, ils ont placé toutes leurs unités d’artillerie près des villages arabes.

Nos cœurs n’en peuvent plus

19 octobre 202

8h53 : « On estime que 600 enfants sont encore sous les décombres, nos nerfs sont fatigués, nos cœurs n’en peuvent plus, des appels pour savoir s’ils sont vivants, des appels pour savoir où ils sont, je pensais que ma famille avait été anéantie hier, cette merde est réelle, ce n’est pas un jeu politique.

8h54 : « 600 Ya Allah.

9h02 : « Nous triompherons et nous nous retrouverons dans notre Palestine libre. Nous reconstruirons et nous nous rendrons visite là-bas. Nous prendrons le train de Haïfa à Beyrouth. Laissez votre rage vous aider à imaginer.

9 h 02 : « Nous ne pouvons pas désespérer. Les peuples du monde sont avec nous L’élite dirigeante ne l’est pas. La question angoissante est de savoir combien de temps nous devrons attendre et à quel prix.

 

 

06/10/2024

GIDEON LEVY
Les Israéliens doivent sortir de la Shiva’h* pour le 7 octobre qui dure depuis un an

NdT

*Shiv’ah (שבעה hébreu pour « sept » ) est le nom de la période de deuil observée dans le judaïsme par sept catégories de personnes pendant une semaine de sept jours à dater du décès ou de l’enterrement d’une personne à laquelle ces personnes sont apparentées au premier degré, où elles sont soumises à différentes règles rompant leur quotidien habituel.

Gideon Levy, Haaretz, 6/10/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le 7 octobre 2023 est passé ; le 7 octobre 2024 passera lundi. Il y a un an, cette journée a déclenché des catastrophes d’une ampleur qu’Israël n’avait jamais connue et a changé le pays. Israël s’est arrêté le 7 octobre 2023, l’a adopté depuis et a refusé de lui dire au revoir.


Enterrement de Nadav et Yam Goldstein-Almog, tués le 7 octobre, au kibboutz Shefayim. Photo Tomer Applebaum

L’ampleur de la catastrophe pourrait l’expliquer, mais on ne peut s’empêcher de soupçonner que l’engagement obstiné, incessant et singulier à l’égard du 7 octobre, sans reprendre son souffle et sans laisser de place à quoi que ce soit d’autre, a d’autres objectifs. Pour les Israéliens, le 7 octobre justifie tout ce qu’Israël a fait depuis. C’est leur certificat de cacherout.

Se complaire dans notre désastre nous empêche de nous positionner face aux désastres que nous avons ensuite infligés à des millions d’autres personnes.

La vie de nombreux Israéliens s’est arrêtée le 7 octobre ; elle a été bouleversée et détruite. Il suffit de lire les remarques déchirantes d’Oren Agmon, qui a perdu son fils (Uri Misgav, Haaretz en hébreu, 2 octobre). Non seulement c’est un devoir de mémoire, mais il est impossible d’oublier cette atrocité.

Mais avant l’anniversaire, le temps est venu de guérir un peu, d’ouvrir les yeux sur ce qui s’est passé depuis. Il faut admettre, tardivement, que lorsqu’on parle de « massacre », il ne s’agit pas seulement de celui du 7 octobre. Celui qui a suivi est bien plus grand et bien plus horrible.

L’attachement d’Israël à son deuil a des racines profondes. Nous avons été élevés dans cette optique. Aucune autre société ne pleure ses morts de la sorte. Il y a aussi ceux qui associent le deuil aux médias et au système éducatif - ils disent que cela unit un peuple.

Dans les années 1960, nous chantions « Dudu » et pleurions un soldat que nous ne connaissions pas, sous l’égide de nos guides suprêmes. Israël possède plus de monuments commémoratifs que n’importe quel autre pays de sa taille et de son nombre de victimes : un monument pour huit morts, alors que l’Europe, qui a enterré des millions de ses enfants, compte un monument pour 10 000 morts.

Chaque mort est une perte; la mort d’un jeune homme l’est encore plus. Il n’est pas certain que la mort d’un fils par maladie ou accident soit plus facile à vivre pour ses parents et amis que sa mort au combat. On peut supposer que si le jeune Adam Agmon était mort d’un anévrisme, son père n’en aurait pas moins pleuré.

L’industrie du mythe a poussé sa mort plus loin. Elle a imposé un deuil national à tout le monde, et de manière encore plus forcée au cours de l’année écoulée. Dans le même temps, elle a empêché de traiter le deuil d’une autre nation et a même interdit de le reconnaître. Pour Israël, un tel deuil n’existe pas, et quiconque s’obstine à soutenir le contraire est un traître.

Il est étonnant qu’un pays en deuil absolu ose nier de manière aussi éhontée l’existence d’un autre deuil et le considère comme illégitime.

Même les Russes aiment leurs enfants, chantait Sting, mais dites-le aux Israéliens qui sont convaincus que les Palestiniens n’aiment pas les leurs. J’ai couvert le deuil du peuple palestinien pendant des décennies et je peux affirmer avec force qu’ils pleurent comme nous. Les parents endeuillés sont des parents endeuillés, mais vous ne pouvez même pas dire ça aux Israéliens, surtout pas au cours de l’année écoulée, alors qu’ils sont recroquevillés sur leur deuil et ne veulent rien entendre d’autre.

L’année écoulée, une année de grand deuil, a élevé ces tendances à des niveaux méconnaissables. Une année d’histoires déchirantes d’otages et de récits d’héroïsme suprême incessant, de mort, d’héroïsme et d’un peu de kitsch. Je ne veux pas prendre à la légère la douleur individuelle et nationale, mais lorsqu’elle devient presque le seul sujet, pendant une période aussi longue, il semble qu’elle soit destinée à distraire et à détourner l’attention de l’essentiel.


Des Gazaouis devant les corps enveloppés de proches tués lors d'un bombardement israélien sur Gaza dans la nuit du 2 au 3 octobre. Photo : Omar Al-Qattaa/AFP

J’ai la gorge serrée lorsque je lis les mots nobles et émouvants d’Oren Agmon. Ma gorge se serre tout autant en entendant des pères endeuillés en Cisjordanie et à Gaza.

À la fin d’une année de deuil, il est nécessaire de sortir de la shiva’h du 7 octobre et de commencer à regarder vers l’avant, vers un endroit où nous pouvons aller - dont personne ne sait où il se trouve - au lieu de n’entendre que les mots de l’héroïsme d’Israël et de son deuil sempiternel.

 

 

28/08/2024

Israël et USA collaborent étroitement dans la chasse à l’insaisissable fantôme de Gaza, Yahya Sinwar

La capacité de Yahya Sinwar à échapper à la capture ou à la mort a empêché Israël de remporter un succès militaire dans une guerre qui a commencé après qu’il eut planifié l’opération du 7 octobre.

Mark Mazzetti, Ronen Bergman, Julian E. Barnes et Adam Goldman, avec Adam Rasgon, The New York Times, 25/8/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

En janvier, les autorités israéliennes et usaméricaines pensaient avoir fait une percée dans la chasse à l’un des hommes les plus recherchés au monde.

Le 31 janvier, des commandos israéliens ont perquisitionné un complexe de tunnels perfectionné dans le sud de la bande de Gaza, sur la base de renseignements indiquant que Yahya Sinwar, le chef du Hamas, s’y cachait, selon des responsables usaméricains et israéliens.


Avant la guerre d’ Israël contre Gaza, Yahya Sinwar était une présence imposante à Gaza. Photo Mohammed Abed/Agence France-Presse - Getty Images

Il s’est avéré que c’était le cas. Mais Sinwar avait quitté le bunker situé sous la ville de Khan Younès quelques jours auparavant, laissant derrière lui des documents et des piles de shekels israéliens d’une valeur totale d’environ un million de dollars. La traque s’est poursuivie, sans que l’on dispose de preuves tangibles sur l’endroit où il se trouvait.

Depuis les attaques du 7 octobre en Israël, qu’il a planifiées et dirigées, Sinwar est une sorte de fantôme : il n’apparaît jamais en public, diffuse rarement des messages à l’intention de ses partisans et ne donne que peu d’indices sur l’endroit où il pourrait se trouver.

Il est de loin la figure la plus importante du Hamas, et le fait qu’il ait réussi à échapper à la capture ou à la mort a empêché Israël d’affirmer qu’il avait gagné la guerre et éradiqué le Hamas dans un conflit qui a décimé les rangs du groupe, mais aussi détruit la bande de Gaza et tué des dizaines de milliers de civils.

Des responsables usaméricains et israéliens ont déclaré que Sinwar avait abandonné les communications électroniques depuis longtemps et qu’il avait jusqu’à présent échappé à une traque sophistiquée des services de renseignement. On pense qu’il reste en contact avec l’organisation qu’il dirige grâce à un réseau de messagers humains. Le fonctionnement de ce système reste un mystère.

Il s’agit d’une méthode utilisée par les dirigeants du Hamas dans le passé et par d’autres chefs terroristes tels qu’Oussama ben Laden. Pourtant, la situation de Sinwar est plus complexe et encore plus frustrante pour les responsables usaméricains et israéliens.

Contrairement à Ben Laden dans ses dernières années, Sinwar gère activement une campagne militaire. Les diplomates impliqués dans les négociations sur le cessez-le-feu à Doha, au Qatar, affirment que les représentants du Hamas insistent sur le fait qu’ils ont besoin de l’avis de Sinwar avant de prendre des décisions importantes dans le cadre des pourparlers. En tant que chef du Hamas le plus respecté, il est le seul à pouvoir garantir que les décisions prises à Doha seront appliquées à Gaza.

Des entretiens avec plus de deux douzaines de fonctionnaires en Israël et aux USA révèlent que les deux pays ont consacré d’énormes ressources à la recherche de Sinwar.

Des fonctionnaires ont mis en place une unité spéciale au sein du siège du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien, et les agences d’espionnage usaméricaines ont été chargées d’intercepter les communications de Sinwar. Les USA ont également fourni à Israël des radars géologiques pour l’aider dans sa traque et celle d’autres commandants du Hamas.

L’assassinat ou la capture de Sinwar aurait sans aucun doute un impact considérable sur la guerre. Les responsables usaméricains pensent que cela permettrait au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de revendiquer une victoire militaire significative et pourrait le rendre plus enclin à mettre fin aux opérations militaires dans la bande de Gaza.

En revanche, l’effet de la mort de Sinwar sur les négociations en vue de la libération des otages saisis le 7 octobre est moins évident. S’il est éliminé, ses successeurs pourraient être beaucoup moins enclins à conclure un accord avec Israël.


Une affiche de Sinwar placardée dans une fenêtre de Beyrouth. Il gère activement une campagne militaire dans la clandestinité. Photo Chris Mcgrath/Getty Images

La communication avec Sinwar est devenue plus difficile, selon des responsables israéliens, qataris, égyptiens et usaméricains. Il avait l’habitude de répondre aux messages en quelques jours, mais les responsables ont déclaré qu’il fallait beaucoup plus de temps pour obtenir une réponse de sa part au cours des derniers mois, et que certains de ses adjoints ont parfois été ses mandataires dans ces discussions.

Sinwar, âgé de 61 ans, a été déclaré chef politique du groupe au début du mois d’août, quelques jours après qu’Ismail Haniyeh, le chef politique précédent, a été tué dans un attentat israélien à Téhéran.

En réalité, Sinwar a longtemps été considéré comme le chef de facto du Hamas, même si les agents politiques du groupe basés à Doha détenaient les titres officiels de direction.

La pression exercée sur le chef du Hamas a rendu beaucoup plus difficile la communication avec les commandants militaires et la direction des opérations quotidiennes, bien que les responsables usaméricains aient déclaré qu’il avait toujours la capacité de dicter la stratégie générale du groupe.

C’est plusieurs semaines après les attaques du 7 octobre, qui ont fait au moins 1 200 morts, qu’un comité spécial composé de hauts responsables des services de renseignement et de l’armée israélienne a approuvé une liste de commandants et de responsables politiques du Hamas à abattre. De nombreux hommes figurant sur cette liste, dont Haniyeh, ont été tués au cours des mois qui ont suivi.

À chaque assassinat, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a mis un « X » sur un nom figurant sur le diagramme des dirigeants du Hamas qu’il conserve sur son mur.

Mais Sinwar, le plus important de tous, est toujours en liberté.