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29/06/2023

GIDEON LEVY
Un commandant de brigade de Tsahal est-il un meurtrier ?

Gideon Levy, Haaretz, 29/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Ils lui ont crié “assassin” et il s’est éloigné, penaud, en disant qu’il était “blessé en tant que personne” mais qu’il “n’allait pas craquer”. Les dirigeants de l’État se sont empressés d’exprimer leur inquiétude, de condamner les attaques verbales et de louer son héroïsme.

Le commandant de la brigade Binyamin, le colonel Eliav Elbaz, était venu réconforter la famille de Harel Masoud, un colon d’un avant-poste particulièrement violent et sauvage, qui a été tué la semaine dernière lors d’une fusillade dans la colonie d’Eli, en Cisjordanie. Elbaz a été accueilli par un flot d’insultes de la part des voyous colons.

S’agissait-il d’un acte honteux ? Je n’en suis pas certain. Parfois, les colons peuvent nous apprendre quelque chose sur la manière de protester.

Elbaz mérite d’être la cible de manifestations de colère, mais dans un lieu différent et pour des raisons diamétralement opposées. Dans cet autre endroit, il serait une cible digne des slogans désobligeants et des insultes qui lui ont été lancés par les colons. Mais dans cet autre lieu, ni Elbaz ni aucun autre membre de l’armée n’est venu consoler les familles endeuillées, personne n’a protesté et personne ne portera la responsabilité.

S’il fallait insulter Elbaz pour ternir son image et noircir son nom, il aurait fallu le faire loin de la maison de la famille Masoud à Yad Binyamin. Au lieu de cela, il aurait fallu le faire dans la maison de la famille Tamimi à Nabi Saleh.

C’est cette famille qui avait besoin d’être réconfortée et indemnisée et qui avait toutes les raisons de l’insulter. Mais Elbaz, comme ses collègues officiers de l’occupation, est trop lâche pour prendre la responsabilité de l’assassinat d’un bébé. Il est encore plus lâche de ne pas exprimer son chagrin et de ne pas partager la douleur d’une famille dont le monde entier a été détruit par ses soldats.

Elbaz est le commandant de la brigade responsable de l’unité Duhifat, dont les soldats ont tué au début du mois le bambin Mohammed Tamimi. Il est le commandant de la brigade qui a truqué l’enquête et n’a jamais pensé à poursuivre qui que ce soit. C’est lui qui a inutilement envoyé les soldats à Nabi Saleh, lui qui est responsable de la confusion embarrassante qui s’en est suivie, et du doigt sur la gâchette qui a fini par abattre un enfant en bas âge et son père. Elbaz est responsable de ce terrible crime, et plus encore de la dissimulation qui a suivi.

Comme dans tout crime, celui qui envoie quelqu’un commettre un crime partage le blâme, voire en porte une part encore plus grande.

Pour ce crime et d’autres du même genre, Elbaz est sorti aussi pur que la rosée du matin. Personne n’a tué de bébé, et s’il l’a fait, c’est par erreur, et s’il s’agit d’une erreur, il n’y a pas de problème juridique ou moral.

C’est peut-être une justice poétique que ce soient les voyous colons, les voleurs de terres racistes et violents, qui aient sali l’honneur de l’officier qui méritait d’être sali, au lieu du sang de Tamimi, qui aurait dû crier contre lui depuis la terre et conduire à la révocation d’Elbaz.

Soit dit en passant, en avril de l’année dernière, Elbaz a tué de ses propres mains un homme ayant des besoins spéciaux qui tenait un fusil jouet à Ashkelon. Cette histoire a également été rapidement passée sous silence, même si la victime était juive.

Les forces de défense israéliennes doivent décider si le meurtre d’un enfant en bas âge sous les yeux de son père est un acte acceptable ou non. Les soldats auraient-ils tiré sur le bambin et son père s’il s’était agi d’une colonie juive et non d’un village palestinien, un village réputé pour sa résistance à l’occupation ? Si un tel acte est acceptable, alors nous devrions protester contre les responsables de ces normes perverties, y compris Elbaz.

Si un tel acte n’est pas acceptable, s’il est illégal et criminel, alors les suspects auraient dû être traduits en justice, y compris Elbaz, qui a cherché à dissimuler l’incident. La gauche [quelle gauche ? NdT] aurait dû réclamer cela, mais lorsque la gauche est faible et découragée, et que l’occupation ne l’intéresse plus, le résultat honteux est que personne n’est venu protester contre Elbaz pour le meurtre d’un enfant en bas âge.

Il est douteux que beaucoup de personnes de gauche oseraient traiter de “meurtrier” un officier des FDI responsable de la mort d’un bébé. Ce type de protestation - flagrante, violente et courageuse - est réservé aux jeunes des collines. Pour la gauche, des personnages comme Elbaz restent des héros dont la dignité, à Dieu ne plaise, ne doit jamais être touchée. Ils sont les vaches sacrées de la gauche.

11/06/2023

GIDEON LEVY
Un père met son petit enfant dans la voiture, puis est forcé de lui faire ses adieux
Scènes de la vie quotidienne à Nabi Saleh, en Cisjordanie occupée

 Gideon Levy et Alex Levac (photos) Haaretz, 8/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Source J-Media
Un sniper israélien a abattu Mohammed Tamimi, âgé de deux ans et demi, d’une balle dans la tête, puis son père d’une balle dans la poitrine, alors qu’ils se rendaient à une fête d’anniversaire. L’enfant est mort quatre jours plus tard. Il s’agit du 150e Palestinien tué cette année

Haytham Tamimi, le père endeuillé, à droite, et son frère Hassan. “Un soldat qui tire sur un bébé de cette façon est un soldat qui a déjà fait ça par le passé”, dit leur cousin Sameh. “C’est un malade mental”.

Une famille se rend à l’anniversaire d’une tante, dans le village voisin. En rentrant du travail, le père s’était arrêté chez la tante pour déposer un gâteau d’anniversaire de la pâtisserie où il travaille. De retour à la maison, il prend son fils Mohammed dans les bras, l’installe sur le siège arrière de sa Skoda, puis fait le tour de la voiture pour s’asseoir à la place du conducteur.

Soudain, une volée de coups de feu. D’après ce que le père a raconté cette semaine à d’autres membres de sa famille, une balle l’a atteint avant même qu’il ne parvienne à entrer dans le véhicule. L’armée a affirmé que le père était déjà à l’intérieur lorsque le soldat a tiré sur la voiture. Quoi qu’il en soit, il a réussi à monter dans la voiture malgré sa blessure. Il a rapidement fermé la portière pour protéger son fils, puis a jeté un coup d’œil sur la banquette arrière.

Le spectacle qui s’offre à lui est effroyable. Le petit Mohammed est affaissé, inconscient, respirant à peine, avec un trou béant dans la tempe droite. Son sang a taché le siège. S’enfuyant pour sauver sa vie, le père horrifié a réussi à parcourir une courte distance. Au total, cinq balles ont atteint la voiture. Celle qui a frappé la tête du bambin a explosé et fait des ravages à l’intérieur, tandis que la balle qui a touché Haytham, le père, l’a atteint à la poitrine et est ressortie par l’épaule droite. Il a également été touché par des éclats de plus gros projectiles.

Lundi dernier, Haytham Tamimi se trouvait dans la maison de son père lorsqu’il a appris la mort de Mohammed. Nous étions là précisément à ce moment-là. Tamimi était naturellement bouleversé, à peine capable de prononcer un mot. De temps en temps, il éclatait en sanglots et son frère, Hassan, essuyait ses larmes. À l’hôpital pour enfants Safra, qui fait partie du centre médical Sheba à Ramat Gan, Marwa, la mère de l’enfant, était à ses côtés lorsqu’il a rendu son dernier soupir.

Le couple a encore un enfant, un fils, Osama, âgé de huit ans, qui errait lundi dans la maison de son grand-père, perplexe, ne comprenant apparemment pas pourquoi tout ce remue-ménage. Haytham, qui a lui-même été hospitalisé pendant deux jours à Ramallah, a rendu visite à son fils mourant la veille de sa mort, mais n’a pas pu rester en raison de son état de santé ; il a embrassé la tête bandée du garçon avant de partir. Le lundi après-midi, tout était fini. La nouvelle de la mort de Mohammed a déclenché un torrent de chagrin dans la maison, insupportable à voir.

Nabi Saleh, encore Nabi Saleh, le petit village militant, courageux et déterminé près de Ramallah, dont tous les habitants appartiennent à la famille Tamimi et dont la plupart participent activement à la lutte non violente contre l’occupation, la barrière de séparation et la colonie de Halamish, qui est adjacente au village. Nous étions ici il y a environ un an et demi, lorsque Qusai Tamimi a été tué par des soldats pour avoir mis le feu à un pneu. C’est également ici que Mustafa Tamimi a été tué en 2011 lorsqu’une grenade lacrymogène tirée par un soldat s’est écrasée sur son visage, et c’est ici qu’Ahed Tamimi a giflé un soldat en 2017, et qu’elle a été emprisonnée pendant huit mois. Son cousin de 15 ans, un autre Mohammed Tamimi, a reçu une balle dans la tête peu avant l’incident avec Ahed, ce qui lui a déformé le crâne et le visage. Un autre Mohammed Tamimi, âgé de 17 ans, a été tué par un soldat qui lui a tiré dessus depuis l’intérieur d’une jeep blindée.

C’est maintenant au tour du troisième Mohammed Tamimi d’être abattu ici, à l’âge de 2 ans et demi, la plus jeune personne du village à être tuée. Selon l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, il s’agit du 150e  Palestinien tué cette année, qui n’a même pas encore atteint son milieu.

Ce jeudi soir 1er juin, Faraj Tamimi a conduit en toute hâte son cousin Haytham et Mohammed, alors à peine vivant, hors du village. Il s’est arrêté en face de Halamish, où des équipes médicales de Magen David Adom, le service d’ambulance d’urgence, et des Forces de défense israéliennes ont tenté de réanimer le bambin. Faraj a ensuite emmené le père de l’enfant à l’hôpital arabe Istishari de Ramallah.

Haytham et Hassan Tamimi

Un silence pesant règne désormais dans la maison du grand-père, seulement brisé par des cris d’angoisse. Un visiteur des USA, l’oncle Sameh Tamimi, 34 ans, cyber-ingénieur et natif du village, qui a émigré à San Francisco, est le seul capable de parler de ce qui s’est passé en ce moment atroce. Il a accompagné Haytham dimanche pour voir son fils pour la dernière fois à l’hôpital. Il se demande à voix haute si le soldat qui a tiré une balle dans la tête de l’enfant n’est pas un psychopathe.

“Parce que quel autre soldat pourrait faire une telle chose ?” demande-t-il, alors que les médias israéliens ont déjà décidé, dans un réflexe effrayant, que le bambin avait été tué “par erreur”. Sameh exige une enquête, il veut savoir quel type de munitions a été utilisé pour tuer son petit neveu, après avoir appris que la balle a explosé à l’intérieur du minuscule crâne de Mohammed et détruit 80 % de son cerveau. « Un soldat qui tire sur un bébé de cette façon est un soldat qui a déjà fait ça dans le passé. C’est un malade mental. Il a tiré sur un bébé sans ménagement, dans le but de tuer. Il est susceptible de recommencer ».

Selon Sameh, la voiture a essuyé des tirs provenant de deux directions, un peu après 20 heures : d’en haut - de la tour de guet qui domine le village - et du côté droit, où Mohammed était assis. En d’autres termes, il pense que plus d’un soldat a tiré sur le père et le fils.

La maison de la famille est la plus proche de la tour menaçante de Nabi Saleh. Les seuls mots cohérents qu’Haytham a réussi à prononcer lors de notre visite, après l’annonce de la terrible nouvelle, sont qu’un ordre de démolition est en cours contre la structure depuis 2013. Le meurtre de son fils pourrait en fait accélérer le processus, tout comme il a incité l’armée à organiser un raid à grande échelle sur le village peu après que ses troupes ont abattu Mohammed et son père, et à revenir pour une deuxième série de raids le samedi soir.

L’unité du porte-parole des FDI, qui a regretté cette semaine que des non-combattants aient été blessés, a répondu comme suit à une question posée par Haaretz sur les raisons pour lesquelles les forces ont continué à envahir le village qui pleurait la mort de l’enfant : « Dans la nuit du 1er juin, des terroristes ont tiré en direction de la colonie de Neve Tzuf. Les forces des FDI qui assuraient la sécurité du poste militaire adjacent à la communauté ont répondu en tirant plusieurs balles.

« L’enquête initiale, menée immédiatement après l’événement, a révélé que lorsque deux terroristes ont tiré des coups de feu pendant plusieurs minutes sur la colonie, les forces de l’armée israélienne ont répondu par des tirs. Il s’avère qu’à la suite de ces tirs, deux Palestiniens ont été blessés. Les FDI regrettent que des non-combattants aient été blessés et s’efforcent d’éviter de tels incidents.

« Plus tard dans la nuit, les forces de sécurité sont intervenues dans le village de Nabi Saleh pour enquêter sur l’attaque. Au cours de cette action [d’enquête], des troubles violents ont éclaté, avec la participation de dizaines de Palestiniens qui ont jeté des pierres et des pneus enflammés et ont improvisé des grenades lacrymogènes [sic] contre les forces de l’ordre. Les forces ont pris des mesures pour dissiper les troubles et ont répondu avec des moyens destinés à disperser les manifestations. En outre, les forces ont examiné la zone le lendemain, dans le cadre de l’enquête sur l’événement. L’événement fait l’objet d’une enquête approfondie. À l’issue de l’enquête, et compte tenu de ses conclusions, une décision sera prise quant à l’ouverture d’une enquête [formelle] ».

Quelques centaines de mètres séparent la maison de la famille de la tour où était apparemment perché le soldat armé. Il n’était évidemment pas en danger dans la tour fortifiée, même si l’on accepte l’affirmation de l’armée selon laquelle son tir a été précédé d’un tir sur la colonie adjacente de Halamish. Personne à Nabi Saleh n’a entendu ces tirs. Le fait est que Haytam, qui réside dans une zone dangereuse, en face de la tour, n’a eu aucun scrupule à emmener son fils à l’extérieur pour se rendre à une fête d’anniversaire. Il ne l’aurait jamais fait s’il avait entendu des tirs.

Bilal Tamimi, 56 ans, qui travaille au département des médias du ministère palestinien de l’Éducation et qui est également bénévole à B’Tselem, a clairement entendu le bruit des coups de feu. Ce jeudi soir, il rendait visite à un cousin qui habite près de chez lui lorsqu’il a soudain entendu des coups de feu - probablement ceux qui ont tué Mohammed et blessé Haytham. Il est rentré chez lui en courant pour enfiler son gilet “presse” et son casque de protection, puis il est monté sur le toit avec des membres de sa famille pour observer et documenter le déroulement des événements avec la caméra de son téléphone. C’est un habitué. Dans la maison de Bilal, qui abrite une exposition permanente de différents types de douilles de munitions laissées par les soldats, il raconte ce qu’il a entendu et vu ce soir-là, après les tirs sur Haytham et Mohammed.

Wissam (à dr.) a été blessé à la tête

Lorsque nous avons rencontré Bilal, il revenait de l’hôpital Istishari où il était allé chercher son neveu Wissam, âgé de 17 ans, qui sortait de l’hôpital après avoir été soigné pour une blessure à la tête subie lors de cette terrible soirée dans le village. Wissam, qui a eu besoin de neuf points de suture, a été blessé par une balle métallique à pointe éponge, et non par une balle réelle, comme le petit Mohammed. Il a été hospitalisé pendant trois jours. Bilal a également été blessé par une balle en métal-éponge ; son bras droit est plâtré et maintenu par une écharpe.

Bilal Tamimi sur la terrasse  de sa maison à Nabi Saleh, cette semaine. Sa main a été cassée par une balle métallique à pointe éponge

Les deux hommes ont été abattus alors qu’ils observaient la scène depuis le toit. Des soldats sont entrés dans le village à bord de plusieurs jeeps et ont pris position sur les toits des maisons, y compris sur le toit opposé à celui où se trouvaient Bilal et les autres. Bilal raconte qu’il n’avait jamais vu de soldats aussi agressifs et ayant la gâchette aussi facile. Le correspondant militaire de Channel 11 News, Itay Blumenthal, a rapporté cette semaine que les soldats appartenaient au bataillon Duchifat de la brigade Kfir, qui est déployée en permanence en Cisjordanie, et qu’ils étaient arrivés dans le village ce matin-là pour la première fois. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont ouvert le feu avec autant d’enthousiasme.

Bilal se souvient qu’il a d’abord vu une jeep se précipiter sur une voiture palestinienne, jusqu’à ce que le véhicule disparaisse. La jeep s’est alors arrêtée à côté de la station-service à l’entrée de Nabi Saleh. Quelques jeunes ont attendu jusqu’à ce que la jeep se mette en route, puis ils ont commencé à lui jeter des pierres, leur réaction habituelle après l’invasion du village par l’armée. Entre-temps, deux autres jeeps sont arrivées. Les soldats ont tiré des grenades lacrymogènes et des balles métalliques enrobées de caoutchouc sur la poignée de jeunes qui leur jetaient des pierres. Les soldats sont montés sur le toit d’un magasin et, de là, ont fait pleuvoir des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur tout ce qui bougeait, raconte Bilal. Les troupes sont restées dans le village jusqu’aux premières lueurs du jour, tandis qu’à l’hôpital de Safra, les médecins tentaient de sauver la vie de Mohammed. 

Une grenade assourdissante et des balles en métal à pointe éponge

Bilal, sa femme, son fils, son frère et son neveu sont restés sur le toit jusqu’à ce que Wissam soit blessé. Manal, la femme de Bilal, âgée de 50 ans, l’a conduit pour qu’il reçoive des soins médicaux. N’aviez-vous pas peur de traverser les positions des soldats ? « J’avais peur qu’ils ne me laissent pas passer, mais quand j’ai vu le sang sur la tête de Wissam, j’ai oublié toutes mes craintes », raconte-t-elle. Près de la ville nouvelle palestinienne de Rawabi, une ambulance du Croissant-Rouge les a recueillis et a transporté Wissam jusqu’à l’hôpital. Il est en onzième année et a manqué le dernier de ses examens de fin d’année, en langue arabe, à cause de sa blessure. Il dit qu’il demandera une seconde session. Il a également manqué la fête de fin d’année de l’école.

Les soldats sont revenus à Nabi Saleh dans la nuit de samedi à dimanche. Cette fois, ils ont pris possession de la terrasse de la maison de Manal et Bilal. Lundi, nous sommes montés sur la terrasse, une ascension difficile et dangereuse. Des douilles jonchent encore le sol. En contrebas, tout le village se déploie. Ici, c’est la maison d’Ahed Tamimi, là-bas ce sont les maisons du premier Mohammed Tamimi qui a été tué, du deuxième Mohammed Tamimi et du troisième, qui a été enterré mardi dernier.

La maison dans laquelle vivait le petit Mohammed était vide cette semaine. La famille a préféré se recueillir dans la maison du grand-père, plus éloignée de la tour militaire. C’est de cette maison que provenaient les pleurs.

Les funérailles de Mohammed à Nabi Saleh le mardi 6 juin Photo: AHMAD GHARABLI/AFP



Comparaison d'un trajet similaire entre Nabi Saleh et Ramallah pour une voiture palestinienne (à gauche) et entre les colonies israéliennes de Halamish et Psagot pour une voiture israélienne (la durée pour la voiture palestinienne suppose que les postes de contrôle militaires ne sont pas opérationnels à ce moment-là).  Source : Léopold Lambert, The Funambulist, 2018

04/06/2023

GIDEON LEVY
Peu de gens ont entendu parler du bébé Mohammed. Ceux qui entendront parler de ses assassins seront encore moins nombreux

ACTUALISATION

Le petit Mohammed Tamimi est mort ce lundi 5 juin 2023

 Gideon Levy, Haaretz, 4/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À l’âge de deux ans et demi, les enfants peuvent déjà parler un peu. Ils ne sont pas encore sevrés. À deux ans et demi, ils ont encore besoin d’un coup de main pour monter les escaliers. À deux ans et demi, ils n’ont pas encore peur, c’est pourquoi vous ne pouvez pas les quitter des yeux une minute. À deux ans et demi, ils commencent à se souvenir. À deux ans et demi, ils ne peuvent pas encore utiliser de siège d’appoint. La loi stipule qu’ils doivent utiliser un siège auto pour bébé jusqu’à l’âge de trois ans.

Mohammed Tamimi n’a que deux ans et demi, et il se peut qu’il n’atteigne jamais l’âge de trois ans. Vendredi après-midi, il était allongé dans un état critique à l’unité de soins intensifs de l’hôpital pour enfants Safra du centre médical de Sheba, ses médecins attendant que son état s’améliore pour pouvoir l’opérer. Les soldats israéliens lui avaient tiré une balle dans la tête, blessant également son père.

Les deux ont quitté leur maison dans le village de Nabi Saleh jeudi soir, alors qu’ils se rendaient à une visite familiale. Ils sont montés dans leur voiture, Bilal le père a allumé les phares et les soldats ont immédiatement tiré quatre ou cinq balles dans leur direction.

L’armée a confirmé que les soldats avaient tiré sur le bébé, et elle n’en a pas honte. Le porte-parole militaire s’est contenté de dire qu’il “regrettait” l’incident - ce mot retenu, avare, à glacer le sang, forcé, gardé précisément pour de telles occasions. L’armée “regrette” toujours que des personnes “non impliquées” soient blessées. L’enfant Mohammed n’était pas impliqué. L’affaire fera l’objet d’une “enquête”.

Les photos du militant contre la réforme judiciaire Moshe Redman, légèrement blessé lors d’une manifestation à Césarée, à l’hôpital, ont davantage choqué en Israël au cours du week-end que celles du bébé Mohammed, les yeux couverts, la tête bandée, des tubes enfoncés dans la bouche et dans le corps.

Sur une autre photo, prise quelques minutes après qu’il avait été touché, on voit un nourrisson aux cheveux clairs et bouclés, avec un visage de bébé et une profonde blessure par balle à la tempe droite, le sang coulant sur le trottoir. Son père se trouvait toujours à l’hôpital al-Istishari de Ramallah vendredi, avec une blessure par balle à la poitrine et des éclats de projectile dans le cou. Sa mère et son oncle étaient à côté du bébé. L’armée a exprimé ses “regrets”.

Juste après que le bébé et son père ont été abattus, le village de Nabi Saleh, vétéran de la protestation, était naturellement en ébullition. Et qu’a fait l’armée ? Elle a décidé que la seule chose logique à faire était de prendre le village par la force pour lui donner une leçon, blesser d’autres villageois et peut-être en tuer quelques-uns. Deux villageois ont été blessés sur le toit de leur maison.


Mohammed et son père Bilal

La dernière fois que j’ai visité Nabi Saleh, c’était juste après l’assassinat de Qusay Tamimi, 19 ans. Dans la maison d’un autre Mohammed portant le même nom que l’enfant blessé, un apiculteur de 83 ans, j’ai appris que les soldats avaient tué Qusay parce qu’il avait mis le feu à un pneu.

Le vieux Mohammed Tamimi et le nourrisson éponyme vivent dans des maisons proches de la tour de guet. Nabi Saleh est un village emprisonné, dont l’entrée est gardée par une tour fortifiée. De temps en temps, des jeunes se rebellent et lancent des pierres ou tirent sur la tour humiliante et exaspérante qui assiège leur village depuis 15 ans. Les soldats de la tour ouvrent alors le feu, blessant et tuant des gens. C’est la routine sous l’occupation, qui fêtera son 56e  anniversaire mardi.

Il est peu probable que Mohammed soit la dernière victime d’ici là. De longues heures nous attendent, et il n’y a que peu de jours sans victimes sous cette occupation. Il est peu probable qu’il se remette de sa grave blessure : les balles des soldats ont atteint sa petite tête.

Mohammed n’est pas Shalhevet Pass, le bébé tué par balle à Hébron en 2001, et peu de gens ont entendu parler de lui. Et encore moins de gens entendront parler de ses assassins. Les Palestiniens qui ont tué Pass ont été décrits comme des terroristes cruels, assoiffés de sang, des animaux humains, des tueurs de bébés. Le soldat qui a tiré une balle dans la tête du petit Mohammed est un soldat d’une armée morale, la plus morale du monde, une armée dont le seul but est de défendre son faible pays qui est attaqué.

Le soldat n’avait pas l’intention de tuer le nourrisson, mais seulement de tirer à l’aveuglette sur la voiture de son père qui était garée devant leur maison. Après ça, que serà serà. L’IDF a exprimé ses “regrets” comme aucune autre armée ne le fait. Salut au soldat qui a tiré une balle dans la tête de Mohammed Tamimi. C’est un héros israélien.

 

12/11/2022

GIDEON LEVY
Un jeune Palestinien a mis le feu à un pneu pendant une manifestation. Des snipers israéliens l'ont abattu

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 12/11/2022Fausto Giudice, Tlaxcala

Quand on a appris que cinq Palestiniens avaient été tués ce soir-là par des soldats à Naplouse, il est allé avec des amis protester près de la tour de garde de l'armée qui se dresse au-dessus de son village. Il a mis le feu à un pneu, puis des tireurs d'élite ont tué Qusai Tamimi, 19 ans, à une distance de plusieurs dizaines de mètres.

Le père endeuillé Mahmoud Tamimi. « Le moment approche où le peuple palestinien lancera une guerre de libération. Ça ne prendra pas beaucoup plus de temps ».

La maison la plus proche de la tour de garde de l'armée appartient à Mohammed Tamimi, un fermier de 83 ans qui élève des abeilles et des poulets et cultive également des’ oliviers – le tout dans sa petite cour. Un panneau sur la porte de fer offre du “miel de montagne” à vendre. Tamimi nous exhorte à regarder les ruches que les soldats israéliens ont démolies au fil des ans, la Subaru de 1986 qu'ils ont incendiée et les nombreuses cartouches de gaz lacrymogène répandues parmi les oliviers. Il n'est pas facile de vivre dans une maison attenante à une tour de garde surveillant un petit village palestinien qui a choisi la voie de la résistance non violente et y a persévéré depuis 13 ans.

Tamimi a construit sa maison à Nabi Saleh en 1965, avant l'occupation israélienne, et y vit avec sa femme âgée de 75 ans. Les Forces de défense israéliennes ont construit la tour fortifiée il y a 20 ans, pendant la deuxième Intifada. Depuis lors, la route menant au nord du village a été bloquée par des soldats stationnés dans la tour, tyrannisant les locaux jour et nuit par leur simple présence criminelle.

Nous aussi, nous sommes maintenant observés. Trois soldats se tiennent en haut de la tour, d'où la bannière rouge et blanche des parachutistes flotte fièrement, et ils nous regardent à travers des jumelles. On est à environ 70 mètres. À mi-chemin entre nous se trouve la porte de fer verrouillée qui mène au village – la porte était jaune, comme la plupart des portes des localités palestiniennes en Cisjordanie, maintenant elle est noircie par le feu.

Il y a environ deux semaines, alors qu'un autre groupe de personnes se tenait ici, en face des soldats, les troupes n'ont pas hésité à tirer et à tuer l'un d'eux après qu'il eut osé mettre le feu à un pneu pour protester contre les événements qui s’étaient déroulés le soir même à Naplouse. Tamimi et sa femme se réveillèrent effrayés en entendant les coups de feu. Il dit qu'il est souvent tiré de son sommeil par des soldats grimpant sur son toit, se comportant comme si l'endroit était à eux.

Nabi Saleh, un ancien village du centre de la Cisjordanie, se trouve en face de la colonie de Halamish – qui a été construite sur les terres du village. La protestation ne s'est jamais arrêtée ici. Cinq drapeaux palestiniens ont été hissés aux abords du village, comme pour défier les colons halamishites, à la suite d'un incident qui s'est produit il y a quelques semaines et au cours duquel des colons sont entrés dans le village et ont abattu des drapeaux palestiniens. Halamish se contente d'un drapeau israélien.

Sept villageois ont été tués ici lors de manifestations depuis 2009, année au cours de laquelle la campagne de protestation de Nabi Saleh a été lancée à la suite du vol par Halamish de plus de la moitié de ses terres.

Qusai Tamimi était la septième personne à y être tuée, la dernière pour le moment. Tous les 550 résidents de Nabi Saleh sont membres du clan Tamimi et partagent ce nom. La plus célèbre d'entre eux est Ahed Tamimi, alors âgée de 16 ans, qui a giflé un officier de Tsahal en 2017, a été condamnée pour des actes criminels contre des soldats, emprisonnée pendant huit mois et a ainsi été transformée en héroïne. Qusai, qui avait 19 ans, était son cousin : le frère d'Ahed, Waed, était avec lui le dernier soir de sa vie et, de loin, a vu les soldats le tuer.

Mohammed Tamimi près des ruches que les soldats israéliens ont démolies.

10/11/2022

AHED TAMIMI/DENA TAKRURI
“Les faits racontent une autre histoire”
Extrait de “They Called Me a Lioness” [Ils m'ont appelé une lionne]

 

They Called Me a Lioness
A Palestinian Girl's Fight for Freedom

Hardcover $27.00 Ebook  $13.99 Audio $17.50 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Enfance

J'ai grandi dans un petit village de Cisjordanie appelé Nabi Saleh. C'est à vingt-cinq minutes en voiture au nord-ouest de Ramallah, la ville vibrante et en plein essor qui est un centre culturel et commercial pour les Palestiniens. Nabi Saleh, en revanche, est petit et simple. Nous avons une école, une mosquée, un petit marché et une station-service. Le plus important, nous sommes là les uns pour les autres. Les six cents habitants de mon village sont tous liés par le sang ou le mariage, et font partie de la famille Tamimi élargie. Mes camarades de classe et mes amis étaient aussi mes cousins. C'est une communauté soudée où tout le monde veille sur tout le monde. Et c'est comme ça depuis des centaines d'années.

À première vue, Nabi Saleh semble être un endroit paisible. C'est un village calme et idyllique, qui abrite d'innombrables collines parsemées d'oliviers entre lesquels des chevaux sauvages et des ânes errent souvent. Des couchers de soleil omprenables jettent dans le ciel des nuances magiques de rouge, de pourpre et d'or. Les enfants jouent dehors librement, courent de maison en maison, trouvant généralement un adulte accueillant pour remplir leur ventre avec un repas cuisiné à la maison.

Mais les premières impressions ne racontent pas toute l'histoire. Pour cela, il faut regarder de l'autre côté de la route principale de notre village, vers la colline de l'autre côté de la vallée. C'est là que se trouve la colonie juive israélienne de Halamish, une communauté fortifiée avec des maisons soigneusement aménagées à toit de tuiles rouges, des pelouses entretenues, des terrains de jeux et une piscine. Mais Halamish n’a pas été toujours là. Elle a été établie illégalement sur les terres de notre village en 1977. C'est l'une des centaines de colonies israéliennes construites sur des terres palestiniennes en violation du droit international. Ces colonies sont essentiellement des colonies juives israéliennes, et elles continuent de se multiplier aux dépens de la population palestinienne autochtone. Au fil des ans, nous avons assisté à l'expansion rampante de Halamish, ses colons confisquant plus de nos terres et de nos ressources avec le plein accord de l'État d'Israël. Pas seulement l'approbation, mais la facilitation, aussi. Israël a installé une base militaire juste à côté de la colonie, pour protéger ses habitants et faire de notre vie dans le village un enfer.

Mais Nabi Saleh n'est qu'un microcosme de Palestine. Au cours du siècle dernier, le peuple palestinien a combattu les efforts sionistes pour prendre de plus en plus de nos terres. Le sionisme est un mouvement nationaliste qui a commencé parmi certains juifs européens à la fin du XIXe siècle. Ses fondateurs croyaient que la réponse à l'antisémitisme croissant en Europe était pour les Juifs de s'installer en Palestine, qui était encore un territoire de l'Empire ottoman à l'époque, peuplé par des Arabes qui étaient majoritairement musulmans, avec des minorités chrétienne et juive, aussi. Seule une poignée de Juifs répondirent à l'appel, mais pendant la Première Guerre mondiale, le mouvement sioniste obtint une aide importante de l'Empire britannique. En 1917, les Britanniques publièrent la Déclaration Balfour, qui s'engageait à établir « un foyer national pour le peuple juif » en Palestine. À la fin de la Première Guerre mondiale, les Britanniques avaient pris le contrôle de la Palestine des Ottomans. Sous leur domination coloniale dans les années qui ont suivi, période connue sous le nom de Mandat britannique, ils ont tenu leur promesse de 1917 en facilitant l'immigration de milliers d'autres Juifs européens en Palestine. Ce faisant, les Britanniques ont cédé des terres qui n'étaient pas les leurs, sans tenir compte de la population autochtone majoritaire qui y vivait : les Palestiniens.

09/11/2022

SHEREN FALAH SAAB
Le livre de mémoires d’Ahed Tamimi sert mal la lutte contre l'occupation israélienne

Sheren Falah Saab, Haaretz, 9/11/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Sheren Falah Saab est une journaliste druze israélienne qui écrit sur la culture dans le monde arabe pour le quotidien  Haaretz. Elle est titulaire d'une maîtrise en études sur les femmes et le genre et vit à Kafr Abu Snan en Galilée occidentale. Mère de deux filles, elle écrit un blog sur le site de Haaretz (en hébreu). @FalahSaab

 

Ahed Tamimi, l'adolescente qui est allée en prison en 2018 pour avoir giflé un soldat israélien, se présente comme une icône de la résistance, mais on aurait pu s’attendre à des perspectives plus approfondies

Ce n'était qu'un vendredi ordinaire dans le village palestinien de Nabi Saleh. Les résidents sont sortis pour manifester en brandissant des drapeaux palestiniens, se dirigeant vers la source d'Aïn al-Kus qui a été un point de friction entre la population locale et les colons depuis 2009.

La famille Tamimi a aidé à diriger la manifestation, qui a été organisée pour lancer un cri contre les injustices de l'occupation et du vol de terres. Ahed Tamimi, alors adolescente, s'est jointe à ses parents lors de la manifestation ; sa mère a été arrêtée par des soldats israéliens ce jour-là.

« Mon cœur n’a fait qu’un bon, et j'ai commencé à crier », écrit Tamimi dans ses mémoires, « Ils m'ont appelée une lionne », qui vient d’être publié en anglais. «Avec ce qui semblait être tous les habitants de Nabi Saleh, j'ai couru jusqu'à la rue principale à l'entrée du village. “Mama !”, ai-je crié frénétiquement avec une voix perçante alors que je la cherchais, craignant de la perdre à jamais. « “Maaaaamaaaaaa ! ” »

Ahed Tamimi, alors âgée de 11 ans, fait face à des soldats à Nabi Saleh en Cisjordanie, en 2012. Photo : Majdi Mohammed/AP

Quatre ans après que Tamimi a fait la une des journaux quand elle a été filmée en train de gifler un soldat israélien à son domicile de Nabi Saleh au nord-ouest de Ramallah, son livre emmène les lecteurs dans son voyage personnel. Elle raconte des souvenirs de son enfance, parle de parents qui ont été tués dans des affrontements avec des soldats israéliens et tente de se présenter comme une icône palestinienne et un symbole de résistance à l'occupation.

Après que la vidéo de Tamimi giflant le soldat est devenue virale dans le monde entier, elle a été reconnue coupable d'avoir agressé à la fois un officier et un soldat et condamnée à huit mois de prison. À cette époque, sa photo était brandie par des manifestants qui réclamaient sa libération.

La couverture du livre présente un portrait dessiné de Tamimi avec sa crinière luxuriante familière et un kefieh autour de son cou. Tamimi se rend compte que l'attention dont elle a bénéficié depuis sa libération de prison en 2018 et la publication de son livre ne dureront pas éternellement. Dans ses mémoires, elle dit à plusieurs reprises qu'elle n'est plus une fille, que huit mois dans une prison israélienne l'ont transformée en une femme attachée à lutter pour la libération de la Palestine.

Le livre ne dit rien de nouveau aux lecteurs sur une situation familière à quiconque a déjà visité la Cisjordanie occupée – la prise de terres palestiniennes par les colons, les constructions dans les colonies et les soldats qui sont toujours quelque part dans le paysage, arrêtant les manifestants et soutenant les colons.

Tamimi décrit en détail les événements qui ont précédé sa gifle au soldat, la nuit de son arrestation, son transfert en prison et sa rencontre avec les juges et son avocate, Gaby Lasky.

Surtout, Tamimi veut dire au monde qu'elle a été une partie importante de la lutte et a cherché à en rester une même après avoir été menottée et derrière les barreaux. Elle a écrit ses mémoires avec la journaliste d'Al Jazeera Dena Takruri, qu'elle a rencontrée en 2018 et avec laquelle elle est restée en contact.

L’aspect de Tamimi, en particulier ses yeux bleus et ses boucles dorées, ont attiré l'attention à la fois en Israël et à l'étranger. Elle l'admet dans son livre et note même que certaines personnes en Europe se sont identifiées à elle uniquement en raison de son apparence « blanche ».

Dans de nombreuses parties du livre, elle décrit comment elle est devenue un symbole palestinien. Pourtant, il n'est pas clair pourquoi il était si urgent pour une femme de 21 ans de raconter son histoire en ce moment particulier.

Il y a quelque chose de très immature dans la façon dont elle décrit la lutte palestinienne. Selon elle, le monde est divisé en bons et en méchants, Palestiniens et Israéliens, noirs et blancs.

Tamimi en garde à vue discutant avec son avocate, Gaby Lasky, en 2018. Photo : Ahmad Gharabli/AFP

Elle rate donc les zones grises qu'elle décrit elle-même dans des chapitres sur les manifestations et ses rencontres avec des militants israéliens de gauche, qui se sont souvent joints aux manifestations de Nabi Saleh. Précisément en raison de ses propres expériences et de ses rencontres avec des militants de gauche, nous nous attendions à ce qu'elle ait une meilleure compréhension du conflit israélo-palestinien. Elle aurait pu étendre la toile à cette lutte commune.

Mais apparemment Tamimi sentait qu'elle n'avait pas de temps à perdre. Elle voulait profiter de l'adoration qui l'entourait.

Dans le chapitre sur sa détention, elle décrit ses conversations avec d'autres prisonnières palestiniennes, dont Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien représentant le Front populaire pour la libération de la Palestine. La chose la plus intéressante dans le livre est ce que Jarrar lui dit : « En même temps, en tant que Palestiniens, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes et reconnaître que nos problèmes ne seront pas résolus instantanément une fois que nous aurons mis fin à l'occupation. »

Cette idée est probablement apparue plus d'une fois dans les conversations de Tamimi avec Jarrar, une marxiste laïque qui lutte pour la libération des femmes dans les sociétés arabes. Mais comme pour les chapitres précédents, Tamimi ne tient pas davantage compte des paroles de Jarrar. Elle passe immédiatement à autre chose.

Dans le passé, Tamimi a été critiquée par certains Palestiniens pour se concentrer uniquement sur elle-même et sur l'histoire de sa gifle. Dans le livre aussi, elle est profondément immergée en elle-même et ne fait pas la lumière sur les Palestiniens qui n'ont pas reçu la couverture médiatique qu'elle a eu, même si eux aussi ont des histoires à raconter, parfois plus cruelles que les siennes.

Il semble que tout le livre a besoin de quelques selfies pour compléter le portrait de la génération perdue de jeunes Palestiniens de Tamimi pris entre un passé douloureux et un avenir sans horizon.

En fin de compte, les mémoires de Tamimi servent mal la lutte palestinienne parce qu’elles adoptent un populisme nationaliste et ne jettent pas un regard plus profond sur la lutte palestinienne après plus de 55 ans d'occupation. Le livre laisse un goût amer parce que Tamimi s'accroche à l'approche de la lutte jusqu’à la dernière goutte de sang et croit même que c'est le travail des jeunes Palestiniens d'agir seuls pour libérer la Palestine et rester dans le cycle de l'effusion de sang.

La seule conclusion de ce livre est que Tamimi ne sera jamais le Mahatma Gandhi palestinien. La société palestinienne n'a pas de véritable dirigeant capable de redéfinir les limites de la lutte contre l'occupation tout en s'attaquant à des questions brûlantes comme les droits des femmes et des LGBTQ. Dans ce contexte, elle se sent à l'aise de se qualifier de « lionne » et de se présenter comme le visage moderne de la lutte palestinienne.


Ahed Tamimi
and Dena Takruri
They Called Me a Lioness

A Palestinian Girl's Fight for Freedom

Hardcover $27.00 Ebook  $13.99 Audio $17.50  

Lire la traduction d'un extrait du livre ici  

Note du traducteur : je trouve cette critique très injuste et même un tantinet choquante, et ne l'ai traduite que pour faire connaître l'état d'esprit qui peut régner dans certains milieux post-modernes "arabes israéliens" prônant "l'intersectionnalité"   "politically correct". Et j'ai des doutes sérieux quand au besoin qu'aurait le peuple palestinien d'un Mahatma Gandhi, lequel n'a, à ma connaissance, jamais combattu pour les droits des femmes, pour ne pas parler des LGBTQ+.-FGHaut du formulaire