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01/03/2025

Le Mexique livre 29 chefs de narco-cartels aux USA

La remise d’un si grand nombre de figures importantes des cartels a constitué l’un des efforts les plus importants déployés par le Mexique dans l’histoire moderne de la guerre contre la drogue pour envoyer les trafiquants répondre de leurs actes devant les tribunaux usaméricains.

Alan Feuer, The New York Times, 27/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Alan Feuer couvre l’extrémisme et la violence politique pour le Times, en se concentrant sur les affaires pénales liées à l’attaque du 6 janvier au Capitole et à la première présidence Trump.

Le gouvernement mexicain a envoyé jeudi aux USA 29 hauts responsables de cartels recherchés par les autorités usaméricaines, dont un célèbre baron de la drogue que les autorités usaméricaines cherchaient à traduire en justice depuis 40 ans, selon les déclarations des gouvernements usaméricain et mexicain.


Les 29 narcos extradés

Le transfert a concerné non seulement plusieurs puissants chefs de cartel, mais aussi certains des meurtriers les plus prolifiques dans les annales de la criminalité mexicaine. Le nombre et l’importance des personnes envoyées en même temps aux USA ont fait de cet événement l’un des efforts les plus importants déployés par le Mexique dans l’histoire moderne de la guerre contre la drogue pour envoyer les trafiquants répondre de leurs actes devant les tribunaux fédéraux usaméricains.

Ce développement est intervenu alors que l’administration Trump s’appuyait fortement sur le gouvernement mexicain pour intensifier sa lutte contre les cartels, et la concession des responsables mexicains est apparue comme une première victoire pour le président Trump dans ce qui sera probablement une lutte de plus longue haleine contre les groupes criminels.

Parmi les personnes envoyées par avion aux USA figure Rafael Caro Quintero, membre fondateur du cartel de la drogue de Sinaloa, qui a été condamné au Mexique pour avoir commandité le meurtre, en 1985, d’Enrique Camarena, un agent de la Drug Enforcement Administration, a indiqué la ministre de la justice Pam Bondi dans un communiqué. Mettre la main sur Caro Quintero a été pendant des décennies une véritable obsession pour les fonctionnaires de l’agence antidrogue.

« Comme le président Trump l’a clairement indiqué, les cartels sont des groupes terroristes, et ce ministère de la Justice se consacre à la destruction des cartels et des gangs transnationaux », a déclaré Bondi dans son communiqué. « Nous poursuivrons ces criminels avec toute la rigueur de la loi en l’honneur des courageux agents des forces de l’ordre qui ont consacré leur carrière - et dans certains cas, donné leur vie - pour protéger des innocents du fléau des cartels violents ».

Le transfert des hommes recherchés, qui étaient détenus par le Mexique, intervient alors qu’une délégation mexicaine de haut niveau est arrivée à Washington pour rencontrer de hauts responsables usaméricains afin d’élaborer un accord de sécurité dans un contexte de tension entre les deux pays. Le ministère mexicain des Affaires étrangères a publié une déclaration annonçant la libération des membres du cartel avant que Bondi ne publie sa propre déclaration.

« Cette action fait partie du travail de coordination, de coopération et de réciprocité dans le cadre du respect de la souveraineté des deux nations » indique le communiqué mexicain.

Ces dernières semaines, l’administration Trump s’est engagée dans un un débat houleux pour savoir jusqu’où - et avec quelle force - pousser le gouvernement mexicain à s’attaquer aux cartels qui, depuis des années, sèment la violence sanglante au Mexique et font passer des quantités incalculables de drogues illégales aux USA.

Certains responsables de la Maison-Blanche ont adopté une position agressive, préconisant une action militaire unilatérale contre les barons de la drogue et les infrastructures des cartels au Mexique afin d’empêcher les stupéfiants, tels que le fentanyl, de franchir la frontière. D’autres ont plaidé pour une approche plus pragmatique, affirmant qu’un partenariat renforcé avec le gouvernement mexicain garantirait la poursuite de la coopération sur des questions telles que l’immigration.

Au cours de ces délibérations, Trump et ses alliés ont exercé d’énormes pressions diplomatiques et économiques sur la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, notamment en menaçant d’imposer des droits de douane élevés à son pays.

Jeudi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre britannique, Keir Starmer, Trump a maintenu cette pression, affirmant que le flux de drogues mortelles traversant la frontière sud n’avait pas cessé.

« Les drogues continuent de se déverser dans notre pays, tuant des centaines de milliers de personnes », a-t-il déclaré, même si le nombre de décès par overdose a récemment baissé aux USA, selon les responsables de la santé publique. 3Nous perdons bien plus que 100 000 personnes. Je veux dire, des morts ».

Néanmoins, la décision du Mexique d’envoyer les trafiquants emprisonnés aux USA a été saluée dans les milieux usaméricains de l’application de la loi comme une victoire majeure et un signal clair que Sheinbaum avait l’intention de coopérer avec l’administration Trump pour sévir contre les cartels.

« C’est un moment incroyablement important qui marque un véritable tournant », a déclaré Ray Donovan, l’ancien chef des opérations de la D.E.A. « Cela montre la volonté de la présidente Sheinbaum de travailler avec nous pour cibler et démanteler les organisations criminelles qui ont eu un impact sur les USA et le Mexique pendant des générations ».


Le lieu où un hélicoptère de l’armée mexicaine s’est écrasé lors de l’opération de capture de Caro Quintero dans l’État rural de Sinaloa en 2022. Photo Guillermo Juarez/Associated Press

Caro Quintero est un personnage hors norme au Mexique. Il est également honni par les agents fédéraux usaméricains chargés de la lutte contre la drogue pour le rôle qu’il a joué dans la torture et le meurtre de Camarena, connu sous le nom de Kiki, alors qu’il travaillait sous couverture au Mexique. Le meurtre de  Camarena a longtemps été considéré comme une sorte de catalyseur qui a propulsé les forces de l’ordre usaméricaines plus profondément dans la guerre cataclysmique du Mexique contre les cartels.

Après avoir été condamné à 40 ans de prison, Caro Quintero a été libéré de la prison mexicaine en 2013 sur la base d’un vice de forme et est retourné se cacher dans la région rurale de Sinaloa, son État d’origine. Il a finalement été capturé par les autorités mexicaines près de San Simón, une ville de Sinaloa, en 2022.

Quelques heures seulement après son arrestation, un hélicoptère militaire s’est écrasé à l’extérieur de la ville voisine de Los Mochis, tuant les 14 marines mexicains qui se trouvaient à bord. Le président mexicain de l’époque, Andrés Manuel López Obrador, avait alors déclaré que les soldats tués avaient participé à la mission visant à capturer l’ancien seigneur du crime.

Caro Quintero est inculpé de plusieurs chefs d’accusation liés au trafic de stupéfiants devant le tribunal fédéral de Brooklyn depuis 2020. Il pourrait y comparaître devant un juge fédéral dès vendredi, a déclaré l’une des personnes au fait de l’affaire.

Le Mexique a également remis aux USA Miguel Ángel Treviño Morales, un ancien chef du cartel des Zetas dont la brutalité est tristement célèbre et qui a été capturé au Mexique en 2013.

Treviño, mieux connu sous le nom de Z-40, du nom de son indicatif radio au sein des Zetas, est largement considéré comme l’un des membres les plus violents des cartels mexicains, ayant contribué à perfectionner la pratique consistant à utiliser le carnage comme message.

Son organisation a été fondée par des commandos mexicains très bien entraînés et lourdement armés qui avaient initialement pour mission de s’attaquer aux gangs, mais qui ont fini par vendre leurs services à un cartel en particulier, le cartel du Golfe. Après une période de prospérité et d’effusion de sang, les Zetas, avec Treviño dans leurs rangs, ont fait cavalier seul et sont devenus l’une des organisations criminelles les plus puissantes et les plus redoutées du Mexique.

Treviño fait l’objet d’accusations de trafic de drogue qui se recoupent dans les tribunaux fédéraux du Texas, notamment ceux d’Austin et de Laredo.

Sur la liste des personnes envoyées aux USA figuraient d’autres dirigeants - et tueurs - des Zetas. Il y avait également des agents de haut niveau d’autres groupes criminels, dont le cartel Nueva Generación Jalisco et le cartel La Familia Michoacana.

L’une des personnes récupérées par les agents fédéraux usaméricains est José Ángel Canobbio Inzunza, qui serait le bras droit d’Iván Archivaldo Guzmán Salazar, fils du célèbre baron de la drogue Joaquín Guzmán Loera, plus connu sous le nom d’El Chapo. Canobbio Inzunza, qui fait l’objet de poursuites à Chicago, a été arrêté au Mexique la semaine dernière seulement.

NdT

  1. 6 des 29 extradés sont inculpés aux USA pour des crimes pouvant être punis par la peine de mort, mais le traité d’extradition signé par le Mexique et les USA en 1978 exclut l’exécution de condamnés.
  1. Le Département d'État a désigné ces six cartels mexicains comme organisations terroristes étrangères (FTO) : Cártel de Sinaloa, Cártel Jalisco Nueva Generación (CJNG), Cártel del Noreste, Nueva Familia Michoacana, Cártel del Golfo, Cárteles Unidos. S’y ajoutent  le Tren de Aragua [Venezuela] et la Mara Salvatrucha (MS-13) [Salvador/USA]