Affichage des articles dont le libellé est Omer Bar-Lev. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Omer Bar-Lev. Afficher tous les articles

28/03/2022

GIDEON LEVY
Le ministre israélien de la police va payer pour sa gaffe, mais qu'en est-il de l'adolescent palestinien tué par ses hommes ?

 Gideon Levy, Haaretz, 27/3/2022
Original : Israel's Police Minister Will Pay for His Gaffe, but What About the Palestinian Teen Killed by His Officers?
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Omer Bar-Lev n'est pas confus. Il n'est pas non plus aussi désengagé qu'on l'accuse de l'être. Au contraire, il a prouvé qu'il est en contact avec la réalité politique d'Israël, la reflétant fidèlement.

Évidemment, il a commis une erreur embarrassante en déclarant que le terroriste qui a assassiné quatre passants à Be'er Sheva la semaine dernière serait emprisonné et traduit en justice avec une peine sévère, alors qu'il avait déjà été abattu sur place, mais son discours ressemblait remarquablement à tous les éloges funèbres officiels, similaire à la plupart des déclarations des politiciens israéliens dans leur mélange de creux et de mensonge.

Omer Bar-Lev en 2021. Photo : Ohad Zwigenberg

 Ainsi, ce n'était pas un lapsus aux funérailles, comme il l'a dit plus tard, mais le lot habituel de clichés débités par un politicien blablateux moyen. Mais Bar-Lev s'est perdu dans l'abondance de ses clichés. Il n'a "blessé personne" et ne méritait donc pas le tollé qui a suivi. Mais sans le vouloir, le ministre de la sécurité publique a tendu un miroir : voilà le visage du discours public israélien. Voyez comme il est facile pour un politicien de réciter des sornettes et des platitudes. "Nous ne laisserons pas tomber", "nous les poursuivrons jusqu'à ce qu'ils soient traduits en justice", "nous sommes prêts à tous les scénarios", "Israël cherche la paix".

Lorsque le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid répète ses condamnations de l'attaque de l’ Ukraine sans mentionner l'agresseur, il élude la vérité bien plus que ne le fait Bar-Lev. Lorsque la présidente du parti travailliste Merav Michaeli publie des condoléances "en ce moment difficile" à la suite du décès du rabbin Chaim Kanievsky, elle est à côté de la plaque. Lorsque la députée likoudnik Miri Regev "s'incline" en écrivant que Kanievsky était "un modèle exemplaire dont la sagesse et les bénédictions ont accompagné les dirigeants nationalistes à de nombreux moments importants", elle aussi débite des mots vides de sens sans discernement. Et lorsque Benjamin Netanyahou accuse le gouvernement d'être responsable de l'attentat, il sait pertinemment que cette absurdité est plus grande que l'embarras causé par les propos de Bar-Lev.

D'une certaine manière, nous nous sommes habitués au fait que les politiciens ne disent jamais la vérité. Ils ne disent pas ce qu'ils pensent et ne pensent pas ce qu'ils disent. C'est devenu la norme, quelque chose d'évident qu'ils sont autorisés à faire. C'est leur seul langage et c'est le niveau de leur discours, et c'est ainsi que cela doit être. Il est difficile d’imaginer un politicien de haut rang qui ne dise que la vérité. Un tel animal n'existe pas. Malgré cela, ils sont les invités bienvenus dans tous les studios de télévision, ce qui rend les médias pleinement complices de cette malversation. Ils permettent la fraude et ne rendent jamais la vie des politiciens difficile. Où est le journaliste qui demande à Regev de quelle manière la sagesse de Kanievsky a accompagné les dirigeants à différents moments ? Où ?

Bar-Lev a trébuché sur des futilités, et il va payer pour ça. Il aurait dû payer pour d'autres choses, des choses qui n'intéressent pas les médias, le public ou lui-même. Ils n'ont même pas entendu parler de ce que les agents de police de Bar-Lev ont fait quelques jours seulement avant que sa carrière ne menace d'imploser à cause d'un petit dérapage.

Des agents de la police des frontières, qui sont sous sa responsabilité, ont tiré sur un jeune de 16 ans sans raison près du camp de réfugiés de Balata. C'est la routine, mais cette fois-ci, ils déversent leur fureur sur un jeune conducteur de scooter qui a osé rouler à côté de leur véhicule, lui tirant 12 balles.

Des agents de la police des frontières héroïques dans un stand de tir. Au début, ils ont dit que le jeune leur avait tiré dessus, puis ils ont inexplicablement changé de version, affirmant qu'il n'avait tenu qu'un pistolet. Aucun pistolet de ce type n'a jamais été retrouvé. Seul le corps criblé de balles de Nader Rayan, issu d'une famille de réfugiés de Naplouse, a été retrouvé. Les photos horribles de sa mort, avec son corps déchiré, sont conservées par son père sur son téléphone portable, cachées à sa femme et à ses autres enfants. Elles sont difficiles à regarder, même pour un étranger.

C'est cela qui aurait dû faire scandale - des policiers qui tirent sur des jeunes de manière aussi barbare, le fait que personne ne pense même à les interroger, et encore moins à punir qui que ce soit. Le scandale, c'est que Bar-Lev, qui est l'un des leaders du parti travailliste, un vétéran de ce commando d'élite spécial, une personne considérée comme décente et animée par des valeurs, ne secoue pas la police après une fusillade aussi insensée.

Mais tout cela n'est pas important. Il a fait un lapsus lors d'un enterrement, et pour cela il va payer.