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23/12/2025

Mon héroïne de Hanoucca

 Gideon Levy, Haaretz, 21/12/2025
Traduit par Tlaxcala

Mon héroïne de Hanoucca cette année est une femme anonyme vêtue de noir. C'était mercredi soir, la quatrième nuit de Hanoucca, au centre commercial Weizmann City de Tel-Aviv. Un hijab sur la tête, un sac à main à un bras et un téléphone portable dans l'autre main, elle s’est approchée de la ménorah et a soufflé d'un seul souffle sur les quatre bougies. Son compagnon a applaudi.

Puis la femme est revenue : la bougie shamash ([serviteur] utilisée pour allumer les huit autres bougies) brûlait encore ; elle l’a également éteinte. Cette femme est la Rosa Parks palestinienne. Une vidéo de sa protestation a été publiée sur les réseaux sociaux pendant le week-end.

Les réactions indignées n'ont pas tardé à suivre : « Une documentation exaspérante » (Mako et Channel 14 News) ; « une documentation scandaleuse» (le site d'information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim) ; « une antisémite arabophone » (« L’Ombre «  [Yoav Eliasi] sur Instagram).
Yair Foldes a rapporté dans Haaretz que la police enquête mais n'a pas encore décidé de l'accusation appropriée. Ils envisagent l'article 170 de la loi pénale israélienne, qui interdit de « détruire, endommager ou profaner un lieu de culte ou tout objet tenu pour sacré par un groupe de personnes, dans l'intention de railler ainsi leur religion ou en sachant qu'elles sont susceptibles de considérer une telle destruction, dégradation ou profanation comme une insulte à leur religion ».
La peine maximale : trois ans de prison. Tous ceux qui ont brûlé des Corans dans des mosquées de Cisjordanie sont libres, et cette femme sera arrêtée.

Au moment où j'écris ces lignes, la chasse à la femme de la police bat son plein. D'ici samedi soir, lundi soir au plus tard, la femme sera arrêtée. Le procès spectacle est en route, même si l'animateur de Channel 14 Yinon Magal est pessimiste : « Ils l’ attraperont, la photographieront à côté du drapeau israélien, l'amèneront à une audience de détention et le juge la libérera sous assignation à domicile ».
Il est bien connu que les maisons israéliennes sont remplies d'Arabes que les tribunaux ont libérés. Demandez à la poétesse Dareen Tatour, qui a été en résidence surveillée pendant six mois (!) avant son procès pour une publication Facebook, bien avant le 7 octobre 2023. Pour les droitiers, l'éteigneuse de bougies est une terroriste qui mérite la peine de mort.

Ce n'est pas gentil de souffler sur les bougies de Hanoucca ; je n'ai aucune idée de ce qui a motivé la courageuse femme, mais il est difficile d'imaginer un acte de protestation non-violent plus spectaculaire.
Il est permis de perturber la fête que les Juifs célèbrent pour commémorer la victoire de la révolte des Hasmonéens contre l'occupant grec. Lors d'une fête pendant laquelle les Juifs chantent : « Nous venons bannir les ténèbres, dans nos mains sont la lumière et le feu », il est permis de protester. Lors d'une fête où les Juifs chantent : « Faisons la fête \ Nous danserons tous la hora \ Rassemblons-nous autour de la table \ Nous vous offrirons un régal \ des dreidels (toupies) pour jouer et des shamash (galettes) à manger », il est permis de gâcher les choses. Surtout, lors d'une fête où les Juifs chantent sans honte : « Quand tu auras préparé un massacre de l'ennemi blasphémateur » (la traduction littérale d'une partie du premier verset de « Maoz Tzur »/ »Rocher des âges ») – il est permis de se rebeller.

Il est permis à une Palestinienne de 1948 de penser que cette célébration devrait être interrompue par un acte de protestation personnel : souffler sur les bougies dans un centre commercial. Alors que ses coreligionnaires et peut-être aussi ses proches – à Jaffa, par exemple, il n'y a pas une seule famille palestinienne sans famille à Gaza – se noient dans la boue, grelottent de froid et que des chiens affamés continuent de fouiller les corps de leurs proches piégés, les Juifs ici ne célébreront pas comme si de rien n'était.
Quelqu'un doit leur rappeler que la guerre à Gaza n'est pas terminée et que les souffrances ne font que s'intensifier. Quelqu'un doit rappeler aux Israéliens que pendant qu'ils se gavent de sufganiyot  [beignets] sophistiquées, à Gaza, il y a encore des gens qui meurent de faim, ou du moins qui sont malades et fatigués de manger des lentilles.
Il y a là-bas des centaines de milliers de sans-abri ravagés par l'hiver. Il y a là-bas des patients qui meurent lentement, dans une agonie atroce, par manque de soins médicaux. Et il y a là-bas des centaines de milliers d'enfants dont les amis ont été tués, et depuis plus de deux ans, ils n'ont ni école ni aucun autre cadre où aller, et qui sont condamnés à une vie d'ignorance et de désespoir même s'ils survivent à la guerre, qui est loin d'être terminée.

Cela affecte les Palestiniens de 48, cela les peine, même s'ils sont paralysés par la peur d'un régime qui arrête quiconque ose exprimer son humanité. Et maintenant, une femme inconnue est venue, la quatrième nuit de Hanoucca, et pendant un instant a soufflé les bougies des Israéliens en fête, d'un seul souffle. C'est une héroïne.

15/12/2025

Pour Israël, une agence d’aide de l’ONU est un groupe terroriste

Gideon Levy, Haaretz, 14/12/2025
Traduit par Tlaxcala

La campagne de diffamation insensée d’Israël contre l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui a atteint son paroxysme la semaine dernière avec le raid inconsidéré sur son siège à Jérusalem et le hissage du drapeau israélien, découle d’une raison profonde qu’Israël n’admettrait jamais : l’UNRWA est la principale agence qui aide les réfugiés palestiniens depuis 1948. C’est là son véritable péché ; le reste n’est que prétextes et propagande. L’UNRWA a sauvé les réfugiés, donc l’UNRWA est l’ennemi.


Des soldats israéliens opèrent près du siège de l’UNRWA à Gaza City en février 2024. Photo Dylan Martinez / Reuters

Pendant de nombreuses années, l’UNRWA a servi d’idiot utile à Israël, finançant l’occupation et assumant les fonctions qui, selon le droit international, relèvent de la responsabilité de la puissance occupante. À l’époque où Israël se souciait encore un peu de la population, principalement pour qu’elle reste tranquille, et où les décisions étaient prises sur la base de la raison et non uniquement par haine, l’UNRWA avait sa place.


Un véhicule de la police israélienne à l’entrée du siège de l’UNRWA à Sheikh Jarrah pendant le raid cette semaine. Photo Silwanic

Puis est arrivé le 7 octobre, et Israël a aussi mordu la main qui nourrissait ses victimes. Il a perdu tout intérêt pour la situation des Palestiniens et a cessé de les considérer comme des êtres humains. Pour Israël, l’UNRWA est devenu une organisation terroriste, et l’administration Trump s’est empressée d’être d’accord.

Le premier prétexte sorti par la machine de propagande israélienne était que des employés de l’UNRWA étaient impliqués dans les événements du 7 octobre. Ce n’était pas le Hamas qui a attaqué Israël, c’était l’UNRWA. Israël a affirmé que 12 des travailleurs de l’agence avaient participé au massacre : 12 sur les 13 000 employés de l’UNRWA à Gaza. Les médias israéliens et les chœurs de propagande ont répandu le poison : l’UNRWA, c’est Noukhba, la force d’élite du Hamas qui a mené le massacre.

L’agence a licencié ceux qui auraient pu être impliqués, mais elle n’avait aucune chance. Personne n’a jamais demandé combien d’employés de Bank Leumi ont bombardé des enfants à Gaza, combien d’employés de l’Université hébraïque de Jérusalem ont pilonné des hôpitaux dans la bande de Gaza ou combien de membres du personnel du ministère de l’Éducation ont tué des personnes attendant de l’aide. Le sort de l’UNRWA était scellé. Les histoires, jamais prouvées, de « centres de commandement » du Hamas dans les abris anti-bombes de l’UNRWA, seul refuge de centaines de milliers de personnes, ont également attisé l’injure.

Des personnes marchent devant le siège endommagé de l’UNRWA à Gaza City en février 2024. Photo AFP

Puis les vieux comptes ont été rouverts : l’UNRWA perpétue le statut de réfugié des Palestiniens. Sans l’UNRWA, il n’y aurait plus de réfugiés palestiniens. Le réfugiéisme est la dernière preuve de la Nakba, c’est pourquoi Israël n’aime pas ça. Après avoir effacé plus de 400 villages, les camps de réfugiés sont restés le seul rappel sanglant de 1948. C’est le crime de l’UNRWA, soutient aussi le documentaire de Duki Dror diffusé sur la télévision publique Kan. Les Européens sont naïfs, affirme Dror, comme le disent toujours les Israéliens à propos des agences d’aide. Ils sont naïfs, seuls nous, Israéliens, sommes lucides.

L’UNRWA n’a pas perpétué le statut de réfugié des Palestiniens. L’occupation l’a fait. Si les Palestiniens avaient un État, il assumerait la responsabilité à leur égard. Le sommet de l’absurdité propagandiste est survenu lorsque Dror a déclaré dans une interview : « À l’ONU, la Palestine est considérée comme un “État observateur non membre”, et on ne peut pas être réfugié quand on a un État. Décidez, soit vous êtes un État, soit vous êtes des territoires occupés. »

C’est vraiment pas gentil de votre part, réfugiés palestiniens, de ne pas avoir encore pris votre décision. Mais Israël a décidé pour vous il y a longtemps. En 1967, il a décidé de l’occupation, et depuis, il n’a pas changé d’un iota sa décision. Maintenant, il dit qu’il n’y aura jamais d’État. Et c’est l’UNRWA qui a perpétué leur statut de réfugié. Et, bien sûr, il y a le programme scolaire de l’UNRWA, entièrement constitué d’ « appels à la haine » contre Israël. Comme s’il fallait l’UNRWA pour que les enfants palestiniens haïssent Israël. Il leur suffit, pour haïr quiconque leur a fait tout cela, d’ouvrir leur fenêtre, s’ils en ont encore une. L’UNRWA aurait dû leur apprendre à aimer Israël.

Un remplaçant a été trouvé pour l’UNRWA : la Fondation humanitaire pour Gaza. Cette agence usaméricaine a été fermée, heureusement, après qu’environ 1 000 personnes ont été tuées. Les attaques contre l’UNRWA continuent, et il n’y a pas de substitut.

Vendredi dernier, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, à une large majorité, une résolution appelant Israël à coopérer avec l’UNRWA, après que la Cour internationale de justice a également jugé infondées les accusations contre l’agence. L’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Danny Danon, s’est empressé de répondre : l’UNRWA est une organisation terroriste. Cachez donc ces réfugiés que nous ne saurions voir. 

14/12/2025

Avec son mouvement de masse judéo-arabe, Alon-Lee Green est en train de remodeler la gauche israélienne

Avec plusieurs milliers de membres, un quart de million d’abonnés sur les réseaux sociaux et une place sur la liste des leaders émergents du magazine Time, Alon-Lee Green, cofondateur du mouvement Standing Together [Naqif Ma'an/ Omdim Beyachad, Debout ensemble], trace une nouvelle voie pour une opposition politique israélienne aujourd’hui fragmentée.

Yana Pevzner, Haaretz, 12/12/2025
Traduit par Tlaxcala



Alon-Lee Green : « J’ai conservé des captures d’écran des menaces. Il y a eu des jours avec 2 000 messages de menaces». Photo : Rami Shllush

En mai dernier, lors d'une protestation à la frontière de Gaza, Alon Lee-Green a été arrêté avec huit autres activistes de Standing Together, le grand mouvement de base pour la coexistence judéo-arabe. Menotté aux mains et aux pieds, il a été emmené pour interrogatoire au poste de police d'Ashkelon.

« Ce n'est pas la première fois que je suis arrêté », dit-il. « Habituellement, ils te relâchent après l'interrogatoire. Cette fois, ils nous ont transférés dans un centre de détention puis présentés à un juge. Le juge était religieux-nationaliste ; il a dit que les blocages de routes devaient cesser, l'a comparé aux protestations de la rue Kaplan, et a dit que le phénomène devait être traité. Mais nous n'avons bloqué aucune route. Nous avons été arrêtés près de la frontière, et il n'y avait même pas de route là-bas. Il a ordonné une semaine de détention provisoire, et nous avons réalisé que quelque chose commençait à devenir sérieusement fou ici. C'est devenu encore plus clair quand ils ne nous ont pas ramenés au centre de détention mais à la prison de Shikma. Parmi nous se trouvaient deux femmes placées à l'isolement et détenues dans les conditions les plus dures. Nous, les hommes, avons été séparés. J'ai aussi vu les différences entre la nourriture reçue par les détenus israéliens et les détenus palestiniens de l'autre côté de la prison. C'étaient des résidents de Cisjordanie, débraillés et en haillons, arrêtés alors qu'ils tentaient de passer en Israël.

« Le plus drôle, c'est qu'ils m'ont reconnu – ils ont reconnu nos t-shirts violets de Standing Together et m'ont salué. Après ça, ils m'ont mis dans une cellule avec trois membres d'une famille criminelle. »

Comment vous ont-ils accueilli ?

« Leur première supposition était que j'avais été arrêté à une rave. J'avais déjà retourné mon t-shirt violet – celui qui dit "Seule la paix apportera la sécurité". Mais très vite, ils ont attrapé le procès-verbal du tribunal dans ma main, l'ont lu et ont compris que j'avais été arrêté lors d'une manifestation. Je leur ai dit que c'était une protestation appelant à un accord sur Gaza, à l'arrêt de la guerre et à la libération des otages. L'un d'eux a dit : "C'est bien", et qu'il fallait soutenir les familles des otages. Un autre a insisté sur le fait que nous perturbions le travail de "Bibi le génie" et que les protestations ne faisaient que renforcer le Hamas. »

Aviez-vous peur ?

« C'était une situation difficile. Je ne savais pas si je pouvais me laisser m'endormir. J'y ai passé deux nuits. Mais il y a aussi eu des moments sympas. En prison, tu n'as pas de lacets – ils sont confisqués, apparemment pour ne pas te faire du mal. C'est inconfortable ; tes chaussures tombent tout le temps. Un des prisonniers m'a fabriqué des lacets avec un sac en plastique à pain. Ensuite, ils m'ont montré comment faire une mèche avec du papier toilette qui peut durer toute la nuit. »

À quoi ça sert ?

« Quand un prisonnier demande au gardien une allumette pour fumer une cigarette, ça peut prendre une demi-heure avant qu'il ne vienne. Donc tu roules du papier toilette en une longue mèche, tu la suspends, tu allumes le bout, et ça te donne une flamme toute la nuit. »


Des militants de Standing Together lors de la “marche de la farine”, contre la famine à Gaza. 
Photo : Tomer Appelbaum

Standing Together attire ce niveau d'attention des bras armés de l'État – et de ses soldats moins officiels – parce qu'il propose une alternative qui menace le récit dominant permettant à la droite de gouverner : que Juifs et Arabes ne peuvent pas vivre ensemble ici, et certainement pas coopérer pour construire un avenir nouveau et sans effusion de sang pour les deux peuples.

Au cours des deux dernières années, le mouvement a manifesté contre ce qu'il appelle une guerre de revanche et contre la mort de civils innocents, et pour la libération des otages. Les membres ont protégé des convois alimentaires à destination de Gaza, subi des menaces, et ont été violemment arrêtés par la police, mais rien ne les a découragés. Deux mille nouveaux membres ont rejoint pendant cette période, portant Standing Together à 7 000 membres enregistrés, dont 35 % d'Arabes.

Dans l'une de nos conversations le mois dernier, Green, 38 ans, co-directeur national et l'un des fondateurs du mouvement, a donné un exemple du type d'activisme qu'ils mènent. Cela a eu lieu quelques heures avant son arrestation – deux mois après l'effondrement du cessez-le-feu entre Tsahal et le Hamas et au milieu de l'offensive de mai 2025 sur Gaza, qui a entraîné la mort de milliers de civils palestiniens et de dizaines de soldats israéliens, et n'a pas abouti à la libération des otages. Green et d'autres membres se sont rassemblés à la gare de Sderot vêtus de leurs t-shirts violets, imprimés en arabe et en hébreu avec "Standing Together" ou "Seule la paix apportera la sécurité". Le plan était de marcher vers la frontière de Gaza pour protester contre la guerre et demander le retour des otages.

Une foule en colère s'est rassemblée autour des activistes, criant des injures. Dans la foule hostile, Green a remarqué une femme d'une quarantaine d'années.

« Je me suis approché d'elle et lui ai demandé son nom », dit-il. « Je me suis présenté et lui ai demandé si elle voulait s'écarter pour qu'on puisse parler calmement. Elle a accepté. Quand les gens sont emportés par une foule en colère, on ne peut pas les atteindre, et je voulais percer cette performance collective de rage, apparaître comme un être humain devant elle plutôt que comme un symbole de quelque chose qu'elle déteste. »

Et avez-vous parlé ?

« Oui. Je lui ai posé des questions. Elle a dit qu'elle était mère de jeunes garçons. Je lui ai demandé si elle n'avait pas peur qu'ils soient envoyés combattre. Bien sûr que si, a-t-elle dit. Je lui ai demandé combien de temps elle pensait que nous pouvions continuer comme ça, et si elle était prête à risquer de perdre ses fils. Elle a dit absolument pas. Finalement, cette femme – je suis presque sûr qu'elle vote pour Ben-Gvir ou quelqu'un comme lui – a convenu que la paix était préférable à la guerre et qu'il fallait travailler pour cela. »

Ça ressemble à un succès.

« Dans de nombreux cas, une conversation comme celle-là est plus efficace que des discours sur la souffrance de l'autre côté. Quand tu parles à quelqu'un de sa propre vie, tu peux l'amener à voir ce qu'il perd. Je ne pense pas qu'il y ait un seul parent en Israël qui veuille que son enfant soit dans la situation que les jeunes de 18 ans ont connue ces deux dernières années. Cela montre à quel point les Israéliens veulent une réalité différente. »

Il y a deux jeudis, Standing Together a célébré son 10e anniversaire avec une conférence à Haïfa. Environ 1 500 Arabes et Juifs sont venus, mais ensuite des policiers armés sont entrés dans la salle, l'un d'eux portant même un fusil.

« Les officiers se sont tenus face au public », raconte Green. « Ils ont scanné les pancartes dans la salle puis ont exigé que nous retirions la pancarte disant "Sortir de Gaza". Ils ont affirmé que la pancarte était illégale. Nous avons demandé : "Selon quelle loi ?" mais ils n'ont pas répondu ; ils ont juste dit que c'étaient les ordres. »

Selon Green, « Ils ont empiété sur notre droit de nous organiser et notre liberté d'expression. C'était un message destiné à nous intimider. La police est tombée – nous comprenons tous qu'elle n'est pas là pour nous, pas là pour nous protéger. C'est la réalité, et nous devons le reconnaître. C'est perturbant, mais le rassemblement lui-même était un moment profondément émouvant. C'était un moment d'espoir. Beaucoup de gens sont venus, Juifs et Arabes, et après ces deux dernières années, ce n'est rien de moins qu'un miracle. »

Le mois dernier, le mouvement a célébré son 10e anniversaire. Environ 1 500 Arabes et Juifs assistaient à la conférence à Haïfa lorsque des policiers armés ont fait irruption. « Ils ont examiné les pancartes dans la salle et ont exigé que nous retirions celle qui disait « Sortir de Gaza ». » Photos Rami Shllush




La Police israélienne a répondu : « La présence de la police sur le site était pour des raisons de sécurité et de maintien de l'ordre public, dans le cadre de notre responsabilité d'assurer le bon déroulement de l'événement et conformément à notre responsabilité pour la sécurité publique selon la loi. Contrairement aux allégations, à aucun moment des pancartes n'ont été confisquées. La Police israélienne continuera de permettre des conférences et des événements publics conformément à la loi et avec la protection de la liberté d'expression. La question des pancartes sera clarifiée avec tous les officiers. »

Green a passé 20 ans dans une lutte politique constante, mais il reste optimiste. « Au tout début de la guerre, des Juifs et des Arabes du mouvement sont allés nettoyer des abris anti-bombes. Nous avons accroché des pancartes en arabe et en hébreu pour faire savoir aux gens que si une roquette tombe, elle nous touche tous – que nous sommes dans cette situation ensemble. Ensuite, nous sommes allés faire du bénévolat avec des agriculteurs du sud. Des familles du Triangle – Taibeh, Kafr Qasem, Kalansawa – se sont portées volontaires pour héberger des gens du sud, les ont invités à dormir chez eux. Il était important pour nous de signaler la possibilité de vivre ensemble, qui à ce moment-là semblait impossible. C'était une déclaration que nous n'avions pas perdu espoir. »

Deux ans plus tard, la situation ne fait qu'empirer. Vous et le mouvement le ressentez directement. Êtes-vous toujours optimiste ?

« Le slogan de Standing Together est "Là où il y a lutte, il y a espoir", et je le crois. Pensez à tous les groupes politiques de l'histoire qui ont continué à se battre même dans des moments désespérés. Pensez aux femmes du début du XXe siècle qui se sont battues pendant des années pour le droit de vote et d'éligibilité. La police les a jetées en prison, leurs maris les ont mises à la porte, on leur a interdit de voir leurs enfants. Elles n'avaient aucun moyen de savoir qu'elles gagneraient finalement. Même aux moments les plus durs, elles ont continué. C'est pourquoi là où il y a lutte, il y a espoir. »

Standing Together a été fondé par des activistes de Meretz et du Hadash impliqués dans les protestations sociales de 2011. Sa formation a pris plusieurs années et n'a eu lieu qu'après la guerre de Gaza de 2014 (Opération Bordure Protectrice) et la soi-disant "Intifada des couteaux", à un moment où l'opposition politique était silencieuse et n'offrait aucune alternative. Le mouvement a décidé d'organiser une manifestation à Jérusalem – alors l'épicentre de la violence et des coups de couteau. Ils voulaient montrer que les choses pouvaient être différentes : se tenir ensemble contre le désespoir et la peur, en partenariat et en paix. La manifestation a rassemblé 3 000 personnes, Juifs et Palestiniens, ainsi qu'une quinzaine d'activistes de droite qui ont protesté contre eux, dont le rappeur israélien Yoav Eliasi (Hatzel, ou "L'Ombre").

« Nous avons continué à Rahat, Haïfa et Tel Aviv », dit Green. « Pendant un mois, nous avons déménagé d'un endroit à l'autre et manifesté. Ensuite, nous avons décidé de formaliser le mouvement en tant que partenariat de Juifs et d'Arabes, contre le racisme, contre l'occupation, pour la paix et la justice sociale. »

En dix ans d'existence, le mouvement a ouvert 12 branches et 14 sections étudiantes à travers le pays. L'adhésion nécessite une cotisation minimale de cinq shekels. Le mouvement reçoit des dons de fondations familiales et du New Israel Fund, et depuis sa fondation, il a joué un rôle central dans un large éventail de luttes sociales et politiques – dans certains cas en les initiant et en les dirigeant – comme la campagne "Minimum 40" pour augmenter le salaire minimum, le "Combat des 5 000" pour augmenter l'allocation vieillesse, et la lutte contre la Loi de l' État-Nation.

Ces deux dernières années, leur activisme s'est concentré sur la guerre. L'un des efforts les plus significatifs a été la protection des camions d'aide tentant d'entrer à Gaza. « C'est effrayant dans tous les sens – quand une adolescente avec un couteau te menace, et que tu te retrouves à te demander où sont les services sociaux, où est la police », dit Green. « Mais à la fin, nous avons gagné, et les camions sont entrés. »

Après ce succès, le mouvement a commencé à collecter de la nourriture et des vêtements pour les résidents de Gaza. Des dizaines de milliers ont participé, principalement des communautés arabes. Finalement, plus de 250 camions chargés de nourriture et de vêtements sont entrés à Gaza. « Cela s'est produit après plus d'un an de tentatives de faire taire le public arabe. S'ils osaient écrire quoi que ce soit sur Gaza, ils étaient licenciés, arrêtés, photographiés ligotés avec les yeux bandés. Ils avaient peur. Collecter des dons leur a permis de faire quelque chose sans peur. »

Parallèlement aux 2 000 nouveaux membres qui ont rejoint le mouvement, des dizaines l'ont également quitté. Cela s'est produit dans les premiers jours de la guerre, après que Standing Together ait publié une déclaration de profonde affliction et ait lié l'occupation continue au manque de sécurité. Trois jours plus tard, il a appelé à un accord immédiat pour libérer les otages et s'est implicitement opposé à la guerre.

« Nous avons été le premier organe israélien à utiliser le mot "accord". Cela a amené une énorme vague d'attaques, presque de tous ceux qui nous entouraient. Même Yair Golan a parlé de couper l'électricité et de ne pas laisser entrer de nourriture à Gaza », dit Green.

À votre avis, la guerre est-elle totalement illégitime ?

« Pour nous, la question de savoir quoi faire avec le Hamas est extrêmement importante, mais il est totalement clair que les otages n'auraient pas pu être rendus par la pression militaire, et il est clair que répondre à des appels à la vengeance est dangereux en soi. Netanyahu et d'autres ont immédiatement commencé à parler de renvoyer Gaza à l'âge de pierre ; Smotrich a dit que les otages ne devraient pas être une priorité. Il était évident que la guerre à venir ne serait pas une guerre pour la sécurité ou une guerre pour ramener les otages – ce serait une guerre de revanche. »

Mais qu'était Israël censé faire le 7 octobre ? Signer un accord avec le Hamas et libérer ses prisonniers ? Beaucoup appelleraient cela défaitiste, pour le moins.

« Je pense qu'on peut finalement le juger à travers le prisme de l'histoire. La guerre a-t-elle apporté la sécurité ? Avons-nous écrasé le Hamas ? Nous avons tué une génération de dirigeants – est-ce que cela signifie qu'il n'y aura plus d'adolescents de 16 ans prêts à prendre les armes et à rejoindre le Hamas ? Après deux ans, nous avons quitté 50 % de la Bande, et le Hamas s'est réarmé – avec des armes qu'Israël lui-même a introduites. C'est comme une boucle dans laquelle nous vivons depuis 20 ans. Les USA sont restés en Afghanistan, ont dépensé deux mille milliards de dollars, tué des centaines de milliers de personnes. Au moment où ils sont partis, les Taliban sont revenus au pouvoir. Et maintenant, que font les Taliban ? Tout ce dont ils ont rêvé de faire toutes ces années. »


Des organisations de la société civile, menées par Standing Together, protestant contre la guerre, les morts à Gaza et l'abandon des otages, en mai. Photo Naama Grynbaum

Pendant la guerre, dit Green, il y a eu des moments qui ont créé de profondes tensions au sein du partenariat judéo-arabe. Par exemple, lorsque quatre otages ont été libérés dans une opération militaire. « C'était une joie débordante », dit-il. « Tous nos dirigeants – Arabes et Juifs – écrivaient dans notre chat de groupe que nous devions publier quelque chose, exprimer du bonheur. Mais très vite, beaucoup des membres arabes ont écrit qu'à part les combattants du Hamas, plus de 100 Gazaouis ont été tués dans cette opération, dont de nombreux enfants. Et nous sommes un mouvement, une direction, un compte Instagram – mais les Juifs sont heureux et les Palestiniens sont horrifiés. Quelle position adopte-t-on ? Cette situation s'est répétée encore et encore. Et nous avons une règle : nous ne présentons pas de positions séparées aux deux peuples. Essayer de maintenir ce pont, sur lequel nous insistons pour le maintenir, est incroyablement compliqué. »

Alors qu'avez-vous fini par faire ?

« Finalement, nous avons exprimé de la joie pour la libération des otages, mais nous avons aussi mentionné la mort des enfants. Les gens n'ont pas aimé que nous évoquions les morts palestiniens ; tout le monde était heureux et ne voulait pas que l'ambiance soit gâchée. Ce même jour, c'était déprimant de voir la plupart des députés de gauche ignorer les morts. Yair Golan a dit "un état sain d'esprit ne tue pas des bébés par passe-temps". Il s'est fait critiquer pour ça et n'en a plus dit un mot depuis. Je pense que c'est un échec d'humanité fondamentale. C'est comme si les sondages étaient tout.

« Regardez mon post sur les deux enfants à Gaza que Tsahal a tués. Il y a 1 400 commentaires disant que c'est dommage que ce soit seulement deux enfants. L'opposition ne peut même pas se résoudre à en parler. Personne ne dit un mot, y compris [le député des Démocrates Gilad] Kariv. Deux enfants ont été tués ; ils sont morts aux côtés d'un terroriste recherché. Tsahal les a appelés "suspects" et ne l'a pas rétracté. Ces députés se voient comme une alternative, mais ils sont incapables d'en créer une. La droite marque dans un but ouvert. Je me fiche des calculs électoraux – à la fin, ils sont comme des grenouilles dans une marmite bouillante.

« C'est aussi pourquoi nous avons essayé de rencontrer Yair Golan, nous voulions créer un contre-pôle dans la politique israélienne, car actuellement il n'y a pas d'alternative. Je comprends que les gens voient en lui certaines vertus – son caractère, son combatif – mais à ce stade, le caractère et le style ne sont pas des substituts au fond, et être anti-Bibi ne suffit pas. Dans notre discours à la conférence, nous avons dit qu'on pouvait comparer la situation à un menu de restaurant : Quand quelqu'un entre dans un restaurant et regarde le menu, il choisit parmi les options disponibles. Si maintenir l'humanité, la paix et arrêter l'effusion de sang n'est même pas sur le menu, les gens ne le choisiront pas. Et c'est notre rôle – de mettre ces options sur le menu. »

Le bureau de Yair Golan a répondu : « Nous ne sommes pas au courant d'une demande de rencontre qui serait restée sans réponse. Notre porte est toujours ouverte. Israël est à un carrefour décisif – et nous sommes tous ensemble dans cette lutte importante pour sauver le pays. Yair Golan et les Démocrates continueront de mener la lutte et de servir de colonne vertébrale morale, sécuritaire, éthique et démocratique solide. »

Green a environ un quart de million d'abonnés sur les plateformes de médias sociaux et tient à y rester actif, parlant en anglais et en hébreu et documentant le bon comme le mauvais. En 2024, avec sa co-directrice nationale Rula Daood, il a été choisi pour la liste TIME100 NEXT du magazine TIME des leaders émergents. Des interviews des deux sont parues dans la presse internationale, et Green a rencontré des politiciens de haut niveau comme Bernie Sanders. Dans les termes d'aujourd'hui, on pourrait dire qu'il est un influenceur pour la paix et la coexistence.

Quand il se promène dans les rues d'Israël ou de New York, il est souvent reconnu par les passants. Parfois c'est agréable ; parfois pas. C'est décidément désagréable quand le passant est l'activiste d'extrême droite Mordechai David. Dans une vidéo que Green a téléchargée sur TikTok, David se presse contre lui – comme il a tendance à le faire avec ses cibles – et hurle, voulant savoir comment Green n'a pas "honte de lui-même". Dans une autre vidéo, plus troublante, d'août dernier, David demande aux gens de lui envoyer l'adresse de Green et l'adresse de la librairie de son frère.

« D'abord, j'amènerai des gens avec moi, je les paierai, et matin et soir nous ne le laisserons pas quitter la maison, nous bloquerons sa voiture, partout. Après lui, Shikma Bressler et d'autres. Nous y allons gauchiste par gauchiste – il est le premier », dit David, alors qu'une image du visage souriant de Green est affichée au-dessus de lui à l'écran.

« Les menaces ont commencé dans les premiers mois de la guerre », dit Green, « après que nous ayons exprimé notre opposition à une guerre de revanche, notre demande d'un accord pour ramener les otages, et notre déclaration qu'il y a des gens innocents à Gaza. J'ai sauvegardé des captures d'écran des menaces. Il y avait des jours avec 2 000 messages. »


Green et Sally Abed en réunion avec Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. Standing Together



Des menaces spécifiques contre vous ?

« Contre moi et contre le mouvement. En novembre 2023, nous avons quitté nos bureaux pendant deux semaines parce que [l'activiste d'extrême droite anti-migrants] Sheffi Paz, L'Ombre, et plusieurs autres activistes de droite ont publié notre adresse. Je suis allé à la police 17 fois, mais un jour ou deux après avoir déposé une plainte, je recevais un message que l'enquête était close faute de pouvoir identifier les suspects – même si je leur ai donné des noms et des numéros de téléphone. Ça n'a fait qu'empirer. Nous avons engagé une société de sécurité, installé des caméras.

« Ces derniers mois, L'Ombre a lancé une campagne sur les réseaux sociaux contre moi. Il a environ 600 000 abonnés sur Telegram, et les menaces ont recommencé. Des gens ont posté mon adresse et l'adresse de la librairie de mon frère. Je me suis retrouvé à parler avec les locataires de mon immeuble, expliquant pourquoi je devais installer des caméras. Quand il y avait de grandes manifestations et que je rentrais tard le soir, je m'arrêtais avant d'entrer et regardais autour pour voir si quelqu'un m'attendait. Il y a des gens qui s'organisent en groupes pour attaquer des chauffeurs de bus arabes ; je pensais qu'ils pourraient faire ça avec moi aussi. »

Et l'ont-ils fait ?

« Oui. Il y a quatre mois, environ 70 d'entre nous manifestions devant le Kiryat Hamemshala [le complexe central des bureaux gouvernementaux] à Tel Aviv contre la famine et les morts à Gaza, et pour demander la libération des otages. Alors que nous marchions vers le bureau, le personnel qui était resté sur place a appelé et nous a avertis de ne pas revenir. Environ 15 activistes de droite tentaient de pénétrer dans les bureaux. Il y avait aussi des employés palestiniens. Ils tenaient tous physiquement les portes fermées et étaient terrifiés.

« Nous avons appelé la police, mais elle n'est arrivée qu'une heure plus tard. C'est aussi arrivé à nos bureaux de Haïfa, Shai Glick [un activiste de droite connu pour harceler les organisations de gauche] a fait irruption avec quelques activistes de droite et un mégaphone. Mais j'ai choisi cette vie. Quelqu'un comme Einav Zangauker [la mère de l'ancien otage Matan Zangauker] ne l'a pas choisi, et elle peut à peine marcher dans la rue sans que les gens ne l'insultent et parfois la menacent violemment. »

C'est l'atmosphère dans laquelle nous vivons maintenant.

« Exact, et ça vient d'en haut, des couloirs du pouvoir qui l'encouragent. Des gens comme Mordechai David ou certains colons savent qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent et qu'il ne leur arrivera rien. C'est un exemple clair de la raison pour laquelle l'occupation est dangereuse non seulement pour les Palestiniens mais aussi pour la société israélienne. Les frontières ont été franchies, la violence fait partie de la vie quotidienne, et elle vient toujours d'un seul côté. »

Avez-vous déjà été convoqué pour un "entretien d'avertissement" par le Shin Bet ou la police ?

« Moi personnellement, non. Mais nos membres arabes, oui. Il y a eu des tentatives d'annuler des événements, des menaces sur des maires pour qu'ils ne nous laissent pas tenir des événements dans leurs villes. Ces deux dernières années, on nous a dit ce que nous avions le droit de faire ou non – par exemple, afficher des photos d'enfants de Gaza tués. La police a émis une lettre officielle disant que nous ne pouvions pas les afficher lors de manifestations. Nous l'avons portée devant les tribunaux, et non seulement nous avons gagné, mais nous avons acheté des panneaux d'affichage et mis ces photos dessus. »

Dans l'atmosphère actuelle, il est également logique de suspecter qu'il pourrait y avoir des informateurs dans le mouvement. Est-ce arrivé ?

« Notre blague récurrente est que Shai Glick est toujours le premier à s'inscrire à n'importe laquelle de nos activités. Dès que nous ouvrons un lien d'inscription pour un transport, un événement, n'importe quoi – il est le premier à s'inscrire sous l'un de ses faux noms. Ses nombreux numéros de téléphone nous sont connus. Il y a eu des cas où la Chaîne 14 a produit des "enquêtes" avec des enregistrements de conversations internes de nos groupes WhatsApp, et on peut toujours commencer à se demander qui fuit. Mais si nous commençons à suspecter nos propres activistes, ils auront atteint ce qu'ils veulent. De toute façon, nous n'avons rien à cacher, donc nous ne nous inquiétons pas. »

La Police israélienne a répondu : « Contrairement aux allégations, en 2023, seules deux plaintes ont été déposées, et une plainte supplémentaire a été déposée en 2024, pour suspicion de menaces. Les plaintes ont été enquêtées professionnellement et minutieusement, et aucune base probante n'a été trouvée qui permettrait d'identifier des suspects ; par conséquent, les affaires ont été closes conformément à la loi. Si des informations supplémentaires sont reçues, la police procédera à d'autres actions d'enquête si nécessaire. »

Comment votre famille réagit-elle à votre activisme ?

« Ma mère et mon frère ne sont pas d'accord avec tout ce que je fais ou dis. C'était vrai avant le 7 octobre, et bien sûr après. Mais ils acceptent qui je suis et ce que je fais. Mon frère discute avec moi politiquement et me dit souvent : "Tu as choisi de vivre dans la lutte, et une personne qui a le dos aussi raide finira par se briser." J'y pense parfois. »

Pensez-vous que vous êtes rigide ?

« Je pense qu'il y a quelque chose en moi qui ne peut tout simplement pas abandonner. Pas sur ce pays non plus. Je suis un patriote, même si parfois la gauche aussi essaie de nous peindre comme non patriotiques. Notre approche est un vrai patriotisme, car notre voie est celle qui apportera la sécurité. Le 7 octobre et dans les semaines qui ont suivi, j'ai ressenti un très fort sentiment d'appartenance à cet endroit, une profonde connexion avec les gens et la société autour de moi. »

Vous ne le ressentiez pas avant ?

« Si, mais quand des parties de la gauche internationale ont immédiatement justifié le massacre, j'ai senti que je n'avais nulle part ailleurs où vivre. J'ai ressenti un besoin urgent de nous défendre, de défendre notre société, de lutter pour les otages. J'ai senti que c'était une bataille pour nos vies – à la fois pour les Israéliens et les Palestiniens. Ma connexion aux gens d'ici et à cette terre est devenue plus forte. J'ai compris que cet endroit est trempé dans le sang. Pas seulement dans le sang de l'histoire, mais dans notre sang maintenant. Dans le sang de mes amis, dans le sang de ma société. »

Pourquoi pensez-vous que vous êtes devenu quelqu'un qui mène une vie de batailles ?

« J'ai grandi dans le centre de Tel Aviv avec mon frère jumeau identique et une mère célibataire, qui insistait pour que nous vivions toujours près de ma grand-mère. Notre situation financière n'était pas facile, et cela comprenait des situations difficiles. Une fois, une enseignante m'a dit devant toute la classe que si ma mère ne payait pas la sortie scolaire pour le lendemain, elle ne me laisserait pas monter dans le bus. La secrétaire de l'école appelait mon frère et moi par le système de sonorisation et nous réprimandait parce que notre mère n'avait pas payé. C'était très humiliant et embarrassant, un sentiment de n'avoir aucun contrôle. Et c'était dans une école nommée d'après A. D. Gordon, supposément une école "des enfants des travailleurs" avec des valeurs socialistes. Finalement, j'ai aussi réalisé que je vivais dans le placard. À cette époque, j'avais un fort sentiment d'injustice et d'iniquité. »

Selon Green, ces premiers sentiments d'injustice n'ont pas disparu en grandissant. À 17 ans, il a découvert que son lieu de travail, une franchise de Coffee Bean, enfreignait la loi, exploitait les travailleurs et ne les payait pas ce qui leur était dû. Le combat qui a suivi est devenu une histoire majeure et a changé de nombreuses vies de manière très concrète. Suite à la lutte menée par Green, le premier accord collectif dans le secteur de la restauration pour les jeunes travailleurs a été signé.


Green lors de son arrestation pendant les journées de protestation sociale. « Nous avons senti que nous étions à un véritable carrefour d'influence. » Photo Shahaf Haber

« L'une des choses les plus significatives là-bas était la composition du syndicat lui-même », dit Green. « Nous étions cinq représentants syndicaux parlant pour 300 travailleurs. L'un des cinq était un gars nommé Nazir, un citoyen palestinien d'Israël de Jaljulya. C'était bien avant que les demandeurs d'asile ne soient courants dans le secteur de la restauration, et la plupart des travailleurs étaient juifs – et ils soutenaient tous Nazir comme l'un de leurs leaders. Cela m'a stupéfié. J'ai vu l'énorme pouvoir que les gens ont quand ils s'organisent ensemble pour un objectif commun. »

Quand Green avait 19 ans, Dov Khenin l'a invité à travailler sur sa campagne électorale pour la mairie de Tel Aviv. Ensuite, Green l'a rejoint à la Knesset et a été son assistant parlementaire de 2009 à 2014. Pendant ces années, il a coordonné le travail sur la démocratie, les droits des travailleurs, l'économie et les droits LGBTQ, et a aidé à mener des manifestations et des coalitions d'ONG contre des initiatives législatives nuisibles aux tribunaux, aux citoyens arabes et aux organisations de défense des droits de l'homme. Il a également initié la formation du syndicat des assistants parlementaires, qui a finalement signé son premier accord collectif améliorant leurs conditions de travail. À l'été 2011, il est devenu l'un des leaders du mouvement de protestation pour la justice sociale.

« Un moment, on a eu l'impression que les nuages s'écartaient et qu'un rayon de soleil brillait sur nous en tant que société », se souvient-il. « Mais l'été est passé, les tentes ont été pliées, et nous sommes devenus trop accros aux médias, à l'influence. Nous n'avons pas compris que faire sortir les gens pour manifester ne suffit pas. »

Et vous avez aussi effrayé les politiciens. Vous avez effrayé Netanyahu.

« Oui. Ils ont envoyé toutes sortes de gens pour nous parler – des députés, des gens agissant au nom de Netanyahu. Certains étaient des journalistes qui se sont révélés plus tard être ses envoyés, ce que nous avons appris par l'affaire Nir Hefetz. Il y a eu beaucoup de choses qui nous ont fait sentir que nous étions à un véritable carrefour d'influence. »

Comme quoi, par exemple ?

« Ils nous ont demandé de nous rencontrer dans un café à une heure du matin avec quelqu'un de haut placé du Shas. Nous sommes venus et avons découvert que c'était Aryeh Deri. Il n'était pas encore revenu en politique, et le Shas était dirigé par Eli Yishai. Deri pensait que le parti devrait quitter le gouvernement, qu'il pourrait se présenter sur une plateforme sociale, et que le mouvement de protestation pourrait l'aider. Lors de cette réunion, il nous a dit que nous devions faire pression sur Eli Yishai pour qu'il se retire du gouvernement ; en retour, il nous aiderait à atteindre nos objectifs.

« Ehud Barak, qui était alors ministre de la Défense, nous a invités dans son bureau et a demandé ce qui devait se passer, comment nous voyions les choses. Nous avons réalisé que ces gens nous traitaient comme politiquement significatifs. Je regrette la façon dont nous l'avons géré et je sens que nous avons raté une grande occasion de nous débarrasser de Bibi et peut-être de sauver la société israélienne dix ans plus tôt. Ce n'est pas vrai que la protestation a complètement échoué – la loi sur le salaire minimum a été adoptée, ainsi que l'éducation gratuite dès trois ans – mais nous avons évité certains sujets, et c'était une erreur. »

Comme quoi ?

« Comme dire explicitement que nous devions faire tomber Bibi, et parler de l'occupation. C'était une protestation socio-économique, mais elle n'abordait pas le prix exigé par les colonies et l'occupation. Nous étions comme le Parti démocrate d'aujourd'hui ou Yair Lapid. Mais je pense que la défaite de cet été a aidé à former les conclusions et les leçons qui ont ensuite façonné Standing Together. »

Green est marié à son partenaire, un citoyen allemand, depuis 12 ans. « La plupart de nos amis anglophones ou germanophones ont quitté Israël au cours de la dernière décennie, surtout ces deux dernières années, et en ce qui le concerne, nous pourrions aussi faire nos valises et partir. Ce n'est pas son pays, ce n'est pas une personne politique, mais il comprend à quel point c'est total dans ma vie. Parfois, il se réveille le matin et je lui lis déjà une horrible histoire des nouvelles. »

Vous pourriez essentiellement quitter le pays à tout moment.

« La question de déménager à l'étranger plane sur tous ceux de mon âge, sur chaque jeune couple et toute personne qui veut fonder une famille. Et ce n'est pas seulement ces deux dernières années. Tout est difficile ici, même les choses qui sont censées être simples. Même l'air semble plus lourd. Mais je ne suis pas capable d'envisager de partir. Je ne peux même pas entrer dans cette conversation – quelque chose en moi le rejette immédiatement. Quelque chose en moi dit : "Je suis ici, et si cet endroit tombe, je tomberai avec lui."

« Autrefois, l'excuse était de ne pas vouloir quitter ma grand-mère, qui a vécu près de nous toute ma vie. Elle est partie maintenant, mais il y a tellement de gens ici qui ne peuvent pas partir, et cela semble fondamentalement injuste de partir quand d'autres n'ont pas cette option. »

Que proposez-vous à la place de partir ?

« Quelque chose de totalement différent de ce que nous avons maintenant. Repartir de zéro. Un nouveau départ. Un Israël qui ne sera pas ce qu'il a été, qui n'ignorera pas les autres êtres humains qui vivent ici. Sous l'Empire ottoman, Juifs et Arabes vivaient ici ensemble en paix. Ce n'est que dans la centaine d'années écoulée que les guerres ont éclaté. La coexistence pacifique est possible – nous la voyons dans les immeubles où Juifs et Arabes vivent côte à côte. »

« Nous devons proposer une alternative. Les Haredim se sentent aliénés de la gauche, et le centre politique est rapide à les abandonner, tout comme il abandonne le public arabe – traitant les deux groupes comme des ennemis au lieu de partenaires potentiels pour le changement. On ne peut pas s'attendre à ce que des populations marginalisées adhèrent à une vision différente si on ne leur parle pas dans un langage qui leur est pertinent. Les attaques contre les Haredim et les débats sur la conscription ne génèrent que de l'antagonisme. Au lieu de se concentrer sur le fait qu'il y a trop peu de soldats, nous devrions imaginer un avenir avec moins de guerres. »

Mais notre réalité actuelle est qu'il y a des guerres, et d'autres personnes y meurent.

« Nous devons construire un cadre de contribution pour tous et de cette façon créer une majorité sociale juive-arabe-haredi qui bénéficiera de l'égalité des chances. Les Haredim eux-mêmes vivent dans la pauvreté, avec une éducation inadéquate et des perspectives d'emploi limitées, et eux aussi pourraient bénéficier d'un profond changement social. »

Quelques jours avant la conférence de Haïfa, Green est revenu d'un voyage de travail aux USA. Avec Sally Abed, l'une des leaders du mouvement, il a parlé pendant plus de 10 jours à environ 3 000 personnes – Juifs, Palestiniens, Israéliens et tous ceux qui voulaient bien écouter. Dans des synagogues, des églises et sur des campus, ils ont parlé du mouvement et de la possibilité d'une vie partagée, du désir de paix pour une bonne vie pour tous. Ils ont parlé des difficultés, de la complexité, de la haine et de la peur qui tourbillonnent dans le lieu en sang d'où ils venaient.

« Lors des deux voyages précédents, qui étaient après le 7 octobre, nous avons rencontré des protestations sur les campus américains », dit Green. « Une fois, à la fois des pro-Palestiniens et des pro-Israéliens nous ont protesté, les deux groupes appelant à nous boycotter. Imaginez ça : Sally Abed, qui s'identifie comme une citoyenne palestinienne d'Israël et a grandi avec les histoires de Nakba de sa grand-mère, se retrouve face à une certaine Jane ou Jennifer ou Mark – des étudiants américains blancs enveloppés dans des keffiehs – protestant contre elle et lui disant qu'elle normalise Israël. À moi, ils criaient que je devais "retourner en Pologne", même si ma famille est de Turquie et de Bulgarie. »

Qui vous invite à ces discussions ?

« Il y a environ 25 villes en Europe et aux USA avec des groupes d'Amis de Standing Together – Juifs, Palestiniens, anciens Israéliens qui nous soutiennent. Beaucoup ont rejoint pendant la guerre parce qu'ils cherchaient un lieu qui offre de l'espoir, et ils voient en nous une option saine. Le New Israel Fund organise aussi des événements avec nous. Nous avons rencontré 12 membres du Sénat et du Congrès et avons appris un peu comment ils nous voient en tant que société. »

Je devine que ce n'était pas très encourageant.

« Il était clair qu'il y avait beaucoup de fausses idées. Ils nous ont beaucoup posé de questions sur les sondages, surtout celui affirmant que 80 % des Israéliens soutenaient la famine ou l'expulsion des Gazaouis. Ils ont demandé s'il y avait de l'espoir, s'il était possible de travailler avec une société qui produit supposément de tels chiffres. Ce sondage a fait des dégâts immenses – tout le monde là-bas le citait, et nous devions constamment repousser les accusations contre la société israélienne. »

Comment avez-vous fait ça ?

« De différentes manières. Nous avons expliqué que pendant de longues périodes, la société israélienne a cédé à des politiciens qui ont essayé de lui faire perdre son humanité. Que même les médias et l'opposition nous poussent parfois vers un lieu sans compassion. De l'extérieur, la société israélienne semble monolithique, avec une seule position politique et la même haine. Ils entendent Yair Golan parler contre un État palestinien, ou Yair Lapid soutenir l'annexion, et ils demandent si d'autres voix existent même. Et nous leur avons dit : oui. Nous sommes ici.

« Nous sommes revenus en sentant que nous avons une bataille difficile devant nous, mais nous sommes prêts, parce que les gens font attention, et beaucoup dans notre société veulent quelque chose de différent. Pensez à quelqu'un comme Sally – une Palestinienne qui se tient devant ces publics et dit que malgré tout le désespoir qu'elle ressent envers la société israélienne, nous ne devons pas y renoncer. Nous devons y insister et en faire un partenaire dans la lutte. »


27/10/2025

Une lecture complète des racines du conflit israélo-palestinien du point de vue du jeune historien Zachary Foster

  Imran Abdallah , Aljazeeranet, 8/6/2025
Traduit par
Tlaxcala
Original : 
قراءة شاملة لجذور الصراع الفلسطيني الإسرائيلي من منظور المؤرخ الشاب زكاري فوستر


Imran Abdallah est un journaliste soudanais, rédacteur culturel au site ouèbe Aljazeeranet

Dans cet entretien atypique et approfondi, l’historien et militant usaméricain Zachary Foster propose sa lecture de l’histoire palestinienne contemporaine et moderne, ainsi qu’une vision approfondie et complète du conflit israélo-palestinien. Foster a obtenu son doctorat en études du Proche-Orient à l’Université de Princeton en 2017 et est le fondateur du projet Palestine Nexus, qui, espère-t-il, deviendra la source privilégiée pour comprendre la situation en Palestine.


 Ce dialogue retrace les racines historiques du conflit et son évolution au cours des deux derniers siècles. Foster, spécialiste de l’histoire de la région, explore les multiples dimensions de la question, proposant une analyse critique des discours dominants et déconstruisant certaines idées reçues.

Le dialogue débute par un historique de la question : l’invité déclare : « Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXsiècle… lorsque des Juifs décidèrent de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. » Cette définition chronologique replace la question dans son contexte historique, soulignant que ses origines sont antérieures à la période du colonialisme traditionnel.

Le dialogue compare le sionisme à d’autres mouvements coloniaux de peuplement, soulignant sa singularité. L’invité déclare : « Le sionisme, parmi tous les mouvements coloniaux de peuplement du monde… est un exemple idéal de ce mouvement ». Il ajoute, expliquant la différence : « Ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est qu’ils abandonnent leurs liens avec leur patrie d’origine. »

Le dialogue aborde également l’évolution des positions académiques sur la question, notamment parmi les historiens occidentaux et juifs. L’invité souligne qu’« il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même. » Il réfute également les affirmations selon lesquelles il n’existait pas d’identité palestinienne avant la création d’Israël.

Il conclut en soulignant l’importance de comprendre les racines historiques du conflit pour en saisir la complexité actuelle. L’invité déclare : « On peut comprendre une grande partie de l’histoire palestinienne en comprenant seulement leur réponse à cette question : quelle est la réponse appropriée à un groupe qui tente de s’emparer de mes terres, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement du pays ? »


L’activiste et historien Zachary Foster (médias sociaux) 

Comment voyez-vous les racines des problèmes actuels au Moyen-Orient, en particulier en Palestine ?

Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXe siècle. Cette période est donc antérieure à la période coloniale. Dans les années 1870 et 1880, les Juifs d’Europe parlaient de la création d’un État juif en Palestine. Je pense que c’est là, pour moi, l’origine de la question palestinienne. C’est lorsque les Juifs ont décidé de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. Pour moi, ce fut le début de la question israélo-palestinienne moderne.

Au XIXe siècle, cent ans avant la formation d’Israël ?

Oui. Nous parlons des années 1870 ou 1880, il y a donc 140 ou 150 ans. J’ai généralement reçu des réactions très positives à une vidéo expliquant ce sujet. Mon objectif était d’aborder le plus de sujets possibles dans une vidéo aussi courte que possible, et de m’attacher à comprendre pourquoi les choses se sont produites, comment elles se sont déroulées.

Et je pense que les gens ont généralement apprécié cela, car j’essaie avant tout d’être objectif. Je parle du terrorisme juif, du terrorisme palestinien, des crimes de guerre commis par Israël et le Hamas. C’est vrai. Je m’efforce donc de donner un compte rendu objectif, et de faire preuve d’un courage interprétatif pour vous aider à comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Et je pense que les gens apprécient cela. Évidemment, j’ai mon propre point de vue. Et bien sûr, je pense que pour vraiment comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui, il faut comprendre l’idée fondamentale du sionisme : sa volonté de transformer ce pays, d’un pays arabo-palestinien, en un pays juif.

Chaque dirigeant sioniste a donc dû se poser cette question : que faire des autochtones ? J’essaie donc de mettre en avant le point de vue palestinien, et je m’attache en particulier à donner la parole aux victimes de ce conflit, à ceux dont la voix a été perdue dans les récits traditionnels.

Je pense que je me concentre également sur Israël et la Palestine plutôt que sur le conflit israélo-arabe. Pendant des décennies, on a considéré ce conflit comme un conflit israélo-arabe entre Israël et les États arabes. Je pense qu’il est clair qu’il n’y a jamais eu de véritable conflit majeur entre Israël et les États arabes. Au contraire, le conflit a toujours principalement opposé Israël aux Palestiniens.

Et je pense que c’est aujourd’hui plus évident que jamais. Voilà donc un autre aspect de l’histoire. Je ne parle pas de la guerre de 1973. Je ne parle pas de l’invasion du Sinaï. Je ne parle pas vraiment des traités de paix entre la Jordanie et l’Égypte dans les années 1970, 1950 et 1990.

Pour moi, ce ne sont que des événements secondaires. Pour moi, le problème principal est la question israélo-palestinienne, c’est-à-dire la tentative sioniste, puis israélienne, de contrôler toutes les terres situées entre le fleuve et la mer. Je pense que c’est ce qu’il nous faut vraiment comprendre, pour comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Selon vous, la période coloniale a jeté les bases de ce conflit. Quelle est donc la différence entre le colonialisme en Australie, puis dans le Nouveau Monde, en Amérique, et ce qui s’est passé au Moyen-Orient ?

Je pense qu’il y a quelques différences. Tout d’abord, je ne qualifierais pas le sionisme de mouvement colonialiste. Je le qualifierais plutôt de mouvement de colonisation de peuplement. En fait, on pourrait dire que de tous les mouvements de colonisation de peuplement à travers le monde, en Australie, aux USA et au Canada, le sionisme est le plus exemplaire.

Autrement dit, ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est que les mouvements coloniaux de peuplement abandonnent leurs liens avec leur patrie, tandis que les mouvements coloniaux veulent maintenir leurs liens avec leur patrie.

Prenons l’exemple des Français d’Algérie. C’était un mouvement colonial, n’est-ce pas ? Parce qu’ils souhaitaient vraiment maintenir leurs liens avec leur patrie. On pourrait dire que les USA se situaient entre les deux, car beaucoup de colons souhaitaient conserver leurs liens avec la Grande-Bretagne et y retourner. Ils ne voulaient pas rompre complètement ce lien.

Dans le cas du sionisme, ils ont complètement abandonné leur pays d’origine. Ils n’avaient aucune intention d’y retourner. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux y sont retournés, mais à leur arrivée en Palestine, leur objectif était : « Nous n’avons pas l’intention de rentrer chez nous. Nous allons nous installer en Palestine, nous allons nous y établir et nous allons prendre le contrôle de ce pays. » C’est donc l’une des principales différences.

La deuxième différence majeure est que le sionisme est ancré dans de nombreuses idées juives. N’est-ce pas ? Le judaïsme part de l’idée que les Juifs finiront par retourner en Terre Sainte. C’est une sorte de croyance eschatologique selon laquelle le Messie reviendra à la fin des temps et que tous les Juifs des quatre coins du monde se rassembleront et retourneront en Palestine.

C’est ce qui les distingue des autres mouvements coloniaux qui ne s’appuyaient pas sur des traditions religieuses vieilles de 3 000 ans. Ils étaient profondément attachés à la terre, entretenaient un lien religieux avec elle, et la considéraient comme ayant une signification religieuse. Je pense donc que c’est aussi ce qui les distingue.

Mais je dirais que, de manière générale, les similitudes sont assez frappantes. Il y a ces personnes persécutées, n’est-ce pas ? Je pense que c’est très important pour comprendre l’essence de la plupart des mouvements coloniaux. Il faut comprendre que ce sont principalement des personnes qui se sentent persécutées dans leur pays d’origine. N’est-ce pas ? Les protestants américains arrivés au Nouveau Monde ont été persécutés dans leur pays d’origine. C’est pourquoi ils ont plié bagage et sont partis. Pensez-vous qu’ils voulaient embarquer ? C’était une traversée très dangereuse et périlleuse. La traversée a duré deux mois. Beaucoup ont péri en chemin. Voulaient-ils vraiment faire ça ? Non, bien sûr que non. Tout comme les Juifs, pour la plupart, ne voulaient pas abandonner leur patrie. Ils ont été contraints de partir à cause des pogroms, de l’antisémitisme et de la violence qu’ils subissaient dans leur pays d’origine.

Je pense donc qu’en ce sens, le sionisme est très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux.

Une nouvelle génération d’historiens occidentaux a récemment émergé, s’opposant à la politique israélienne. Comment une génération d’universitaires comme la vôtre, a-t-elle émergé au sein d’institutions traditionnellement considérées comme pro-israéliennes ?

Tout d’abord, je ne suis affilié à aucune organisation universitaire. Je ne suis pas professeur dans une université usaméricaine. Et je pense que ceci explique en grande partie cela. D’ailleurs, lorsque j’ai obtenu mon doctorat à l’Université de Princeton, plusieurs membres du corps professoral de mon département, dont mon directeur de thèse, ont lancé un appel et une déclaration appelant l’université à adopter une résolution de boycott, la résolution BDS, soutenant ce mouvement et exigeant que l’université se désinvestisse des entreprises qui profitent de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et du blocus de Gaza.

Je dirais que la grande majorité des membres du corps enseignant qui étudient Israël et la Palestine aux USA sont très favorables à la cause palestinienne.

Mais je dirais aussi qu’il existe une crainte institutionnelle. Ils craignent que leurs institutions, leurs administrations universitaires et les personnes qui occupent les plus hautes sphères de la hiérarchie universitaire ne subissent des représailles de la part de ces individus, car ces derniers ont des intérêts différents. Ce ne sont ni des historiens, ni des politologues. Ils ne suivent pas les événements sur le terrain. Ils ignorent ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais la plupart du temps, ils sont fidèles aux donateurs et à leurs désirs, et sont donc redevables à la classe des donateurs, qui est un groupe très différent.

Comme vous le savez, il existe une grande différence entre le corps professoral et l’administration universitaire, et une différence encore plus grande entre le corps professoral et les donateurs. En réalité, ce sont les dirigeants de l’université qui sont véritablement responsables. Ce n’est pas le corps professoral qui compte.

Nous notons que cette guerre constituait un événement distinct dans ce contexte, et que de nombreux historiens antisionistes ont émergé au sein de la communauté juive d’Europe et des USA. Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu ?

Écoutez, on peut remonter à plusieurs décennies. Je parle de personnalités comme Noam Chomsky et Norman Finkelstein. Il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même, n’est-ce pas ? Lorsque le sionisme est apparu pour la première fois, en Europe et aux USA, le Juif moyen y était opposé.

Lorsque le sionisme est apparu aux USA à la fin du XIXe siècle, le mouvement réformé, aujourd’hui le plus important mouvement juif des USA, regroupait un tiers des Juifs usaméricains. J’appartiens à ce mouvement, fondé dans les années 1880 et qui a adopté la Plateforme de Pittsburgh.

Le programme de Pittsburgh disait essentiellement : « Nous ne soutenons pas l’immigration juive en Palestine, car elle contredit notre conviction que les Juifs doivent s’assimiler aux sociétés dans lesquelles ils vivent. » À l’époque, ils tentaient de s’assimiler aux USA face à l’antisémitisme. Ils pensaient que si un mouvement juif émergeait affirmant que les Juifs appartenaient à la Palestine, ils seraient davantage persécutés dans leurs pays d’origine, accusés de double allégeance et victimes de discrimination, car on leur dirait : « Si vous voulez aller en Palestine, que faites-vous ici ? »

Il y avait donc un mouvement très actif parmi les Juifs. Il s’agissait du Programme de Pittsburgh dans les années 1880. De nombreux intellectuels juifs, tout au long de l’entre-deux-guerres, s’opposaient au sionisme. Je pense que leur opposition au sionisme était due au fait qu’ils voyaient que le sionisme, en tant que mouvement colonial de peuplement, n’aurait qu’une seule issue inévitable : le déplacement des populations autochtones de leurs terres. Ce constat a été réitéré par de nombreux antisionistes, notamment par des Juifs antisionistes, durant l’entre-deux-guerres, de 1919 à 1939. Nombre de Juifs s’opposent au sionisme pour cette raison.

Il y avait ensuite une troisième génération de Juifs antisionistes, essentiellement religieux et antisionistes, dont certains étaient très instruits. Certes, ils n’étaient peut-être pas des intellectuels, mais ils étaient certainement imprégnés de la tradition juive et croyaient que toute tentative d’accélérer la venue du Messie était, à leurs yeux, une tentative sioniste d’accélérer l’avenir, une tentative des Juifs d’entraver la seconde venue du Messie.

Il existait une croyance théologique dans le judaïsme selon laquelle les Juifs retourneraient en Palestine ou en Israël à la fin des temps, lors du retour du Messie. Leur conviction était que s’installer en Palestine violait la loi de la Torah, car seul Dieu pouvait en décider. C’est à Dieu de décider quand il viendra, et non à l’homme. Lorsque l’homme agit pour tenter de hâter cet avenir, il viole la loi de la Torah. C’était un troisième courant au sein du judaïsme, dans les cercles juifs. On pourrait dire qu’il s’agissait d’une opposition au sionisme.

Il y avait donc des Juifs qui souhaitaient s’intégrer dans leurs communautés d’origine et qui s’opposaient au sionisme. D’autres s’opposaient peut-être au sionisme parce qu’ils pensaient qu’il entraînerait l’expulsion des populations autochtones de leurs terres. Et cela les inquiétait beaucoup. Et ils avaient parfaitement raison. C’est la deuxième tendance. Et puis il y avait la troisième, celle des antisionistes religieux.


Les juifs ortohodoxes croyaient que lorsque les humains agissaient pour essayer de hâter cet avenir, cela constituait une violation de la loi de la Torah (Getty)

Qu’en est-il des Juifs d’origines ethniques différentes ?

Je pense que ce que je veux dire, c’est que les intellectuels qui s’opposent au sionisme s’opposent probablement à la plupart des nationalismes, car le sionisme est une forme de nationalisme. C’est le nationalisme juif. Et je pense que de nombreux universitaires sont de cet avis, surtout après la Seconde Guerre mondiale, notamment à la suite du nettoyage ethnique des Bosniaques, au Myanmar, et du nettoyage ethnique des peuples autochtones dans le monde, en Australie et aux USA.

Je pense qu’il y a eu une prise de conscience ces dernières décennies quant au fait que le sionisme était fondamentalement très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux de peuplement. Si l’on remonte aux années 1940 et 1950, on ne trouvait pas beaucoup d’universitaires parlant du sionisme comme d’un mouvement colonial de peuplement. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que les universitaires ont réalisé que le sionisme partageait beaucoup de points communs avec tous ces autres mouvements coloniaux de peuplement, qui ont tous commis d’horribles atrocités contre les peuples autochtones.

Je pense donc que le nationalisme ethnique, en particulier à la suite du génocide qui a eu lieu dans les Balkans dans les années 1990, lorsque les milices serbes sont entrées à Srebrenica et ont massacré 8 000 musulmans bosniaques, pour le crime d’être bosniaque, je pense que cela a en quelque sorte réveillé le monde à l’idée que lorsque vous essayez de créer un État national ethnique, c’est-à-dire un État qui sert les intérêts d’un seul groupe ethnique, cela a des conséquences très graves pour les groupes au sein de l’État qui sont d’une ethnie différente.

Vous étudiez de nombreuses questions de l’histoire contemporaine palestinienne et israélienne, et vous avez également étudié les réactions et les interactions du peuple palestinien avec les sionistes à plusieurs reprises. Comment comparez-vous ce qui s’est passé en 1948, avant et après 1967, avec la situation actuelle ? Et comment comparez-vous les réactions du peuple palestinien à l’occupation, avant et après la Nakba ? Car vous vous concentrez également sur la période antérieure à la Nakba. Ce n’est pas courant aujourd’hui, car il semble, pour certains, que l’histoire ait commencé le 7 octobre. Nous souhaitons donc resituer le contexte historique.

On peut comprendre beaucoup de choses sur l’histoire palestinienne si l’on comprend la réponse palestinienne à une seule question : quelle est la voie légitime ? Quelle est la manière appropriée de résister à un groupe qui veut s’emparer de votre pays et prendre toutes les décisions importantes concernant votre vie ? Car c’est précisément l’essence même du sionisme.

Il est clair que les Palestiniens ont réagi de différentes manières, et les réactions étaient diverses. Sous le Mandat [britannique], dans les années 1920, 1930 et 1940, des Palestiniens disaient : « Travaillons avec ces gens. Travaillons avec les sionistes. Soumettons des lettres de protestation aux Britanniques et disons-leur que nous allons résister pacifiquement. Nous allons consigner nos protestations par écrit. Nous allons manifester pacifiquement dans les rues. » Et c’est exactement ce que firent de nombreux Palestiniens. Ce fut d’ailleurs l’un des courants les plus importants du mouvement national palestinien des années 1930 et 1940. Cette forme de lutte était entièrement non violente, et ils organisèrent ce qu’ils appelèrent des conférences nationales tout au long des années 1920, et tout se passa pacifiquement.

Les Palestiniens se sont réunis en 1919, 1920, 1921, 1922, 1923, 1924 et 1925 et ont déclaré : « Écoutez, nous appelons à la création d’un État démocratique en Palestine. Nous avons demandé aux Britanniques de nous permettre d’élire démocratiquement nos représentants parmi les populations juives, chrétiennes et musulmanes autochtones de Palestine ». Naturellement, les Britanniques ont complètement ignoré ces propositions.

Le système britannique était antidémocratique. Il violait la volonté politique de 85 % de la population. Et puis, bien sûr, il y avait un courant plus radical au sein du gouvernement.


On peut comprendre une grande partie de l’histoire des Palestiniens en comprenant simplement leur réponse à cette question : « Quelle est la meilleure façon de résister à un groupe de personnes qui tente de s’emparer de ma terre, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement ? » (Agence Anadolu)

Il ne s’agit pas seulement de politiques ratées, mais de toutes celles qui ont réussi durant la période de domination britannique en Palestine. Il s’agit de milliers de Palestiniens qui ont travaillé sous domination britannique, chacun d’entre eux ayant implicitement accepté, par ce travail, le système imposé par les Britanniques, un système qui n’avait rien de démocratique et qui était clairement orienté en faveur du projet sioniste. Cette acceptation, même si elle semblait pragmatique, reflétait une attitude répandue à l’époque.

Cependant, d’un autre côté, je dois dire qu’un courant clair au sein du mouvement national palestinien a adopté une position plus ferme. Ce courant était convaincu que le colonialisme britannique n’était pas le fruit d’un consensus, mais avait été imposé par la force armée. Par conséquent, la réponse doit également être vigoureuse. Face à un projet colonial violent qui vise à s’emparer de vos terres, à effacer votre identité et à transformer votre patrie d’un pays arabe en une entité juive, la seule façon de lui résister est de riposter par la force.

Je crois que cette tendance, bien que non prédominante au début, a commencé à prendre de l’ampleur, surtout à la fin des années 1930, plus précisément avec le déclenchement de la Grande Révolte Arabe en Palestine entre 1936 et 1939. Depuis lors, et tout au long des sept décennies qui ont suivi la Nakba de 1948, et jusqu’à aujourd’hui, on peut dire que ces deux courants – pacifique et armé – sont restés présents et entrelacés dans le paysage palestinien.

Il y a toujours eu des partisans de l’idée que la libération de la Palestine ne pouvait se faire que par la force. Ce point de vue n’était pas marginal ; il constituait la tendance dominante au sein de la diaspora palestinienne et était adopté par des groupes majeurs comme le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine. De fait, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) elle-même, à ses débuts, a adopté la lutte armée comme seul moyen de libération nationale, avant de progressivement s’orienter vers des options politiques et pacifiques, rejetant ensuite la violence.

Il me semble important de souligner ici la question de la dynamique des positions, car ces transformations ne se sont pas limitées à un seul groupe. Au contraire, les mêmes groupes, avec les mêmes individus, les mêmes dirigeants et la même structure organisationnelle de base, ont oscillé sur l’échiquier politique, entre violence et non-violence, selon les circonstances, la nature de l’occupation et ses tactiques répressives.

Nous avons observé la même évolution avec le Hamas. Ce mouvement, initialement issu du « Complexe islamique » caritatif et non violent, a ensuite évolué vers la lutte armée. Comme pour l’OLP avant lui, les positions évoluent en fonction de l’escalade de la violence de l’autre camp, de l’ampleur de la brutalité exercée par l’occupation israélienne et des conditions politiques à chaque étape.

Par conséquent, pour comprendre l’histoire palestinienne contemporaine, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de lire chaque détail. Il suffit de se poser une question et d’observer la réponse des Palestiniens au fil du temps : quels sont les moyens légitimes de résister à un projet colonial qui vise à s’emparer de vos terres, à détruire votre foyer et à vous purifier ethniquement de votre patrie ? La réponse à cette seule question suffit à comprendre nombre des transformations et des tendances que ce peuple a observées face à un colonialisme de longue date.

La première carte géographique décrivant et désignant la Palestine par son nom a été établie par l'immense géographe Claudios Ptolemaïos, dit Ptolémée, un Gréco-Égyptien d'Alexandrie, au deuxième siècle après Jésus-Christ. Ceci est une reproduction de la carte originale, perdue, datant du début du quatorzième siècle et réalisée à Constantinople, la future Istanbul, contenue dans un ouvrage détenu par la Bibliothèque du Vatican

 

Il y a actuellement un grand débat sur l’identité palestinienne avant la Nakba, et il y a ceux qui nient cette identité historique ?

Le discours sioniste a longtemps cherché à nier l’identité nationale palestinienne en présentant les Palestiniens comme de simples « Arabes » ou « Syriens du Sud », dans le but de remettre en cause l’idée qu’ils constituent un peuple authentique doté d’une existence nationale et historique. Ce déni constituait un moyen de favoriser le discours sioniste, qui prône un nationalisme juif accordant « Israël » exclusivement aux Juifs.

D’où les efforts délibérés de réécriture de l’histoire, à travers des articles et écrits universitaires niant l’existence du « Palestinien » en tant que figure nationale. En réponse, j’ai tenté de documenter l’utilisation du terme « Palestinien » dans les contextes locaux, prouvant, par des éléments linguistiques et historiques, que les Palestiniens se définissaient comme une nation des années, voire des décennies, avant l’émergence du sionisme.

Dans les sources anglaises, le terme apparaît depuis les années 1860, et dans les sources arabes depuis la fin des années 1890, plus précisément en 1898. Le chercheur affirme que l’utilisation de ce terme n’était pas le résultat d’une réaction au sionisme, mais l’a plutôt précédé et est apparue parmi les étudiants palestiniens de Nazareth, loin de toute influence directe du mouvement sioniste, qui ne s’était pas encore répandu dans toute la région.

Il souligne également que ces pionniers palestiniens, tels que Najib Nassar, Khalil Baydas et Salim Qub'ayn, ont été éduqués dans des écoles arabes et russes, et que pour eux les concepts de patrie et d’identité faisaient partie d’une conscience culturelle plus large sans rapport avec le conflit ultérieur avec le sionisme, mais plutôt avec des racines nationalistes profondément ancrées dans la conscience, la langue et les cartes accrochées aux murs de l’école.


Najib Nassar (1865-1947), fondateur en 1908 de l'hebdomadaire Al Karmil, premier journal palestinien résolument antisioniste


Khalil Baydas (1874–1949), traducteur du russe vers l'arabe et romancier, le premier Arabe à utiliser le terme "Palestinien" au sens moderne du terme 


Salim Qub'ayn (1870-1951), enseignant, journaliste, écrivain, historien et traducteur palestinien. Il fut l'un des premiers traducteurs arabes à avoir fait découvrir la littérature russe aux lecteurs arabes, ce qui lui a valu le surnom de « doyen des traducteurs du russe ».