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27/10/2025

Une lecture complète des racines du conflit israélo-palestinien du point de vue du jeune historien Zachary Foster

  Imran Abdallah , Aljazeeranet, 8/6/2025
Traduit par
Tlaxcala
Original : 
قراءة شاملة لجذور الصراع الفلسطيني الإسرائيلي من منظور المؤرخ الشاب زكاري فوستر


Imran Abdallah est un journaliste soudanais, rédacteur culturel au site ouèbe Aljazeeranet

Dans cet entretien atypique et approfondi, l’historien et militant usaméricain Zachary Foster propose sa lecture de l’histoire palestinienne contemporaine et moderne, ainsi qu’une vision approfondie et complète du conflit israélo-palestinien. Foster a obtenu son doctorat en études du Proche-Orient à l’Université de Princeton en 2017 et est le fondateur du projet Palestine Nexus, qui, espère-t-il, deviendra la source privilégiée pour comprendre la situation en Palestine.


 Ce dialogue retrace les racines historiques du conflit et son évolution au cours des deux derniers siècles. Foster, spécialiste de l’histoire de la région, explore les multiples dimensions de la question, proposant une analyse critique des discours dominants et déconstruisant certaines idées reçues.

Le dialogue débute par un historique de la question : l’invité déclare : « Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXsiècle… lorsque des Juifs décidèrent de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. » Cette définition chronologique replace la question dans son contexte historique, soulignant que ses origines sont antérieures à la période du colonialisme traditionnel.

Le dialogue compare le sionisme à d’autres mouvements coloniaux de peuplement, soulignant sa singularité. L’invité déclare : « Le sionisme, parmi tous les mouvements coloniaux de peuplement du monde… est un exemple idéal de ce mouvement ». Il ajoute, expliquant la différence : « Ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est qu’ils abandonnent leurs liens avec leur patrie d’origine. »

Le dialogue aborde également l’évolution des positions académiques sur la question, notamment parmi les historiens occidentaux et juifs. L’invité souligne qu’« il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même. » Il réfute également les affirmations selon lesquelles il n’existait pas d’identité palestinienne avant la création d’Israël.

Il conclut en soulignant l’importance de comprendre les racines historiques du conflit pour en saisir la complexité actuelle. L’invité déclare : « On peut comprendre une grande partie de l’histoire palestinienne en comprenant seulement leur réponse à cette question : quelle est la réponse appropriée à un groupe qui tente de s’emparer de mes terres, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement du pays ? »


L’activiste et historien Zachary Foster (médias sociaux) 

Comment voyez-vous les racines des problèmes actuels au Moyen-Orient, en particulier en Palestine ?

Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXe siècle. Cette période est donc antérieure à la période coloniale. Dans les années 1870 et 1880, les Juifs d’Europe parlaient de la création d’un État juif en Palestine. Je pense que c’est là, pour moi, l’origine de la question palestinienne. C’est lorsque les Juifs ont décidé de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. Pour moi, ce fut le début de la question israélo-palestinienne moderne.

Au XIXe siècle, cent ans avant la formation d’Israël ?

Oui. Nous parlons des années 1870 ou 1880, il y a donc 140 ou 150 ans. J’ai généralement reçu des réactions très positives à une vidéo expliquant ce sujet. Mon objectif était d’aborder le plus de sujets possibles dans une vidéo aussi courte que possible, et de m’attacher à comprendre pourquoi les choses se sont produites, comment elles se sont déroulées.

Et je pense que les gens ont généralement apprécié cela, car j’essaie avant tout d’être objectif. Je parle du terrorisme juif, du terrorisme palestinien, des crimes de guerre commis par Israël et le Hamas. C’est vrai. Je m’efforce donc de donner un compte rendu objectif, et de faire preuve d’un courage interprétatif pour vous aider à comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Et je pense que les gens apprécient cela. Évidemment, j’ai mon propre point de vue. Et bien sûr, je pense que pour vraiment comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui, il faut comprendre l’idée fondamentale du sionisme : sa volonté de transformer ce pays, d’un pays arabo-palestinien, en un pays juif.

Chaque dirigeant sioniste a donc dû se poser cette question : que faire des autochtones ? J’essaie donc de mettre en avant le point de vue palestinien, et je m’attache en particulier à donner la parole aux victimes de ce conflit, à ceux dont la voix a été perdue dans les récits traditionnels.

Je pense que je me concentre également sur Israël et la Palestine plutôt que sur le conflit israélo-arabe. Pendant des décennies, on a considéré ce conflit comme un conflit israélo-arabe entre Israël et les États arabes. Je pense qu’il est clair qu’il n’y a jamais eu de véritable conflit majeur entre Israël et les États arabes. Au contraire, le conflit a toujours principalement opposé Israël aux Palestiniens.

Et je pense que c’est aujourd’hui plus évident que jamais. Voilà donc un autre aspect de l’histoire. Je ne parle pas de la guerre de 1973. Je ne parle pas de l’invasion du Sinaï. Je ne parle pas vraiment des traités de paix entre la Jordanie et l’Égypte dans les années 1970, 1950 et 1990.

Pour moi, ce ne sont que des événements secondaires. Pour moi, le problème principal est la question israélo-palestinienne, c’est-à-dire la tentative sioniste, puis israélienne, de contrôler toutes les terres situées entre le fleuve et la mer. Je pense que c’est ce qu’il nous faut vraiment comprendre, pour comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Selon vous, la période coloniale a jeté les bases de ce conflit. Quelle est donc la différence entre le colonialisme en Australie, puis dans le Nouveau Monde, en Amérique, et ce qui s’est passé au Moyen-Orient ?

Je pense qu’il y a quelques différences. Tout d’abord, je ne qualifierais pas le sionisme de mouvement colonialiste. Je le qualifierais plutôt de mouvement de colonisation de peuplement. En fait, on pourrait dire que de tous les mouvements de colonisation de peuplement à travers le monde, en Australie, aux USA et au Canada, le sionisme est le plus exemplaire.

Autrement dit, ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est que les mouvements coloniaux de peuplement abandonnent leurs liens avec leur patrie, tandis que les mouvements coloniaux veulent maintenir leurs liens avec leur patrie.

Prenons l’exemple des Français d’Algérie. C’était un mouvement colonial, n’est-ce pas ? Parce qu’ils souhaitaient vraiment maintenir leurs liens avec leur patrie. On pourrait dire que les USA se situaient entre les deux, car beaucoup de colons souhaitaient conserver leurs liens avec la Grande-Bretagne et y retourner. Ils ne voulaient pas rompre complètement ce lien.

Dans le cas du sionisme, ils ont complètement abandonné leur pays d’origine. Ils n’avaient aucune intention d’y retourner. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux y sont retournés, mais à leur arrivée en Palestine, leur objectif était : « Nous n’avons pas l’intention de rentrer chez nous. Nous allons nous installer en Palestine, nous allons nous y établir et nous allons prendre le contrôle de ce pays. » C’est donc l’une des principales différences.

La deuxième différence majeure est que le sionisme est ancré dans de nombreuses idées juives. N’est-ce pas ? Le judaïsme part de l’idée que les Juifs finiront par retourner en Terre Sainte. C’est une sorte de croyance eschatologique selon laquelle le Messie reviendra à la fin des temps et que tous les Juifs des quatre coins du monde se rassembleront et retourneront en Palestine.

C’est ce qui les distingue des autres mouvements coloniaux qui ne s’appuyaient pas sur des traditions religieuses vieilles de 3 000 ans. Ils étaient profondément attachés à la terre, entretenaient un lien religieux avec elle, et la considéraient comme ayant une signification religieuse. Je pense donc que c’est aussi ce qui les distingue.

Mais je dirais que, de manière générale, les similitudes sont assez frappantes. Il y a ces personnes persécutées, n’est-ce pas ? Je pense que c’est très important pour comprendre l’essence de la plupart des mouvements coloniaux. Il faut comprendre que ce sont principalement des personnes qui se sentent persécutées dans leur pays d’origine. N’est-ce pas ? Les protestants américains arrivés au Nouveau Monde ont été persécutés dans leur pays d’origine. C’est pourquoi ils ont plié bagage et sont partis. Pensez-vous qu’ils voulaient embarquer ? C’était une traversée très dangereuse et périlleuse. La traversée a duré deux mois. Beaucoup ont péri en chemin. Voulaient-ils vraiment faire ça ? Non, bien sûr que non. Tout comme les Juifs, pour la plupart, ne voulaient pas abandonner leur patrie. Ils ont été contraints de partir à cause des pogroms, de l’antisémitisme et de la violence qu’ils subissaient dans leur pays d’origine.

Je pense donc qu’en ce sens, le sionisme est très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux.

Une nouvelle génération d’historiens occidentaux a récemment émergé, s’opposant à la politique israélienne. Comment une génération d’universitaires comme la vôtre, a-t-elle émergé au sein d’institutions traditionnellement considérées comme pro-israéliennes ?

Tout d’abord, je ne suis affilié à aucune organisation universitaire. Je ne suis pas professeur dans une université usaméricaine. Et je pense que ceci explique en grande partie cela. D’ailleurs, lorsque j’ai obtenu mon doctorat à l’Université de Princeton, plusieurs membres du corps professoral de mon département, dont mon directeur de thèse, ont lancé un appel et une déclaration appelant l’université à adopter une résolution de boycott, la résolution BDS, soutenant ce mouvement et exigeant que l’université se désinvestisse des entreprises qui profitent de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et du blocus de Gaza.

Je dirais que la grande majorité des membres du corps enseignant qui étudient Israël et la Palestine aux USA sont très favorables à la cause palestinienne.

Mais je dirais aussi qu’il existe une crainte institutionnelle. Ils craignent que leurs institutions, leurs administrations universitaires et les personnes qui occupent les plus hautes sphères de la hiérarchie universitaire ne subissent des représailles de la part de ces individus, car ces derniers ont des intérêts différents. Ce ne sont ni des historiens, ni des politologues. Ils ne suivent pas les événements sur le terrain. Ils ignorent ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais la plupart du temps, ils sont fidèles aux donateurs et à leurs désirs, et sont donc redevables à la classe des donateurs, qui est un groupe très différent.

Comme vous le savez, il existe une grande différence entre le corps professoral et l’administration universitaire, et une différence encore plus grande entre le corps professoral et les donateurs. En réalité, ce sont les dirigeants de l’université qui sont véritablement responsables. Ce n’est pas le corps professoral qui compte.

Nous notons que cette guerre constituait un événement distinct dans ce contexte, et que de nombreux historiens antisionistes ont émergé au sein de la communauté juive d’Europe et des USA. Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu ?

Écoutez, on peut remonter à plusieurs décennies. Je parle de personnalités comme Noam Chomsky et Norman Finkelstein. Il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même, n’est-ce pas ? Lorsque le sionisme est apparu pour la première fois, en Europe et aux USA, le Juif moyen y était opposé.

Lorsque le sionisme est apparu aux USA à la fin du XIXe siècle, le mouvement réformé, aujourd’hui le plus important mouvement juif des USA, regroupait un tiers des Juifs usaméricains. J’appartiens à ce mouvement, fondé dans les années 1880 et qui a adopté la Plateforme de Pittsburgh.

Le programme de Pittsburgh disait essentiellement : « Nous ne soutenons pas l’immigration juive en Palestine, car elle contredit notre conviction que les Juifs doivent s’assimiler aux sociétés dans lesquelles ils vivent. » À l’époque, ils tentaient de s’assimiler aux USA face à l’antisémitisme. Ils pensaient que si un mouvement juif émergeait affirmant que les Juifs appartenaient à la Palestine, ils seraient davantage persécutés dans leurs pays d’origine, accusés de double allégeance et victimes de discrimination, car on leur dirait : « Si vous voulez aller en Palestine, que faites-vous ici ? »

Il y avait donc un mouvement très actif parmi les Juifs. Il s’agissait du Programme de Pittsburgh dans les années 1880. De nombreux intellectuels juifs, tout au long de l’entre-deux-guerres, s’opposaient au sionisme. Je pense que leur opposition au sionisme était due au fait qu’ils voyaient que le sionisme, en tant que mouvement colonial de peuplement, n’aurait qu’une seule issue inévitable : le déplacement des populations autochtones de leurs terres. Ce constat a été réitéré par de nombreux antisionistes, notamment par des Juifs antisionistes, durant l’entre-deux-guerres, de 1919 à 1939. Nombre de Juifs s’opposent au sionisme pour cette raison.

Il y avait ensuite une troisième génération de Juifs antisionistes, essentiellement religieux et antisionistes, dont certains étaient très instruits. Certes, ils n’étaient peut-être pas des intellectuels, mais ils étaient certainement imprégnés de la tradition juive et croyaient que toute tentative d’accélérer la venue du Messie était, à leurs yeux, une tentative sioniste d’accélérer l’avenir, une tentative des Juifs d’entraver la seconde venue du Messie.

Il existait une croyance théologique dans le judaïsme selon laquelle les Juifs retourneraient en Palestine ou en Israël à la fin des temps, lors du retour du Messie. Leur conviction était que s’installer en Palestine violait la loi de la Torah, car seul Dieu pouvait en décider. C’est à Dieu de décider quand il viendra, et non à l’homme. Lorsque l’homme agit pour tenter de hâter cet avenir, il viole la loi de la Torah. C’était un troisième courant au sein du judaïsme, dans les cercles juifs. On pourrait dire qu’il s’agissait d’une opposition au sionisme.

Il y avait donc des Juifs qui souhaitaient s’intégrer dans leurs communautés d’origine et qui s’opposaient au sionisme. D’autres s’opposaient peut-être au sionisme parce qu’ils pensaient qu’il entraînerait l’expulsion des populations autochtones de leurs terres. Et cela les inquiétait beaucoup. Et ils avaient parfaitement raison. C’est la deuxième tendance. Et puis il y avait la troisième, celle des antisionistes religieux.


Les juifs ortohodoxes croyaient que lorsque les humains agissaient pour essayer de hâter cet avenir, cela constituait une violation de la loi de la Torah (Getty)

Qu’en est-il des Juifs d’origines ethniques différentes ?

Je pense que ce que je veux dire, c’est que les intellectuels qui s’opposent au sionisme s’opposent probablement à la plupart des nationalismes, car le sionisme est une forme de nationalisme. C’est le nationalisme juif. Et je pense que de nombreux universitaires sont de cet avis, surtout après la Seconde Guerre mondiale, notamment à la suite du nettoyage ethnique des Bosniaques, au Myanmar, et du nettoyage ethnique des peuples autochtones dans le monde, en Australie et aux USA.

Je pense qu’il y a eu une prise de conscience ces dernières décennies quant au fait que le sionisme était fondamentalement très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux de peuplement. Si l’on remonte aux années 1940 et 1950, on ne trouvait pas beaucoup d’universitaires parlant du sionisme comme d’un mouvement colonial de peuplement. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que les universitaires ont réalisé que le sionisme partageait beaucoup de points communs avec tous ces autres mouvements coloniaux de peuplement, qui ont tous commis d’horribles atrocités contre les peuples autochtones.

Je pense donc que le nationalisme ethnique, en particulier à la suite du génocide qui a eu lieu dans les Balkans dans les années 1990, lorsque les milices serbes sont entrées à Srebrenica et ont massacré 8 000 musulmans bosniaques, pour le crime d’être bosniaque, je pense que cela a en quelque sorte réveillé le monde à l’idée que lorsque vous essayez de créer un État national ethnique, c’est-à-dire un État qui sert les intérêts d’un seul groupe ethnique, cela a des conséquences très graves pour les groupes au sein de l’État qui sont d’une ethnie différente.

Vous étudiez de nombreuses questions de l’histoire contemporaine palestinienne et israélienne, et vous avez également étudié les réactions et les interactions du peuple palestinien avec les sionistes à plusieurs reprises. Comment comparez-vous ce qui s’est passé en 1948, avant et après 1967, avec la situation actuelle ? Et comment comparez-vous les réactions du peuple palestinien à l’occupation, avant et après la Nakba ? Car vous vous concentrez également sur la période antérieure à la Nakba. Ce n’est pas courant aujourd’hui, car il semble, pour certains, que l’histoire ait commencé le 7 octobre. Nous souhaitons donc resituer le contexte historique.

On peut comprendre beaucoup de choses sur l’histoire palestinienne si l’on comprend la réponse palestinienne à une seule question : quelle est la voie légitime ? Quelle est la manière appropriée de résister à un groupe qui veut s’emparer de votre pays et prendre toutes les décisions importantes concernant votre vie ? Car c’est précisément l’essence même du sionisme.

Il est clair que les Palestiniens ont réagi de différentes manières, et les réactions étaient diverses. Sous le Mandat [britannique], dans les années 1920, 1930 et 1940, des Palestiniens disaient : « Travaillons avec ces gens. Travaillons avec les sionistes. Soumettons des lettres de protestation aux Britanniques et disons-leur que nous allons résister pacifiquement. Nous allons consigner nos protestations par écrit. Nous allons manifester pacifiquement dans les rues. » Et c’est exactement ce que firent de nombreux Palestiniens. Ce fut d’ailleurs l’un des courants les plus importants du mouvement national palestinien des années 1930 et 1940. Cette forme de lutte était entièrement non violente, et ils organisèrent ce qu’ils appelèrent des conférences nationales tout au long des années 1920, et tout se passa pacifiquement.

Les Palestiniens se sont réunis en 1919, 1920, 1921, 1922, 1923, 1924 et 1925 et ont déclaré : « Écoutez, nous appelons à la création d’un État démocratique en Palestine. Nous avons demandé aux Britanniques de nous permettre d’élire démocratiquement nos représentants parmi les populations juives, chrétiennes et musulmanes autochtones de Palestine ». Naturellement, les Britanniques ont complètement ignoré ces propositions.

Le système britannique était antidémocratique. Il violait la volonté politique de 85 % de la population. Et puis, bien sûr, il y avait un courant plus radical au sein du gouvernement.


On peut comprendre une grande partie de l’histoire des Palestiniens en comprenant simplement leur réponse à cette question : « Quelle est la meilleure façon de résister à un groupe de personnes qui tente de s’emparer de ma terre, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement ? » (Agence Anadolu)

Il ne s’agit pas seulement de politiques ratées, mais de toutes celles qui ont réussi durant la période de domination britannique en Palestine. Il s’agit de milliers de Palestiniens qui ont travaillé sous domination britannique, chacun d’entre eux ayant implicitement accepté, par ce travail, le système imposé par les Britanniques, un système qui n’avait rien de démocratique et qui était clairement orienté en faveur du projet sioniste. Cette acceptation, même si elle semblait pragmatique, reflétait une attitude répandue à l’époque.

Cependant, d’un autre côté, je dois dire qu’un courant clair au sein du mouvement national palestinien a adopté une position plus ferme. Ce courant était convaincu que le colonialisme britannique n’était pas le fruit d’un consensus, mais avait été imposé par la force armée. Par conséquent, la réponse doit également être vigoureuse. Face à un projet colonial violent qui vise à s’emparer de vos terres, à effacer votre identité et à transformer votre patrie d’un pays arabe en une entité juive, la seule façon de lui résister est de riposter par la force.

Je crois que cette tendance, bien que non prédominante au début, a commencé à prendre de l’ampleur, surtout à la fin des années 1930, plus précisément avec le déclenchement de la Grande Révolte Arabe en Palestine entre 1936 et 1939. Depuis lors, et tout au long des sept décennies qui ont suivi la Nakba de 1948, et jusqu’à aujourd’hui, on peut dire que ces deux courants – pacifique et armé – sont restés présents et entrelacés dans le paysage palestinien.

Il y a toujours eu des partisans de l’idée que la libération de la Palestine ne pouvait se faire que par la force. Ce point de vue n’était pas marginal ; il constituait la tendance dominante au sein de la diaspora palestinienne et était adopté par des groupes majeurs comme le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine. De fait, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) elle-même, à ses débuts, a adopté la lutte armée comme seul moyen de libération nationale, avant de progressivement s’orienter vers des options politiques et pacifiques, rejetant ensuite la violence.

Il me semble important de souligner ici la question de la dynamique des positions, car ces transformations ne se sont pas limitées à un seul groupe. Au contraire, les mêmes groupes, avec les mêmes individus, les mêmes dirigeants et la même structure organisationnelle de base, ont oscillé sur l’échiquier politique, entre violence et non-violence, selon les circonstances, la nature de l’occupation et ses tactiques répressives.

Nous avons observé la même évolution avec le Hamas. Ce mouvement, initialement issu du « Complexe islamique » caritatif et non violent, a ensuite évolué vers la lutte armée. Comme pour l’OLP avant lui, les positions évoluent en fonction de l’escalade de la violence de l’autre camp, de l’ampleur de la brutalité exercée par l’occupation israélienne et des conditions politiques à chaque étape.

Par conséquent, pour comprendre l’histoire palestinienne contemporaine, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de lire chaque détail. Il suffit de se poser une question et d’observer la réponse des Palestiniens au fil du temps : quels sont les moyens légitimes de résister à un projet colonial qui vise à s’emparer de vos terres, à détruire votre foyer et à vous purifier ethniquement de votre patrie ? La réponse à cette seule question suffit à comprendre nombre des transformations et des tendances que ce peuple a observées face à un colonialisme de longue date.

La première carte géographique décrivant et désignant la Palestine par son nom a été établie par l'immense géographe Claudios Ptolemaïos, dit Ptolémée, un Gréco-Égyptien d'Alexandrie, au deuxième siècle après Jésus-Christ. Ceci est une reproduction de la carte originale, perdue, datant du début du quatorzième siècle et réalisée à Constantinople, la future Istanbul, contenue dans un ouvrage détenu par la Bibliothèque du Vatican

 

Il y a actuellement un grand débat sur l’identité palestinienne avant la Nakba, et il y a ceux qui nient cette identité historique ?

Le discours sioniste a longtemps cherché à nier l’identité nationale palestinienne en présentant les Palestiniens comme de simples « Arabes » ou « Syriens du Sud », dans le but de remettre en cause l’idée qu’ils constituent un peuple authentique doté d’une existence nationale et historique. Ce déni constituait un moyen de favoriser le discours sioniste, qui prône un nationalisme juif accordant « Israël » exclusivement aux Juifs.

D’où les efforts délibérés de réécriture de l’histoire, à travers des articles et écrits universitaires niant l’existence du « Palestinien » en tant que figure nationale. En réponse, j’ai tenté de documenter l’utilisation du terme « Palestinien » dans les contextes locaux, prouvant, par des éléments linguistiques et historiques, que les Palestiniens se définissaient comme une nation des années, voire des décennies, avant l’émergence du sionisme.

Dans les sources anglaises, le terme apparaît depuis les années 1860, et dans les sources arabes depuis la fin des années 1890, plus précisément en 1898. Le chercheur affirme que l’utilisation de ce terme n’était pas le résultat d’une réaction au sionisme, mais l’a plutôt précédé et est apparue parmi les étudiants palestiniens de Nazareth, loin de toute influence directe du mouvement sioniste, qui ne s’était pas encore répandu dans toute la région.

Il souligne également que ces pionniers palestiniens, tels que Najib Nassar, Khalil Baydas et Salim Qub'ayn, ont été éduqués dans des écoles arabes et russes, et que pour eux les concepts de patrie et d’identité faisaient partie d’une conscience culturelle plus large sans rapport avec le conflit ultérieur avec le sionisme, mais plutôt avec des racines nationalistes profondément ancrées dans la conscience, la langue et les cartes accrochées aux murs de l’école.


Najib Nassar (1865-1947), fondateur en 1908 de l'hebdomadaire Al Karmil, premier journal palestinien résolument antisioniste


Khalil Baydas (1874–1949), traducteur du russe vers l'arabe et romancier, le premier Arabe à utiliser le terme "Palestinien" au sens moderne du terme 


Salim Qub'ayn (1870-1951), enseignant, journaliste, écrivain, historien et traducteur palestinien. Il fut l'un des premiers traducteurs arabes à avoir fait découvrir la littérature russe aux lecteurs arabes, ce qui lui a valu le surnom de « doyen des traducteurs du russe ». 
 

23/10/2025

Le gouvernement israélien se glorifie de sadisme, de mauvais traitements et de torture

Gideon Levy, Haaretz, 23/10/2025
Traduit par Tlaxcala

NdT : étant fatigués de l’us et abus du terme “otages” pour désigner les Israéliens capturés le 7 octobre, nous avons choisi de traduire le terme par celui de “captifs”

Le retour des captifs israéliens a mis au jour une vérité connue de tous : le mauvais traitement des prisonniers palestiniens par Israël a rendu plus difficiles les conditions des Israéliens retenus captifs à Gaza. Il est désormais clair que le mal avait son prix.

Nadav Eyal a rapporté mercredi dans Yediot Aharonot que le service de sécurité Shin Bet avait averti dès la fin de 2024 que les déclarations du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir aggravaient les conditions déjà terribles que subissaient les captifs, et personne ne s’en est soucié.

Prisonniers palestiniens en attente de libération à la prison d’Ofer. Photo  Tali Meir

Chaque fois que Ben-Gvir se vantait des abus qu’il ordonnait, dont le journaliste Yossi Eli se délectait dans ses reportages sadiques sur Channel 13 à propos de ce qui se passait dans les prisons israéliennes, la vengeance venait des tunnels.

C’est désagréable d’admettre le mal israélien. Mais pourquoi avons-nous dû apprendre d’abord la revanche des ravisseurs palestiniens pour être choqués par la méchanceté des ravisseurs israéliens ? Ce qui s’est passé (et se passe encore) à la prison de Sde Teiman était une honte, indépendamment de l’épouvantable souffrance qu’il a causée aux captifs.


L’entrée de la base militaire et centre de détention de Sde Teiman. Photo Eliyahu Hershkovitz

Il est honteux que ce soit la maltraitance des captifs qui ait été nécessaire pour susciter l’indignation sur le traitement par Israël de ses prisonniers palestiniens, y compris dans le titre de mercredi de Yediot Aharonot, qui jusqu’ici ne s’était guère intéressé à ce qu’Israël fait.

Le journal britannique The Guardian a rapporté cette semaine qu’au moins 135 corps mutilés et démemb­rés avaient été rendus à Gaza. À côté de chacun des corps mutilés, on a trouvé des notes indiquant qu’ils avaient été détenus à Sde Teiman. Sur beaucoup des photos, on voyait que leurs mains étaient attachées dans le dos.

Plusieurs présentaient des signes de torture, y compris la mort par strangulation, par passage de char et d’autres moyens. Il n’est pas clair combien ont été tués après leur arrestation. Sde Teiman était un point de rassemblement pour des Palestiniens tués ailleurs.

Le Club des prisonniers palestiniens rapporte que le chiffre d’environ 80 détenus palestiniens tués en prison pourrait sous-estimer la vérité. The Guardian n’a vu qu’une partie des corps et a confirmé les signes d’abus, mais a dit qu’ils ne pouvaient pas être publiés en raison de leur état. Le corps de Mahmoud Shabat, 34 ans, montrait des signes de pendaison. Ses jambes avaient été écrasées par un char, et ses mains étaient liées dans le dos. « Où est le monde ? » a demandé sa mère.

La situation des Palestiniens vivants qui ont été libérés n’est guère meilleure. Beaucoup avaient même du mal à tenir debout à leur sortie, un fait à peine couvert par les médias israéliens.

Le Dr Ahmed Muhanna, directeur de l’hôpital Al-Awda à Jabaliya, qui avait été emmené en décembre 2023 et libéré pendant le cessez-le-feu, a déclaré cette semaine qu’il avait été déplacé de lieu en lieu pendant son incarcération, y compris dans un endroit qu’il a décrit comme un chenil, où des soldats l’ont maltraité à l’aide de chiens terrifiants.

L’apparence amaigrie du médecin ne laissait aucun doute sur les conditions de son emprisonnement. Israël détient 19 autres médecins de Gaza dans des conditions similaires.

Nous devrions nous souvenir des conditions dans lesquelles Adolf Eichmann a été détenu. Personne ne l’a physiquement maltraité avant qu’il soit exécuté par décision de justice.



Des prisonniers palestiniens libérés portent des fusils alors qu’ils arrivent dans la bande de Gaza après leur sortie des prisons israéliennes, suite à un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, devant l’hôpital Nasser à Khan Younis, sud de la bande de Gaza, en octobre. Photo Abdel Kareem Hana, AP

À l’époque, Israël se vantait de ses conditions de détention. Aujourd’hui, le gouvernement se targue de sadisme, de mauvais traitements et de torture. Il le fait parce qu’il connaît les âmes de ses citoyens. La majorité des Israéliens sont vindicatifs et approuvent les mauvais traitements.

À l’exception d’organisations comme Médecins Sans Frontières, B’Tselem et le Comité contre la Torture, presque personne ne s’est élevé contre ce qui se passait. Pour les terroristes de la Nukhba, tout est permis.

La définition de qui en fait partie inclut quiconque a osé entrer en Israël le 7 octobre. Le journaliste Ben Caspit a déclaré cette semaine que tous les combattants de la Nukhba devaient être exécutés. Il semble que le Shin Bet, le Service pénitentiaire israélien et les forces de défense israéliennes aient déjà commencé ce travail avec sérieux.

La seule préoccupation d’Israël est le préjudice subi par les “otages”. Tout le reste est pardonné. Dans de nombreux cas, nous nous excitions même, chérissons et apprécions les mauvais traitements. Nous voulions le sadisme ; nous avons reçu du sadisme en retour.

22/09/2025

AMEER MAKHOUL
Les reconnaissances internationales de l’État de Palestine ébranlent la politique israélienne

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 22/9/2025

الاعترافات الدولية بدولة فلسطين تهز السياسة الاسرائيلية

Traduit par Tlaxcala

 

Un état d’anxiété et de choc s’empare à la fois des courants politiques au pouvoir et de l’opposition en Israël, à la suite des reconnaissances simultanées de l’État de Palestine par les plus proches alliés d’Israël — le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie — bientôt rejoints par le Portugal. D’autres États se préparent à reconnaître la Palestine et à promouvoir la sauvegarde de la solution à deux États.

Ahmad Rahma, Turquie
 

Contrairement aux attentes d’une réaction immédiate et préparée à l’avance, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a annoncé qu’il discuterait de la réponse d’Israël avec Donald Trump lors de leur rencontre le 29 de ce mois, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.

Détails :
Les réponses israéliennes possibles oscillent entre l’option extrême de déclarer l’annexion de la Cisjordanie (peu probable), et l’imposition de la souveraineté sur la vallée du Jourdain — déjà sous occupation militaire israélienne — ce qui rendrait une telle déclaration largement symbolique et politique. Une autre option consisterait à étendre la souveraineté sur d’autres parties de la Cisjordanie, y compris le nord et la zone de Khan al-Ahmar, fragmentant ainsi le territoire palestinien et empêchant sa continuité géographique. Une option plus extrême (mais improbable) serait de dissoudre ou de démanteler l’Autorité palestinienne, ce qui reste peu vraisemblable compte tenu des positions arabes, internationales et surtout européennes.

Netanyahou a déclaré qu’il « doublerait l’activité de colonisation, comme cela se passe déjà sur le terrain », tandis que des cadres du Likoud, proches idéologiquement du courant sioniste religieux, ont appelé à intensifier la construction de colonies et à établir un millier de nouvelles « fermes-colonies ». Celles-ci consistent à attribuer des milliers de dunams de terres palestiniennes à une seule famille ou à un petit groupe, protégés par l’armée israélienne et les milices de colons. Cela intervient dans un contexte de crise du projet colonial, qui — à l’exception de Jérusalem — souffre d’une stagnation du nombre de colons et des transferts de population depuis l’intérieur de la Ligne verte vers la Cisjordanie, ainsi que d’une émigration croissante des Israéliens vers l’étranger.

Les reconnaissances simultanées de la Palestine — et les profonds changements qu’elles représentent dans le comportement international sur la question palestinienne — marquent un moment de vérité pour tous les acteurs palestiniens, arabes, israéliens et internationaux. Un tournant qui semble irréversible.

La décision de Netanyahou de retarder sa réponse jusqu’à sa rencontre avec Trump découle d’une reconnaissance implicite de deux choses : premièrement, qu’Israël, seul, ne peut arrêter la trajectoire des reconnaissances et des changements internationaux en faveur d’un État palestinien ; deuxièmement, que les USA eux-mêmes ne peuvent contrer ces évolutions parmi leurs alliés occidentaux les plus proches. Washington reconnaît aussi que les politiques de Netanyahou divergent de plus en plus des priorités de l’administration Trump, malgré son engagement absolu pour la sécurité et la supériorité d’Israël. Sur le plan interne, la décision de Netanyahou montre qu’il détient seul les clés de la décision, marginalisant Smotrich et Ben Gvir.

Malgré un large consensus sioniste — englobant coalition et opposition — contre ces reconnaissances (même le Parti démocrate, né de la fusion de Meretz et du Parti travailliste, les a qualifiées de destructrices pour la sécurité d’Israël), ce consensus reste fragile. Les divisions politiques et les accusations mutuelles sont vite apparues, comme lors de chaque échec majeur israélien. La plupart des partis d’opposition ont blâmé Netanyahou et son gouvernement pour des politiques ayant conduit à ce revers diplomatique majeur.

Les échecs se sont accumulés en peu de temps. Après l’échec de l’opération de Doha visant à éliminer la direction du Hamas — qui a coûté à Israël politiquement vis-à-vis de Washington et indirectement du Qatar — est survenu ce revers, sans doute le plus grand depuis 1967. Pour la première fois, une reconnaissance internationale massive de la Palestine a défié les menaces israéliennes et ses tentatives d’endiguement. La France et le Royaume-Uni ont même averti de mesures réciproques ou inattendues contre Israël en cas de représailles, y compris concernant le transfert de consulats de Jérusalem à Ramallah — un langage sans précédent dans la diplomatie israélienne ou internationale.

L’opinion publique israélienne perçoit ces changements comme une « révolte » internationale contre Israël, preuve que même une force écrasante a ses limites et ne produit plus de gains politiques — surtout quelques jours après le soi-disant « discours de Sparte » de Netanyahou. Cela pourrait éveiller une prise de conscience que la force militaire ne suffit pas à atteindre des objectifs. Ce qui retarde toutefois une telle réalisation est l’absence d’alternative politique viable au gouvernement Netanyahou, l’opposition restant fragmentée. Le camp de Gantz souhaite rejoindre Netanyahou au gouvernement si Smotrich et Ben Gvir en sont exclus, en échange de la fixation de dates électorales. Lapid et Lieberman appellent, eux, à renverser Netanyahou, mais n’en ont pas la force, d’autant que les tensions avec les ultra-orthodoxes (Haredim) demeurent fortes, ceux-ci soutenant Netanyahou malgré la méfiance, en raison d’accords sur les questions  de la conscription et de la guerre.

Pour les Palestiniens, la vitalité de leur cause est renforcée par ses dimensions arabes, régionales et internationales. La prochaine Assemblée générale de l’ONU et ses rencontres parallèles pourraient apporter un soutien supplémentaire à cette trajectoire. La chaîne 12 israélienne a rapporté que Trump a invité les dirigeants d’Égypte, d’Arabie saoudite, de Jordanie, du Qatar, des Émirats arabes unis et de Turquie à se réunir à New York pour discuter de la fin de la guerre à Gaza. Une telle rencontre inquiéterait encore davantage le gouvernement Netanyahou, en particulier les partis sionistes religieux et certaines factions du Likoud, et pourrait réduire le soutien inconditionnel des USA à des mesures d’annexion ou de souveraineté — surtout alors que la priorité immédiate est de mettre fin à la guerre de Gaza et d’avancer vers la reconstruction.

Conclusion
Ces changements internationaux apparaissent solides et irréversibles, créant une nouvelle réalité mondiale fondamentalement différente des décennies passées. Elle repose sur une solution globale, incluant l’établissement d’un État palestinien, et non plus sur les stratégies israéliennes d’« administration du conflit » ou de « réduction du conflit ».

Les évolutions actuelles — et l’incapacité d’Israël comme de l’administration Trump à les stopper — pourraient élargir les cercles en Israël qui considèrent qu’une solution politique avec les Palestiniens est la seule voie vers la sécurité. Les échecs répétés d’Israël pourraient aussi pousser davantage de citoyens à comprendre que sa position mondiale, sans le sauvetage des USA, montre les limites de la puissance militaire dans une région en profonde transformation qui contraint les politiques israéliennes de déplacement et d’éradication.

La reconnaissance de la Palestine ne crée pas immédiatement un État, mais elle peut en tracer la voie, indépendamment de la volonté officielle d’Israël. Elle réaffirme aussi — aux yeux des opinions publiques israélienne et internationale — que ce qui paraissait autrefois impossible, comme la fin de l’occupation et le démantèlement des colonies, peut bel et bien devenir possible dans ces conditions changeantes.

Pour les Palestiniens, ce moment porte un espoir : que leur destin ne soit ni l’extermination ni le déplacement, mais l’établissement de leur État sur leur terre natale.

MONA ALI KHALIL
Que peut faire l’Assemblée générale de l’ONU pour mettre fin à l’occupation israélienne ?

  Mona Ali Khalil, PassBlue, 14/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Mona Ali Khalil est une juriste de droit international public reconnue au niveau international, avec 30 ans d’expérience à l’ONU et ailleurs, notamment comme ancienne haute responsable juridique à l’ONU et à l’AIEA. Spécialiste du maintien et de l’imposition de la paix, du désarmement et de la lutte contre le terrorisme, elle est titulaire d’un B.A. et d’un M.A. en relations internationales de l’Université Harvard, ainsi que d’un master en relations internationales et d’un doctorat en droit de l’Université de Georgetown. Elle est fondatrice et directrice de MAK LAW INTERNATIONAL et collaboratrice du Harvard Law School Program on International Law and Armed Conflict. Elle est coauteure de plusieurs publications, dont Empowering the UN Security Council: Reforms to Address Modern Threats, the UN Security Council Conflict Management Handbook et Protection of Civilians.

 

Des visiteurs observent la mosaïque « La règle d’or », inspirée d’une peinture de l’artiste usaméricain Norman Rockwell, lors d’une visite guidée du siège de l’ONU. On y lit : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent ». Comme il apparaît improbable qu’Israël se conforme à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le Territoire palestinien occupé avant la date butoir du 18 septembre, l’Assemblée générale peut néanmoins prendre des mesures spécifiques pour faire respecter cet avis consultatif. (PHOTO ONU)

Avec la multiplication des colonies illégales et l’explosion de la violence des colons en Cisjordanie, et avec la famine et les bombardements incessants ayant déjà causé la mort de plus de 64 000 Palestiniens à Gaza, en majorité des femmes et des enfants, le monde observe ce que l’Assemblée générale peut faire — ou non — pour garantir que des conséquences réelles soient appliquées aux violations flagrantes par Israël des Conventions de Genève et de la Convention sur le génocide.

Quelques jours avant l’échéance du 18 septembre fixée par l’Assemblée générale des Nations unies pour qu’Israël se conforme à l’avis consultatif rendu par la CIJ — avis qui a confirmé le caractère illégal de l’occupation, de l’annexion et de la colonisation du Territoire palestinien occupé (TPO) —, Israël n’a pas obéi. Il n’a ni mis fin à son occupation illégale, ni démantelé ses colonies illégales, ni évacué ses colons illégaux.

Au contraire, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et sa coalition d’extrême droite ont déclaré leur intention d’intensifier exponentiellement l’activité de colonisation et d’envisager l’annexion de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Ils ont également rendu publics des plans de recolonisation de Gaza et, à cette fin, ont accéléré l’anéantissement de la bande de Gaza, menant une campagne génocidaire de bombardements incessants, de déplacements forcés et de famine généralisée visant l’ensemble de la population palestinienne.

Il y a près d’un an, le 18 septembre 2024, la 10e session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, agissant dans le cadre de la résolution « Unis pour la paix », a adopté à une écrasante majorité une résolution visant à mettre en œuvre l’avis consultatif de la CIJ du 19 juillet 2024. Dans cette résolution, l’AG a réaffirmé la conclusion de la Cour selon laquelle Israël doit se retirer du TPO, démanteler ses colonies et évacuer ses colons aussi rapidement que possible. L’AG a fixé un délai de 12 mois pour qu’Israël s’y conforme, qui expire le 18 septembre 2025.

Pourquoi Israël est-il obligé de se conformer à un simple avis consultatif ?

Bien que les avis consultatifs de la CIJ n’aient pas, en règle générale, de force obligatoire, dans la mesure où l’avis de 2024 confirme des normes impératives (jus cogens) et identifie des obligations contraignantes (erga omnes), ces normes et obligations demeurent obligatoires pour tous les États, y compris Israël.

En réalité, la CIJ n’a pas seulement identifié des obligations contraignantes pesant sur Israël en tant que puissance occupante, elle a également identifié des obligations contraignantes pour tous les États et pour l’ONU elle-même. Il appartient désormais aux États et à l’ONU — y compris au Conseil de sécurité et, à défaut, à l’Assemblée générale — de garantir la mise en œuvre des éléments contraignants de l’avis consultatif.

Si l’AG ne peut imposer d’obligations contraignantes aux États membres réticents, la résolution « Unis pour la paix » codifie son autorité à recommander une action collective des États disposés et capables d’agir, et qui, selon la CIJ, sont tenus d’agir. Le principe de la Responsabilité de protéger rend cela encore plus crucial dans les situations impliquant un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un nettoyage ethnique.

Lorsque le Conseil de sécurité est dans l’incapacité d’assumer sa responsabilité en raison d’un veto d’un ou plusieurs de ses membres permanents, l’Assemblée générale peut et doit intervenir pour défendre la Charte de l’ONU et le droit international. La 10e session extraordinaire d’urgence sur le TPO, comme la 11e sur l’Ukraine, démontre que l’AG peut agir quand le Conseil de sécurité en est empêché. Néanmoins, elle n’a pas encore exploité tout le potentiel de la résolution « Unis pour la paix ».

Un précédent riche et solide

Née de la crise coréenne en 1950, la résolution a été invoquée pour la première fois en 1956, quand Israël, avec le soutien de la France et du Royaume-Uni, a envahi l’Égypte. Lors de cette première session extraordinaire, l’AG a créé la première force de maintien de la paix de l’ONU — la Force d’urgence des Nations unies (FUNU) — pour superviser le retrait de toutes les troupes étrangères d’Égypte.

Lors de sa quatrième session extraordinaire, l’AG a adopté un embargo sur les armes concernant la situation en République démocratique du Congo. À sa cinquième session, elle a appelé les États membres à faciliter l’assistance humanitaire pour soulager la souffrance des civils et des prisonniers de guerre au Moyen-Orient, et a exhorté Israël à annuler toutes les mesures visant à modifier le statut de Jérusalem. Lors de sa huitième session extraordinaire, l’AG a appelé les États membres à fournir une assistance militaire aux États de première ligne ainsi qu’à l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO) afin de renforcer sa lutte pour la libération de la Namibie.

La 10e session extraordinaire a été convoquée pour la première fois en 1997 afin de traiter des « actions israéliennes illégales dans Jérusalem-Est occupée et le reste du TPO ». Elle a été reprise plus de 20 fois entre 1997 et aujourd’hui. Elle a adopté une série de résolutions, dont certaines visant à protéger les civils et à faire respecter les obligations juridiques et humanitaires. Elle a aussi affirmé sa détermination à envisager des moyens pratiques pour garantir le respect de ces obligations.

Que peut faire l’AG pour « garantir le plein respect » de l’avis consultatif de la CIJ ?

À compter du 18 septembre 2025, ou peu après, la 10e session extraordinaire d’urgence peut recommander une ou plusieurs des six mesures concrètes suivantes, sur la base de ses propres précédents :

  • Exhorter les États membres à fournir une assistance humanitaire à la population palestinienne de Gaza et des autres parties du TPO ;
  • Autoriser les États membres à imposer des mesures diplomatiques, financières ou autres, y compris un embargo sur les armes contre Israël ;
  • Déployer une mission de maintien de la paix de l’ONU ou une force de protection civile, à la demande ou avec le consentement de l’Autorité palestinienne ;
  • Nommer une Commission des Nations unies et/ou un Commissaire des Nations unies pour administrer Gaza, comme l’AG l’a fait en Namibie en attendant le retrait des forces sud-africaines (même si la Commission n’avait pas pu être présente physiquement en Namibie en raison du refus sud-africain) ;
  • Appeler les Hautes Parties contractantes de la 4e Convention de Genève à convoquer une conférence sur la situation dans le TPO, afin de remplir l’obligation de tous les États de mettre fin à la présence illégale d’Israël dans le TPO aussi rapidement que possible ; et/ou
  • Refuser d’accepter les lettres de créance du gouvernement Netanyahou lors de la 80e session ordinaire de l’AG, comme elle l’a fait avec le gouvernement d’apartheid d’Afrique du Sud, vidant ainsi son siège à l’AG sans préjudice pour son appartenance à l’ONU.
Pour ceux qui disent que l’AG ne peut pas le faire : son propre passé prouve le contraire.
Pour ceux qui disent que l’AG ne veut pas le faire : le droit international et la CIJ l’exigent.
Pour ceux qui disent que l’AG ne peut pas faire appliquer ses résolutions : le Conseil de sécurité ne les a pas appliquées non plus.