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04/08/2024

JEFFREY SACHS
Dix principes pour une paix perpétuelle au XXIe siècle

Les structures fondées sur les Nations Unies sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente ; nous devrions prendre cela en considération lors du Sommet de l’avenir de l’ONU les 22 et 23 septembre prochains.

Jeffrey D. Sachs, Common Dreams, 24/7/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala  

L’année prochaine marquera le 230e anniversaire de l’essai célèbre d’Immanuel Kant, « Projet de paix perpétuelle » (1795). Le grand philosophe allemand a proposé un ensemble de principes directeurs pour parvenir à une paix perpétuelle entre les nations de son époque. Alors que nous nous démenons dans un monde en guerre, et de fait en grave danger d’Armageddon nucléaire, nous devrions nous appuyer sur l’approche de Kant pour notre temps. Un ensemble mis à jour de principes devrait être soumis au Sommet de l’avenir de l’ONU en septembre.

 

Kant était pleinement conscient que ses propositions se heurteraient au scepticisme des politiciens « pratiques » :

Le Politique pratique a coutume de témoigner au faiseur de théories autant de dédain qu’il a de complaisance pour lui-même. À ses yeux, ce dernier n’est qu’un pédant d’école, dont les idées creuses ne portent jamais préjudice à l’État, auquel il faut des principes déduits de l’expérience, qu’un joueur insignifiant, à qui il permet de faire, de suite tous ses coups, sans avoir besoin de prendre, dans sa sagesse, des mesures contre lui.

Néanmoins, comme l’a noté l’historien Mark Mazower dans son étude magistrale sur la gouvernance mondiale [Governing the World: The History of an Idea, 1815 to the Present, 2013], l’œuvre de Kant était un « texte qui allait ifluencer par intermittence des générations de penseurs sur le gouvernement mondial jusqu’à notre époque », aidant à jeter les bases des Nations Unies et du droit international sur les droits humains , la conduite de la guerre et le contrôle des armements.

Les propositions centrales de Kant tournaient autour de trois idées. Premièrement, il rejetait les armées permanentes. Celles-ci « menacent incessamment d’autres États par leur disponibilité à se montrer à tout moment prêtes pour la guerre. » En cela, Kant anticipait d’un siècle et demi l’avertissement célèbre du président américain Dwight D. Eisenhower sur les dangers du complexe militaro-industriel. Deuxièmement, Kant appelait à la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. En cela, Kant s’insurgeait contre le genre d’opérations secrètes auxquelles les USA ont recouru sans relâche pour renverser des gouvernements étrangers. Troisièmement, Kant appelait à une « fédération d’États libres », qui dans notre époque est devenue les Nations Unies, une « fédération » de 193 États engagés à opérer sous la Charte de l’ONU.

Kant plaçait de grands espoirs dans la forme républicaine, opposée au règne d’un seul, comme frein à la guerre. Kant estimait qu’un dirigeant unique céderait facilement à la tentation de la guerre :

(…) dans une constitution, où les sujets ne sont pas citoyens de l’État, c’est-à-dire qui n’est pas républicaine, une déclaration de guerre est la chose du monde la plus aisée à décider ; puisqu’elle ne coûte pas au chef, propriétaire t non pas membre de l’État, le moindre sacrifice de ses plaisirs de la table, de la chasse, de la campagne, de la cour etc. ; Il peut donc résoudre une guerre, comme une partie de plaisir, par les raisons les plus frivoles, et en abandonner avec indifférence la justification, qu’exige la bienséance, au corps diplomatique, qui sera toujours prêt à la faire.

En revanche, selon Kant :

... si le consentement de chaque citoyen est requis pour décider que la guerre doit être déclarée (et dans cette [constitution républicaine] il ne peut en être autrement), ils seraient naturellement très prudents pour décréter contre eux-mêmes toutes les calamités de la guerre.

Kant était beaucoup trop optimiste quant à la capacité de l’opinion publique à restreindre les actes de guerre. Les républiques athénienne et romaine étaient notoirement belliqueuses. La Grande-Bretagne était la démocratie de pointe du XIXe siècle, mais peut-être aussi sa puissance la plus belliqueuse. Depuis des décennies, les USA se sont engagés sans relâche dans des guerres choisies et des renversements violents de gouvernements étrangers.

Il y a au moins trois raisons pour lesquelles Kant s’est trompé à ce sujet. Premièrement, même dans les démocraties, le choix de lancer des guerres repose presque toujours sur un petit groupe d’élites qui sont en fait largement isolées de l’opinion publique. Deuxièmement, et tout aussi important, l’opinion publique est relativement facile à manipuler par la propagande pour susciter le soutien public à la guerre. Troisièmement, le public peut être tenu à l’écart à court terme des coûts élevés de la guerre en finançant la guerre par la dette plutôt que par l’impôt, et en s’appuyant sur des sous-traitants, des recrues payées et des combattants étrangers plutôt que sur la conscription.

Les idées centrales de Kant sur la paix perpétuelle ont contribué à faire évoluer le monde vers le droit international, les droits humains et la conduite décente en temps de guerre (comme les Conventions de Genève) au XXe Siècle. Pourtant, malgré les innovations dans les institutions mondiales, le monde reste terriblement éloigné de la paix. Selon l’Horloge de l’Apocalypse du Bulletin des scientifiques atomiques, nous sommes à 90 secondes de minuit, plus proches de la guerre nucléaire que jamais depuis l’introduction de l’horloge en 1947.

L’appareil mondial des Nations Unies et du droit international a sans doute empêché une troisième guerre mondiale à ce jour. Le Secrétaire général de l’ONU, U Thant, par exemple, a joué un rôle vital dans la résolution pacifique de la crise des missiles cubains de 1962. Pourtant, les structures fondées sur l’ONU sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente.


Non-violence, de Carl Fredrik Reuterswärd, devant le siège de l’ONU à New-York

Pour cette raison, j’exhorte à formuler et adopter un nouvel ensemble de principes basés sur quatre réalités géopolitiques clés de notre époque.

16/03/2023

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
Un vent nouveau souffle depuis la Chine

Sergio Rodríguez Gelfenstein (bio), 16/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 7 mars, lors d’une conférence de presse tenue dans le cadre de la première session du 14e Congrès national du peuple (CNP) à Pékin, le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, récemment nommé, a déclaré : « Si USA ne freinent pas et continuent d’accélérer sur la mauvaise voie, il n’y aura pas de barrière qui puisse empêcher le déraillement et il y aura certainement un conflit et une confrontation ». Il a ajouté que la politique usaméricaine à l’égard de la Chine s’était complètement écartée de la “voie rationnelle et raisonnable”.

Le chercheur de fautes désespéré. Dessin: Liu Rui/Global Times, Chine

Ce langage, très éloigné de la tradition diplomatique chinoise de retenue et d’autocontrôle, est l’expression de changements qui se manifestent non seulement dans la rhétorique et le discours, mais surtout dans la pratique et la proposition. À un moment donné, Deng Xiaoping a déclaré que la diplomatie chinoise devait se caractériser par le fait de « dissimuler sa force et d’attendre son heure ». C’est manifestement du passé. Les mois qui se sont écoulés en 2023 ont vu non seulement une transformation de la rhétorique, mais aussi une activité diplomatique intense de la part de la Chine, qui semble vouloir prendre la place qui lui revient dans le système international en tant qu’acteur majeur et protagoniste du processus de transformation qu’elle est manifestement en train d’initier.


Qin Gang, qui aura 57 ans le 19 mars, fait partie d’une nouvelle génération : il avait 10 ans à la mort de Mao Zedong et de Chou Enlai et 12 au début de la politique de réforme et d’ouverture en 1978. Il est totalement étranger à cette époque. À 26 ans, il est entré au service des affaires étrangères et avait 46 ans lorsque Xi Jinping a été élu secrétaire général du Parti communiste chinois pour la première fois en 2012. À l’époque, il était directeur général adjoint du département de l’information du ministère des Affaires étrangères. En l’espace de 12 ans, il a accédé à la plus haute fonction du ministère des Affaires étrangères de son pays.

Cette nouvelle génération, qui se caractérise par une activité intense sur les réseaux sociaux, ne laisse passer aucun affront à son pays et répond durement à chaque fois, tout en faisant connaître ses propositions et ses projets aux quatre coins du monde. Avec un langage qui n’épargne ni le sarcasme, ni l’ironie, ni la dérision, la jeune diplomatie chinoise a été surnommée “Loups guerriers” par les médias transnationaux occidentaux. Ce nom fait référence aux membres des forces spéciales chinoises qui affrontent avec succès des mercenaires usaméricains dans une série télévisée qui a immobilisé le pays pendant deux saisons en 2015 et 2017.

En ce qui concerne les relations de la Chine avec la Russie, un aspect cardinal de la politique étrangère de son pays à l’heure actuelle, Qin Gang a déclaré que si les deux pays “travaillent ensemble, le monde aura la force motrice de la multipolarité et de la démocratie dans les relations internationales et l’équilibre stratégique mondial sera mieux garanti”, exposant ainsi de manière précise et stratégique les liens entre les deux pays. On ne peut ignorer que dans cette définition, en un seul paragraphe, le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères a posé les trois catégories qui définissent le futur champ d’action de la diplomatie chinoise : la multipolarité, la démocratie et l’équilibre stratégique global.

06/10/2022

Sergio Rodríguez Gelfenstein
Le conflit en Ukraine, expression du changement d'époque

 Sergio Rodríguez Gelfenstein, 6/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Au cours de ma récente visite en Argentine et en Uruguay, les institutions qui ont parrainé mon voyage ont organisé une tournée au cours de laquelle nous avons présenté 14 fois le livre « L'OTAN contre le monde » que nous avons écrit avec Jorge Elbaum. Sept rencontres et conférences ont également été organisées sur le sujet. Dans un grand nombre d'entre elles, les participants ont souvent demandé la raison pour laquelle le livre a le sous-titre que j'utilise maintenant pour cet article : « Le conflit en Ukraine en tant qu'expression du changement d'époque », et ont demandé qu'il soit abondant sur le sujet.

1º edición
Páginas: 160
Tamaño: 16 x 23 cm.
Precio: AR$2400.00.- / U$S15.00.

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Précisément, pour Jorge et pour moi, il a été prioritaire de préciser dans le livre pourquoi nous étions arrivés à la conclusion qu'au-delà des résultats obtenus par le déroulement guerrier du conflit, en réalité le plus important était que la principale conséquence de celui-ci était la confirmation du début de ce changement d'époque dont parlait l'ancien président équatorien Rafael Correa il y a quelques années.

De la même manière, nous avons supposé que cette conséquence était celle qui donnait un caractère global à la confrontation, puisque ses séquelles allaient avoir un impact sur toute la planète. Ainsi, le clash était bien plus qu'un affrontement de l'Ukraine avec la Russie et même des USA et de l'OTAN avec la Russie.

En ce sens, à la différence de la Seconde Guerre mondiale où les USA attendirent jusqu'au bout une débâcle de l'Union soviétique face à l'armée nazie avant de faire irruption à la mi-1944 alors que l’issue finale du conflit après la victoire soviétique à Stalingrad en février 1943 était indiscutable et catégorique, le « nouveau débarquement de Normandie » exprimé en soutien au coup d'État en Ukraine en 2014 a été le détonateur d'une guerre d'expansion qui dure déjà depuis 8 ans.

Au cours de cette période, les USA ont non seulement soutenu l'extermination de la population russophone de l'est de l'Ukraine, mais ont également coopéré au démantèlement des forces armées de ce pays pour en faire un organe d'exécution sous mandat des organisations nazies qui, avec l'appui du gouvernement de ce pays, ont commencé à « otaniser » cette composante armée pour en faire un bélier de l'expansion de l'OTAN, structure militaire terroriste qui menace toute l'humanité.

La réponse obligatoire de la Russie pour la sauvegarde de l'intégrité physique des habitants des territoires opprimés a en outre ajouté comme objectifs la dénazification et la démilitarisation de l'Ukraine, reprenant ainsi les objectifs convenus par les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale à l'égard de l'Allemagne, lorsqu'elles se sont réunies dans la ville allemande de Potsdam entre le 17 juillet et le 2 août 1945.

À la fin de la rencontre, le président usaméricain s'est empressé de retourner à Washington pour - seulement quelques jours plus tard - ordonner le lancement de bombes atomiques sur les villes inoffensives d'Hiroshima et Nagasaki alors que le Japon s'était déjà rendu. De cette façon, il a subordonné - par le fait le plus horrible de l'histoire de l'humanité - l'empire japonais défait et désarmé, qui est resté jusqu'à ce jour couplé au dispositif militaire et politique des USA.

Avec l'Europe, les USA ont été plus subtils : ils ont eu recours à l'achat des volontés des élites européennes en créant pour cela le soi-disant Plan Marshall, instrument plus susceptible que la bombe atomique d'être divulgué par Hollywood comme expression des « valeurs coopératives » usaméricaines. Mais le but était le même, de sorte que l'Europe est devenue un outil utile de la volonté de Washington de dominer le monde.