Si un chef de l’opposition ou un membre de la Knesset
envisageait encore d’assister à la cérémonie d’allumage des torches du Jour de
l’Indépendance, la conférence de presse pénible de la ministre des Transports
Miri Regev a résolu la question. « La cérémonie est organisée par le
gouvernement, pas par la Knesset ! Le président de la Knesset est un invité »,
a-t-elle menti, foulant aux pieds une tradition vieille de plusieurs décennies
qui n’a été interrompue que sous l’ère du Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Cela fait partie du codex de base de madame la ministre.
Netanyahou, entre Ohana, président de la Knesset, et
Herzog, président d’Israël, au Mémorial Yad Vashem il y a quelques jours. Photo
Emil Salman
« Un message vidéo du premier ministre, c’est la
coutume », a-t-elle déclaré, continuant à déformer la réalité. « Tous
ceux qui agissent contre la loi ne seront pas là ». Foutaises. Aucune loi
n’interdit de protester lors de cérémonies. Et pourtant. Si cela ne tenait qu’à
elle, pour le jour de l’indépendance, il y aurait une loi spécifique prévoyant
des peines de prison pour les personnes qui protesteraient lors de son
événement, comme elle l’a dit en termes très clairs.
Elle a laissé planer la possibilité que, “dans des
circonstances extrêmes”, la diffusion en direct soit interrompue au profit d’une
vidéo de la répétition générale. Jusqu’où peut-on aller dans la ringardise ?
Cela aurait pu fonctionner en 2004, lorsqu’elle était cheffe de la censure
militaire un poste qui constituait dans une large mesure l’apogée de ses
capacités. En réalité, il est tentant de la mettre à l’épreuve. Après tout, dès
que la diffusion en direct sera interrompue, des centaines de smartphones
sortiront et commenceront à filmer. En quelques secondes, les vidéos seront
diffusées sur tous les réseaux sociaux, deviendront virales et seront diffusées
dans les journaux télévisés en Israël et à l’étranger. Bien entendu, en temps
réel, toutes les chaînes de télévision qui se respectent cesseront de diffuser
la cérémonie enregistrée. Eh bien, voyons l’ancienne censeure vaincre le
progrès.
La ministre des Transports Miri Regev lors d’une
célébration de Pourim le mois dernier. Photo David Bachar
Tout·e politicien·ne ou personnalité publique qui s’oppose
à la fameuse réforme judiciaire et à l’avilissement continu de la bonne
gouvernance doit rester à l’écart de la cérémonie cette année. C’est
malheureux, mais c’est le prix de la réalité. La cérémonie d’allumage des torches,
sirupeuse et kitsch, fait l’objet d’un extraordinaire consensus israélien. Mais
même l’extraordinaire tourne au vinaigre cette année. La coalition qui prend la
démocratie en otage et menace de la détruire s’est également emparée de la
cérémonie nationale et l’a déshonorée avant même qu’une seule image n’ait été
diffusée.
Il n’y a rien non plus dans les tribunes du Mont Herzl pour
les juges de la Cour suprême qui sont constamment menacés et calomniés par les
ministres du gouvernement et les députés de la coalition. Il n’y a rien non
plus pour la procureure générale en chef.
Faites confiance à Regev pour remplir les rangées au centre du balcon avec des
membres du comité central du Likoud, qui applaudiront et agiteront des drapeaux
chaque fois que la caméra sera braquée sur eux.
Lors de la cérémonie de 2021, Mme Regev a été surprise en
train de faire des gestes frénétiques avec ses mains pour diriger le caméraman.
Un an plus tard, la raison est revenue sur le Mont. La ministre de la Culture
et des Sports, Chili Tropper, a organisé une cérémonie exprimant la beauté, l’ouverture
et la tolérance d’Israël [sic]. Le Premier ministre Naftali Bennett a
annoncé à l’avance qu’il ne ferait pas d’entrée “impériale” et dandy avec son
épouse, qu’il ne prononcerait pas de discours et qu’il n’enverrait pas de
vidéo. Il s’assiérait avec sa famille dans le public et rien d’autre.
La cérémonie du Jour de l’Indépendance au Mont Herzl à
Jérusalem l’année dernière. Photo Ohad Zwigenberg
Ce fut un rare moment de grâce. Mais au fond de nous, nous
savions que le gouvernement avait perdu sa majorité à la Knesset et que pour le
75e anniversaire de l’indépendance de l’État, il y avait de fortes
chances que la normalité revienne à North Korea Productions, Inc. la société de
production de la famille Netanyahou, et à son mégaphone obséquieux, Miri Regev,
l’organisatrice d’événements personnels pour La
Familia, les hooligans racistes du Beitar Jérusalem.
Les flambeaux seront allumés à la fin du Jour du Souvenir,
qui se déroulera également à l’ombre des “réformes” destructrices et du profond
fossé que le gouvernement d’extrémistes et de racistes a creusé dans cette
nation. Des milliers de familles endeuillées ont exprimé leur désir de se
recueillir auprès de leurs proches sans la participation de politicien·nes. Le
ministre de la Défense Yoav Gallant a refusé ces demandes. Il a comparé la
non-présence des politicien·nes à un “pliage du drapeau israélien”. Selon un
reportage de Kan 11 News, Gallant a conseillé à une fille endeuillée qui lui
demandait, en tant que responsable du ministère qui organise les cérémonies
dans les cimetières militaires, d’empêcher la participation des hommes
politiques de “venir la veille” du jour du souvenir - comme si la cérémonie
appartenait aux ministres du gouvernement et aux membres de la Knesset, et que
les familles endeuillées n’étaient que des invités.
Gallant est apparemment en train de se frayer un chemin
vers le cœur de la droite, après l’épisode troublant qu’il a vécu avec l’annonce
de sa destitution qui n’a pas eu lieu. L’idée qu’une bande de réfractaires [au
service militaire], d’ultra-orthodoxes et d’hyper-orthodoxes nationalistes
dirigés par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui n’a pas
été appelé sous les drapeaux en raison de son passé violent, participeront aux
cérémonies, fait froid dans le dos.
Et ils ne seront pas les seuls : La ministre de la Diplomatie
publique, Galit Distal Atbaryan, qui a traité les pilotes de lâches, le
ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui les a invités à aller se faire
voir, la ministre des Transports, Miri Regev, qui qualifie les manifestants, y
compris les parents, frères et sœurs et enfants endeuillés, de “privilégiés” et
d’“anarchistes”, le ministre de N’importe quoi David Amsalem, qui exige que la
présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, et l’ancien président de la Cour
suprême, Aharon Barak, soient jugés pour “tentative de renversement du
gouvernement"”et qui incite réellement à les blesser physiquement.
Cérémonie du jour du souvenir à Givatayim, dans la banlieue
de Tel-Aviv, en 2021. Photo Hadas Parush
C’est ce qui a engendré les manifestations en face de la
maison de Barak, où les bibiistes et les amsalémites exigent qu’il soit placé
devant un peloton d’exécution et lui souhaitent des morts étranges et variées.
Ils n’ont aucune raison au monde de manifester en face du domicile d’un juge à
la retraite de 86 ans qui a quitté la magistrature en 2006, si ce n’est la
diffamation et la délégitimation dont des types comme Amsalem sont
responsables.
Jeudi, un obscur député likoudnik, un imbécile parmi tant d’autres,
a demandé dans une interview à la radio que Barak “démissionne” déjà.
Il était écœurant de voir le premier ministre qui a nommé
Amsalem ministre bis de la Justice serrer la main de Hayut lors de la cérémonie
de commémoration de l’Holocauste, sans dire un mot sur les propos méprisables
de Amsalem. Hayut est déjà suffisamment expérimentée pour le savoir. Elle a
encore six mois à subir sa présence hypocrite avant de prendre sa retraite.
Les scènes qui se dérouleront dans tout le pays mardi matin
seront difficiles à digérer. Des cimetières, on entendra non seulement le
murmure des psaumes, les chants des cantors et les pleurs des cœurs brisés. De
certains d’entre eux s’élèvera la voix de la protestation. Il y aura des
disputes. Il y aura un cri de douleur à propos d’Israël qui se perdra - et qui,
en cours de route, annulera complètement la valeur du sacrifice de nos êtres
chers.
Certains pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de
crier. Il est difficile de contester ce sentiment. Dans l’équation du pouvoir
entre le sujet et l’oppresseur, crier est parfois la seule chose qui reste. Ou
comme Yehonatan Geffen l’a dit un jour : « Nous voulions changer le monde,
mais il n’était pas d’accord. S’il est impossible de sauver le monde, il est
possible d’essayer au moins de sauver le monde d’une personne ».
L’ancien président de la
Cour suprême, Aharon Barak, devant son domicile de Tel-Aviv, jeudi. Photo
Tomer Appelbaum
Pas
d’argent, de la poussière
Avec son retour au pouvoir, Netanyahou a régulièrement
ressorti ses discours caractéristiques, mêlant cris de victimes et menaces
contre l’Iran. La semaine dernière, c’était lors de la cérémonie de
commémoration de la Journée de l’Holocauste. La semaine prochaine, à l’occasion
du Jour du Souvenir, nous aurons droit à une nouvelle interprétation. Cela fait
plus d’un quart de siècle qu’il met l’Iran en garde, et pendant ce temps, l’Iran
a continué à étendre sa portée, à devenir plus puissant et plus avancé dans ses
capacités nucléaires. Depuis l’arrivée au pouvoir du dernier gouvernement de Netanyahou,
l’Iran a également noué des liens diplomatiques avec les pays du Golfe et avec
l’Arabie saoudite, avec laquelle Netanyahou souhaite ardemment signer un accord
de normalisation.
Comme toujours, ses discours visent surtout à semer la peur
et l’inquiétude dans le cœur des Israéliens, ainsi que la conviction qu’il est
le seul à pouvoir nous sauver. Les Iraniens ont depuis longtemps cessé d’être
impressionnés par ses absurdités (si tant est qu’ils l’aient jamais été). Ils n’y
croient certainement pas en ce moment, alors que les relations entre Israël et
les USA sont au plus bas. Sans pouvoir compter sur l’aide de l’USAmérique
pendant et surtout après une frappe israélienne, dans la guerre massive qui en
résulterait, Netanyahou n’oserait rien faire. Il n’a aucune légitimité aux yeux
du public, l’establishment de la défense se méfie de lui, il est faible à tous
égards.
Netanyahou lors de l’entretien accordé à la chaîne CNBC
mercredi.
Lors d’une interview accordée cette semaine à la chaîne
CNBC et truffée d’astuces et d’affabulations, il a déclaré : « 95 % des
problèmes au Moyen-Orient émanent de l’Ira ». Ce qui, soit dit en passant,
est aussi sa part de responsabilité dans les problèmes qui n’affectent que le
petit Israël. Prenons l’exemple de l’économie, un domaine où la Journée de
commémoration de l’Holocauste illustre si douloureusement la façon dont les
macro-questions créées par le gouvernement affectent les micro-questions des
membres les plus faibles de la société. Alors que le parti Shas était occupé à
organiser une réduction morbide sur les concessions funéraires pour les
survivants de l’Holocauste - ce qu’Aryeh Dery a gazouillé avec enthousiasme,
avant d’effacer rapidement son tweet - cette année, le ministère des Finances a
oublié de jeter un maigre os aux survivants. Aucun élément économique destiné à
leur venir en aide ne figurait dans le budget de l’État qui a été adopté en
première lecture. Ce n’est pas si surprenant, peut-être, quand le prix du
partenariat dans la coalition étaient des milliards de shekels qui sont
distribués de manière si libérale et irresponsable.
Dery a toutefois eu de la chance, car il a été rapidement
dépassé par le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, qui a gazouillé lors d’une
visite à Auschwitz, avec une inconscience qui fait froid dans le dos, « Une
nation ! Un drapeau ! Un État ! » - une déclaration qui ressemble fort au
slogan du parti nazi [“Ein Volk ; ein Reich, ein Führer”]. Cette
déclaration rappelle la maladresse entourant le slogan original de la campagne
électorale ratée de Netanyahou en 1999 : “Un leader fort pour une nation forte”,
un autre slogan qui semblait provenir des pisse-copies du Führer. Ce slogan avait
rapidement été remplacé par “Un dirigeant fort pour l’avenir d’Israël”.
Aussi lucide que Netanyahou puisse encore être dans
certains moments, il doit comprendre qu’il ne peut compter sur aucun gain
diplomatique majeur dans un avenir proche. Même s’il opère une volte-face par
rapport à la poussée autocratique, il faudra du temps pour réparer les dégâts
au niveau national et pour dissiper l’incertitude avec laquelle le monde
éclairé et les milieux d’affaires nous considèrent aujourd’hui.
Le ministre de l’éducation Yoav Kisch et son “Une nation !
Un drapeau ! Un État !”
Dans l’interview susmentionnée, Netanyahou s’est comporté
comme un vendeur de poudre de perlimpinpin : ce n’est que de la “poussière”
(qui va se déposer), a-t-il déclaré avec dédain à propos de la fuite des
investisseurs et de l’argent d’Israël, et de tous les indicateurs économiques
négatifs qui s’accumulent. « L’argent moins intelligent suit le
troupeau... L’argent intelligent arrive, et il gagnera beaucoup d’argent »,
a-t-il insisté, s’abstenant à peine d’ajouter un clin d’œil “faites-moi
confiance” à la fin de cette phrase creuse. Comme il est déconnecté de la
sombre réalité de nos vies. Pas étonnant qu’il n’accorde des interviews qu’aux
chaînes étrangères, et à sa chaîne nationale, qui accueille chaleureusement ses
mensonges.
Accord
de plaidoyer 2.0 ?
Le procès de Netanyahou & Co. qui a repris cette
semaine après six semaines d’interruption n’a pas suscité beaucoup d’intérêt.
Les reportages sur le contre-interrogatoire de l’enquêteur principal de la
police dans deux des affaires de corruption ont été relégués au second plan
dans les journaux.
Mais pendant la pause, des événements dont l’importance ne
peut être exagérée ont eu lieu, surtout lorsqu’ils sont pris ensemble.
Événement 1 : le 27 mars, il a été rapporté que l’avocat de
Netanyahou, Boaz Ben Zur, avait lancé un ultimatum à son client : Si la réforme
judiciaire est adoptée, il démissionnera de l’équipe de défense.
Le monde judiciaire a été stupéfait par cette grave
violation de l’éthique : un avocat déclarant qu’il ne représentera son client,
en l’occurrence un premier ministre, que si ce dernier ne met pas en œuvre sa
politique. De plus, les tribunaux ne permettent pas aux avocats de se séparer
de leurs clients, même si ceux-ci ne les paient pas ou menacent de leur causer
des dommages corporels. Les avocats de la défense ne peuvent démissionner qu’avec
l’accord des juges.
La décision de Ben Zur (qu’il n’a pas niée) était tellement
inédite que les plus suspicieux d’entre nous se sont demandé si elle n’avait
pas été coordonnée avec l’accusé pour justifier un recul par rapport au
renversement de la démocratie.
Événement 2 : Le 1er avril, Ilana Dayan a
rapporté sur Channel 12 News que l’avocat de Shaul Elovitch a proposé une voie
alternative dans la partie d’Elovitch des affaires de corruption de Netanyahou
: La “médiation judiciaire”. Les avocats de Netanyahou ont rejeté cette
proposition ; ils attendront la décision du procureur général Gali
Baharav-Miara.
Elovitch est jugé dans l’une des deux affaires dans
lesquelles Netanyahou aurait offert des faveurs en échange d’une couverture
médiatique positive. La “médiation judiciaire”, quant à elle, est une version
aseptisée d’un terme plus explosif : la “négociation de peine” [réduite si l’inculpé
plaide coupable, NdT].
Dans ce cas, les négociations sont confiées à un juge à la
retraite, avant que la procédure ne revienne au tribunal pour qu’il prenne une
décision finale.
L’avocat de la défense de Netanyahou, Boaz Ben Zur, au
tribunal de district de Jérusalem en janvier.
L’avocat d’Elovitch, Jacques Chen, a-t-il fait cette
proposition avec l’accord tacite des avocats de l’accusé n° 1 ? Peut-être. Quoi
qu’il en soit, le sentiment dans le monde judiciaire est qu’une option de
plaidoyer a été ressuscitée, après l’accord qui a été presque conclu avec l’ancien
procureur général Avichai Mendelblit avant que Mendelblit ne prenne sa retraite
en février 2022.
À l’époque, Netanyahou avait accepté de plaider coupable
pour deux chefs d’accusation de fraude et d’abus de confiance afin d’éviter une
décision de justice pour turpitude morale, qui l’aurait tenu à l’écart de la
vie politique pendant sept ans. Le successeur de Mendelblit ne lui aurait
jamais proposé un meilleur accord.
Événement 3 : Avant la Pâque, l’accusation et la défense se
sont mises d’accord pour réduire considérablement le nombre de témoins de l’accusation
- de 300 environ dans l’acte d’accusation à 50 ou 60 environ. Ils ont également
convenu de limiter la durée de l’interrogatoire des témoins à une demi-journée
ou une journée.
C’est ahurissant. Les avocats de Netanyahou ont utilisé des
tactiques dilatoires tout au long du procès et ont scandaleusement fait traîner
en longueur l’interrogatoire des témoins. Soudain, un esprit d’efficacité s’est
emparé d’eux, comme s’ils étaient pressés de mettre fin à l’affaire.
Quiconque a lu les transcriptions des interrogatoires du
Premier ministre par la police, avec leurs nombreuses contradictions et
détours, est conscient du danger qui guette Bibi s’il se présente à la barre
des témoins.
Les disciples stupides de Channel 14 et de la radio Galey
Yisrael essaieront de faire croire que l’accusé a écrasé l’accusation, mais les
décisions de justice ne sont pas écrites dans les studios. Et lorsque l’accusé,
qui a la réputation d’un menteur avide et manipulateur, devra répondre aux
procureurs, son charme douteux s’évaporera.
Après la limitation de la durée des témoignages, combien de
temps reste-t-il avant son propre témoignage ? Les observateurs parlent de huit
à dix mois. Théoriquement, un accord de plaidoyer coupable pourrait être signé
juste une minute avant la décision du tribunal. En pratique, la date limite se
situe juste avant que Netanyahou ne soit appelé à témoigner.
Si et quand une négociation de peine revient à l’ordre du
jour, la situation sera très différente de ce qu’elle était au début de l’année
2022. L’épée que Netanyahou tient en travers de la gorge du pouvoir judiciaire
est encore brûlante. À l’époque, il était le chef de l’opposition. Aujourd’hui,
il est non seulement le Premier ministre le plus dangereux de notre histoire,
mais aussi le plus imprévisible.
Certains disent que son fils, exilé à Porto Rico en
compagnie du milliardaire du jour, veut faire de son père le martyr de la
droite et qu’il exploitera le processus à fond. Difficile de savoir ce qui se
passe dans ce panier de crabes. Mais conclure un tel accord dans une biosphère
aussi démente n’est pas simple du tout.
Le
fantôme de Ben-Gourion
Les dirigeants ultra-orthodoxes qui cherchent à protéger la
sous-culture consistant à échapper au service national militaire ou civil
invoquent souvent David Ben-Gourion. Après la guerre d’indépendance, le premier
Premier ministre israélien a exempté 400 étudiants de yeshivas de l’armée à
condition qu’ils étudient la Torah.
Ce nombre a fini par atteindre des proportions
monstrueuses, et toute prudence a été abandonnée lorsque le Likoud est arrivé
au pouvoir en 1977. Aujourd’hui, nous souffrons d’un manque d’égalité honteux
et de tentatives de l’inscrire dans la loi.
David Ben-Gourion, qui a fini par regretter sa décision de
laisser les ultra-orthodoxes échapper au service militaire. Photo : Daniel
Rosenblum/Starphot
Cette semaine, un lecteur m’a envoyé une photocopie d’une
lettre que Ben-Gourion a écrite en septembre 1963 à son successeur après son
second mandat, Levi Eshkol. Cette lettre est parue moins de trois mois après
que le Vieux Lion se fut retiré à Sde Boker, dans le sud du pays.
Le contexte : de violentes émeutes provoquées par des
factions extrémistes ultra-orthodoxes. Il ressort de cette lettre que
Ben-Gourion n’était pas à l’aise avec sa décision initiale, ou du moins qu’il
en mesurait les conséquences pour la société israélienne.
Voici la lettre, avec quelques coupures : « Le
comportement sauvage des fanatiques devient complètement incontrôlable, et je
pense que j’en suis responsable dans une mesure qui est déjà connue : j’ai
exempté les garçons de yeshiva du service militaire.
« Bien que je l’aie fait lorsque leur nombre était
faible, ils se multiplient et, dans leur déchaînement, ils représentent un
danger pour l’honneur de l’État. ... Je propose que tout garçon de yeshiva âgé
de 18 ans et plus qui est pris en train de participer à un rassemblement
illégal, de jeter des pierres, de se livrer à une émeute contre des citoyens ou
de s’engager dans tout autre acte de violence et d’intimidation soit
immédiatement incorporé dans l’armée, où il servira pendant 30 mois comme n’importe
quel autre jeune en Israël - non pas dans une position religieuse, mais comme
simple soldat.
« De même, il pourrait être nécessaire d’examiner si
les étudiants de yeshiva devraient être exemptés d’une obligation militaire.
Mais les contrevenants ne méritent absolument pas ce privilège douteux ».
L’historien Michael Bar-Zohar, qui a écrit plusieurs livres
sur Ben-Gourion, m’a dit cette semaine que le vieil homme ne regrettait pas sa
décision initiale concernant les 400 étudiants de yeshiva. « Nous en avons
parlé à plusieurs reprises. Il respectait le monde de la Torah. Le problème, c’est
qu’ils ont fait en sorte que ce nombre soit beaucoup plus important ».
Peut-être était-il difficile pour Ben-Gourion de
reconnaître son péché originel, qu’il a eu trop peur de corriger pendant une
décennie et demie. Mais il ne fait aucun doute qu’il a compris qu’il s’agissait
d’une erreur.
Tant qu’il y avait un semblant d’efforts pour remédier à ce
problème, même s’il ne s’agissait que de comités et de propositions qui traînaient
en longueur - les Israéliens qui servaient dans l’armée et payaient des impôts
étaient prêts à l’avaler. Le gouvernement cauchemardesque actuel ne se contente
pas d’esquiver une solution au problème, il rend le péché permanent. Il l’aggrave
et le légitime.
Le dernier délai fixé par la Cour suprême est le 29 mai.
Les ultra-orthodoxes veulent mettre de l’ordre dans ce coin-là une fois pour
toutes, sans interférence supplémentaire de la part de la Cour. Netanyahou a
des problèmes bien plus graves que les philosophailleries de Ben-Gourion ; il a
des acolytes qui réclament du grisbi.