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24/01/2023

ROBERTO CICCARELLI
Lagarde à Davos : “La réouverture de la Chine va tuer beaucoup de gens, mais elle va aussi relancer l'économie”
Eloge du thanatocapitalisme

 Roberto Ciccarelli, il manifesto, 21/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Lors du Forum mondial de Davos, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a dévoilé la réalité du capitalisme, celle qui est sous les yeux de tous mais qui est mise sous le tapis : « Il est possible que le changement de politique sur le Covid en Chine tue beaucoup de gens mais ça relancera aussi l'économie ».

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne - AP

Les gens projettent parfois sur Davos des cauchemars et des fantasmes sur le mauvais fonctionnement du monde. Il y a ceux qui voient dans le Forum économique mondial qui se tient chaque année dans la ville suisse la projection d'un Léviathan régnant sur terre et sur mer ou le comité des actionnaires envoyé par l'Empire. Certains l'ont associé à la reproduction du bar de La Guerre des étoiles décrit par Obi-Wan Kenobi comme « un repaire d'ordures et de racailles jamais vues ». Aujourd'hui, il serait fréquenté par des marionnettistes ou des philanthropes discutant de l'inégalité historique des revenus ou de la crise climatique, ignorant le fait qu'ils font partie du problème. Et puis il y a Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), qui a réussi hier à tenir un discours de vérité sur le capitalisme, le Covid, l'inflation. Ce fut un lapsus tragique et révélateur.

« La Chine, a déclaré Lagarde lors d'un débat avec la directrice du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, est en train de se réveiller, à nouveau. On s'attend maintenant à ce qu'elle enregistre une croissance de 5,5 % en 2023 et nous devrions saluer son engagement à supprimer les restrictions sur le Covid. Il est possible que le changement de politique sur le Covid tue beaucoup de gens, mais il relancera aussi l'économie. C'est le choix qui a été fait par les autorités chinoises. L'impact sur nous tous sera positif, pour la Chine et le reste du monde, mais il créera aussi des pressions inflationnistes ».

La Présidente de la BCE a simplement dit ceci : il y a des vies qui sont protégées et d'autres qui peuvent être sacrifiées pour redonner de la valeur à l'économie. Connue pour son manque d'habileté à choisir le bon moment pour des définitions tranchantes, à l’égal d’un Mario Draghi, l'économiste française, ancienne directrice du FMI, devrait pourtant, un jour au moins, recevoir le prix de la meilleure définition du thanatocapitalisme. Il s'agit d'une forme de capitalisme dans laquelle le commerce, l'industrie et la finance sont fondés sur la mort et les profits qui en découlent, y sont liés et en dépendent directement ou indirectement. Lisons-le ainsi : en 2020, il y a eu la pandémie de Covid, produite par les sauts zoonotiques intraspécifiques d'un coronavirus dont la propagation a été facilitée par l'exploitation intensive des forêts et des mines en Chine, puis par les chaînes de valeur interconnectées. Les confinements en accordéon ont paralysé les réseaux mondiaux, brûlé d'immenses ressources publiques pour geler les entreprises, appauvri de larges masses et perturbé la production. Puis est arrivée une autre crise, celle de l'inflation record, venue  s'ajouter au Covid. Aujourd'hui, en Chine, le sacrifice de centaines de milliers de personnes mortes à la suite du Covid devrait servir à remettre l'économie à flot. On pourrait donc aussi lire ainsi les morts sous d'autres latitudes. C'est une vérité invisible, et digérée, sauf par les proches des victimes. Des théories philosophiques ont été créées, des courants politiques “libertariens” ont dénoncé la négation des libertés individuelles causée par les restrictions, mais peu se sont attardés sur la contradiction que Lagarde a résumée dans sa férocité nonchalante.

Lagarde a montré les autres contradictions de la reprise. En supposant qu'une nouvelle vague inflationniste ne vienne pas de Chine, la BCE (comme la Fed aux USA dans un autre contexte) continuera à relever les taux d'intérêt de peut-être un demi-point pour ramener l'inflation à 2 %, un objectif en vue d'ici 2025. « C'est mon mantra », a déclaré Lagarde. Cela augmentera le coût des dettes publiques qui ne seront pas couvertes par les politiques monétaires expansionnistes réduites ; cela renforcera la tentative de contenir les salaires ; cela augmentera le chômage. Créer la crise sociale pour retrouver la croissance : c'est le prix à payer pour la “reprise”, a déclaré le gouverneur de la Réserve fédérale US, Jerome Powell.

Aux gouvernements, comme celui de Meloni en Italie, Lagarde a lancé une invitation à resserrer les comptes publics dans le cadre d'une nouvelle politique d'austérité qui fait suite aux aides exceptionnelles accordées aux gouvernements pendant la phase aiguë de la pandémie. L'appel est de limiter ces aides aux “groupes les plus faibles”, à l'opposé de ce que fait Meloni avec la réduction du revenu de citoyenneté. Mais il reste à savoir si la modération budgétaire ne va pas également porter atteinte à ce paupérisme, comme cela s'est produit lors de la crise de 2007-2015, par exemple. Ou que les fameux investissements “PNRR” [Plan national de relance et de résilience] serviront à soutenir une croissance anémique. En tout état de cause, la BCE pourrait relever ses taux “plus qu'elle ne le souhaiterait” si les gouvernements ne parviennent pas à maîtriser l'inflation. Ce qui aggraverait éventuellement la récession.

 

15/01/2023

  SERGIO FERRARI
16-20 janvier 2023 : Davos se cherche une boussole
Un forum dévalué


Sergio Ferrari , 14 janvier 2023
Traduit par 
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Les riches et les puissants se pressent à Davos pour discuter à huis clos du climat et des inégalités en utilisant le moyen de transport le plus inégalitaire et le plus polluant : le jet privé », souligne l'ONG internationale Greenpeace...La planète Terre, en flammes, cherche et attend toujours des solutions climatiques, la démocratie et la relance économique avec équité. Une société mondiale plongée dans l'incertitude. Et dans ce concert, un Davos dévalué. On prend les mêmes et on recommence.

La société civile ne renonce pas à ses critiques

Du 16 au 20 janvier, le Forum économique mondial se réunira à nouveau à Davos sous le thème “De la coopération dans un monde fragmenté”. Plus de 2 500 participants, dont une cinquantaine de chefs d'État ou de gouvernement, arriveront dans la station d'hiver des Alpes. Contrairement au passé, à l'exception du chancelier allemand Olaf Scholz, aucun dirigeant de grande puissance n'a confirmé son voyage à Davos. 

Comme de coutume, des représentants du monde des affaires, de la politique, de la science et de la culture arrivent. Selon les autorités suisses, entre 200 et 300 d'entre eux sont protégés par le droit international (par exemple, des chefs d'État et de gouvernement, des ministres ou des représentants de haut rang d'organisations internationales), ce qui nécessite une sécurité accrue.

Le dispositif de sécurité du Forum économique mondial (WEF) coûtera environ 9,7 millions de dollars, dont un tiers sera financé par le Forum lui-même et le reste par les autorités fédérales, cantonales et municipales suisses, c'est-à-dire les contribuables suisses. Ce facteur a été critiqué à plusieurs reprises par les médias nationaux, qui mettent en cause cette participation excessive de l'État à une initiative privée.

Un monde en crise

Comme le soulignent les organisateurs du Forum, le monde est confronté à une crise débilitante. Ils ajoutent que les conséquences de la pandémie de Covid-19 et la guerre inattendue entre la Russie et l'Ukraine augmentent l'incertitude mondiale, ce qui entraîne une forte baisse de la croissance et une hausse significative de l'inflation. Cela exige des solutions audacieuses et collectives.

Le 53e Forum de Davos s'articulera autour de cinq axes thématiques : les crises énergétique et alimentaire ; l'économie dans une période de forte inflation, de faible croissance et d'endettement élevé ; les contraintes pesant sur l'industrie ; la vulnérabilité sociale dans le contexte d'un nouveau système de travail ; ainsi que les risques géopolitiques dans le cadre d'un nouveau système mondial multipolaire.

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