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02/02/2025

GROUPE DE LA HAYE
Déclaration inaugurale commune

Groupe de La Haye, 31 janvier 2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Nous, représentants des gouvernements du Belize, de l'État plurinational de Bolivie, de la République de Colombie, de la République de Cuba, de la République du Honduras, de la Malaisie, de la République de Namibie, de la République du Sénégal et de la République d'Afrique du Sud, réunis à La Haye, Pays-Bas, en ce 31 janvier 2025, inaugurons le Groupe de La Haye,

Guidés par les buts et les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et par la responsabilité de toutes les nations de défendre les droits inaliénables, y compris le droit à l'autodétermination, qu'elle consacre pour tous les peuples,

Déplorant les vies, les moyens de subsistance, les communautés et le patrimoine culturel perdus en raison des actions génocidaires menées par Israël, la puissance occupante, à Gaza et dans le reste du territoire palestinien occupé contre le peuple palestinien,

Refusant de rester passifs face à ces crimes internationaux,

Déterminés à respecter nos obligations de mettre fin à l'occupation israélienne de l'État de Palestine et de soutenir la réalisation du droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris le droit à un État de Palestine indépendant,

Rappelant

-          les ordonnances rendues le 29 décembre 2023 par la Cour internationale de justice dans l'affaire Afrique du Sud contre Israël, qui témoignent d'une vive inquiétude face à la perpétration de crimes de génocide en Palestine, et notant le nombre important et diversifié d'États qui se sont joints à l'affaire en tant qu'États tiers, pour exiger la condamnation et la cessation immédiate du génocide en cours,

-          l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 sur les « Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »,

-          l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 9 juillet 2004 « Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé »,

-          la résolution A/RES/Es-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 18 septembre 2024 lors de la dixième session extraordinaire d'urgence, qui a approuvé l'avis consultatif de la CIJ de juillet 2024 et l'engagement des États membres à se conformer aux obligations découlant du droit international telles qu'elles ressortent de l'avis consultatif,

- la délivrance par la Cour pénale internationale, le 21 novembre 2024, de mandats d'arrêt indiquant « qu'il y a des motifs raisonnables de croire que MM. Netanyahou et Gallant portent chacun la responsabilité pénale, en tant que supérieurs civils, du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile, du crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre et des crimes contre l'humanité consistant à commettre des meurtres, des persécutions et d'autres actes inhumains ».

- l'ordonnance de la Cour internationale de justice dans l'affaire Nicaragua c. Allemagne du 30 avril 2024 « rappelant à tous les États leurs obligations internationales relatives au transfert d'armes aux parties à un conflit armé, afin d'éviter le risque que ces armes soient utilisées pour violer » la convention sur le génocide et les conventions de Genève en relation avec le comportement d'Israël à Gaza et dans le reste du territoire palestinien occupé,

- la résolution 418 du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 novembre 1977 et la résolution 591 du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 novembre 1986, qui « imposent un embargo obligatoire sur les armes » contre l'Afrique du Sud de l'apartheid.

-          toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris la résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, qui réaffirme que « l'établissement par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante du droit international » ;

Soulignant que les normes juridiques violées par Israël comprennent certaines obligations de caractère erga omnes qui, par leur nature même, concernent tous les États et, compte tenu de l'importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à leur protection,

Soulignant la nécessité de veiller à ce que les auteurs des crimes les plus graves au regard du droit international répondent de leurs actes par des enquêtes et des poursuites appropriées, équitables et indépendantes au niveau national ou international, et de veiller à ce que toutes les victimes obtiennent justice et à ce que des crimes ne soient pas commis à l'avenir ;

Convaincus qu'une action collective par le biais de mesures juridiques et diplomatiques coordonnées aux niveaux national et international est un impératif urgent pour faire respecter les principes de justice et de responsabilité qui constituent le fondement de la Charte des Nations Unies,

Déclarons notre intention de :

1. Respecter la résolution des Nations unies A/RES/Es-10/24 et, dans le cas des États parties, soutenir les demandes de la Cour pénale internationale, respecter les obligations qui nous incombent en vertu du statut de Rome, en ce qui concerne les mandats émis le 21 novembre 2024, et mettre en œuvre les mesures provisoires de la Cour internationale de justice, émises les 26 janvier, 28 mars et 24 mai 2024.

2. Empêcher la fourniture ou le transfert d'armes, de munitions et d'équipements connexes à Israël, dans tous les cas où il existe un risque manifeste que ces armes et équipements connexes soient utilisés pour commettre ou faciliter des violations du droit humanitaire, du droit international relatif aux droits humains ou de l'interdiction du génocide, conformément à nos obligations internationales et à l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024 et à la résolution A/RES/Es-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies.

3. Empêcher l'accostage de navires dans tout port, le cas échéant, relevant de notre juridiction territoriale, dans tous les cas où il existe un risque manifeste que le navire soit utilisé pour transporter du carburant militaire et des armes vers Israël, qui pourraient être utilisés pour commettre ou faciliter des violations du droit humanitaire, du droit international des droits humains et de l'interdiction du génocide en Palestine, conformément à l'obligation juridique impérative des États de coopérer à la prévention du génocide et d'autres violations des normes impératives par toutes les mesures juridiques à leur disposition.

Nous prendrons de nouvelles mesures efficaces pour mettre fin à l'occupation israélienne de l'État de Palestine et lever les obstacles à la réalisation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination, y compris le droit à un État de Palestine indépendant.

Nous invitons tous les États à prendre toutes les mesures et politiques possibles pour mettre fin à l'occupation de l'État de Palestine par Israël.
Nous appelons toutes les nations à nous rejoindre au sein du groupe de La Haye dans l'engagement solennel en faveur d'un ordre international fondé sur l'État de droit et le droit international, qui, avec les principes de justice, est essentiel à la coexistence pacifique et à la coopération entre les États.

23/07/2022

L’ « impartialité » de Piero Fassino sur la question palestinienne

 Texte collectif, il manifesto, 23/7/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Appel d’universitaires sur les positions de Piero Fassino, Président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Députés italienne, concernant les violations des droits humains et du droit international perpétrées par l'Etat d'Israël.

Le 17 juillet, il a répondu sur ces pages à l'article du 13 juillet de Francesca Albanese, dans lequel la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé dénonce les attaques lancées par Fassino lors de l'audience du 6 juillet à la Chambre des députés. À cette occasion, Fassino avait accusé Albanese de manque d’"impartialité" en raison de ses dénonciations des violations du droit international par Israël. En outre, Fassino avait prétendu qu'Albanese s'était prononcée en faveur de l'utilisation de la violence par les Palestiniens, en manipulant sérieusement certaines phrases (de sens contraire) de la rapporteuse rapportées par Altreconomia, qui à son tour a rapidement publié une déclaration démontrant la falsification des phrases faite par Fassino.


 Dans sa réponse dans il manifesto, Fassino a essentiellement réitéré ce qu'il avait dit à la Chambre et a révélé la position idéologique de base dont découlent ses accusations contre Albanese. Fassino affirme qu'Israël est le seul pays démocratique du Moyen-Orient doté d'un "melting-pot diversifié" et d'une dialectique politique interne vivante, dans laquelle les Palestiniens sont même représentés au parlement. Pour Fassino, les colonies et les crimes de guerre, qui font actuellement l'objet d'une enquête de la Cour pénale internationale, ne sont qu'un incident dans un festin démocratique. Il suffit d'analyser ces déclarations à la lumière des récents rapports publiés par les principales organisations palestiniennes, israéliennes et internationales de défense des droits humains pour comprendre en quoi l’impartialité de Fassino est très singulière.

L'année dernière, B'Tselem, la principale organisation israélienne de défense des droits humains, a publié "This is apartheid", un rapport montrant comment la réalité politique et l'appareil réglementaire que les gouvernements israéliens ont mis en place établissent une discrimination structurelle à l'encontre des Palestiniens sur une base ethnique, aboutissant finalement à un régime de "suprématie juive" qui s'étend "du Jourdain à la Méditerranée". Il ne s’agit donc pas d’incident de parcours. En effet, le rapport de B'Tselem montre que la colonisation du territoire palestinien occupé en 1967 s'inscrit dans un processus de conquête, de remplacement démographique et d'annexion contraire aux principes les plus fondamentaux du droit international.

Après B'Tselem, Human Rights Watch a également publié un rapport détaillé montrant comment, entre le Jourdain et la Méditerranée, au fil des décennies, « les autorités israéliennes ont dépossédé, confiné, séparé de force et assujetti les Palestiniens en raison de leur identité et avec des degrés d'intensité variables. Dans certaines régions, ces privations sont si graves qu'elles constituent les crimes contre l'humanité que sont l'apartheid et la persécution ». Human Rights Watch poursuit en expliquant précisément comment les mythes politiques utilisés dans la Commission parlementaire selon lesquels « Israël est une démocratie égalitaire à l'intérieur de ses frontières, ont occulté une réalité de pratiques établies de gouvernance discriminatoire à l'encontre des Palestiniens ». (p. 2)

Les dénonciations de Human Rights Watch ont été suivies par celles de la principale organisation mondiale de défense des droits humains, Amnesty International, qui, dans son rapport de février 2022, a décrit le régime d'Israël comme un système de domination pouvant être défini comme un apartheid au regard du droit international. Selon Amnesty, le traitement des Palestiniens comme une menace démographique, la colonisation à laquelle ils sont soumis depuis 1948 et leur bantoustanisation systématique du Jourdain à la Méditerranée ne laissent aucun doute : il s'agit d'apartheid.

Et en ce qui concerne le point même soulevé par Fassino dans son article du 17 juillet, lorsqu'il écrit que les Palestiniens siègent après tout à la Knesset, le rapport d'Amnesty montre comment cette participation est limitée par une série de lois étatiques qui discriminent les Palestiniens à tous les niveaux : « Le droit constitutionnel israélien interdit aux citoyens d'Israël de remettre en question la définition d'Israël en tant qu'État juif et toute loi qui protège cette identité. [...] Bien que les citoyens palestiniens d'Israël puissent voter et se présenter aux élections nationales, dans la pratique, leur droit à la participation politique est restreint et ils continuent d'être perçus comme l'ennemi intérieur ».

15/07/2022

FRANCESCA ALBANESE
Parler de la Palestine aujourd'hui est impossible, même au Parlement italien

 Francesca Albanese, il manifesto, 13/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Francesca Albanese est une avocate internationale et chercheuse italienne spécialisée dans les droits humains et les réfugiés. Elle est, depuis mai 2022, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. @FranceskAlbs

Invitée par la Commission des Affaires étrangères du parlement italien, le 6 juillet dernier, pour parler de la situation des droits humains en Palestine, (vidéo) Francesca Albanese y a fait l’objet d’une attaque virulente de la part du « démocrate » (ex-communiste) Piero Fassino, président de la commission, qui l’a accusée d’ « unilatéralisme » propalestinien, déformant les propos qu’elle avait tenu dans une interview en juin dernier. Voici la réponse de Francesca Albanese. On peut lire la réponse de Fassino à cet article ici-FG

Moyen-Orient : après l'attaque de M. Fassino devant la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, la difficulté de parler de la question palestinienne, même selon les règles du droit, apparaît clairement : l'idée que le droit international est contraignant pour les ennemis et facultatif pour les alliés est une déclinaison dangereuse du concept d'autonomie de la politique, qu'en tant que juriste je ne peux m'empêcher de condamner...

La Palestine - c'est-à-dire ce qui est resté de la Palestine historique lors de la création de l'État d'Israël en 1948 -, comprenant la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, est une terre qu'Israël occupe militairement depuis 1967.

Il convient de rappeler d'emblée que le droit international n'admet les occupations militaires que sous une forme limitée dans le temps, avec des contraintes précises pour protéger la population sous occupation et, surtout, sans jamais transférer la souveraineté à la puissance occupante.

L'État d'Israël viole systématiquement ces principes depuis 1967, par le biais du transfert continu de civils et de la construction de colonies en Palestine occupée. Au cours des dernières décennies, ces violations ont été condamnées à maintes reprises par les principales institutions internationales, et plus récemment par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Les organisations humanitaires s'accordent à dire que cette occupation est illégitime et illégale, car elle est menée par un usage interdit de la force armée et dans le but d'annexer le territoire palestinien à l'État d'Israël et de déplacer les Palestiniens qui y vivent. Face à cette réalité largement documentée, il est nécessaire que la politique se conforme aux préceptes du droit international, en sanctionnant Israël et en soutenant les Palestiniens dans le processus d'autodétermination qui leur est assigné non pas par telle ou telle faction politique, mais par les principes les plus fondamentaux de la communauté internationale.

C'est dans cet esprit que j'ai assumé, il y a deux mois, le rôle de rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, qui m'a été confié par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Avec le défi et l'honneur supplémentaires d'être la première femme à occuper ce poste délicat, j'ai assumé cette responsabilité en étant pleinement consciente des difficultés que j'allais rencontrer.

La première difficulté est qu'au cours des 30 dernières années, les droits du peuple palestinien ont cessé de faire la une des journaux, bien que la Palestine reste le théâtre d'un affrontement acharné entre la justice et la prévarication, le droit et l'abus, la légalité et, hélas, la realpolitik inspirée uniquement par les rapports de force. Deux mois après le début du mandat, j'ai évoqué l'impossibilité de discuter de la Palestine en suivant une approche strictement juridique.

Face à quiconque oppose à la logique des rapports de force une éthique guidée par la force du droit, un rideau d'hostilité et souvent de violence verbale tombe au nom de la défense idéologique de la politique de l'État d'Israël.

J'en veux pour preuve mon audition, le 6 juillet, devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, qui m'avait invité à rendre compte de la situation couverte par mon mandat. Après mon intervention, dont il avait manifestement écouté peu et compris encore moins, le président de la Commission, Piero Fassino, au lieu de modérer le débat afin d'acquérir des éléments utiles pour les délibérations parlementaires, s'est lancé dans un j'accuse contre moi aussi inopportun qu'injustifié.

L'accusation portait sur mon prétendu manque d’ « imparttialité », manifestement pour ne pas avoir mis sur un pied d'égalité l'occupant et l'occupé, le colonisateur et le colonisé, dans mon discours sur les abus continus des forces israéliennes contre les Palestiniens. Le respect de toute critique fait partie intégrante de mon interprétation du mandat qui m'a été confié. Cependant, j'ai le devoir premier, précisément sur la base de ce mandat, de dénoncer les violations du droit international.

Bien que je me sois limitée à cette tâche consciencieuse lors de l'audience, M. Fassino, manifestement irrité par l'exercice de mes fonctions institutionnelles, est allé jusqu'à m'attribuer des phrases contenant des formes de légitimation de la violence que je n'ai jamais prononcées et qu'aucun intervieweur n'a jamais transcrites. La revue Altraeconomia l'a rapidement démontré en rapportant mes déclarations originales condamnant la spirale de violence perpétuée par l'occupation, habilement décontextualisées par M. Fassino.

En critiquant ma focalisation excessive « sur la donnée juridique », M. Fassino a également minimisé le rôle central du droit international dans la résolution des conflits, qui fait pourtant partie intégrante de l'ordre républicain.

L'idée que le droit international est contraignant pour les ennemis et facultatif pour les alliés est une déclinaison dangereuse du concept d'autonomie de la politique, qu'en tant que juriste je ne peux m'empêcher de condamner.

Comme le rappelle Edward Said, une lutte pour les droits se gagne « avec les armes de la critique et l'engagement de la conscience ». Et c'est ce que je continuerai à promouvoir dans l'exécution de mon mandat, un débat sain, pluraliste et informé sur la question israélo-palestinienne, à partir - quelles que soient les lectures historiques et politiques du « conflit » et de ses racines - de la force régulatrice du droit international, seule boussole possible dans les ténèbres fomentées par plus d'un siècle de realpolitik.