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23/01/2025

GIDEON LEVY
Les embouteillages en Cisjordanie sont la victoire de Smotrich
Scènes de la vie quotidienne en Cisjordanie occupée au temps des pogroms et du cessez-le-feu à Gaza

Ramallah est distante de Tel Aviv de 62 km. Lundi dernier, le voyage a duré six heures

Gideon Levy  Haaretz , 23/1/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Cette semaine, j’ai été un sous-homme. Seulement pour une (longue) soirée, mais quand même, une expérience sous-humaine.

Véhicules au point de contrôle israélien d’Atara près de Ramallah en Cisjordanie, mercredi. Photo: Zain Jaafar/AFP


Lundi, je me suis rendu à Ramallah avec Alex Levac pour rencontrer Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien, qui a été libérée cette nuit-là dans le cadre de l’accord sur les otages. Ce matin-là, nous nous étions rendus à Hébron pour couvrir un autre sujet et, à l’entrée de la ville, nous avons rencontré d’énormes embouteillages. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’une coïncidence.

Des voyageurs attendent dans leurs véhicules au poste de contrôle israélien d’Atara, près de Ramallah, en Cisjordanie, mercredi.Photo  Zain Jaafar/AFP

Dans l’après-midi, nous nous sommes rendus à Ramallah. Après avoir rencontré Mme Jarrar lors de la cérémonie d’accueil organisée en son honneur, nous sommes retournés à Tel-Aviv.

De la vieille ville de Ramallah au poste de contrôle de Qalandiya, la circulation s’est déroulée à son rythme habituel, cinq kilomètres à l’heure les bons jours. Au bout d’une heure, nous avons atteint Qalandiya et tourné à l’est vers le point de contrôle de Hizme, à trois ou quatre kilomètres de là.

Un croissant de lune rouge s’élevait dans le ciel et nous pensions être à Tel Aviv dans une heure ou une heure et demie. Après un court trajet, la circulation s’est soudainement arrêtée. Un petit retard, pensions-nous, ce n’est pas trop grave. Il était environ 18 heures. L’embouteillage a rapidement pris de l’ampleur. C’était l’heure à laquelle les gens rentrent du travail.

Pendant les six heures qui ont suivi, nous avons été condamnés à attendre dans une file interminable de voitures palestiniennes - il n’y a pas de colons sur cette route - et à attendre. Nous sommes rentrés à la maison à 1h30 du matin.

Les premières heures se sont écoulées tant bien que mal. La barrière de séparation placée au milieu de la route à la suite d’un accident de la circulation survenu ici en 2012 - au cours duquel six enfants palestiniens et un enseignant ont été tués, et des dizaines d’autres blessés dans un bus - nous a conduits dans un cul-de-sac, sans possibilité de revenir en arrière, ni de faire demi-tour.

Il y avait une ambulance, des parents se précipitant vers leurs enfants, sans aucune exception pour les passagers d’une jeep décorée de fleurs, transportant un marié à son mariage.


Les services de secours palestiniens en 2012, après un accident mortel à l’extérieur de la ville de Ramallah, en Cisjordanie. Photo Reuters

À l’horizon, nous pouvions voir les feux jaunes clignotants d’une jeep de l’armée. Plus loin sur la route, des soldats se trouvaient au poste de contrôle, non loin de la colonie de Geva Binyamin.

D’habitude, ce poste de contrôle n’est pas gardé. Il ne s’agit pas d’un point d’entrée en Israël, mais les soldats ne laissent passer aucune voiture. Au bout de deux heures, peut-être trois, qui compte, ils ont commencé à autoriser les voitures à avancer.


Voici la procédure : un conducteur entrant dans la zone du point de contrôle devait éteindre son moteur et ses feux. Un soldat bien protégé et chaudement vêtu s’approchait de la voiture pour vérifier les papiers d’identité.


Il prenait le document de côté et vérifiait les détails sur un ordinateur. Parfois, les passagers ont été priés de sortir de la voiture. À une occasion, les soldats ont utilisé du gaz lacrymogène. Lorsqu’une camionnette commerciale a soudainement franchi le poste de contrôle à toute vitesse, phares éteints, les soldats n’ont rien fait ; peut-être ne l’ont-ils pas remarquée, ce qui nous a évité les coups de feu et la fermeture du poste de contrôle.


Nous avons calculé une moyenne de cinq minutes par voiture, avec une pause entre les voitures, peut-être pour donner aux soldats une chance de retourner jouer avec leurs téléphones portables. Il y a quelques années, nous avions vu une ambulance palestinienne attendre une demi-heure pendant que des soldats jouaient au backgammon. Les temps ont changé, maintenant ils jouent sur leurs téléphones portables. Des dizaines de voitures nous précédaient, des centaines nous suivaient.


Pendant ce temps, des rapports sur les pogroms dans les villages de Jinsafut et d’Al Funduq ont commencé à arriver, et des dizaines de nouveaux points de contrôle ont été érigés à travers la Cisjordanie.

 
Une prisonnière palestinienne libérée dans le cadre de léchange de prisonniers, à Ramallah, en Cisjordanie, lundi. Photo Ammar Awad/Reuters

C’était un autre coût de l’accord sur les otages : des pogroms sous les auspices de l’armée, avec des dizaines de nouveaux points de contrôle instantanés, tout cela dans le but d’apaiser Bezalel Smotrich et ses gangs et d’empêcher les Palestiniens de profiter de la libération de leurs propres otages.

Nous sommes restés six heures sur place, plus longtemps qu’un vol pour Londres. Si la rage qui régnait cette nuit-là à ce poste de contrôle ne conduit pas l’un des conducteurs au terrorisme, alors les Palestiniens font partie des nations les plus modérées, les plus tolérantes et les plus non violentes.


Lorsque notre tour est enfin arrivé, alors que les soldats nous aboyaient des ordres en arabe, une femme soldat est soudainement sortie du poste de soldats, a replié la barrière et a demandé à ses camarades de partir. Elles se disent probablement que leur service militaire est « plein de sens ». Il est un peu plus de minuit. Le croissant de lune rouge était devenue blanc.