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20/07/2025
02/07/2025
Hommage à Patrice Lumumba pour le centenaire de sa naissance
Fausto Giudice, Tlaxcala, 2/7/2025
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Ils étaient nés le même mois de la même année, ils sont morts la même année, à onze mois de distance. Ce n’étaient pas leurs seuls points communs. Tous deux étaient des combattants de l’Afrique en lutte pour sa décolonisation. Et tous deux ont laissé une marque indélébile dans la longue mémoire des peuples. Patrice Emery Lumumba était né le 2 juillet 1925 au Congo, Frantz Fanon était né en Martinique le 20 juillet. Le premier, éphémère Premier ministre du Congo à peine indépendant, avait, par son discours de prise de fonction en présence du roi Baudouin, signé son arrêt de mort. Il fut kidnappé, torturé et exécuté par une bande de tueurs katangais, belges et français avec la bénédiction de la CIA, le 17 janvier 1961.
Le second, Frantz Ibrahim Omar Fanon, devait mourir de leucémie en décembre 1961. Les deux hommes s’étaient connus (en 1958, au Ghana et en 1960 au Congo) et s’appréciaient mutuellement. Et avant tout, ils partageaient la conviction que les peuples africains ne pourraient s’émanciper réellement qu’en s’unissant, en se coordonnant contre leur ennemi commun. Frantz Fanon, qui contribua de manière décisive à la dimension panafricaniste du FLN algérien, écrivit le texte puissant et admirable ci-dessous, publié un mois après la mort de Lumumba, dans Afrique Action, l’hebdomadaire créé quelques mois auparavant à Tunis par Béchir Ben Yahmed, et qui allait devenir Jeune Afrique. Après ce texte, nous vous proposons un poème de Langston Hughes, le grand poète de la Renaissance de Harlem et deux chansons, la première du chanteur congolais Franco et son groupe l’OK Jazz, et la seconde du Cubain Carlos Pueblo. Notre manière de marquer le centenaire de la naissance de Lumumba.
Frantz Fanon
La mort de Lumumba :
Pouvions-nous faire autrement ?
Afrique Action, Tunis, N° 19, 20 février 1961
Repris dans Frantz Fanon, Pour la révolution africaine. François
Maspero/La Découverte. 1964/1969/2001
Les observateurs qui se sont
trouvés dans les capitales africaines pendant le mois de juin 1960 pouvaient se
rendre compte d’un certain nombre de choses. De plus en plus nombreux, en
effet, d’étranges personnages venus d’un Congo à peine apparu sur la scène
internationale s’y succédaient.
Que disaient ces Congolais ? Ils disaient n’importe quoi. Que Lumumba était
vendu aux Ghanéens. Que Gizenga était acheté par les Guinéens, Kashamura par
les Yougoslaves. Que les civilisateurs belges partaient trop tôt, etc...
Mais si l’on s’avisait d’attraper
dans un coin un de ces Congolais, de l’interroger, alors on s’apercevait que
quelque chose de très grave se tramait contre l'indépendance du Congo et contre
l’Afrique.
Des sénateurs, des députés
congolais aussitôt après les fêtes de l’indépendance se sauvaient hors du Congo
et se rendaient... aux États-Unis. D’autres s'installaient pour plusieurs semaines
à Brazzaville. Des syndicalistes étaient invités à New-York. Là encore, si l’on
prenait l’un de ces députés ou de ces sénateurs dans un coin et qu’on
l’interrogeait, il devenait patent que tout un processus très précis allait se
mettre en route.
Dès avant le 1er juillet
1960, l’opération Katanga était lancée. Son but ? Bien sûr, sauvegarder l’Union
Minière. Mais au-delà de cette opération, c’est une conception belge qui était
défendue. Un Congo unifié, avec un gouvernement central, allait à l’encontre
des intérêts belges. Appuyer les revendications décentralisatrices des diverses
provinces, susciter ces revendications, les alimenter, telle était la politique
belge avant l’indépendance.
Dans leur tâche, les Belges
étaient aidés par les autorités de la Fédération Rhodésies-Nyassaland. On sait
aujourd’hui, et M. Hammarskjöld mieux que quiconque, qu’avant le 30 juin 1960,
un pont aérien Salisbury-Elisabethville alimentait le Katanga en armes. Lumumba
avait certain jour proclamé que la libération du Congo serait la première phase
de la complète indépendance de l’Afrique centrale et méridionale et il avait
très précisément fixé ses prochains objectifs : soutien des mouvements
nationalistes en Rhodésie, en Angola, en Afrique du Sud.
Un Congo unifié ayant à sa tête
un anticolonialiste militant constituait un danger réel pour cette Afrique
sudiste, très proprement sudiste, devant laquelle le reste du monde se voile la
face. Nous voulons dire devant laquelle le reste du monde se contente de
pleurer, comme à Sharpeville, ou de réussir des exercices de style à l’occasion
des journées anticolonialistes. Lumumba, parce qu’il était le chef du premier
pays de cette région à obtenir l’indépendance, parce qu’il savait concrètement
le poids du colonialisme, avait pris l’engagement au nom de son peuple de
contribuer physiquement à la mort de cette Afrique-là. Que les autorités du
Katanga et celles du Portugal aient tout mis en œuvre pour saboter
l’indépendance du Congo ne nous étonne point. Qu’elles aient renforcé l’action
des Belges et augmenté la poussée des forces centrifuges au Congo est un fait.
Mais ce fait n’explique pas la détérioration qui s’est installée
progressivement au Congo, ce fait n’explique pas l’assassinat froidement
décidé, froidement mené de Lumumba, cette collaboration colonialiste au Congo
est insuffisante à expliquer pourquoi en février 1961 l’Afrique va connaître
autour du Congo sa première grande crise.
Sa première grande crise car il
faudra qu’elle dise si elle avance ou si elle recule. Il faudra qu’elle
comprenne qu’il ne lui est plus possible d’avancer par régions, que, comme un
grand corps qui refuse toute mutilation, il lui faudra avancer en totalité,
qu’il n’y aura pas une. Afrique qui se bat contre le colonialisme et une autre
qui tente de s’arranger avec le colonialisme. Il faudra que l’Afrique,
c’est-à-dire les Africains, comprennent qu’il n’y a jamais de grandeur à
atermoyer et qu’il n’y a jamais de déshonneur à dire ce que l’on est et ce que
l’on veut et qu’en réalité l’habileté du colonisé ne peut être en dernier
ressort que son courage, la conception lucide de ses objectifs et de ses
alliances, la ténacité qu’il apporte à sa libération.
Lumumba croyait en sa mission. Il
avait une confiance exagérée dans le peuple. Ce peuple, pour lui, non seulement
ne pouvait se tromper, mais ne pouvait être trompé. Et de fait, tout semblait
lui donner raison. Chaque fois par exemple que dans une région les ennemis du
Congo arrivaient à soulever contre lui l’opinion, il lui suffisait de paraître,
d’expliquer, de dénoncer, pour que la situation redevienne normale. Il oubliait
singulièrement qu’il ne pouvait être partout à la fois et que le miracle de l'explication
était moins la vérité de ce qu’il exposait que la vérité de sa personne.
Lumumba avait perdu la bataille
pour la présidence de la République. Mais parce qu’il incarnait d’abord la
confiance que le peuple congolais avait mise en lui, parce que confusément les
peuples africains avaient compris que lui seul était soucieux de la dignité de
son pays, Lumumba n’en continua pas moins à exprimer le patriotisme congolais
et le nationalisme africain dans ce qu’ils ont de plus rigoureux et de plus
noble.
Alors d’autres pays beaucoup plus
importants que la Belgique ou le Portugal décidèrent de s’intéresser
directement à la question. Lumumba fut contacté, interrogé. Après son périple
aux États-Unis la décision était prise : Lumumba devait disparaître.
Pourquoi ? Parce que les ennemis
de l’Afrique ne s’y étaient pas trompés. Ils s’étaient parfaitement rendu
compte que Lumumba était vendu, vendu à l’Afrique s’entend. C’est-à-dire qu’il
n’était plus à acheter.
Les ennemis de l’Afrique se sont
rendu compte avec un certain effroi que si Lumumba réussissait, en plein cœur
du dispositif colonialiste, avec une Afrique française se transformant en
communauté rénovée, une Angola « province portugaise » et enfin l’Afrique
orientale, c’en était fini de « leur » Afrique au sujet de laquelle ils avaient
des plans très précis.
Le grand succès des ennemis de
l’Afrique, c’est d’avoir compromis les Africains eux-mêmes. Il est vrai que ces
Africains étaient directement intéressés par le meurtre de Lumumba. Chefs de
gouvernements fantoches, au sein d’une indépendance fantoche, confrontés jour
après jour à une opposition massive de leurs peuples, ils n’ont pas été longs à
se convaincre que l’indépendance réelle du Congo les mettrait personnellement
en danger.
Et il y eut d’autres Africains,
un peu moins fantoches, mais qui s’effraient dès qu’il est question de
désengager l’Afrique de l’Occident. On dirait que ces Chefs d’Etat africains
ont toujours peur de se trouver en face de l’Afrique. Ceux-là aussi, moins
activement, mais consciemment, ont contribué à la détérioration de la situation
au Congo. Petit à petit, on se mettait d’accord en Occident qu’il fallait
intervenir au Congo, qu’on ne pouvait pas laisser les choses évoluer à ce
rythme.
Petit à petit, l’idée d’une
intervention de l’ONU prenait corps. Alors on peut dire aujourd’hui que deux
erreurs simultanées ont été commises par les Africains.
Et d’abord par Lumumba quand il
sollicita l’intervention de l’ONU. Il ne fallait pas faire appel à l’ONU. L’ONU
n’a jamais été capable de régler valablement un seul des problèmes posés à la
conscience de l’homme par le colonialisme, et chaque fois qu’elle est intervenue,
c’était pour venir concrètement au secours de la puissance colonialiste du pays
oppresseur.
Voyez le Cameroun. De quelle paix
jouissent les sujets de M. Ahidjo tenus en respect par un corps expéditionnaire
français qui, la plupart du temps, a fait ses premières armes en Algérie ?
L’ONU a cependant contrôlé l’autodétermination du Cameroun et le gouvernement
français y a installé un « exécutif provisoire ».
Voyez le Viet-Nam.
Voyez le Laos.
Il n'est pas vrai de dire que
l’ONU échoue parce que les causes sont difficiles.
En réalité l'ONU est la carte
juridique qu'utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force
brute a échoué.
Les partages, les commissions
mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux
de torturer, de briser la volonté d'indépendance des peuples, de cultiver
l’anarchie, le banditisme et la misère.
Car enfin, avant l’arrivée de
l’ONU, il n’y avait pas de massacres au Congo. Après les bruits hallucinants
propagés à dessein à l'occasion du départ des Belges, on ne comptait qu’une
dizaine de morts. Mais depuis l’arrivée de l’ONU on a pris l'habitude chaque
matin d’apprendre que les Congolais par centaines s’entremassacraient.
Lumumba était noir
Et il ne faisait pas confiance
À ces putains toutes poudrées
De poussière d’uranium.
Lumumba était noir
Et il ne croyait pas
À ces mensonges que les voleurs agitaient
Dans leur tamis « liberté ».
Lumumba était noir.
Son sang était rouge —
Et pour avoir été un homme
Ils l’ont tué.
Ils ont enterré Lumumba
Dans une tombe sans épitaphe.
Mais il n’a pas besoin d’épitaphe —
Car l’air est sa tombe.
Le soleil est sa tombe,
La lune l’est, les étoiles le sont,
L’espace est sa tombe.
Mon cœur est sa tombe,
Et là est son épitaphe.
Demain son épitaphe sera
Partout.
Traduction : Pascal Neveu, dans La panthère et le
fouet, éditions YPSILON
Jazz Liwa Ya Emery La mort d'Emery
Un
exemple de propagande coloniale sur le Congo au moment de la Conférence
panafricaine de fin août 1960. On peut voir Fanon avec Yazid à partir de 0 :17
On nous dit aujourd’hui que des
provocations répétées furent montées par des Belges déguisés en soldats de
l’Organisation des Nations Unies. On nous révèle aujourd'hui que des
fonctionnaires civils de l'ONU avaient en fait mis en place un nouveau
gouvernement le troisième jour de l'investiture de Lumumba. Alors on comprend
beaucoup mieux ce que l’on a appelé la violence, la rigidité, la susceptibilité
de Lumumba.
Tout montre en fait que Lumumba
fut anormalement calme.
Les chefs de mission de l’ONU
prenaient contact avec les ennemis de Lumumba et avec eux arrêtaient des
décisions qui engageaient l’État du Congo. Comment un chef de gouvernement
doit-il réagir dans ce cas ? Le but recherché et atteint est le suivant :
manifester l’absence d’autorité, prouver la carence de l’État.
Donc motiver la mise sous
séquestre du Congo.
Le tort de Lumumba a été alors
dans un premier temps de croire en l'impartialité amicale de l’ONU. Il oubliait
singulièrement que l’ONU dans l’état actuel n'est qu’une assemblée de réserve,
mise sur pied par les Grands, pour continuer entre deux conflits armés la «
lutte pacifique » pour le partage du monde. Si M. Iléo en août 1960 affirmait à qui
voulait l’entendre qu'il fallait pendre Lumumba, si les membres du cabinet
Lumumba ne savaient que faire des dollars qui, à partir de cette époque,
envahirent Léopoldville, enfin un Mobutu tous les soirs se rendait à
Brazzaville pour y faire et y entendre ce que l'on devine mieux aujourd'hui,
pourquoi alors s’être tourne avec une telle sincérité, une telle absence de
réserve vers l’ONU ?
Les Africains devront se souvenir
de cette leçon. Si une aide extérieure nous est nécessaire, appelons nos amis.
Eux seuls peuvent réellement et totalement nous aider à réaliser nos objectifs
parce que précisément, l'amitié qui nous lie à eux est une amitié de combat.
Mais les pays africains de leur
côté, ont commis une faute en acceptant d’envoyer leurs troupes sous le couvert
de l'ONU. En fait, ils admettaient d'être neutralisés et sans s’en douter,
permettaient aux autres de travailler.
Il fallait bien sûr envoyer des
troupes à Lumumba, mais pas dans le cadre de l’ONU. Directement. De pays ami à
pays ami. Les troupes africaines au Congo ont essuyé une défaite morale
historique. L’arme au pied, elles ont assisté sans réagir (parce que troupes de
l’ONU) à la désagrégation d’un État et d’une nation que l’Afrique entière avait
pourtant salués et chantés. Une honte.
Notre tort à nous Africains, est
d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend
jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que
l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité. Si Lumumba gêne,
Lumumba disparaît. L'hésitation dans le meurtre n’a jamais caractérisé
l’impérialisme.
Voyez Ben M’Hidi, voyez Moumié, voyez
Lumumba. Notre tort est d'avoir été légèrement confus dans nos démarches. Il
est de fait qu’en Afrique, aujourd’hui, les traîtres existent. Il fallait les
dénoncer et les combattre. Que cela soit dur après le rêve magnifique d’une
Afrique ramassée sur elle-même et soumise aux mêmes exigences d’indépendance
véritable ne change rien à la réalité.
Des Africains ont cautionné la
politique impérialiste au Congo, ont servi d’intermédiaires, ont cautionné les
activités et les singuliers silences de l’ONU au Congo.
Aujourd'hui ils ont peur. Ils
rivalisent de tartufferies autour de Lumumba déchiqueté. Ne nous y trompons
point, ils expriment la peur de leurs mandants. Les impérialistes eux aussi ont
peur. Et ils ont raison car beaucoup d’Africains, beaucoup d’Afro-Asiatiques
ont compris. Les impérialistes vont marquer un temps d’arrêt. Ils vont attendre
que « l’émotion légitime » se calme. Nous devons profiter de ce court répit
pour abandonner nos craintives démarches et décider de sauver le Congo et
l’Afrique.
Les impérialistes ont décidé
d’abattre Lumumba. Ils l’ont fait. Ils ont décidé de constituer des légions de
volontaires. Elles sont déjà sur place.
L’aviation katangaise sous les
ordres de pilotes sud-africains et belges a commencé depuis plusieurs jours les
mitraillages au sol. De Brazzaville, des avions étrangers se rendent bondés de
volontaires et d’officiers parachutistes au secours d’un certain Congo.
Si nous décidons de soutenir
Gizenga, nous devons le faire résolument.
Car nul ne connaît le nom du prochain Lumumba. Il y a en Afrique une certaine tendance représentée par certains hommes. C’est cette tendance dangereuse pour l’impérialisme qui est en cause. Gardons-nous de ne jamais l’oublier : c’est notre sort à tous qui se joue au Congo.
Langston Hughes
TOMBE DE
LUMUMBA
Lumumba était noir
Et il ne faisait pas confiance
À ces putains toutes poudrées
De poussière d’uranium.
Lumumba était noir
Et il ne croyait pas
À ces mensonges que les voleurs agitaient
Dans leur tamis « liberté ».
Lumumba était noir.
Son sang était rouge —
Et pour avoir été un homme
Ils l’ont tué.
Ils ont enterré Lumumba
Dans une tombe sans épitaphe.
Mais il n’a pas besoin d’épitaphe —
Car l’air est sa tombe.
Le soleil est sa tombe,
La lune l’est, les étoiles le sont,
L’espace est sa tombe.
Mon cœur est sa tombe,
Et là est son épitaphe.
Demain son épitaphe sera
Partout.
Traduction : Pascal Neveu, dans La panthère et le fouet, éditions YPSILON
Franco & L'O.K. Jazz
Liwa Ya Emery
La mort d'Emery
Oh mawa
vraiment na liwa ya Patrice
Oh comme c'est
triste, tellement triste, que Patrice soit mort.
Oh ndenge nini
tokolela ye
Oh comment
allons-nous pleurer pour lui ?
Tango ekoki te
Ce n'était pas
encore le moment.
Lumumba Patrice
akeyi na mawa
Lumumba Patrice
est malheureusement décédé.
Bationalistes
balati mpiri
Les
nationalistes sont tous en noir.
Po na liwa ya
martyr Emery, ngo mawa
Nous pleurons
la mort d'Emery, le martyr, oh, quelle tristesse !
Lumumba, soki
okoyoko ngai
Lumumba, si tu
m'entends
Banationalistes
bomana pasi
Les
nationalistes sont persécutés.
Po na kombo
ya MNC
Parce qu'ils
appartiennent au MNC (Mouvement National Congolais)
Zonga mbala ata
ya suka
Reviens, même
pour la dernière fois
Tokumisa yo na kombo ya Uhuru
Pour que nous
puissions te louer au nom d'Uhuru (liberté)
Lumumba akofeli
lUnité Nationale
Lumumba a été
assassiné parce qu'il voulait que notre pays reste uni
Oh bana na ye
nani akobokolo
Oh, qui élèvera ses enfants ?
Carlos Puebla
SON A LUMUMBA
Ce crime impérialiste
L'univers le condamne
C'est la fin de la chaîne
Du credo colonialiste
Tout le mal qu'ils ont fait
Tout le mal
Ils devront très bientôt le payer
Ils croient qu'en tuant Lumumba
Leur triomphe est sûr et certain
Mais ils ne savent pas qu'il y a des morts
Qui ne se laissent pas ensevelir.
Tout le mal qu'ils ont fait
Tout le mal
Ils devront très bientôt le payer
Ils n'ont pas pris en compte
Quelque chose de fondamental
Qu'ils ne pourront jamais tuer
Ce qu'il représente
Tout le mal qu'ils ont fait
Tout le mal
Ils devront très bientôt le payer
Lumumba, en son nom, clôt
Ce qui ne tient pas dans la tombe
Il n'y a pas de tombe pour Lumumba
Car la lumière ne s'enterre pas
Tout le mal qu'ils ont fait
Tout le mal
Ils devront très bientôt le payer
Lumumba est aujourd'hui le chant profond
de la foi qui se fait entendre
Lumumba poursuit la lutte
Pour la liberté du monde
Tout le mal qu'ils ont fait
Tout le mal
Ils devront très bientôt le payer
17/04/2025
FAUSTO GIUDICE
Fanon façon Barny : tout faux
Samedi 12 avril 2025, Jean-Claude Barny a réalisé une sacrée performance à Tunis et sa banlieue. Son film était projeté à 18h au cinéma Le Rio, à 19h à l’IFT (Institut français de Tunisie) et à 21h à L’Agora de La Marsa. Il était présent à l’issue de chaque projection, en compagnie de trois de ses acteurs : Alexandre Bouyer – l’incarnation de Frantz Fanon himself -, qui a raconté que durant le tournage, il a perdu 10 kilos, et deux jeunes acteurs tunisiens, Sfaya Mbarki, jouant le rôle de Farida, une militante du FLN très peu crédible (voir plus bas), et un jeune garçon dont je n’ai pas capté le nom.
Remarques générales
Détails incongrus

L’accent lyonnais/vénissian de Mehdi Senoussi, qui joue Hocine, le principal infirmier travaillant avec Fanon, est lui aussi fort mal venu.

La palme du grotesque revient à Salem Kali, lui aussi très mal venu -avec son passé de champion de kung fu et de protagoniste de film de zombies – pour incarner Abane Ramdane, parlant un arabe de karakouz [1] : le summum est atteint dans la scène où il fait un discours aux allures de prêche à des paysans réunis dans une étable. Le public tunisien n’a pas pu se retenir de rigoler lorsqu’il prononce, la bouche en cul-de-poule sous sa moustache : « Di-mou-kra-tttiiyaa ». Abane Ramdane était un Kabyle trilingue ayant reçu une éducation française et un modèle d’intellectuel organique, réalisant l’alchimie de la constitution du mouvement national de libération. Il pensait certes, avec Mao, que « le pouvoir est au bout du fusil », mais, toujours avec Mao, que « le parti commande aux fusils et il ne faut jamais permettre que les fusils commandent au parti ». Ce fut ce qui signa son arrêt de mort. Il fut étranglé sur ordre des 3 B (Belkacem, Boussouf, Bentobbal] et avec l’assentiment des trois autres B [Ben Bella, Boumediène, Bouteflika), dans une ferme entre Tétouan et Tanger où on lui avait tenu un traquenard, et non pas, comme le filme Barny, dans une villa de Tunis.

09/07/2024
HAMZA HAMOUCHENE
A psicologia da opressão e da libertação
O que Fanon diria sobre o genocídio em curso na Palestina?
Hamza Hamouchene, Africa is a Country, 28/6/2024
Traduzido por Helga Heidrich, editado
por Fausto Giudice,
Tlaxcala
Hamza Hamouchene é um pesquisador e ativista argelino que vive em Londres. Atualmente, é coordenador do programa da África Setentrional no Transnational Institute (TNI). @BenToumert
Para a Europa, para nós mesmos e para a humanidade... precisamos elaborar novos conceitos e tentar criar um novo homem.
- Frantz Fanon, Os condenados da Terra
08/07/2024
HAMZA HAMOUCHENE
La psicologia dell’oppressione e della liberazione
Cosa direbbe Fanon del genocidio in corso in Palestina?
Hamza
Hamouchene, Africa
is a Country, 28/6/2024
Tradotto da Fausto
Giudice, Tlaxcala
Hamza Hamouchene è un ricercatore e attivista algerino residente a Londra. Attualmente è coordinatore del programma Nord Africa presso il Transnational Institute (TNI). @BenToumert
Per l'Europa, per noi stessi e per l'umanità, compagni, bisogna rinnovarsi, sviluppare un pensiero nuovo, tentare di metter su un uomo nuovo.
- Frantz Fanon, I dannati della terra
05/02/2024
De New York à Gaza : actualité de Frantz Fanon
Une nouvelle biographie et des débats : Israël est-il un État colonial ?
La parution récente d’une nouvelle biographie de Frantz Fanon relance les débats sur la légitimité de la violence des opprimés et sur la nature de l’État d’Israël. Nous publions la traduction de quatre articles.
- Le monde a rattrapé Frantz Fanon, par Adam Shatz...p. 1
- Quand le médecin ordonnait la violence comme remède, par Jennifer Szalai…p. 6
- Frantz Fanon aurait-il soutenu le massacre du 7 octobre ? Son biographe n’en est pas si sûr, par Etan Nechin…p.10
- Qu’est-ce que le “colonialisme de peuplement” [settler colonialism] ?, par Jennifer Schuessler…p. 21
12/10/2023
MARK LEVINE
La conception de la violence de Fanon ne s’applique pas en Palestine
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le colonialisme israélien est bien plus que de la “violence à l’état de nature” et il faudra donc bien plus qu’une “plus grande violence” pour le vaincre.
Mark LeVine est professeur d’histoire et directeur du programme d’études mondiales sur le Moyen-Orient à l’université de Californie à Irvine. Son dernier ouvrage s’intitule We’ll Play till We Die : Journeys Across a Decade of Revolutionary Music in the Muslim World (University of California Press). Il est aussi guitariste de rock.
Au lendemain de l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël depuis Gaza, mon fil d’actualité Facebook a été envahi par des amis partageant des variantes d’une célèbre citation du philosophe et psychiatre anticolonialiste d’origine martiniquaise Frantz Fanon, selon laquelle la violence du colonialisme ne peut qu’être, et sera naturellement, contrée par la violence du colonisé. La citation est tirée de l’ouvrage Les Damnés de la terre et ne peut être comprise que dans le contexte de l’argumentation plus complète de Fanon : "Le colonialisme n’est pas une machine à penser, n’est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l’état de nature, et ne peut s’incliner que devant une plus grande violence. » [p. 61]
Emad Hajjaj
Personne ne peut nier le caractère brillant de Fanon ni sa compréhension pionnière et profonde des effets psychologiques de la violence coloniale sur le colonisé et le colonisateur (en tant que psychiatre, il a traité des officiers coloniaux français et des Algériens et a constaté qu’ils souffraient de troubles psychiatriques similaires). Mais la seconde partie de l’argumentation de Fanon, la plus célèbre, n’est pas compréhensible sans la première partie, et la première partie - en particulier dans le contexte israélien - est de fait profondément erronée.
Le colonialisme, en particulier le colonialisme de peuplement - et encore plus particulièrement le colonialisme de peuplement sioniste - est en grande partie une “machine à penser” dotée d’une logique et d’une rationalité très puissantes et anciennes qui sont la clé de son succès. C’est pourquoi il est essentiel, pour ceux qui analysent et combattent la violence coloniale, de se demander à quoi ressemblerait une “plus grande violence” et comment elle peut être mesurée, sans parler de sa réalisation.
Je n’ai encore vu aucun scénario plausible dans lequel les Palestiniens acquièrent les moyens de déployer une “violence bien plus grande” à l’égard d’Israël/de l’entité sioniste pendant un certain temps, quel que soit le rapport de force géostratégique concevable. Même si l’Iran (la seule puissance qui soutient la Palestine de manière significative), par exemple, voulait livrer des armes plus lourdes aux Palestiniens, le contrôle d’Israël sur les points d’accès, ainsi que celui de l’Égypte et de la Jordanie, l’en empêcherait. La Palestine n’est pas l’Ukraine, soutenue par de grandes puissances et capable d’utiliser des corridors terrestres, maritimes et aériens pour obtenir un flux ininterrompu de livraisons d’armes afin de lutter contre un adversaire beaucoup plus grand et mieux armé. C’est même tout le contraire.
Plus largement, la Palestine d’aujourd’hui n’est pas l’Algérie de 1956, qui était la référence la plus importante de Fanon. Israël n’est pas non plus la France, avec une métropole où les colons peuvent revenir (à moins que nous ne considérions Tel Aviv comme la métropole). Il n’y aura pas de guerre d’indépendance de longue haleine aboutissant à ce que la grande majorité des Juifs quittent à la française une Palestine reconquise. Mais il existe plusieurs scénarios qui pourraient conduire à un retour de la Nakba, comme le réclament aujourd’hui de nombreux politiciens israéliens.
De plus, lorsque Fanon parle de l’effet “cathartique” et “purificateur” de la violence par/pour le colonisé dans Peau Noire, Masques Blancs, un autre argument souvent cité, il est important de rappeler qu’il fait d’abord référence au colonisé qui « adopte subjectivement une attitude de Blanc » et non à l’utilisation de la violence pour se purifier de la maladie psychologique du colonialisme en préparation de la longue lutte pour l’indépendance. Lorsque le moment de la violence révolutionnaire survient, explique-t-il dans Les Damnés de la terre, c’est encore au début de la lutte, lorsque le sujet colonisé, dégradé depuis longtemps, « découvre que sa vie, sa respiration, les battements de son cœur sont les mêmes que ceux du colon. Il découvre qu’une peau de colon ne vaut pas plus qu’une peau d’indigène. C’est dire que cette découverte introduit une secousse essentielle dans le monde ». À ce moment-là, « toute l’assurance nouvelle et révolutionnaire du colonisé en découle. Si, en effet, ma vie a le même poids que celle du colon, son regard ne me foudroie plus, ne m’immobilise plus, sa voix ne me pétrifie plus. Je ne me trouble plus en sa présence. Pratiquement, je l’emmerde. Non seulement sa présence ne me gêne plus, mais déjà je suis en train de lui préparer de telles embuscades qu’il n’aura bientôt d’autre issue que la fuite ».
Dans le cas de la Palestine, ce type de violence s’est produit en 1921, 1929 et surtout en 1936, et non en 1987 ou 2000. Elle s’est appuyée sur l’autoreconnaissance des Palestiniens en tant que nation indépendante qui a vu le jour au début du 20e siècle, en même temps que le sionisme.
Je crains qu’en se concentrant sur la composante psychologique et le pouvoir de la violence, ainsi que sur le sentiment de liberté et de respect de soi produit par une violence telle que celle de la dernière attaque de masse, les gens placent les Palestiniens à un stade de développement national bien plus précoce qu’ils ne le sont aujourd’hui, ce qui conduit à des stratégies de résistance qui ne correspondent pas à l’état actuel du développement national ou au moment stratégique et politique. Cela permet également aux dirigeants israéliens, tels que le ministre de la défense Yoav Gallant, de déclarer, comme on pouvait s’y attendre, que « nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », alors qu’Israël entame ce qu’il faut bien appeler un siège mortel de la bande de Gaza, tandis qu’une grande partie du monde hoche la tête en semblant le comprendre.
En effet, pendant plus de 50 ans d’occupation et 30 ans d’ “autonomie” palestinienne post-Oslo, plutôt que “ le colonisé [qui]se guérit de la névrose coloniale en chassant le colon par les armes”, ce qui s’est produit (comme je l’ai appris lors d’entretiens avec des thérapeutes dans les rares centres de santé mentale de Gaza depuis la fin des années 1990 jusqu’aux années 2000), c’est la transmission des traumatismes, les anciens prisonniers du Fatah torturés par Israël torturant à leur tour les membres du Hamas en utilisant les mêmes techniques que celles utilisées par les Israéliens sur eux - souvent en criant sur leurs victimes en hébreu tout en les torturant dans les mêmes pièces où ils ont été torturés. Le Hamas a poursuivi ce cycle pendant les deux décennies où il a exercé un contrôle effectif sur Gaza. Et aujourd’hui, nous le voyons avec des foules qui acclament les Israéliens kidnappés, battus et assassinés.
Quelle que soit la catharsis que cela constitue, ce n’est pas celle qui mènera à la victoire sur une société israélienne qui utilise la violence contre les Palestiniens comme sa propre catharsis traumatique depuis 75 ans, dans un monde qui a une très grande tolérance pour les victimes civiles palestiniennes, la plupart des Occidentaux continuant à soutenir Israël chaque fois qu’il y a un grand nombre de victimes juives israéliennes.
Enfin, il convient de noter que Fanon a considéré la présence de la France en Algérie sous l’angle du colonialisme/impérialisme européen de manière plus générale, en expliquant : « Très concrètement l’Europe s’est enflée de façon démesurée de l’or et des matières premières des pays coloniaux : Amérique latine, Chine, Afrique. De tous ces continents, en face desquels l’Europe aujourd’hui dresse sa tour opulente, partent depuis des siècles en direction de cette même Europe les diamants et le pétrole, la soie et le coton, les bois et les produits exotiques. L’Europe est littéralement la création du tiers monde. Les richesses qui l’étouffent sont celles qui ont été volées aux peuples sous-développés ». [Les Damnés de la Terre, p. 99]
Quoi que l’on puisse dire du colonialisme sioniste/israélien et de l’immense vol des ressources palestiniennes qu’il a impliqué, son objectif premier a été le vol et la colonisation de terres afin d’établir sa propre souveraineté sur ce territoire pour que ses citoyens puissent y vivre. Il est beaucoup plus proche du colonialisme nord-américain et australien - où les maladies, le nettoyage ethnique à grande échelle et finalement le génocide ont décimé la population indigène - que du colonialisme français en Algérie ou même en Afrique du Sud, où les Africains indigènes constituaient la grande majorité de la population totale. En effet, à l’instar de ces autres colonies européennes, les Juifs sionistes se sont dès le départ imaginés comme la population indigène et, dès le début des années 1970, ils ont tenté de s’identifier directement aux sujets coloniaux de Fanon ayant besoin d’une violence cathartique pour créer leur (re)nouvelle(s) nation(s).
Tragiquement, Fanon est mort en 1961, un an avant l’indépendance de l’Algérie. Il n’a pas vécu assez longtemps pour voir les réalités de la politique postcoloniale en Algérie, ou dans toute l’Afrique d’ailleurs, où, comme le romancier kenyan et penseur décolonial Ngugi wa Thiong’o l’a si bien montré, les dirigeants des États nouvellement indépendants ont presque immédiatement commencé à traiter leurs peuples de la même manière que leurs anciens colonisateurs (un phénomène également vécu par l’[In]Autorité palestinienne et le Hamas depuis Oslo).
Il y a quarante ans, lorsqu’il décrivait cette dynamique de gouvernance postcoloniale dans ses mémoires de prison révolutionnaires, Wrestling with the Devil : A Prison Memoir, Thiong’o a utilisé le terme “néocolonial”, non pas pour indiquer la poursuite du contrôle européen par d’autres moyens, mais plutôt pour décrire la manière dont les dirigeants anticoloniaux ont adopté (et adapté) les mêmes techniques brutales et autoritaires que leurs colonisateurs pour asseoir et maintenir leur pouvoir ; une critique de la “colonialité du pouvoir” qui est aujourd’hui au cœur de la pensée décoloniale, de plus en plus populaire.
Cette colonialité du pouvoir ne permettra jamais aux Palestiniens d’accéder à une indépendance réelle, ni par l’intermédiaire de l’[I]AP néocoloniale, ni avec le Hamas à la tête du pays. Si les Palestiniens veulent vaincre le colonialisme sioniste, il faudra probablement une analyse de sa violence et de son pouvoir bien différente de celle proposée par Fanon il y a trois quarts de siècle, et il faudra probablement un changement de paradigme dans les concepts fondamentaux de ce que sont une nation, la liberté et l’indépendance à un moment où le monde entier, et pas seulement la Palestine/Israël, se dirige vers la conflagration.