Gideon Levy, Haaretz, 11/6/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Hélas ! Malheur à nous, car nous avons péché : cinq pays ont imposé des sanctions au ministre des finances Bezalel Smotrich et au ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. La guerre à Gaza va maintenant cesser immédiatement, et peut-être aussi l’occupation, certainement l’apartheid.
Emad Hajjaj
Smotrich, qui a consacré sa vie à l’étude
des œuvres d’Ibsen et aime parcourir les rues d’Oslo, inspiré par les drames,
ne pourra plus visiter la Norvège.
Ben-Gvir, l’ornithologue passionné, ne
pourra plus traquer le kiwi, cet oiseau fascinant dont l’unique habitat est la
Nouvelle-Zélande. Ces deux pays, ainsi que la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie,
ont décidé d’infliger à ces deux messieurs une punition qu’eux-mêmes, le
gouvernement et l’opinion publique israélienne ne pourront probablement pas
supporter. Vilains, vilains, Bezalel et Itamar, tsk, tsk, tsk ! Les deux
mauvais garçons d’Israël resteront au coin.
Il est difficile de savoir si les
gouvernements de ces pays sont naïfs ou lâches. Se contentent-ils de belles
paroles ou croient-ils vraiment que cette punition aura un effet quelconque sur
les actions d’Israël ? D’un certain point de vue, cette mesure est certainement
la bienvenue. Enfin, les pays prennent des mesures
concrètes et pas seulement des paroles en l’air, ce qui pourrait,
espérons-le, en appeler d’autres.
Peut-être que ce pas minuscule et
ridicule n’est destiné qu’à réveiller un monde qui s’est endormi paisiblement
au milieu du massacre de Gaza, et que dans son sillage viendra le déluge.
Pourtant, d’un autre point de vue, on ne peut s’empêcher de se moquer. Nous
méritons beaucoup plus.
La décision de ces pays se fonde sur un
certain nombre de déclarations dégoûtantes de nos deux ministres. Ils se
gardent bien de les punir pour leurs actes. Ce n’est pas bien, Bezalel, que tu
aies dit Huwara doit être rayé de la
carte. “Mort aux Arabes”, Itamar ?
Outre ces distinctions entre les mauvais
garçons et le bon gouvernement, tous ceux qui menacent d’imposer des sanctions
prennent également soin de faire la distinction entre le gouvernement et le
peuple. Tout cela est la faute du Premier ministre Benjamin Netanyahou et de
son gouvernement, et pas la vôtre, chers Israéliens. Nous voulons maintenir
avec vous des relations de “forte amitié” et de “valeurs partagées”. Ce n’est
pas tous les jours que l’on a la seule démocratie du Moyen-Orient avec l’armée
la plus morale du monde.
Les cinq pays qui ont fait les premiers
pas ont rejoint les USA de l’administration précédente, qui ont imposé des
sanctions personnelles à deux colons violents et demi. Telle est la contribution usaméricaine qui a précédé la
guerre contre l’apartheid. Mais l’apartheid a regardé droit dans le blanc des
yeux de ces sanctions, et s’est encore renforcé, de même que la violence des
colons.
Il en va de même pour la détermination de
Smotrich et Ben-Gvir à être les pires pécheurs. Quatre pays du Commonwealth
britannique et la Norvège se sont rendu la vie facile. Ce qu’Israël fait dans
la bande de Gaza n’est pas dû à Ben-Gvir et Smotrich. Ils ne sont même pas les
principaux coupables. Les blâmer, et eux seuls, relève de l’autosatisfaction et
de l’hypocrisie.
La bande de Gaza et Israël attendent
désespérément des sanctions internationales qui mettront fin au massacre de
Gaza. Nous ne pouvons plus attendre, les marmonnements comme ceux des cinq pays
ne suffiront pas. Le massacre ne s’arrêtera pas sans sanctions, et le massacre
ne peut pas continuer.
Les sanctions doivent viser l’ensemble du
gouvernement, de Netanyahou, qui est poursuivi par la Cour pénale internationale. Les sanctions devraient
également viser les officiers militaires et les bureaucrates qui se livrent au
massacre à Gaza.
Une majorité d’Israéliens, comme l’indiquent
les sondages d’opinion, soutient le massacre et et attendent même le transfert de population qui en découlera. C’est pourquoi la pression et la
punition doivent être dirigées contre Israël dans son intégralité.
Et nous ne pouvons pas continuer sans un
intermède comique : le big boss de la “résistance israélienne”, Benny Gantz,
chef du parti de l’Unité nationale, voit dans la décision de sanctions contre
Smotrich et Ben-Gvir “un profond échec moral de la part du monde”. Diplomates
et décideurs, vous comprenez ? En Israël, nous sommes tous devenus Ben-Gvir et
Smotrich. Nous tous.