David Daoud, Haaretz, 11/10/2022
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
David Daoud est directeur de la recherche sur le Liban, Israël et la Syrie à United Against Nuclear Iran (UANI, Unis contre un Iran nucléaire) et chercheur non-résident à l’Atlantic Council.
NdTLoin de partager les opinions et les engagements de l’auteur, j’ai traduit son article pour son intérêt quasiment anthropologique : il est rare que l’on reconnaisse la victoire d’un ennemi, en l’occurrence le Hezbollah.
Israël espère que l'accord sur la frontière maritime avec le Liban réduira les risques de guerre ou d'affrontements violents avec le Hezbollah. Paradoxalement, l'accord ne fait que les rendre plus probables
Quand Israël et un pays arabe interagissent sans violence, cela suscite naturellement une certaine excitation. Les observateurs intéressés ont tendance à deviner la perspective d'une paix imminente, ou du moins un signe de progrès vers elle, dans tout acte de non-belligérance mutuelle.
Ce sentiment est compréhensible. Comme en témoignent les présidents usaméricains successifs qui, de manière chimérique, mettent en jeu leur héritage de politique étrangère pour parvenir à la paix entre Juifs et Arabes, le désir de voir la fin du conflit israélo-arabe, apparemment interminable, a tendance à l'emporter sur la rationalité.
Mais dans cette catégorie d'interactions arabo-israéliennes bienvenues, et encore moins compréhensibles, les gestes entre le Liban et Israël en particulier – même neutres, purement procéduraux - se voient accorder une signification spéciale, presque mystique. Soulignant l'irrationalité, en particulier ces dernières années, cela a parfois même remplacé l'excitation des gestes de rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, dont la discorde a jadis été au cœur du conflit arabo-israélien.
Cette exaltation injustifiée est basée sur deux séries de fictions sur le Liban, en particulier en ce qui concerne Israël – l’une occidentale, et l’autre typiquement israélienne.
Dans l'imagination occidentale, avec un accent sur l'imagination, le Liban a longtemps été perçu comme un bastion levantin de la civilisation raffinée (lire : européenne). Cette conception est fondée sur ce qui était perçu comme l'européanité des chrétiens maronites du Liban et sur une notion corollaire répugnante et franchement chauvine, sinon carrément raciste – souvent promue par de nombreux chrétiens maronites eux-mêmes : que l'hégémonie culturelle historique maronite au Liban a éclairé et civilisé les Arabes musulmans du pays, qui (selon cette cette pensée) auraient autrement été tout aussi ignorants et barbares que le reste de leurs frères dans la région.
Bref, le Liban mérite une attention et un soin particuliers – il doit être « sauvé », et nous, en Occident, devons le sauver, nous dit-on à satiété – parce que le Liban, contrairement à ces autres pays arabes, est « comme nous ». Autrement, nous disent les mêmes personnes, le Liban deviendra une plaque tournante de l'exportation de drogue et du terrorisme.