Affichage des articles dont le libellé est Layân Benhamed. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Layân Benhamed. Afficher tous les articles

03/07/2024

REBECCA RUTH GOULD
Effacer la Palestine
Liberté d’expression et liberté palestinienne

 Rebecca Ruth Gould, 2023

Ci-dessous une traduction du prologue du livre Erasing Palestine (Verso 2023), par Layân Benhamed, éditée par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Je suis... un Juif par la force de ma solidarité inconditionnelle avec les persécutés et les exterminés »
— Isaac Deutscher, « Qui est juif ? » (1966)

Prologue : Sur l’accusation d’antisémitisme (p. 1-11)

Février 2017 a marqué un tournant dans l’histoire de l’activisme pour la Palestine au Royaume-Uni. Ce mois tumultueux a vu les Palestiniens et les militants propalestiniens submergés par une vague sans précédent d’annulations d’événements et d’attaques contre leur droit de protester contre l’occupation. Février 2017 a également marqué un tournant dans mon propre engagement envers la Palestine et la liberté d’expression. J’étais arrivée au Royaume-Uni à l’été 2015 pour commencer à enseigner à l’Université de Bristol. Ma carrière académique itinérante m’avait menée de Damas à Berlin, et finalement en Palestine et en Israël. De 2010 à 2011, j’ai fait la navette entre la Palestine et Israël plusieurs fois par semaine. J’ai vécu à Bethléem en Cisjordanie, en face du mur de l’apartheid, le long duquel je marchais sur le chemin de l’Institut Van Leer où j’étais chercheuse postdoctorale1.

L’Institut Van Leer est situé au cœur du quartier historique de Talbia à Jérusalem-Ouest. À une autre époque, treize ans avant la fondation de l’État d’Israël en 1948, le critique palestino-américain Edward Said est né dans ce quartier. Son cousin a abandonné la maison familiale en 1948, juste après sa chute aux mains de la milice paramilitaire sioniste Haganah, coupant à jamais les liens de Said avec sa patrie.2 Maintenant, des décennies plus tard, l’Institut Van Leer a joué un rôle central dans les débats autour des définitions de l’antisémitisme. En 2020, il a servi de lieu virtuel et physique pour la rédaction de la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme (JDA) et a accueilli de nombreux événements pour soutenir sa diffusion.3


Bethléem-Jérusalem : un parcours du combattant de moins de 9 petits km


En rouge, le tracé de la “barrière de séparation” ou “clôture de sécurité” israélienne (Geder Habitahon), ou encore Mur de l’apartheid (جدار الفصل العنصري جدار الفصل العنصري, jidar alfasl aleunsurii) entre Bethléem et Jérusalem

 

Un labyrinthe de béton et d'acier. Source : Alexandra Rijke & Claudio Minca, “Inside Checkpoint 300: Checkpoint Regimes as Spatial Political Technologies in the Occupied Palestinian Territories”, Antipode, March 2019

Bien que l’Institut Van Leer fût situé à seulement quelques kilomètres de mon domicile, le trajet depuis Bethléem prenait plusieurs heures. Chaque matin, lorsque je devais me rendre à Jérusalem, je faisais la queue avec des travailleurs palestiniens fébriles et privés de sommeil au tristement célèbre Checkpoint 300 [poste de contrôle]. En attendant dans la file, j’observais souvent le traitement préférentiel que moi, en tant qu’étrangère, recevais de la part des soldats de l’armée israélienne (FDI) gardant le checkpoint. Le contraste entre la manière dont ils me traitaient et celle dont ils traitaient les autochtones de la Palestine était impossible à ignorer. Les soldats israéliens me permettaient, ainsi qu’aux autres détenteurs de passeports étrangers, de passer rapidement à travers les détecteurs de métal, tandis que les travailleurs palestiniens devaient souvent rester des heures, ce qui les retardait pour leur travail et leur faisait perdre un revenu vital.

Le deux poids deux mesures était visible partout. Les barrières métalliques derrière lesquelles nous attendions avaient des rangées séparées pour les étrangers et les Palestiniens. Des politiques différentes s’appliquaient à chaque rangée. À certaines heures, seuls les étrangers pouvaient attendre dans la file. Il n’était pas difficile de deviner quelles rangées nécessitaient le plus d’attente.

J’avais rarement vu une discrimination aussi flagrante. J’évoquais ces scènes dans quelques strophes que j’ai écrites à l’époque :

Les travailleurs saluent l'aube
derrière les barreaux du poste de contrôle 300,
en attendant de construire les maisons des colons
avec du calcaire volée
.4

J’ai appelé ce poème « Calcaire volé », en référence aux façades en albâtre des nombreux bâtiments qui brillaient sur les collines de Bethléem et de la ville voisine de Beit Jala, sur mon chemin vers Jérusalem. Ces bâtiments avaient été construits par des ouvriers palestiniens mal rémunérés, qui devaient attendre des heures aux checkpoints juste pour atteindre les bus qui les emmèneraient au travail.5 « Calcaire volé » réfléchit sur ma complicité au sein du système d’apartheid qui se développait à l’époque de ma résidence à Bethléem, et qui est devenu encore plus enraciné depuis mon départ.

Mon salaire était financé par une bourse établie par un philanthrope israélien. En acceptant cette bourse, je violais le boycott des institutions académiques israéliennes auquel participaient nombre de mes amis et collègues. Avant de l’accepter, j’ai débattu de l’éthique de cette décision avec des amis. Je voulais voir la Palestine – et y vivre – de première main. Une bourse de cinq ans à Jérusalem me permettrait de vivre en Palestine, spécifiquement à Bethléem en Cisjordanie, à quelques kilomètres seulement. Une amie proche venait de rentrer de Bethléem et elle a arrangé un appartement où je pourrais rester. C’était potentiellement une opportunité de changer ma vie à long terme en vivant en Palestine. Je sympathisais avec le boycott, mais je sentais aussi que je pourrais mieux contribuer à ces questions en étant témoin direct de l’occupation et en la vivant – même si ce n’était que temporairement.

Lorsque l’Institut Van Leer m’a attribué la bourse, il n’avait aucune idée que je prévoyais de vivre en dehors d’Israël et de faire la navette vers Jérusalem. Lorsque je suis arrivée à Jérusalem et leur ai dit que je vivrais en Palestine, il était trop tard pour qu’ils refusent ma demande. À la différence des Israéliens, j’étais légalement autorisée à résider dans les Territoires occupés. Contrairement aux Palestiniens, je pouvais entrer à Jérusalem sans demander de permission spéciale. Ces fréquentes navettes à travers des checkpoints encombrés et l’exposition à deux géographies radicalement différentes qui se jouxtaient m’ont amenée à voir l’occupation d’une manière complètement différente. Cette expérience directe de l’occupation a intensifié et justifié mon soutien au boycott. Jusqu’à mon arrivée en Palestine, mon soutien était basé sur des informations de seconde main.

C’est en vivant à Bethléem durant l’été 2011 que j’ai fini par écrire un article polémique qui condensait toute ma frustration face à tout ce que j’avais observé en Israël, en faisant la navette entre Bethléem et Jérusalem, en parlant avec des Israéliens qui n’avaient jamais visité les Territoires occupés – ce que la loi israélienne leur interdisait de faire – en observant et en habitant la bulle dans laquelle vivent les Israéliens tandis que leurs voisins palestiniens subissent des niveaux infiniment plus élevés de privation économique, de chômage et de violence en raison des politiques et préjugés israéliens.

Je vivais à quelques rues du mur que construisait Israël sous prétexte de sécurité, bien qu’il traversât directement le territoire palestinien. Des maisons avaient été coupées en deux par cette construction de pierre. Des plaques commémoratives avaient été érigées sur les décombres. Quelques années après mon départ de Bethléem, ces murs bifurqués seraient immortalisés dans le Walled Off Hotel, un édifice initialement créé par l’artiste de rue Banksy basé en Angleterre comme une exposition temporaire, devenant finalement un élément permanent de l’occupation. J’ai été témoin de patrouilles lourdement armées des FDI dans les rues, remplissant les Palestiniens de peur. Je ne pouvais plus justifier de vivre dans – et de recevoir un revenu de – ce système corrompu et discriminatoire. Bien que j’aie été témoin du carnage de la guerre de première main – j’avais visité Grozny peu après que la ville eut été rasée par des frappes aériennes russes en 2004 – les insultes et humiliations quotidiennes des Palestiniens que j’ai observées dans les Territoires occupés me rendaient malade. J’ai décidé de mettre fin à ma bourse pour le bien de ma propre santé mentale.

C’est à cette époque que j’ai écrit une courte polémique provocante intitulée « Beyond Antisemitism » (« Au-delà de l’antisémitisme »). Ce travail allait me hanter de nombreuses années plus tard, en me propulsant dans des circonstances qui ont conduit à la rédaction de ce livre. J’étais furieuse contre moi-même – entre autres – de ne pas pouvoir arrêter les abus historiques qui avaient normalisé la censure des voix palestiniennes. Je l’ai envoyé au magazine radical de gauche Counterpunch. J’ai reçu une réponse dans les heures qui ont suivi de la part du journaliste et rédacteur Alexander Cockburn, décédé l’année suivante. Cockburn l’a apprécié et m’a dit qu’il le publierait dans l’édition imprimée.6

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un chèque de 100 dollars dans ma boîte aux lettres à l’Institut Van Leer, avec une courte note me remerciant pour ma contribution. Nous n’avions jamais discuté des termes de paiement, et je n’avais jamais partagé mon adresse avec Cockburn, donc l’argent fut une surprise.

Rétrospectivement, je peux voir comment le titre « Beyond Antisemitism » pouvait avoir semblé incendiaire, surtout sorti de son contexte. Il était calculé pour provoquer. Le titre a également été choisi pour critiquer l’utilisation politique du discours sur l’antisémitisme pour faire taire les discussions sur l’occupation de la Palestine. J’ai écrit sur ce que j’avais observé de première main pendant ma résidence en Palestine et mes trajets réguliers en Israël. Je n’aurais pas utilisé un tel titre si j’avais vécu n’importe où en Europe, où les sites de la plus grande atrocité du XXe siècle forment un sous-texte perpétuel à chaque discussion sur l’antisémitisme aujourd’hui. Mais je n’écrivais pas depuis l’Europe, ni d’ailleurs depuis le Royaume-Uni. Je n’avais jamais mis les pieds en Angleterre à ce moment de ma vie. J’écrivais depuis la Palestine après avoir travaillé un an en Israël, et par frustration de ma complicité avec le système injuste dans lequel je vivais et travaillais. On pourrait se demander : quel rapport l’antisémitisme a-t-il avec cela ? Indirectement, sinon explicitement, l’antisémitisme était le prétexte pour les injustices que j’observais chaque jour contre les Palestiniens. La peur d’être accusé d’antisémitisme rend difficile de s’exprimer, et c’est pourquoi tant d’entre nous qui témoignons de la discrimination anti-palestinienne – Israéliens et non-Israéliens – gardent le silence. Notre silence est une complicité. Cette complicité réduit également les Palestiniens au silence, cachant leurs expériences à la vue du public.

« Beyond Antisemitism » soutenait que la longue histoire de l’antisémitisme et de l’Holocauste constitue la toile de fond contre laquelle des vies palestiniennes sont sacrifiées. L’idée ne m’était pas venue quand je vivais à Berlin, avant d’accepter la bourse de Jérusalem. J’ai découvert cette dynamique intégrée dans la vie quotidienne des Israéliens en faisant la navette entre mon bureau en Israël et ma maison palestinienne. L’amnésie dans laquelle vivent les Israéliens me rappelait grandement ma propre éducation aux USA. Le génocide des Amérindiens était complètement supprimé de nos programmes scolaires, et l’esclavage était un sujet délicat que nos enseignants évitaient de discuter directement. Les traumatismes de l’histoire juive, et la peur compréhensible que cette histoire puisse un jour se répéter, avaient également conduit à des distorsions et des suppressions du passé. Les mémoires traumatiques et la peur de leur répétition hantaient mes conversations avec les Israéliens. Ces peurs remplissent les ondes radio israéliennes et façonnent la mémoire culturelle du peuple israélien. L’État israélien fait tout ce qu’il peut pour maintenir l’accent sur le traumatisme historique des Juifs. Pourtant, comme l’a remarqué Isaac Deutscher en 1967, même lorsque les dirigeants israéliens « surexploitent Auschwitz et Treblinka... Nous ne devrions pas permettre des invocations d’Auschwitz pour nous faire du chantage afin que nous soutenions une mauvaise cause. »7 « Beyond Antisemitism » était une polémique contre les silences forcés imposés par les traumatismes du XXe siècle, qui détournent l’attention de l’occupation des terres palestiniennes et de la dépossession du peuple palestinien. Après un an de résidence à la frontière entre Israël et la Cisjordanie, j’étais certaine qu’il n’y avait aucune justification pour les checkpoints discriminatoires et le système de bus ségrégué, ni pour le système archaïque de laissez-passer et de règlements qui restreignent grandement l’accès des Palestiniens à l’emploi et les maintiennent dans la pauvreté.

01/07/2024

Six mois dans une dystopie néolibérale
Cannibalisme social contre entraide et résistance en Argentine

crimethInc., 17 /6/ 2024
Traduit par
Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

 En décembre 2023, Javier Milei est arrivé au pouvoir en Argentine, introduisant des mesures radicales d’austérité et de déréglementation. En promettant d’écraser les mouvements sociaux au nom d’un capitalisme débridé, son administration ouvre la voie à un effondrement social complet et à l’émergence d’une narco-violence à grande échelle. Dans le récit qui suitnotre correspondant dresse un tableau saisissant des forces et des visions rivales qui se disputent l’avenir de l’Argentine, dont le point culminant le plus récent ont été les affrontements du 12 juin, lorsque des manifestants militants ont affronté près de trois mille policiers encerclant un congrès barricadé.

Le bloc antifasciste, anarchiste et autonome lors de la manifestation du 24 mars : « Contre la violence d'État – autodéfense populaire ».

Instantanés

Fin janvier 2024, mouvements sociaux, assemblées de quartier et organisations de gauche se rassemblent devant le congrès pour protester contre le paquet massif de réformes néolibérales qui y sont débattues. L’État répond en mobilisant des milliers de policiers. On peut voir un officier se promener en arborant en écusson un drapeau de Gadsden « Ne me marchez pas dessus » sur sa veste.


 À la fin de la soirée, même si rien de particulier ne s'est produit, les policiers se déplacent par deux sur des motos, tirant des balles en caoutchouc sans distinction dans la foule.

Quelques jours plus tard, Sandra Pettovello, ministre du « Capital humain », refuse de rencontrer les organisations sociales pour discuter de la distribution d’aide alimentaire aux milliers de comedores populares (soupes populaires de quartier). S’inspirant de Marie-Antoinette, elle déclare : « S’il y a quelqu’un qui a faim, je le rencontrerai en tête-à-tête », mais sans l’intermédiaire des organisations sociales.

Le lendemain, des milliers de personnes acceptent son offre, faisant la queue devant son ministère. Elle refuse de les rencontrer.


La queue au centre-ville s'étend sur 20 pâtés de maisons au lendemain de la déclaration de la ministre du Capital humain qu'elle accueillerait individuellement ceux qui avaient faim.

Début mars, Télam, l'agence de presse publique, a été fermée. Il en va de même pour l'INADI, l'institut national contre les discriminations. Des vagues de licenciements déciment presque toutes les institutions publiques, y compris la bibliothèque nationale. On parle de privatiser la Banque nationale. Alors que les travailleurs se mobilisent pour défendre les institutions publiques et leur lieu de travail, ils trouvent les bâtiments barricadés et encerclés par la police anti-émeute. Des militants dits « libertariens » organisent une séance photo pour célébrer les fermetures et les licenciements.


Des policiers encerclent le bâtiment fermé de l'agence de presse publique Télam

Ursula est interviewée en direct par un journaliste d'une chaîne pro-gouvernementale. « Je suis veuve, je reçois une aide du gouvernement et je vis avec ma mère, qui est à la retraite. » Elle raconte qu'elle a trois filles, dont l'une se tient dans la rue, dans le froid, à côté d'elle pendant l'interview. Elle dit avoir récemment perdu son emploi. Alors qu'elle explique qu'elles tentent de survivre en vendant des paquets d'autocollants dans la rue, elle fond en larmes devant sa fille adolescente.

Quelques minutes avant l'interview d'Ursula, une autre femme avait été interviewée dans la rue. « J'ai trois boulots pour joindre les deux bouts. » Aucune des deux n'a mentionné les décisions politiques et économiques qui les ont conduites à ces situations.

Le coût de la vie a explosé. L’inflation est désormais « sous contrôle » – si l’on peut qualifier de sous contrôle un taux d’inflation mensuel de 9 % – uniquement parce que la demande des consommateurs s’est effondrée. Le coût des services publics, des médicaments et des produits alimentaires de base a explosé avec des augmentations de prix bien supérieures à 100 % dans toutes ces catégories. Dans le même temps, les contrats de location ont été complètement déréglementés.

Le résultat n'est pas surprenant. La valeur réelle des salaires s'effondrant, les ventes sont en chute libre. Ce ne sont pas seulement les fonctionnaires, stigmatisés par les ultralibéraux comme des «parasites vivant aux crochets de la société», qui perdent leur emploi. Les petites entreprises et les usines ferment les unes après les autres. Au cours du mois de mai, 300 000 «comptes salaires», comptes bancaires utilisés exclusivement pour recevoir les salaires mensuels, ont été fermés.

Dans une usine de la province de Catamarca, les travailleurs n'ont pas accepté la perte de leur poste de travail. Les 134 travailleurs de l'usine textile Textilcom, soupçonnant la fermeture imminente de celle-ci, ont occupé l'usine en guise de résistance contre la fermeture et comme moyen de pression pour s'assurer qu'ils ne seraient pas privés de leurs arriérés de salaire.

Mais même ici, les travailleurs qui mènent des actions collectives, qui occupent une usine et qui subissent les conséquences concrètes de la logique capitaliste du marché, mettent un point d’honneur à se distancer des chômeurs, des travailleurs informels et des personnes marginalisées qui constituent la majeure partie des mouvements sociaux. « Nous ne dépendons pas de l’aide de l’État, nous ne voulons pas d’aide, nous ne sommes pas comme les piqueteros. »

Un inconnu affronte le président Milei dans la rue en criant : « Les gens n'arrivent pas à joindre les deux bouts ! »

Milei répond : « Si les gens ne parvenaient pas à joindre les deux bouts, ils mourraient dans les rues, donc c'est faux. »

Même la presse pro-gouvernementale et de droite qualifie sa déclaration de « méprisable ».

En même temps, les organisations sociales dénoncent le refus du ministère du Capital humain de distribuer plus de cinq mille tonnes de produits alimentaires. Le ministère accuse le vaste réseau de soupess populaires gérées par les organisations sociales de pratiquer l'extorsion et affirme qu'un audit a révélé que la moitié de ces soupes populaires n'existent pas, alors que toute cette nourriture pourrit dans leurs entrepôts.

Un juge ordonne au gouvernement de commencer à distribuer la nourriture. Plutôt que d'obtempérer, celui-ci fait appel de la décision judiciaire.

Pendant ce temps, 49 % du pays vit dans la pauvreté, et 11,9 % de la population vit dans l’extrême pauvreté, définie comme « les personnes incapables de subvenir à leurs besoins alimentaires de base ».


Des manifestants devant le lieu où le ministère du Capital humain bloque des milliers de tonnes d'aide alimentaire.

21/06/2024

ANSHEL PFEFFER
Au milieu des combats à Gaza, la guerre acharnée entre Netanyahou et les généraux israéliens s’intensifie : une armée qui a un État ou un État qui a une armée ?

Anshel Pfeffer, Haaretz, 17/6/2024
Traduit par
Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les désaccords entre Netanyahou et les FDI concernant la guerre à Gaza deviennent si toxiques que le camp de Netanyahou  accuse désormais les généraux de “coup de poignard dans le dos”, une théorie du complot classique propagée par les nazis après la défaite allemande de 1918. Mais c’est une tactique risquée, voire dangereuse.

L’échange d’accusations de dimanche dernier entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et des sources anonymes des Forces de défense israéliennes concernant qui a donné l’ordre de permettre une “pause humanitaire” dans les combats dans la bande de Gaza n’est que le dernier rebondissement d’une relation de plus en plus hargneuse entre le premier ministre et l’état-major général des FDI

Dans ce cas, Netanyahou a publié une déclaration niant avoir connaissance de la pause humanitaire, s’attirant une réponse des FDI disant que cela avait été fait sur ses ordres exprès.

Ces dernières semaines, une série de problèmes ont élargi le fossé. Des officiers supérieurs ont informé les médias qu’Israël risque de perdre les “gains tactiques” des derniers mois de combats au sol à Gaza, parce que Netanyahou a refusé de permettre la formation d’une “alternative au Hamas” qui pourrait prendre le contrôle de la bande. Au lieu de cela, le Hamas retourne dans les zones déjà dégagées par les FDI.

Le chef d’état-major, le général de division Herzl Halevi, a publiquement parlé de la nécessité les FDI de recruter deS jeunes hommes haredim [juifs orthodoxes, exemptés de service militaire] pour combler ses rangs épuisés, ce qui a irrité Netanyahou, qui doit tenir les étudiants des a yeshivas [écoles religieuses] à l’écart de l’armée s’il veut garder les partis haredim dans sa coalition.

Lors de réunions privées, Halevi a parlé de la nécessité de prioriser un accord avec le Hamas pour la libération des otages encore détenus à Gaza, des remarques qui ont été rapidement divulguées. Cela constituerait une autre menace pour la coalition de Netanyahou, car ses partis d’extrême droite menacent de quitter le gouvernement si un tel accord avec le Hamas se concrétise.

20/06/2024

ANNA RAJAGOPAL
Pas besoin de “valeurs juives” dans la lutte pour la Palestine

Anna Rajagopal, Mondoweiss, 13/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Anna Rajagopal, 24 ans, est une auteure usaméricaine de père blanc chrétien et de mère hindoue, convertie au judaïsme à l’âge de 11 ans et une stratège en médias vivant à Houston, au Texas. Anna a obtenu son diplôme avec distinction en recherche et créations artistiques, ainsi qu’avec mention honorable, de l’université Rice en 2023, où elle a reçu une licence en anglais et écriture créative. Anna est une poétesse et une auteure de non fiction publiée, et son travail a été publié localement, nationalement et internationalement. L’ensemble du travail d’Anna se concentre sur les géographies de l’identité de la communauté colonisées par l’empire et en résistance Anna est une coordinatrice de médias numériques qualifiée avec une expérience dans la gestion de médias pour des publications, des institutions et des marques de célébrités. Elle a fait l’objet de violentes campagnes de dénigrement de la part d’une obscure organisation sioniste la qualifiant, vi geventlikh [comme d'habitude en yiddish] d’ “antisémite”. @annarajagopal

Les Juifs n’ont pas besoin d’invoquer les “valeurs juives” pour justifier leur travail en faveur de la libération palestinienne. En fait, le faire renforce l’idéologie même que nous cherchons à démanteler.

La lutte populaire juive pour la libération palestinienne est souvent qualifiée par une invocation des « valeurs juives ». « Mes valeurs juives m’obligent à m’opposer au génocide » (ou des variantes) est une phrase populaire utilisée dans des discours, des déclarations et des slogans — donnant un sceau d’approbation juif légitime à ce qui suit.

« Le génocide n’est pas une valeur juive » : Des militants lors d’une manifestation contre le chanteur pro-israélien Matisyahu à Philadelphie, le 22 mars 2024. (Photo : Joe Piette/Flickr)

C’est ce que disent les fondateurs et les représentants d’organisations juives comme If Not Now, Independent Jewish Voices, Na’amod et Jewish Voice for Peace. C’est ce que disent des politiciens comme politicians such as Alexandra Ocasio-Cortez. Ainsi disent des tweets viraux et des vidéos populaires.

Que ce soit intentionnel ou non, ces organisations, individus et sentiments ont un point commun qui les aligne avec les groupes et mouvements sionistes populaires : un appel à la suprématie juive.

Quelles sont exactement les valeurs juives ? Bien sûr, les valeurs juives, comme celles de toute religion, couvrent un large spectre allant du libérateur au répressif. Mais si vous demandiez à Jonathan Greenblatt, directeur de l’Anti-Defamation League, il dirait probablement que cette notion abstraite de « valeurs juives » se résume à la nécessité de défendre la communauté juive en promouvant une politique pro-israélienne face à la montée des mouvements propalestiniens, ou qu’elle se résume à soutenir le sionisme lui-même. Si vous demandiez aux dirigeants militaires israéliens, ils diraient probablement que même l’attaque génocidaire contre Gaza a été guidée par les valeurs juives.

18/06/2024

REEM HAMADAQA
La nuit où Israël a tué ma famille

Dans la nuit du 2 mars, Israël a éliminé quatre générations de ma famille. J’ai à peine survécu au massacre. Il m’incombe désormais de raconter leur histoire.

Reem A. Hamadaqa, Mondoweiss, 13/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Reem A. Hamadaqa, 24 ans, est assistante d’enseignement à l’Université islamique de Gaza et traductrice. Elle écrit pour et sur la Palestine. Vous pouvez la suivre sur X @reemhamadaqa et instagram reemhamadaqa

La nuit du 2 mars 2024, Israël a anéanti quatre générations de ma famille en une seule nuit. Une frappe israélienne vers minuit a tué 14 membres de ma famille. Cela a emporté l’essence même de ma vie, mes êtres les plus chers, et m’a marquée comme une survivante.

Reem Hamadaqa, à l’extrême droite, avec ses parents Sahar et Alaa’, et ses deux sœurs, Heba, 29 ans, et Ola, 19 ans. Ces quatre membres de la famille de Reem sont tombés en martyrs avec 10 autres membres de la famille lors d’une attaque israélienne le 2 mars dans le sud de la bande de Gaza.

« Allez vers le sud, sinon nous ferons tomber cette école sur votre tête », ont prévenu les soldats israéliens lorsque nous avons décidé de quitter notre maison dans le nord de Gaza. À ce moment-là, ma famille avait déjà survécu à 40 jours de bombardements, accueillant souvent des dizaines de personnes déplacées chez nous. Après ce message, nous n’avions pas d’autre choix que de fuir.

Notre premier arrêt fut une école voisine de l’UNRWA. C’était notre première tentative pour trouver un semblant de “sécurité”. Nous avons marché pendant plus de six heures sous un soleil brûlant pour atteindre le sud, où, en fin de compte, ma famille a été tuée dans une zone soi-disant “sûre” où l’occupation israélienne nous avait dit d’aller.

Nous avons survécu près de 100 jours chez mon oncle maternel à Khan Younès. Ce n’était pas le meilleur endroit pour trouver de la nourriture ou de l’eau, mais on nous avait assuré que c’était sûr. Sa maison se trouvait dans le bloc 89, désigné par l’occupation comme un bloc “vert”. C’est pourquoi nous sommes restés sur place et n’avons pas fui. Mais nous étions déjà déplacés.

La maison était remplie d’une douzaine de femmes et d’enfants lorsque, le 2 mars, les bombardements intensifs ont commencé vers 22h30.

Environ une heure plus tard, j’ai échangé un dernier regard avec mes parents, mes sœurs, mes cousins, ma grand-mère, et sans le savoir à l’époque, avec toute ma vie. J’ai lu le troisième chapitre d’un roman, j’ai discuté avec mes parents, nous avons appelé ma sœur qui était déplacée à Rafah dans une tente. J’ai taquiné ma sœur cadette. Je me suis endormie, fermant involontairement le dernier chapitre de ma vie.

J’ai été réveillée par des bombardements massifs, des explosions en chaîne qui semblaient interminables.

Terrifiée, je me suis réveillée en hurlant. Mon père et ma mère étaient près de la porte. Heba, ma sœur aînée, était à mes côtés. Nous avons crié. Par la fenêtre, tout ce que je pouvais voir devant la maison était en feu. Ces scènes résonnaient avec l’état de nos cœurs.

« Papa ! N’ouvre pas la porte ! » avons-nous crié. En quelques secondes, la maison était sur nous. J’ai senti les murs et le plafond s’effondrer, la pièce explosait autour de moi. J’ai vu le dos de papa et maman, et j’ai senti Heba à mes côtés, criant. J’ai vu Ola, endormie, insensible à l’explosion massive.

Je me suis réveillée sous les décombres.

C’était la pleine lune. Il faisait si sombre qu’il étaitprobablement minuit, et il faisait si froid. L’hiver ne nous avait pas encore quittés. J’étais seule, coincée sous les décombres, incapable de bouger.

Même après avoir lu des histoires sur la sensation d’être piégé sous les décombres, cela n’avait rien à voir avec ce que j’avais imaginé. Je ne savais pas combien de temps j’étais restée inconsciente. Quand je me suis réveillée, j’ai cru que c’était un rêve, un cauchemar. La douleur était insupportable.

J’ai crié de toutes mes forces, cherchant je ne sais quoi. J’ai retiré les pierres qui pesaient sur mes mains, ma poitrine, mon ventre. Elles étaient lourdes, mais ma respiration l’était encore plus. J’ai attendu l’inconnu.

J’ai entendu mon oncle crier, appelant ses fils, et j’ai entendu un homme fuyant devant les chars appeler mon oncle, venant de derrière. J’étais incapable de dégager mes jambes des décombres. Près d’une heure plus tard, mon frère et mon cousin, qui vivaient dans la maison en face, m’ont trouvée. Miraculeusement, Ahmad m’a sauvée. Il a soulevé des tonnes de pierres qui m’écrasaient.

Au lieu d’ambulances, des tanks

Ahmad m’a soulevée et m’a portée sur son dos en courant. Chaque pas qu’il faisait brisait mon âme de douleur. Il m’a emmenée chez lui, à quelques mètres de là. Cette maison aussi avait été touchée. Des éclats de verre et des meubles jonchaient le sol, coupant quiconque entrait. Ahmad m’y a déposée.

15/06/2024

GIDEON LEVY
Israël figure sur la liste noire de l’ONU des pays qui portent atteinte aux enfants, et à juste titre

Gideon Levy, Haaretz, 9/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Somalie, Syrie, Myanmar, Boko Haram – et Israël. Ensemble, et pas par hasard. La décision du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’ajouter Israël à la liste noire des pays qui portent atteinte aux enfants a insulté et choqué Israël.
Nous et la Syrie dans le même sac ?

Une enfant palestinienne est assise sur des décombres, dans la bande de Gaza, en juin. Photo Mohammed Salem/Reuters

Oui, nous et la Syrie. En Israël, tout le monde s’est lancé dans l’attaque, mais personne n’a demandé : qu’avons-nous pensé pendant que l’armée tuait des milliers d’enfants ? Que le monde resterait silencieux ? Que l’ONU ferait preuve de retenue ? Son rôle est de lancer des cris et c’est ce qu’elle a fait ce week-end .

Lorsqu’il s’agit de massacres d’enfants, toutes les excuses s’envolent, même celles avancées par Israël. Gilad Erdan peut continuer ses numéros grotesques à l’ONU : il a publié hier un enregistrement vidéo de sa conversation avec le secrétaire général, un acte sans précédent en termes de code de conduite diplomatique, le tout destiné aux oreilles du Comité central du Likoud, en prévision de son prochain poste.

Benjamin Netanyahu peut continuer à affirmer que « l’ONU s’est inscrite sur la liste noire de l’histoire ». L’ONU ? Combien d’enfants a-t-elle tué ? L’ armée israélienne en a tué 15 517, selon le ministère de la Santé de Gaza. Quelque 8 000 de ces décès ont été vérifiés par l’ONU. Beaucoup sont encore portés disparus.

13/06/2024

DAHLIA SCHEINDLIN
Une véritable opposition va-t-elle se lever ? Y aura-t-il quelqu’un pour essayer de sauver* Israël de Netanyahou, de la guerre sans fin et de l’isolement ?

 Dahlia Scheindlin, Haaretz, 10/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le départ sans surprise de Benny Gantz du gouvernement Netanyahou ne renforcera pas l’opposition, car Israël en possède à peine une digne de ce nom. C’est une mauvaise nouvelle pour qui veut mettre fin à la guerre à Gaza et au conflit israélo-palestinien


L’ancien ministre israélien Benny Gantz après avoir annoncé sa décision de quitter le cabinet de guerre du Premier ministre Benjamin Netanyahou, dimanche à Ramat Gan. Photo : Nir Elias/Reuters

Benny Gantz a fait les dernières unes politiques en Israël en annonçant dimanche soir son départ de la coalition d’urgence de guerre, sans surprendre personne.

Le pays est encore sous le choc – cette fois de bonheur – après le sauvetage de quatre otages de Gaza samedi. Les médias israéliens sont occupés à rendre compte du sauvetage triomphal tout en se contorsionnant pour éviter de mentionner que les forces israéliennes ont tué des centaines de Palestiniens lors du raid , dont de nombreux civils. Lundi, l’actualité s’est déplacée vers le projet de loi sur le service militaire pour les Haredim [orthodoxes religieux] et Gantz est devenu un thème de une parmi d’autres,  , distrayant Israël des plus grands dilemmes d’aujourd’hui et de demain.

Gantz voulait rendre les élections inévitables, surtout avant le vote clé sur le projet Haredi de lundi. Il a tenté de déclencher une dynamique politique en appelant le ministre de la Défense Yoav Gallant à se joindre à lui et à se rebeller contre le Premier ministre Netanyahou au sein du Likoud, car le départ de Gantz ne peut à lui seul provoquer des élections anticipées.

Mais même si les factions se rapprochent, cela aura-t-il une quelconque importance ? Si Gantz est l’espoir, il n’y a pas de véritable opposition en Israël aujourd’hui : pas de compétition sur les idées ou les voies pour l’avenir, ni sur les principes du type de pays qu’Israël devrait être.

Gantz s’est présenté lors de cinq scrutins, mais n’a réussi à rien promettre concernant le plus grand problème du pays : l’occupation [des territoires palestiniens depuis 1967] et le conflit israélo-palestinien. Honte à quiconque estime que cela aurait été une erreur stratégique de la part de Gantz de clarifier ses positions au cours de ses cinq années dans la politique israélienne. Personne n’aurait dû avoir besoin de la guerre actuelle pour savoir à quel point c’était une erreur mortelle et impardonnable de « gérer le conflit » et de mettre la question de côté pendant toutes ces années.


Morad Kotkot, Palestine, 2022

Quel est aujourd’hui l’attrait électoral de Gantz auprès du public ? Dimanche, il a déclaré qu’il quittait le gouvernement parce que Netanyahou a donné la priorité à sa survie politique avant le bien du pays et n’a donc pas réussi à prendre les bonnes décisions – ou aucune des décisions fondamentales – en conséquence.

12/06/2024

ALLISON KAPLAN SOMMER
Ces Israéliens qui se mettent le doigt dans l’œil en se réjouissant de la montée de l’extrême droite “pro-israélienne” en Europe

Allison Kaplan Sommer, Haaretz, 10/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les Israéliens feraient bien d’d’écouter des personnalités comme le chef de la Conférence des rabbins européens, le rabbin Pinchas Goldschmidt, qui a écrit à la veille des élections européennes qu’il n’y avait « pas de bons choix » pour les Juifs européens.


Israel Katz, janvier 2023. Photo Olivier Fitoussi

Dans des circonstances normales, les dirigeants et experts israéliens montreraient au moins une certaine détresse en apprenant que les partis d’extrême droite liés au passé nazi et fasciste et aux scandales d’antisémitisme actuels ont dominé les élections au Parlement européen.

Mais, comme pour bien d’autres choses, la guerre contre le Hamas à Gaza et la condamnation mondiale d’Israël ont modifié ce calcul. Après les récentes annonces de l’Espagne, de l’Irlande, de la Norvège et de la Slovénie selon lesquelles elles reconnaîtraient officiellement un État palestinien, la victoire de la droite en Europe a plutôt suscité l’optimisme quant au ralentissement, voire à l’arrêt de la tendance.

Le chef du bureau européen de la chaîne de télévision la mieux notée d’Israël, Elad Simchayoff, a célébré sur X la démission du Premier ministre belge Alexander De Croo , qui avait sévèrement critiqué Israël au cours de la guerre. Les responsables du ministère israélien des Affaires étrangères avaient craint que De Croo ne soit sur le point d’amener la Belgique à suivre les traces des autres pays et à reconnaître un État palestinien.

 Simchayoff a tweeté une vidéo de l’annonce en larmes de De Croo, commentant joyeusement : « Au revoir et prenez soin de vous. Nous nous souviendrons toujours de votre manque de clarté morale et de tact, en voyageant jusqu’en Égypte pour prononcer un discours au passage de Rafah quelques instants avant le passage du premier groupe defemmes et d’ enfants otages de retour en Israël. »

En effet, le 24 novembre, De Croo se trouvait à Rafah avant qu’un accord n’aboutisse à la libération de 13 otages du Hamas. Alors que le Premier ministre belge a salué cette libération et appelé à la libération de davantage d’otages, il a réservé des propos durs à l’égard d’Israël , dénonçant la « violence des colons », la violation du droit humanitaire international, le « meurtre de personnes innocentes » et appelant à un « cessez-le-feu permanent ».

Le ministre de la Diaspora, Amichai Chikli, s’est lui aussi moqué des larmes de De Croo, affirmant :« soutenir le terrorisme ne trouve pas un écho auprès du peuple belge ».


Le Premier ministre belge @alexanderdecroo a pleuré hier lorsque son parti a été vaincu. Apparemment, soutenir le terrorisme ne trouve pas un écho auprès du peuple belge.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, censé être le plus haut diplomate du pays, a publié un tweet extrêmement peu diplomatique en anglais et en espagnol, qui présentait un mème des principaux dirigeants espagnols avec des œufs crus et dégoulinants écrasés sur la tête, célébrant le fait que la reconnaissance de l’État palestinien ait été « punies» par les électeurs.

« Le peuple espagnol a puni la coalition @sanchezcastejon et @Yolanda_Diaz_ par une défaite retentissante aux élections. Il s’avère que soutenir les meurtriers et les violeurs du Hamas n’est pas payant », a écrit Katz.

Un satiriste israélien, Matan Blumenblat, a souligné dans un article sur X l’ironie du fait que la position d’Israël et de l’Europe est si lamentable que des Israéliens sont maintenant reconnaissants que « les nazis soient de retour au pouvoir ».

 Il y a des raisons pratiques à l’oscillation du pendule. Comme l’a noté le correspondant diplomatique de Haaretz, Amir Tibon, les responsables israéliens croisent les doigts pour que les résultats des élections améliorent les chances de voir les propositions anti-israéliennes rejetées par l’UE et créent plus d’obstacles aux mesures propalestiniennes que les partis de gauche ont cherché à promouvoir après le déclenchement de la guerre.

Même si cela est compréhensible, il est inconvenant pour un État juif de se réjouir de la montée de personnalités d’extrême droite et xénophobes comme la française Marine Le Pen, le néerlandais Geert Wilders et les représentants d’Alternative pour l’Allemagne, le parti d’extrême droite avec un passé néo-nazi qui a obtenu 16 pour cent des voix aux élections européennes en Allemagne, ce qui en fait le deuxième parti allemand au parlement.

Parmi les autres vainqueurs d’extrême droite : le politicien Grzegorz Braun, le député polonais qui avait utilisé en décembre dernier un extincteur pour éteindre une bougie sur une menorah allumée pour Hanoukka dans l'enceinte du Parlement polonais, expliquant que  son geste visait à « restaurer la normalité et l’harmonie en mettant fin à l’acte de victoire de Satan, du Talmud et du sectarisme » . [voir vidéo]

Les Européens juifs sont beaucoup plus circonspects quant aux résultats, comme ils l’ont été lors des élections. Les Israéliens feraient bien d’écouter des personnalités comme le rabbin Pinchas Goldschmidt, chef de la Conférence des rabbins européens, qui a écrit à la veille des élections qu’il n’il n’y avait « pas de bons choix » pour les Juifs européens.

« Nous craignons pour l’avenir de l’Europe et pour la place que nous y occupons en tant que minorité, quelle que soit la manière dont nous votons et quel que soit le vainqueur », a-t-il écrit.

Une fois les résultats connus, les dirigeants israéliens devraient envisager de faire de même.