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14/11/2023

LORENZO POLI
Haganah et Irgoun, la naissance du terrorisme sioniste

Lorenzo Poli, InfoPal, 19/10/2023
Traduit de l’italien par Rosa Llorens, Tlaxcala

Lorenzo Poli est étudiant de Sciences politiques en Relations Internationales et Droits de l'homme à l'Université de Padoue (Italie). Passionné par l'actualité politique et la politique internationale, il collabore avec divers médias, dont InfoPal, Pressenza Italia et Palestine Chronicle Italia.

       

Membres de la Haganah en exercice dans la vallée de Jezreel pendant la guerre, 3 mars 1948 (Zoltan Kluger/GPO)

Qu'est-ce que le "terrorisme islamique" ?

Aujourd'hui, l'opinion publique occidentale est horrifiée par les actions de la résistance armée palestinienne, qu'elle qualifie improprement de "terrorisme islamique". Pendant ce temps, les grands médias s'évertuent à superposer la résistance palestinienne au "terrorisme islamique", mettant  tout dans le même sac et générant encore plus de confusion qu'il n'y en a déjà. Rappelons que l'histoire et la géopolitique nous enseignent que les organisations  fondamentalistes et terroristes de marque islamique sont à ce jour Al-Qaïda, le Front Al-Nosra en Syrie et au Liban, Al-Shabaab en Somalie, Daesh en Irak et en Syrie, et les ex-membres d’Al-Qaïda de la "résistance modérée" syrienne. Il s'agit d'organisations - soutenues et souvent créées par les services de renseignement occidentaux   dans le cadre des ordres du jour de l'OTAN - qui se référaient au salafisme wahhabite, une doctrine que la Conférence Islamique mondiale de Grozny a déclarée en 2016 "non sunnite" et donc non considérée comme "islamiques". Selon la Conférence Islamique de Grozny, le salafisme wahhabite pourrait relever de la définition du néo-kharidjisme, en reprenant la définition du kharidjisme comme une secte née en 657 après J.-C. à la suite des dissensions qui ont éclaté entre les partisans du calife Alī, qui s'est différenciée en une série de groupes plus ou moins extrémistes (soufrites, azraquites et najadat).

On ne peut en aucun cas rapprocher ou comparer ces  groupes fondamentalistes  à la résistance palestinienne, qu'elle soit laïque (FPLP, OLP ou El-Fatah) ou religieuse (Hamas et Jihad Islamique). Le Hamas n'est donc pas un mouvement terroriste, mais un mouvement  de libération nationale islamique.

Qu’est-ce que le terrorisme sioniste, bras armé de la première colonisation de la Palestine ?

Cela dit, malgré le silence des médias sur la question, il est juste de rappeler que la colonisation de la Palestine et le nettoyage ethnique qui s'en est suivi, qui a abouti au génocide de la Nakba en 1948, est l'œuvre du terrorisme juif sioniste. L'historien israélien Ilan Pappé, dans son livre Le nettoyage ethnique de la Palestine, démontre, avec  rigueur scientifique et en s’attachant scrupuleusement  à la vérité historique, comment le terrorisme sioniste a été le bras armé qui a jeté les bases de la colonisation de la Palestine au moyen de  la haine anti-arabe et de l'islamophobie. En utilisant des documents historiques de première main, tels que les journaux de bord de Ben Gourion et les procès-verbaux des réunions du Comité consultatif, la plus haute instance décisionnelle de la Haganah, Pappé montre que l'expulsion des Palestiniens du territoire qui deviendrait Israël n'est pas le résultat d'une réaction défensive aux menaces arabes. mais a été planifiée, organisée et exécutée sciemment par les dirigeants de la Haganah, une organisation paramilitaire et terroriste juive et sioniste active en Palestine pendant le mandat britannique, de 1920 à 1948, qui a ensuite été intégrée aux Forces de défense israéliennes en tant que force armée de l'État d'Israël. Pappé démontre clairement que la désarabisation de la Palestine faisait partie du programme du sionisme depuis sa fondation à l'époque de Theodor Herzl et que, dès 1936, elle était incluse dans le premier plan rédigé par Ben Gourion pour le "nettoyage ethnique" de la Palestine, le plan Aleph (A), qui serait suivi par d'autres plans jusqu'à celui qui  fut effectivement mis en œuvre, le plan Dalet (D).

Le livre met en évidence le flot d'ignominies commises par le terrorisme sioniste, documentant l'existence d'archives spéciales gérées avec l'argent du Fonds National Juif afin de collecter toutes les informations utiles pour la destruction future des villages palestiniens. Toutes ces informations étaient obtenues par la ruse, en profitant de l'hospitalité traditionnelle des familles palestiniennes ou avec l'aide d'espions ou de Juifs déguisés en Arabes. Lorsque le plan Dalet  sera déclenché, les milices de la Haganah et les bandes terroristes Irgoun et Stern arriveront dans les villages en sachant déjà exactement où frapper, les notables et militants palestiniens à éliminer sur place, les terres, les richesses et les récoltes à s'approprier.

  

Affiche de propagande de l'Irgoun de 1931 destinée à être distribuée en Europe centrale. La carte montre Israël défini par les frontières de la Palestine mandataire et de l'émirat de Transjordanie, que l'Irgoun revendiquait dans son intégralité pour un futur État juif.

La naissance de l'Irgoun et la première opération sous faux drapeau

En 1937, les membres de la plus importante branche de droite de la Haganah créent leur propre structure et forment l'Irgoun Zvai Leumi (Organisation  Nationale Militaire), connue plus simplement sous le nom d'"Irgoun". Ils étaient mécontents de la politique de prudence menée par la Haganah face aux Britanniques et aux Arabes. En 1940, le Lohamei Herut Israel (Combattants pour la liberté d'Israël) se sépara de l’Irgoun ;  il est plus  connu sous le nom de Lehi ou "Bande Stern ", du nom de son chef  qui était opposé à la politique de collaboration avec les Britanniques instaurée par une trêve en 1940. L'Irgoun et la Bande Stern furent par la suite bien connus  pour leurs méthodes de combat clandestines, y compris l’emploi du terrorisme.

Entre 1937 et 1948, le mouvement sioniste Irgoun Zvai Leimi – qui fut qualifié d'"organisation terroriste" par le New York Times - a perpétré une soixantaine d'attentats en Palestine. Ces attaques étaient dirigées à la fois contre les Arabes vivant dans la région et contre les Britanniques qui la contrôlaient politiquement et militairement. La stratégie de l'Irgoun avait en fait un axe double : d'une part, terroriser les Arabes pour les inciter à quitter leurs terres et, d'autre part, forcer les Britanniques à quitter ces terres, facilitant ainsi la création de l'État d'Israël.

Bien que perpétrés de manière systématique, les attentats de l'Irgoun étaient presque toujours d’importance mineure, causant une dizaine de morts au maximum. En 1946, cette organisation terroriste réalisa l'un des attentats les plus célèbres de l'histoire moderne en plaçant une bombe à l'hôtel King David de Jérusalem, causant 96 morts et plus de 50 blessés.

 
Le New York Times : "Des terroristes juifs disent qu'ils ont mis une bombe et dénoncent les Britanniques : le gouvernement a ignoré l'avertissement téléphonique, dit l'Irgoun Zvai Leumi dans un communiqué"

La particularité de cette action terroriste n'est pas seulement l'ampleur exceptionnelle de l'attaque, mais aussi le fait que les poseurs de bombes - tous juifs de l'Irgoun – la mirent en œuvre déguisés en Arabes afin de rejeter la responsabilité sur les Palestiniens. C'est pourquoi l'attentat à la bombe de l'hôtel King David peut être considéré sans conteste  comme le premier attentat terroriste "sous faux drapeau" de l'ère moderne, c'est-à-dire un attentat perpétré non pas dans l'intention de revendiquer quelque chose, mais dans l'intention de faire porter la responsabilité de cet attentat à l'ennemi. Ce sont les terroristes sionistes de l'Irgoun, en 1946, qui  inaugurèrent ce type de terrorisme "international", qui a servi de base à de nombreuses autres opérations sous faux drapeau menées par l'impérialisme américain dans le monde entier.

Les actions terroristes de l'Irgoun et de la Haganah jusqu'à la Nakba

Avant 1948, l'Irgoun, l'organisation terroriste sioniste qui  donnera plus tard naissance  au parti d'extrême droite Likoud et qui était dirigée par le futur premier ministre d'Israël, Menachem Begin, un adepte de Jabotinski et  admirateur d'Hitler,  réalisa de nombreuses attaques contre la population palestinienne pacifique de Haïfa, qui avait jusqu'alors coexisté en pleine harmonie avec les Juifs autochtones et ashkénazes qui avaient immigré depuis la fin du 19e siècle. On se souvient en particulier de la bombe lancée sur les dockers qui faisaient la queue pour aller travailler dans le port, action qui  servit à briser le syndicat unique des dockers qui comprenait à la fois des Arabes et des Juifs, véritable cible du massacre dans lequel moururent une quarantaine de travailleurs.

Plus tard, au début de la Nakba, l'Irgoun et la Haganah lancèrent des barils incendiaires et des explosifs depuis les quartiers résidentiels juifs sur les quartiers palestiniens situés en contrebas, afin de faire sortir les Palestiniens dans les rues et de les abattre d’en haut à la mitrailleuse. Le bombardement du marché situé en face du port, où la population palestinienne désespérée s'était massée,  dans l’attente de n’importe quelle barque qui les emmènerait vers le salut,  causa la mort de nombreuses personnes, piétinées, ou noyées dans des embarcations improvisées.

Dans son livre, Pappé dit la vérité sur le terrible massacre de Deir Yassin, le 9 avril 1948, perpétré par 120 combattants sionistes appartenant à l'Irgoun et au Lehi. La Haganah avait laissé le sale boulot à la Bande Stern de Shlomo Shamir pour préserver son image "propre". Il y eut 254 Palestiniens assassinés, sans qu’ils aient pu opposer la moindre réaction à la déportation : parmi eux, de nombreuses femmes et enfants - 40 nouveaux-nés et 30 enfants -  furent  alignés contre un mur et criblés de balles sous les rires des terroristes de Stern.

Le livre de Pappé est rempli de ces horreurs, comme l'empoisonnement de l'aqueduc d'Acre par des hommes de la Haganah, qui provoquera une épidémie de typhus parmi les assiégés. Le bilan final de la Nakba sera de 531 villages palestiniens rayés de la surface de la terre, des milliers de morts parmi la population civile palestinienne et plus d'un million de déportés.

 

Une plaque célébrant les exploits de deux terroristes de l'Irgoun qui placèrent une voiture piégée à Tel-Aviv dans le complexe du Centre de communications de la Force Mobile de Palestine, une unité militarisée de la police britannique dans la colonie, le 25 avril 1947

Le terrorisme juif et les attentats "étiquette de prix »

Depuis 1948, le terrorisme sioniste contre les Palestiniens n'a fait qu'augmenter. C'est surtout depuis les années 2000 que des groupes sionistes se livrent à des actes de terrorisme colonial à arrière-plan religieux appelés "étiquette de prix", à savoir le prix que - selon les colons - les Palestiniens, chrétiens et musulmans, "doivent payer" en tant que  "coupables" de se trouver en Terre Sainte. Ces épisodes se produisent quotidiennement en Cisjordanie,  jadis une région aux frontières définies, qui se trouve réduite  à l’état d’un ensemble  de zones en taches de léopard.

 

Mgr Fouad Twal, alors patriarche latin de Jérusalem, visite le monastère salésien des Sœurs de Bethléem à Beit Jamal après une attaque au cocktail Molotov en août 2013. Les assaillants ont laissé les graffitis "étiquette de prix", "mort aux Goyim [Gentils]" et "vengeance".

En novembre 2014, le groupe sioniste d'extrême droite "Lehava"  mit le feu à des salles de classe de l'école "Main dans la main" à Jérusalem, où des enfants juifs et palestiniens étudient ensemble. Dans ce cas, certains ministres israéliens ont condamné l'incident. Parmi les épisodes de terrorisme, il faut rappeler l'incendie de la mosquée Al Jabaa à l'aube du 25 février 2015, ou l'incendie criminel qui a endommagé un séminaire grec orthodoxe à la porte de Jaffa, à Jérusalem, le 26 février 2015. Les murs portaient des inscriptions  injurieuses contre Jésus-Christ et le slogan "Rédemption pour Sion".

Ces dernières années, les colons juifs et les groupes sionistes extrémistes ont commis des actes terroristes en Cisjordanie contre la population palestinienne et ses lieux de culte, comme la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, qui fait souvent l'objet d'épisodes de profanation. Sans compter les innombrables actes de violence terroriste que ces groupes commettent dans les colonies illégales ou en incendiant des oliveraies dans les villages palestiniens.

Le gouvernement israélien est responsable de ces attaques qui visent à terroriser les Palestiniens et à les inciter à quitter leur terre. Ces attaques sont la conséquence directe de la volonté de définir officiellement Israël comme un "État juif" et Jérusalem comme la capitale éternelle et indivise du peuple juif.

Ces dernières années, et plus particulièrement en 2014, des attaques "étiquette de prix" ont eu lieu contre des mosquées, des églises et même des véhicules de l'armée israélienne, accusée par les colons de se montrer "trop douce" à l'égard des Palestiniens. Des attaques " étiquette de prix" ont également été menées en Galilée, contre des sites de culte chrétiens, avant la visite officielle du pape François en Terre sainte. Dans la plupart des actions « étiquette de prix», les réactions des autorités israéliennes sont pour le moins modestes. Non seulement les Palestiniens, mais aussi certains membres de la gauche israélienne, affirment que le manque de réactivité de la police et des forces de sécurité à l'égard des auteurs de ces actions est dû au soutien important dont bénéficient les colons et les extrémistes au sein du gouvernement et du parlement, dominés par la droite extrême.

NdE
L'Irgoun a commis une soixantaine d'attentats, principalement contre des Palestiniens désarmés entre 1936 et 1939, pendant la "Grande révolte arabe". Les plus meurtriers eurent lieu le 14 novembre 1937 à Jérusalem ("Dimanche noir", 10 morts), le  19 juin 1938 à Haifa (18 morts, dont 6 femmes et 3 enfants), le 6 juillet 1938 au marché des melons de Haifa (23 morts, dont 5 Juifs) etc. etc. Voir liste complète ici

 

22/01/2023

GIDEON LEVY
Les manifestants sionistes de Tel Aviv ont oublié leurs voisins palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 22/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une fois de plus, je ne suis pas allé sur la place Habima, ni dans la rue Kaplan, pour me joindre aux manifestations. Mes jambes ne m'y ont pas porté et mon cœur m'a empêché de prendre part à une manifestation largement justifiée, mais qui n'est pas ma manifestation.

Des manifestants contre le agouvernement d'extrême droite agitent des drapeaux israéliens au centre Horev de Haïfa, samedi. Photo : Rami Shlu/sh/

Une manifestation couverte d'une mer de drapeaux bleus et blancs, comme pour se légitimer et protéger ses participants, alors que les drapeaux de l’autre peuple qui vit sur cette terre sont interdits ou rassemblés en un ghetto étroit sur un monticule de terre au bord de la place, comme dans la manifestation précédente, ne peut pas être ma manifestation.

Une manifestation exclusivement juive et mononationale dans un État clairement binational ne peut être une manifestation pour quiconque recherche l'égalité ou la justice, qui sont parmi les mots clés de cette manifestation mais qui restent creux en son sein.

Le discours « gouvernement  de liberté, égalité et qualité » des organisateurs d'une manifestation à Tel Aviv est creux ; le discours de « lutte pour la démocratie » des organisateurs de l'autre manifestation ne l'est pas moins. Il n'y a pas et il n'y aura jamais de « gouvernement  de liberté, égalité et qualité «  dans un État d'apartheid, pas plus qu'il n'y a de « lutte pour la démocratie » lorsque l'on ferme les yeux sur l'apartheid.

Certains des Juifs de ce pays sont maintenant indignés face à une menace concrète sur leurs droits et leur liberté. Il est bon qu'ils aient été secoués dans une action civile, mais leurs droits et leur liberté, même après avoir été restreints, resteront ceux des privilégiés, de la suprématie juive inhérente. Ceux qui y consentent, en paroles ou en silence, invoquent le nom de la démocratie en vain. Le silence sur ce sujet est le silence sur l'apartheid. La participation à ces démonstrations d'hypocrisie et de deux poids-deux mesures est inacceptable.

La mer de drapeaux israéliens lors de ces manifestations se veut une excuse face à la remise en cause par la droite de la loyauté et du patriotisme de ce camp. Nous sommes sionistes, donc nous sommes loyaux, disent les manifestants. Les Palestiniens et les Arabes israéliens peuvent attendre que nous finissions les choses entre nous. Il est interdit de mélanger les problèmes, comme s'il était possible de ne pas les mélanger. Une fois de plus, le centre et la gauche tombent raides morts devant les accusations de la droite, marmonnant et s'excusant ; la pureté du drapeau les a ternis bien plus que les accusations.

Une fois de plus, ce camp montre qu'il exclut les Palestiniens et leur drapeau tout autant que la droite. Comment peut-on participer à une telle manifestation ? Il n'y a pas et il ne peut y avoir de manifestation pour la démocratie et l'égalité, la liberté et même pour un gouvernement de qualité, dans un format d'apartheid dans un État d'apartheid, tout en ignorant l'existence de l'apartheid.

Le drapeau a été choisi comme symbole parce que c'est une manifestation sioniste, mais il ne peut pas y avoir de manifestation sioniste pour la démocratie et qui soit donc une manifestation juste. Une idéologie qui grave sur son drapeau la suprématie d'un peuple sur un autre ne peut prêcher la justice avant de changer les bases de son idéologie. L'Étoile de David est en train de couler, comme l'a montré de manière déchirante l'illustration de couverture du magazine en hébreu de Haaretz de vendredi, mais son naufrage est inévitable tant que le drapeau d'Israël sera le drapeau de l'une des deux nations qui le revendiquent.


Le sang palestinien a coulé comme de l'eau ces derniers jours. Il ne se passe pas un jour sans que des innocents soient tués : un professeur de gymnastique qui a tenté de sauver un blessé dans sa cour ; deux pères, dans deux endroits différents, qui ont essayé de protéger leurs fils, et un fils de réfugiés de 14 ans - tout cela en une semaine. Comment une manifestation peut-elle ignorer cela, comme si cela ne se produisait pas, comme si le sang était de l'eau et l'eau une pluie bénie, comme si cela n'avait rien à voir avec le visage du régime ?

Pouvez-vous imaginer si les Juifs étaient attaqués tous les jours ou tous les deux jours ? La manifestation les aurait-elle ignorés ? L'occupation est plus que jamais loin de prendre fin : elle est devenue une mouche embêtante qu'il faut faire taire. Quiconque la mentionne est un fauteur de troubles qui doit être tenu à l'écart : même la gauche ne veut plus en entendre parler.

« Arrêtons le coup d'État », proclament les appels, avec un pathos qui semble avoir été emprunté à la Révolution française. Mais il n'y a pas de révolution dans un État d'apartheid, s'il continue à être un État d'apartheid. Même si toutes les demandes des manifestants sont satisfaites, si la Cour suprême est portée aux nues, si le procureur général est exalté et si le pouvoir exécutif retrouve sa stature légitime, Israël restera un État d'apartheid. Alors quel est le but de cette manifestation ? De nous permettre de nous féliciter une fois de plus d'être “la seule démocratie du Moyen-Orient”.

"Une nation qui en occupe une autre ne sera jamais libre": manifestants antisionistes en marge de la manifestation de samedi à Tel Aviv

 

14/04/2022

Sergio Rodríguez Gelfenstein
Ukraine : la fin de la notion sioniste d' « antisémitisme »

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 7 et 13/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 I

En falsifiant la Bible et en utilisant des déformations historiques, le sionisme a réussi à associer le concept d’« antisémitisme » à celui de discrimination, de persécution, de mauvais traitement et d'exclusion des Juifs. Rien n'est plus faux. Le terme sémite désigne ceux qui, selon la Genèse, sont les descendants de Sem, fils de Noé. Ainsi, à travers l'histoire, l'identité sémitique a toujours été un lien culturel et linguistique. Ainsi, les Arabes et les Juifs sont tous deux des sémites.

Descendants divers de Sem dans l'Antiquité

Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'on a commencé à lui donner une connotation raciale, alors qu'il serait correct de se référer à des peuples qui parlaient certains des dialectes émanant d'une origine commune. Il n'existe pas de « race sémitique » homogène puisque les peuples sémitiques (au pluriel) n'avaient en commun qu'un dialecte utilisé par des tribus nomades pastorales et une structure patriarcale.

Récemment, le sionisme a donné à cette notion un caractère racial afin d'établir une exclusivité qui lui permettrait de justifier sa politique expansionniste, violente et soumise aux intérêts impériaux pendant la guerre froide. Ils ont ainsi réussi à semer l'idée que toute critique d'Israël était une attaque contre les Juifs ainsi qu'une manifestation d'antisémitisme.

C'est ainsi que s'explique l'anéantissement par le régime nazi d'environ 6 millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre d'une action ignoble au contenu racial évident. Cependant, si l'on s'en tient à ce mot, l'extermination du peuple palestinien (un peuple sémite) par l'État d'Israël devrait être qualifiée de la même manière. De même, si nous devions nous en tenir à la conceptualisation moderne du terme, nous devrions dire que l'action du sionisme en Palestine est l'expression la plus complète de l'antisémitisme sur la planète.

Néanmoins, le mot s'est répandu, donnant de la véracité à la signification que le sionisme a réussi à lui donner. C'est cette notion qui est en train d’être enterrée en Ukraine, car des dirigeants juifs de ce pays, Israël et les USA se sont entendus pour justifier et soutenir l'action des gangs nazis dans ce pays européen.

Bien que ces détachements portant des symboles nazis aient publiquement exprimé leur sentiment anti-juif, brûlé des synagogues et détruit des symboles hébraïques, le président juif d'Ukraine, les dirigeants israéliens et certains des principaux dirigeants juifs usaméricains, tels que le secrétaire d'État Anthony Blinken, la sous-secrétaire d'État Wendy Sherman, Avril Haines, directrice du renseignement national, et Janet Yellen, secrétaire au Trésor, sont sont fait une joie e soutenir et d’encourager les actions du gouvernement ukrainien, qui est soutenu par les gangs nazis ukrainiens. Pour utiliser leur langage, on pourrait dire que ces Juifs expriment une pensée antisémite et agissent en conséquence, avec conviction et profondeur.

Déjà dans les jours qui ont suivi le coup d'État de 2014, le groupe ultranationaliste Secteur droit, un groupe vitrine fasciste qui comprend des partisans de Svoboda, de Tryzub et d’Assemblée nationale ukrainienne - Autodéfense ukrainienne, menaçait ouvertement les Juifs. Fusil à la main, le leader nazi Oleksandr Muzychko affirme sans ambages son dogme : « combattre les communistes, les Juifs et les Russes tant que j'aurai du sang dans les veines ».

À la lumière des récents événements, il est nécessaire de savoir qu'en Ukraine, le sionisme mondial, en alliance avec les forces impériales occidentales, a agi avec préméditation et malveillance. En mars 2014, moins d'un mois après le coup d'État en Ukraine, le chroniqueur du Washington Post Eugene Robinson, qui est loin d'être un pro-russe ou un ami du président Poutine, a estimé que lorsqu'Arseniy Yatsenyuk, récemment nommé Premier ministre ukrainien après le coup d'État, devait se rendre aux USA, il faudrait lui demander « pourquoi plusieurs ultranationalistes d'extrême droite ont des postes aussi importants dans le nouveau gouvernement ukrainien ».

Dans son article, Robinson se demandait si Oleksandr Sych, l'un des trois vice-premiers ministres, était membre du parti néonazi Svoboda, dont le leader avait affirmé que l'Ukraine, sous le précédent gouvernement Ianoukovitch, était contrôlée par une « mafia juive de Moscou ». Il a également rappelé que des membres de Svoboda dirigeaient les ministères de l'agriculture et de l'environnement, tandis qu'Andriy Parubiy avait été nommé secrétaire du comité de sécurité nationale et de défense.

Il convient de rappeler que le Congrès juif mondial lui-même, une organisation basée à New York qui se présente comme le bras diplomatique du « peuple juif », a demandé à l'Union européenne d'envisager l'interdiction de ce qu'il considère comme des partis néonazis en Ukraine, dont Svoboda.

De même, le journaliste indépendant usaméricain David L. Stern, basé à Kiev, a fait la lumière sur cette affaire en publiant le 13 décembre 2014 sur BBC News un long article dont le titre résumait le fond de l’affaire : « Ukraine underplays role of far right in conflict» [L’Ukraine minimise le rôle de l’extrême droite dans le conflit]. Dans l'article, Stern réfute la caractérisation russe du nouveau gouvernement ukrainien comme une « junte fasciste de néo-nazis et d'antisémites ». Il a fait valoir qu'aucun parti de ce qu'il appelle « l'extrême droite » n'avait dépassé 5 % aux élections, bien qu'il ait averti que s'ils s'étaient unis, ils auraient dépassé ce seuil. Il a affirmé qu'un seul ministre était lié à ces partis et que le président du parlement était juif, mais a prévenu que la politique ukrainienne n'était pas « totalement exempte de fascisme », notant que personne n'en parlait pour ne pas "alimenter la machine de propagande russe".

Ce long article affirme que le fait de nier cette situation a permis aux nazis de passer inaperçus, de sorte que les Ukrainiens ne savent pas qu'ils existent ni même « ce qu'est réellement un néonazi ou un fasciste, ou ce qu'il représente ». Ensuite, le président Petro Porochenko a accordé la citoyenneté ukrainienne au nazi russo-biélorusse Serhiy Korotkykh, membre du parti d'extrême droite russe Unité nationale et également fondateur de la Société national-socialiste (NSS) en Russie, une organisation dont le but, selon l'universitaire ukrainien Anton Shekhovtsov, était de « préparer une guerre raciale ».

Stern explique ensuite les caractéristiques du bataillon Azov, qui est lié au parti Svoboda. Selon lui, "elle est dirigée par l'organisation extrémiste Patriotes d’ Ukraine, qui considère les Juifs et les autres minorités comme des « sous-hommes » et appelle à une croisade chrétienne blanche contre eux, arborant trois symboles nazis sur son insigne : un Wolfsangel [piège à loup] modifié, un soleil noir (ou « Hakensonne ») et le titre Das Schwarze Korps, qui était utilisé par les Waffen SS [c'était le nom de leur hebdomadaire]. Le bataillon Azov [devenu ensuite régiment] est le seul groupement paramilitaire au monde qui appartienne officiellement aux forces armées et de sécurité d'un pays, en l'occurrence comme détachement de la Garde nationale. Sa naissance remonte à la disparition de l'Union soviétique, lorsque l'idéologie fasciste a repris de la vigueur, donnant naissance à des organisations telles que le Congrès des nationalistes ukrainiens (KUN) et l’Assemblée sociale-nationale ukrainienne, germe du bataillon Azov.

Dans ce domaine, il convient de noter le rôle d'Andriy Biletsky, un lieutenant-colonel de police, chef du parti d'extrême droite fasciste Corps National, qui s'est imposé sous le slogan que l'Ukraine devait « diriger les races blanches du monde dans une croisade finale... contre les sous-hommes dirigés par les Sémites ».

Dans son article, Stern ajoute qu’Azov n'est pas la seule organisation néo-nazie en Ukraine, puisqu'il existe plus de 50 groupes volontaires soutenus par le gouvernement. Il mentionne par exemple que le ministre de l'Intérieur Arsen Avakov et son adjoint Anton Gerashchenko ont soutenu activement la candidature de Biletsky au Parlement. De même, il rappelle que Vadim Troyan, un haut fonctionnaire d'Azov et membre des Patriotes d'Ukraine, a été nommé chef de la police de la région de Kiev.

Stern conclut en disant qu'il pense que l'Ukraine n'est pas dirigée par des fascistes, mais que « les extrémistes de droite semblent faire des percées par d'autres moyens, notamment dans les services de police du pays ». Affirmant que les Ukrainiens « sont très mal informés à ce sujet », il demande : «  Pourquoi personne ne veut le leur dire ? « .

Cela semble contradictoire, mais c'est ainsi que se prépare la fin de la notion sioniste d' « antisémitisme ».


 II

Les Juifs ukrainiens entre la peste sioniste et le choléra nazi

Il est très facile de voir le soutien que l'Occident a apporté aux gangs nazis ukrainiens. Par exemple, déjà en 2018, le journaliste Kevin Rawlinson, dans un article publié dans le journal britannique The Guardian le 2 mars, rapportait que les néonazis ukrainiens recrutaient ouvertement des combattants à Londres pour rejoindre le bataillon Azov.

24/10/2021

Mikhaïl Garine, le communiste juif antisioniste qui voulait entendre la Hatikvah au Goulag

Ze'ev Binyamin Begin, Haaretz, 22/10/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Ze'ev Binyamin « Benny » Begin (Jérusalem, 1943) est un géologue et politicien israélien, qui a été brièvement ministre et député successivement des partis Hérout, Likoud et, actuellement, Tikva Hadasha (Nouvel Espoir). Il est le fils de Mieczysław Wolfovitch Biegun, plus connu sous le nom de Menahem Begin, qui fut le chef du groupe terroriste Irgoun et des partis Hérout et Likoud et Premier ministre d’Israël, revendiquant l’héritage de Vladimir Jabotinsky, le chef de l’aile « révisionniste » (droitière) du mouvement sioniste.

 Dans son livre "Les Nuits blanches", mon père, Menahem Begin, a décrit son amitié avec Mikhaïl Garine, un juif souffreteux et un ardent communiste avec qui il a partagé une couchette dans un goulag soviétique en 1941. On pensait que Garine avait disparu, comme des millions d'autres victimes dans ces camps de travail forcé. Puis, il y a quelques mois, un contact a été établi avec le petit-fils de Garine.

Au printemps 1941, au pied des montagnes de l'Oural, sur les rives de la rivière Pechora, non loin du cercle polaire, dans l'un des nombreux goulags soviétiques, deux prisonniers politiques juifs se rencontrent : un communiste nommé Garine e et un sioniste nommé Begin. Le premier a été condamné pour s'être livré à une "activité trotskyste contre-révolutionnaire" ; le second a été reconnu coupable - en raison de ses activités sionistes - d'être un "élément socialement dangereux pour la société". Tous deux ont été condamnés sans procès, en vertu de l'article 58 du code pénal soviétique, à huit ans dans un "camp de travail correctionnel". Avec d'autres prisonniers, tant politiques que criminels (ces derniers étant connus sous le nom d'Ourki-truands), tous deux ont déchargé des rails de chemin de fer et d'autres équipements des péniches sur la rivière. Ils ont participé à la construction de la ligne ferroviaire du nord de la Russie, longue de 1 000 kilomètres, qui s'étend de Kotlas à Vorkouta, au bord de l'océan Arctique.

Dessin Eran Wolkowski

Begin, maigre et frêle après avoir passé neuf mois dans une prison soviétique à Vilna, puis avoir été transporté au camp de Pechora par train de marchandises sur 2 000 kilomètres, a décrit la santé de son nouvel ami dans "Nuits blanches", un récit de son arrestation et de son incarcération dans le camp de travail et le système pénitentiaire soviétiques : "un mauvais cœur, une température élevée constante et un pouls rapide". Les chances que l'un des deux hommes sorte vivant du camp de travail forcé sont minces.

Le récit de la vie de Garine e a laissé une profonde impression sur Begin ; ses paroles sont restées gravées dans la mémoire de mon père. En effet, il a cité Garine dans son livre de 1950 "La Révolte : L’histoire de l’Irgoun", et plus tard, il a développé leur rencontre dans "Les Nuits blanches"  Les nuits blanches: mes souvenirs des camps soviétiques; traduit de l'anglais par Jacques Hermone et Patricia Lerand, éditions Albatros, 1978), où la description de la vie de Garine est citée en détail :

« Sais-tu quel âge j'avais lorsque j'ai rejoint le Parti ? Je n'avais pas plus de 17 ans quand je suis devenu bolchevik et que j'ai commencé à travailler pour la Révolution. Pendant la guerre civile, j'étais dans la Garde rouge et j'ai pris part à de nombreuses batailles contre les Blancs. J'ai été fait prisonnier. Les Blancs m'ont battu et torturé horriblement, mais ils n'ont pas réussi à obtenir quoi que ce soit de moi... Lorsque la guerre civile s'est terminée, on m'a confié diverses tâches au sein du parti en Ukraine. J'étais encore jeune, mais je travaillais dur et me consacrais corps et âme au Parti. Quelle époque ! Je travaillais pour le parti et j'étudiais à l'université. Lorsque j'ai terminé mes études, on m'a confié des postes encore plus élevés... J'ai travaillé pendant quelques années au secrétariat du Parti en Ukraine. J'ai fini par en devenir le secrétaire général. De ce poste, j'ai été transféré à un poste encore plus élevé. J'ai été convoqué à Moscou et intégré à la rédaction de la Pravda. Je suis devenu rédacteur en chef adjoint du journal du parti.

 

Mikhaïl Davydovitch Garine et sa femme Alexandra Zakharovna Vasilyeva (1902-1938) vers 1921, date de leur mariage. Elle a laissé des mémoires en deux tomes, Punis sans culpabilité et Et les tulipes poussent sur les pierres

« En 1937, l'année où ils sont devenus fous, ma femme a été arrêtée. Je ne t’ai pas parlé de ma femme. Nous nous sommes rencontrés alors que nous étions tous deux étudiants. Ma femme était aussi membre du parti, et un membre très actif. Ma femme n'est pas juive, mais quelle différence cela fait-il ? Notre vie de famille était merveilleuse. Nous avons eu un fils et une fille. Ma femme m'aidait dans mon travail, et je l'aidais. Son principal intérêt était la science. Dans son travail scientifique, elle allait de succès en succès. Elle est devenue maître de conférences à l'université, puis à l'Institut Krasni Professori [Institut du professorat rouge]... Et tout à coup, en 1937, elle a été arrêtée... l'interrogateur l'avait accusée de trotskisme et avait exigé des aveux. Elle n'a pas avoué. Elle n'avait jamais été trotskyste ».

17/06/2021

Pas de changement à Jérusalem ou à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 16/6/2021
Traduit par Fausto Giudice

Notre gouvernement du changement ne nous a pas donné 100 jours de grâce, ni même 100 heures de grâce. Il n'est peut-être pas juste de le juger sur ses premières heures d'existence, mais elles peuvent être le signe de ce qui va suivre. Cent minutes ont suffi pour se rendre compte que sur les questions les plus importantes de toutes, il n'y a pas de désaccords dans le nouveau gouvernement, et qu'il n'est pas différent du gouvernement précédent. Ce qui était sera.

Ses premières heures, qui auraient pu annoncer un changement, ont annoncé exactement le contraire. Les ministres auraient pu interdire la Marche des Drapeaux et dire aux Israéliens, aux Palestiniens et au monde entier qu'il y a une nouvelle équipe en ville, une équipe qui prend en considération les sensibilités d'un autre peuple. Au lieu de cela, le ministre de la Sécurité publique, Omer Bar-Lev, un représentant de la gauche dans le nouveau gouvernement, a gazouillé que « Jérusalem est la capitale éternelle d'Israël », adoptant avec une incroyable facilité le jargon nationaliste de Benjamin Netanyahou ou de Bezalel Smotrich en passant par Itamar Ben-Gvir.

Berlin est-elle la capitale éternelle de l'Allemagne ? L'ancienne Athènes celle de la Grèce ? A quoi sert toute cette pompe nationale ? Peut-être qu'un jour les Israéliens décideront qu'il serait préférable de déplacer la capitale à Afula ou à Dimona ? Peut-être à Tel Aviv ? Qu'y a-t-il d'éternel dans l'emplacement des bureaux du gouvernement ? Peut-être pourrait-elle être la capitale éternelle de deux nations ? Après tout, c'est ce que le parti de Bar-Lev  [travailliste] prétend soutenir.

La police israélienne a arrêté 17 Palestiniens protestant contre la Marche des Drapeaux, le 15 juin à Jérusalem-Est